Le jeune Arnljotur va quitter sa maison et l'Islande, pour être jardinier dans un pays éloigné où il aura à remettre en état un jardin et une roseraie magnifiques, célèbres par leur beauté, mais partiellement abandonnés depuis des années. Il laisse son père, très âgé et un peu dépassé, son frère jumeau autiste. Sa mère vient de mourir d'un accident de voiture, cette mère qu'il aimait tant et avec qui il partageait un même amour pour le jardinage et leur serre. Il laisse aussi une petite fille, bébé née d'une nuit d'amour rapide et sans suite, avec Anna qu'il connaissait à peine. Arnjoltur emporte avec lui - des boutures de Rosa Candida, une rose à huit pétales, pour les transplanter dans son jardin du bout du monde. Le récit raconte son voyage, ses rencontres, puis son installation dans ce village pittoresque au pied du monastère où Arnjoltur va travailler. Il ne sait pas encore que Anna et son bébé vont venir le rejoindre. …
Quel livre agréable ce Rosa Candida, à lire comme une friandise qui fait du bien, comme une bulle de douceur et de tendresse dans un monde qui ne l'est pas tellement!
Ce qui fait l'intérêt du roman, ce sont les personnages attachants comme le jeune Arnljotur qui est à peine sorti de l'adolescence et déjà père, bien qu'il ne réalise pas très bien ce que cela signifie.
On pense à la mort. Quand on a un enfant, on sait qu'on mourra un jour.
Ses rapports avec les autres, sa manière d'envisager la vie, et d'assumer sa paternité, avec sérieux et gravité mais aussi avec naïveté et juvénilité, en fait un personnage charismatique et sympathique. D'autres personnages sont parfois un peu décalés voire déroutants, mais toujours très humains. Ainsi le père de Anrljodur, très âgé, au vocabulaire désuet, aux idées surannées, qui apprend à cuisiner à partir des recettes de sa femme pour continuer à vivre avec elle et parler d'elle à son fils. Ainsi ce vieux moine, le frère Thomas, un peu porté sur la bouteille, mais très attentif aux autres, qui puise les conseils et le réconfort qu'il apporte à Arnljotur non pas seulement dans la Bible mais aussi, en cinéphile averti, dans les films! Ceux-ci n'ont-ils pas réponse à tout?
On regardera Le Septième sceau demain soir, dit-il, comme ça on pourra continuer avec la mort.
Et Arnljotur a bien besoin de ce père spirituel, lui qui se pose tant de questions sur la mort, sur le sexe.
"Que veux-tu dire quand tu prétends penser continuellement à la mort?
- Comme ça, de sept à onze fois par jour - ça dépend des jours. Le plus, c'est tôt, le matin, quand je viens d'arriver au jardin, et puis tard le soir, dans mon lit." (…)
Je m'attends plus ou moins à ce qu'il me demande combien de fois je pense au corps et au sexe.(…)
S'il m'avait interrogé sur les plantes, la réponse aurait été la même. Je pense autant aux plantes qu'au sexe et qu'à la mort.
J'ai beaucoup aimé aussi les passages où le jeune homme parle de l'Islande à une étrangère. Comment décrire son pays, en effet, quand on a très peu de vocabulaire. Il faut trouver des équivalences et la beauté de ce pays renaît sous les mots du jeune islandais qui devient poète :
Je trouve qu'il est important que cette jeune fille étrangère - je dis jeune fille comme mon vieux père- se représente une plage de sable vaste et déserte, sans aucune trace de pas, et puis rien d'autre que la mer sans fin avec, peut-être, la crête des vagues qui écume au loin et puis le ciel infini par dessus. Je dis infini deux fois de suite parce que j'ai envie de lui faire comprendre ce que c'est de poser le pied dans aucune trace, d'aucun homme sur le sable noir de la grève…
Et c'est peut-être ce regard de poète qui donne au roman son charme, sa drôlerie, son étrangeté. Mais si l'écrivaine adopte un parti pris résolument optimiste (trop, diront certains!) elle ne tombe jamais dans la mièvrerie. Un roman charmant.
Editions Zulma : Rosa candida