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samedi 23 novembre 2024

Camilla Grebe : L'énigme de la stuga


 

Le récit commence lorsque Lykke Andersen inculpée d’homicide volontaire déclare dans la salle d’interrogatoire qu’elle ne parlera à personne d’autre qu’à Manfred Olsson, enquêteur de la brigade criminelle. Ce qui nous ramène huit années en arrière. Désormais le récit se fera en alternance entre aujourd’hui et hier.  
Que s'est-il passé il y a huit ans ? Lykke Andersen est éditrice. Son mari, Gabriel écrivain, ses jumeaux sont deux grands jeunes hommes et, si Harry a un complexe d’infériorité par rapport à son frère David, ils sont tous deux des jeunes gens sympathiques. Une vie aisée, brillante. Lykke se considère comme chanceuse. Mais...

« La catastrophe est un oiseau rare, un visiteur inconcevable sous nos latitudes. Une nouvelle espèce dont personne ne connaît l'existence
L’impensable ne l’est que jusqu’à ce qu’il advienne, jusqu’à ce que cet étrange petit oiseau se pose  devant votre fenêtre - le vent dans les plumes, les griffes plantées sur le rebord, le vide dans ses petits yeux noirs »

Ce soir-là, c’est la fête de l’Ecrevisse, fête suédoise traditionnelle, et la famille reçoit dans leur belle maison au bord de l’eau. Les parents habitent la maison principale. La stuga, petite maison de bois située à côté, a été aménagée pour les garçons qui ont invité leur amie d’enfance, Bonnie. Tous trois y ont chacun leur chambre.
Les amis arrivent, la fête bat son plein et finit assez alcoolisée et le lendemain quand Lykke se réveille et va voir ses enfants, elle découvre le corps sans vie de la jeune fille.  L'officier de police, Manfred Olsson, mène l'enquête. La stuga était fermée à clef, les fenêtres closes de l’intérieur ; et oui, cela vous rappelle quelque chose ? Le mystère de la chambre jaune ! Force est de constater que l’un des jumeaux est coupable ! Mais lequel ?

Je ne vous en dis pas plus ! Le récit est intéressant et donne lieu à une analyse psychologique des personnages bien menée. Un polar dont la lecture est plaisante !


 

dimanche 20 octobre 2024

Stephen King : La ligne verte

 

 

Stephen King ayant fait quelques apparitions dans les blogs, j’ai eu envie moi aussi de lire un de ses livres et les hasards de la médiathèque ont fait que je suis tombée sur La ligne verte

La ligne verte se passe dans les années 1930 dans un pénitencier situé à Cold Mountain en Caroline du Nord.  Paul Edgecombe est gardien en chef du bloc des condamnés à mort. La couleur verte du lino, dans le couloir qui conduit à la chaise électrique donne son titre au roman :  La ligne verte, la ligne ultime, en quelque sorte. 

"J’ai présidé à soixante dix-huit exécutions pendant tout le temps où j’ai servi à Cold Mountain (un chiffre sur lequel ma mémoire n’a jamais hésité; je m’en souviendrai sur mon lit de mort), et je peux affirmer que la plupart des hommes prenaient conscience jusqu’à la moelle de ce qui les attendait, sitôt qu’on leur  sanglait les chevilles aux pieds en chêne massif de Miss Cent Mille Volts. (…)
C’est d’abord par les chevilles que les clients de ville prenaient connaissance de leur mort. Ils disaient leurs dernières paroles, des phrases souvent bizarres, incohérentes puis on leur passait une cagoule en soie noire sur la tête. Cette cagoule, c’était soi-disant pour leur confort, mais j’ai toujours pensé que c’était pour le nôtre. Pour nous épargner leur dernier regard. Cette insoutenable expression de désespoir à l’idée qu’ils allaient mourir attachés à cette chaise."


Ils sont cinq gardes au bloc à s’occuper des prisonniers, à les accompagner dans leurs derniers instants, à veiller que tout se passe bien, sans heurts, sans panique, aussi bien pour leur propre santé mentale que pour celle des condamnés qui doivent mourir le plus vite, le « mieux » possible. On verra ce que cela donne quand cela se passe mal !  Paul Edgecombe n’est pas contre la peine de mort mais ce n’est pas un sadique à la différence d’un de ses jeunes collègues Percy Wetmore.
Mais tout va changer pour lui à l’arrivée de John Caffey, un noir d’une taille colossale accusé du meurtre de deux fillettes.
 

 Stephen King est contre la peine de mort, à n’en pas douter et le lecteur qui lit son livre sera vite convaincu de l’inhumanité de ce meurtre autorisé, même les parents remplis de haine contre les criminels qui ont tué leurs enfants en ressortent malades.
On ne sort pas indemne de cette incursion dans ce système pénitencier tant l'écrivain nous bouscule. Si la peine de mort est au centre du récit, le racisme l’est aussi, qui règne dans cet état du sud à l’encontre des noirs et le style de King est efficace, direct, puissant et visuel. C’est vraiment un très bon écrivain. Il a aussi un don pour créer des personnages complexes, les faire vivre, nous amener à nous intéresser à  eux, prisonniers et gardiens.
J’ai, par contre, beaucoup moins aimé l’aspect fantastique du récit qui vient rompre le réalisme sans concession du récit et l’affaiblit.

Paul Edgecombe lui-même est le narrateur, âgé. En 1995, il finit sa vie dans une maison de retraite et écrit ses mémoires qui commencent à l’arrivée de John Caffey agissant comme un révélateur. Cette mise en abyme, roman dans le roman, apporte un éclairage riche et subtil au récit, car à l’image du pénitencier et de sa ligne verte qui mène à la mort, répond, comme dans un miroir, l’image de la maison de retraite, symbole de la condition humaine, qui a, elle aussi, son gardien sadique et sa ligne verte, Paul Edgecombe sachant très bien qu’il n’en sera délivré que par la mort.

mardi 3 septembre 2024

Michelle Salter : les ombres de Big Ben et Johana Gustawsson : L’île de Yule

 

Michelle Salter : les ombres de Big Ben, une enquête d’Iris Woodmore

Un petit polar anglais avec un titre bien joli, les ombres de Big Ben, et peut-être plus accrocheur que l’original, de quoi tourner la tête aux lecteurs français. Mais si l’on sait que le titre anglais The Suffragette’s daughter laisse pour ainsi dire Big Ben dans les oubliettes, alors l’on est plus proche de la vérité. Oui, l’héroïne, la journaliste Iris Woodmore, est bien la fille d’une suffragette morte noyée dans la Tamise après une action téméraire et illégitime. Et si le terme de suffragette évoque pour vous la légèreté et la frivolité de ces femmes instruites ( de la bourgeoisie aisée et parfois du milieu ouvrier) qui réclamaient le droit de vote, femmes que, bien entendu, l’on ne pouvait pas prendre au sérieux, du moins c’est ainsi qu’on les présentait,  et bien détrompez-vous ! 

Et c’est justement ce qui m’a le plus plu dans le roman !  La découverte des différents mouvements, du plus pacifique au plus activiste, et des représailles que subissaient ces femmes qui avaient le courage de s’attaquer à la domination masculine : humiliations, coups, prison… La mère d’Iris s’est noyée dans la Tamise après une manifestation de suffragettes qui a tourné mal. C’est du moins ce que croit sa fille.

Le roman commence par un prologue qui se se passe en 1914 et concerne une mystérieuse femme qui fuit une danger tout aussi mystérieux dans le plus pur style Wilkie Collins ! Puis nous retrouvons Iris après la guerre. La jeune fille découvre en interrogeant un témoin, non loin de Big Ben ( et oui, quand même ! ) que sa mère ne s’est pas noyée accidentellement mais qu’elle a sauté volontairement dans le fleuve. Pourquoi ? Est-ce qu’elle a été contrainte ? La police était-elle à ses trousses? Ce sont les questions d’Iris Woodmore et elle décide d’enquêter sur cette mort suspecte. Mais ses investigations lui font découvrir  bien d’autres mystères, une disparition, jusqu’à ce qu’un crime ait lieu dans la riche demeure de Lady Timpson à Crookam Hall. Mais je ne vous en dis pas plus!
 

Le roman n’a pourtant pas le charme d’un Wilkie Collins, il n’est pas assez complexe et approfondi au niveau  de la description de la société et de l’intrigue dont la résolution m’a un peu déçue. Mais il est bien agréable à lire.

L’île de Yule de Johana Gustawsson



Le récit se déroule dans l’île de Yule, près de Stockholm. C’est une île résidentielle recherchée pour son calme, loin des touristes et de la foule. Ceux qui y vivent doivent prendre le bateau pour aller travailler et faire leurs courses. Il n’y a  aucune épicerie, aucun hôtel. Pourtant l’endroit a bénéficié d’une triste publicité. C’est là qu’a été découvert le corps d’une jeune fille pendue à un arbre du manoir Gussman après avoir été torturée. L’assassin n’a pas été retrouvé malgré l’enquête menée par le commandant Karl Rosen. Aussi quand Emma se présente chez les Gussman en tant qu’experte en art pour procéder à l’inventaire des biens de la famille, elle n’en mène pas large. Les Gusmann ne respirent pas la cordialité, c’est le moins que l’on puisse dire, et l’ambiance est plutôt glaciale. D’ailleurs, le propriétaire lui impose des horaires stricts pour éviter de la croiser. Heureusement, le seul café du coin est occupé par une jeune femme chaleureuse, Anneli, et  Emma fait aussi la connaissance de la sympathique Lotta, la conductrice de la navette maritime, et de  Bjorn Petterson qui sert d’intendant aux Gussman comme l’a fait sa famille auparavant. Mais, quelque temps après son arrivée, une autre jeune fille est retrouvée dans la mer et Karl Rosen s’aperçoit bien vite que ce crime a beaucoup de ressemblances avec le précédent.
La lecture est plaisante et pique la curiosité. L’écrivaine crée un atmosphère particulière, étrange, autour de ces crimes mais aussi autour de ce petit garçon qui habite la maison mais semble opprimé par une mère exigeante et peut-être folle ? Et qui est cette Viktoria, la bonne, qui est une femme courageuse mais qui fuit son mari et semble être prisonnière de cette grande maison. On s’intéresse aussi au traumatisme subi par Emma, ce qui l’a isolée de tous et surtout de sa mère. Quant au commandant Rosen, veuf, il surmonte difficilement la perte de sa femme qui s’est accidentellement noyée. On suit donc ces  personnages  avec intérêt ainsi que l’intrigue qui est bien menée. Un bon roman policier.


dimanche 10 mars 2024

Ragnar Johnasson : A qui la faute ; Robert Galbraith : Blanc mortel; Lisa Gardner Le saut de l'ange, Juste derrière moi, n'avoue jamais et Retrouve-moi


 

Avec ma plongée dans la littérature latino américaine, j’avais envie de lectures plus faciles et j’ai avalé quelques polars. Certes, l’univers des polars n’est jamais très réjouissant mais il reste du domaine du « pas vrai», du style « je peux trembler de peur bien en sécurité sous mon plaid ». Ce n’est pas le même ressenti que lorsque l’on se projette en Argentine, au Chili, bref ! en Amérique latine… par temps de dictature. Des lectures qui secouent de tout autre manière !

Je parle, bien sûr, des polars distraction, aventure, et non de ceux qui nous donnent une vision approfondie, critique,  lucide et souvent noire de la société.

Ragnar Johnasson, écrivain islandais :  j’avais bien aimé avec Snjor  aussi c’est avec plaisir que je suis entrée dans ce livre A qui la faute.

Quatre amis d’enfance, Daniel, Helena, Armann, Gunnelaugur se donnent rendez-vous pour une excursion sur les hauts plateaux de l’Est de l’Islande. Mais une drôle d’ambiance s’installe entre eux et la partie de chasse tourne mal. Pris dans la tempête, ils se perdent et cherchent à se réfugier dans une cabane ou une vision effrayante (vraiment ?) les attend. 

Bien sûr, le huis clos dans la neige n’est pas forcément original mais l’on sait bien que tout dépend de la manière dont il est traité.  Et là,  je dois dire que j’ai été assez déçue.

La forme y est pour beaucoup. L’auteur a choisi de faire parler ces personnages les uns après les autres. C’est un procédé courant qui permet de faire des allers-retours du présent au passé. Mais ici ce n’est pas très réussi. Les passages de chacun d’entre eux sont parfois si rapides qu’il en résulte une impression de décousu. De plus, la  vision macabre annoncé paraît plus bizarre que macabre. D’autre part, pour ménager la surprise de la fin, l’écrivain ne peut nous expliquer certaines situations qui paraissent alors peu crédibles. Par exemple, on ne comprend pas, avant le dénouement, pourquoi Daniel et Helena repartent dans la nuit et la tempête après avoir trouvé enfin un refuge. Rien ne les y obligeait même pas ce qu’ils avaient découvert dans la cabane. 

Enfin tous les personnages sont antipathiques, donc, on ne parvient pas vraiment à s’attacher à l’un d’entre eux, d'autant plus qu'ils sont trop rapidement esquissés. Pour toutes ces raisons je n'ai pas vraiment accroché ! A qui la faute va certainement être porté à l'écran. Je pense que le suspense marchera mieux si l'adaptation est bien faite. Par l'image on peut traduire cette impression de malaise qui pèse sur le groupe sans avoir à l'expliquer.



Avec Blanc mortel, j’ai découvert cet écrivain Robert Galbraith, qui n’est autre, cachée sous un pseudonyme, que JK Rowling. Et oui, cette dernière n’est pas seulement l’auteur de Harry Potter mais aussi d’une série de polars qui mettent en scène un détective privé Cormoran Strike dont on sait qu’il a perdu une jambe dans un combat en Afghanistan. Il est accompagné dans ses enquêtes par une jeune femme Robin Ellacott, avisée et passionnée, mais qui, au début de ce roman, se marie avec Matthew, bellâtre qui voit d’un mauvais oeil le travail de son épouse.

Le roman se déroule pendant les jeux olympiques de Londres en 2012, ce qui nous permet de connaître (et l'écrivain le fait non sans humour !) les angoisses des Britanniques quant à la réussite des jeux qui ne sont pas sans rappeler les nôtres en 2024 !  On ne s’étonnera pas d’apprendre que les méchants de l’affaire (entre autres) sont les syndicalistes, les anarchistes, tous des fêtards ou des drogués, mais finalement pas des méchants très sérieux, ( JK Rowling enfile les lieux communs de bonne conservatrice sur ces milieux populaires), eux qui remettent en cause les jeux olympiques pour des raisons financières, les restrictions du budget de la santé qui en ont découlé, et soulèvent les problèmes écologiques. Mais les hauts milieux politiques aussi sont dans le collimateur.

Enfin Blanc Mortel est la quatrième volume des aventures de Cormoran Strike et de Robin et on sent qu’ils ont beaucoup vécu avant nous ! Mais cela n’empêche pas de comprendre l’action même si l'on ne commence pas par le premier.

Pendant près de 700 pages, on est tourneboulé par les aventures plus ou moins rocambolesques des deux enquêteurs, avec leurs hauts et leurs bas, leurs déboires professionnels et sentimentaux. Cela se lit bien, très vite, facilement et c’est distrayant. J’ai bien aimé.


Lisa Gardner

 

 

 Lisa Gardner est l’auteure de thrillers regroupés en trois séries : D. D. Warren, une commandant de la criminelle du Boston Policy department ; FBI Profiler où, parmi les personnages récurrents, on retrouve les profileurs Pierce Quincy et sa fille Kimberly Quincy, aidés par Rainie Conner, ancienne policière devenue enquêtrice privée ; et Tessa Leoni, ancienne subordonnée de D. D. Warren désormais détective privée.

 

 

 J'ai lu dans n'importe quel ordre les titres suivants : Le saut de l'ange, Juste derrière moi, n'avoue jamais et Retrouve-moi appartenant parfois à des séries différentes. Peu importe, chaque récit est construit indépendamment les uns des autres et l'on apprend vite ce qui est nécessaire pour comprendre les personnages. L'important, ici, c'est l'histoire, haletante, les rebondissements, les  aiguillages vers de fausses pistes. Le lecteur malin croit avoir tout compris et il est souvent trompé et le suspense fonctionne bien !



 

jeudi 2 décembre 2021

Heather Young : Un été près du lac


Le récit Un été près du lac de Heather Young se déroule sur deux époques : Celle de Lucy, une vieille dame, qui, sentant venir la fin, écrit l’histoire de cet été tragique 1935, à l’intention de sa petite-nièce Justine. Lucy avait onze ans à l’époque et ces vacances avec ses parents et ses soeurs, Lilith, l’aînée, et Emily, la cadette,  représentaient pour elle une grande source de bonheur.
Mais cette année, rien n’est comme avant.  Lilith délaisse sa soeur pour flirter avec les garçons et est en rébellion contre son père. Sa mère surprotège sa cadette Emily … mais de quel danger ? Et pourtant celle-ci disparaît dans la forêt et l’on ne la retrouve jamais
Enfin, l’époque de Justine, 1999, qui après une rupture avec le père de ses filles, cherche à s’extraire de la relation nocive qu’elle entretient avec un compagnon la fois infantile et trop possiesif et pour tout dire phagocyteur. Justement, à la mort de sa grand-tante qui lui lègue sa maison au bord du lac du Minnesota, elle quitte tout et va s’installer dans ce chalet inconfortable et glacial mais qui lui paraît d’abord synonyme de libération.

Au premier abord, mon entrée dans le roman m’a laissé une impression de déjà lue : l’adolescente rebelle, la fin de l’enfance sur fond de vacances et bord de plage… Puis je me suis laissée entraîner par ces pages qui font sentir avec profondeur les non-dits pesants qui règnent dans cette famille prétendument exemplaire. Et même si un lecteur averti comprend vite de quoi il s’agit, il n’en est pas moins vrai que l’auteur parvient à créer une atmosphère lourde, insécure, et à analyser avec finesse les noirs tourments qui agitent l’âme de ce père religieux, confit en dévotion, à la morale étriquée et rigide, et de cette mère, effacée, voire inexistante, et lâche. Quant à la disparition d’Emily, le suspense entretenu autour de ce mystère nous accompagne pendant le récit tout en générant une mélancolie sourde, jusqu’à la révélation finale qui nous laisse sans voix.
En ce qui concerne Justine, sa vie est intéressante et nous suivons avec attention les péripéties de son combat pour devenir une femme indépendante, tout en découvrant le passé de sa famille dont elle s’était éloignée. Malgré tout, j’ai préféré la première période dont les personnages m’ont paru plus fouillés, plus approfondis et qui m’a donc plus accrochée.
Un premier roman intéressant, agréable à lire, avec des qualités d’écriture, qui a été sélectionné pour le meilleur premier roman policier américain.

dimanche 28 novembre 2021

R.J. Ellory : Le chant de l'assassin


1972. Condamné pour meurtre, derrière les barreaux depuis plus de vingt ans, Evan Riggs n'a jamais connu sa fille, Sarah, confiée dès sa naissance à une famille adoptive. Le jour où son compagnon de cellule, Henry Quinn, un jeune musicien, sort de prison, il lui demande de la retrouver pour lui donner une lettre. Lorsqu'Henry arrive à Calvary, au Texas, le frère de Riggs, shérif de la ville, lui affirme que la jeune femme a quitté la région depuis longtemps, et que personne ne sait ce qu'elle est devenue. Mais Henry s'entête. Il a fait une promesse, il ira jusqu'au bout. Il ignore qu'en réveillant ainsi les fantômes du passé, il va découvrir un secret que les habitants de Calvary sont prêts à tout pour ne pas voir divulguer. (quatrième de couverture)

Un mystère donc que Henry va vouloir percer et qui unit dans le même silence les habitants de cette petit ville typique du West Texas. Ce que j’ai apprécié dans ce roman qui est sans contexte « noir » par son sujet et pas les thèmes qu’il présente, c’est la vision qu’il nous donne de la société américaine de cet Etat. Repliés sur eux-mêmes, xénophobes, sclérosés, soumis à un pouvoir corrompu, celui du shérif de la ville mais aussi de ceux qui sont au-dessus de lui, les habitants se taisent, complices, enchaînés par la culpabilité, ou obligés par la peur et la lâcheté.

On a souvent dit que le mal n’a pas besoin d’autre terreau pour prospérer que le silence et l’inaction des gens de bien.

Mais au-delà de ces aspects, ce qui m’a le plus touchée dans Le chant de l’assassin, ce sont les personnages à qui R.J. Ellory donne vie, des personnages puissants - même ceux qui sont secondaires-  dont certains sont très beaux et touchants. Ils nous offrent une réflexion pleine de sagesse, d’amertume ou de pessimisme, selon chacun d’entre eux, sur la vie mais aussi sur le mal, réflexion empreinte souvent d’une tristesse qui nous touche et nous remue profondément.

De façon différente pour chacun, l’âge adulte leur avait apporté la preuve que le monde n’était pas ce lieu magique auquel ils avaient cru enfants, mais un endroit nettement plus sinistre.

Ellory a une grande connaissance des arrière-boutiques de l’âme humaine et sait nous les révéler au grand jour, habilement, en présentant le thème que l’on peut dire biblique des frères ennemis,  Evan et Carson Riggs, chacun avec leurs zones d’ombres et de faiblesses. Face à eux, Henry Quinn incarne la jeunesse et l’espoir avec une droiture non dépourvue d’intransigeance. 

Aux yeux de Henry, il n’y avait pas réellement de différence entre une parole donnée et une parole tenue. C’était dans sa nature, un point c’est tout.

L’alcool n’arrangeait rien. Henry en savait quelque chose. Il ne faisait qu’exacerber des tendances déjà présentes en vous. Au même titre que l’argent. Ou le pouvoir. Donnez l’un ou l’autre à un homme, et vous ne ferez qu’embraser sa nature profonde et la révéler au grand jour.

La construction du roman qui se déroule en alternance dans des temps différents, celui de Evans Riggs et celui de Henry Quinn, tous deux unis malgré la distance temporelle par leur amour de la musique, donne un rythme au roman et relance sans cesse l’intérêt de l’action.

Un grand roman noir !
 

Lire le billet de Kathel : ICI



 

jeudi 4 avril 2019

Peter May : Les disparus du phare




Rejeté par les vagues, un homme reprend connaissance sur une plage. Tétanisé par le froid, le cœur au bord des lèvres, frôlant dangereusement le collapsus. Il ignore où il se trouve et surtout qui il est ; seul affleure à sa conscience un sentiment d’horreur, insaisissable, obscur, terrifiant. Mais si les raisons de sa présence sur cette île sauvage des Hébrides balayée par les vents lui échappent, d’autres les connaissent fort bien. Alors qu’il s’accroche à toutes les informations qui lui permettraient de percer le mystère de sa propre identité, qu’il s’interroge sur l’absence d’objets personnels dans une maison qu’il semble avoir habitée depuis plus d’un an, la certitude d’une menace diffuse ne cesse de l’oppresser. (résumé quatrième de couverture)

Peter May, je l’ai découvert avec sa trilogie écossaise qui se situe dans l'archipel des Hébrides, dans l’île Lewis, et c’est de loin L’île des chasseurs d’oiseaux, le premier, qui demeure mon préféré. Il offre des pages d’une force étonnante qui raconte le quotidien des hommes de cette île et décrit leur mentalité ancrée dans le passé, si loin de la civilisation urbaine actuelle.
 Avec Les disparus du Phare, Peter May retourne dans les Hébrides, plus précisément dans les îles Flannan à une vingtaine de kilomètres de l’île Lewis. L’auteur s’empare d’un fait divers réel, survenu en 1900 : la disparition jamais élucidée des trois gardiens du phare d’Eilean Mor.

Le phare d'Eilean Mor
 
 Pendant le dernier mille, des dauphins d'humeur joyeuse m'ont suivi, crevant la surface de l'eau en décrivant des arcs, tournant autour du bateau, encore et encore. Mais ils sont partis maintenant et, droit devant, s'étend Eilean Mor, trompeusement basse par rapport au niveau de l'eau. Partant d'un point élevé à son extrémité ouest, son relief descend vers une zone centrale assez plate avant de remonter vers un modeste sommet situé à l'est. Au centre le phare est juché sur un petit pic qui est en fait le point culminant de l'île et semble apparaître au milieu de nulle part. Des falaises à pic émergent de la houle, faites de couches rocheuses empilées et veinées de gneiss rose.

Pourtant, le mystère ne porte pas tant sur la  disparition de ces trois hommes que sur l’identité du personnage amnésique, échoué sur une plage, et les raisons de sa présence dans l’île qui expliquent les attaques dont il est l’objet.  J'ai regretté que la vie dans ce phare, le drame qui s'y est joué et qui constituaient en soi un sujet passionnant, n'aient pas été au centre du récit et n'aient servi que de prétexte !
Je n’ai donc pas aimé l’intrigue ! Elle traite d’un thème écologique mais qui me semble un peu plaqué sur le récit. Les îles servent de cadre, certes, mais ne sont plus au coeur du  roman comme dans la trilogie. L’histoire du phare fait couleur locale mais n’est pas authentique. Et c'est bien dommage car Peter May sait raconter une histoire et  la narration est toujours efficace.

Heureusement,  comme d’habitude, il y a le style élégant de Peter May et de belles descriptions des îles, de la tempête et du brouillard. Et là, évidemment, il fait fort!

Eilean Mor ici
J'observe au loin les collines environnantes, au-delà de la plage et des dunes, et la roche violet, brun et gris qui perce la fine peau de terre tourbeuse qui s'accroche à leurs flancs.
Derrière moi, peu profonde, turquoise et sombre, la mer se retire des hectares de sable qui rejoignent les silhouettes noires de montagnes se découpant à distance contre un ciel menaçant, marbré de bleu et de mauve. Des échardes de soleil éclatent à la surface de l'océan et mouchettent les collines. Par endroits, un ciel d'un bleu parfait troue les nuages, surprenant, irréel.

vendredi 28 septembre 2018

Donna Leone : Le cantique des innocents et Le garçon qui ne parlait pas


Le cantique des innocents


Des carabiniers agressent un pédiatre en pleine nuit pour lui enlever son fils de dix-huit mois. Venise est sous le choc. Puis les langues se délient : certains crient au scandale, d'autres soupçonnent la découverte d'un réseau de trafic d'enfants. Un vent de délation envahit la lagune ... Le commissaire Brunetti a bien du mal à distinguer les coupables des innocents.

Et voilà j’ai retrouvé une fois encore Donna Léone et le charme de la lagune, des promenades dans Venise avec Le cantique des Innocents. Comme d’habitude le commissaire Brunetti et son adjoint Vianallo arpentent la cité mais il est question cette fois d’un trafic d’enfants. Des parents stériles mais assez fortunés achètent leur progéniture à des mères en difficulté et désargentée et derrière tout cela un réseau maffieux, des milieux médicaux véreux épaulés par des politiciens qui le sont tout autant, agissent dans l’ombre. Le roman parle d’une réalité dont Donna Léone  dénonce les ramifications profondes et les zones d’ombre soigneusement cachées.
Comme d’habitude, j’ai lu le roman avec plaisir, retrouvant le commissaire Brunetti et ses petits arrêts gourmands dans les restaurants de la ville ou chez lui, petits plats préparés par sa femme, brillante universitaire mais épouse-cuisinière puisque, comme on le sait, les enseignants ne travaillant pas (ou presque), doivent -quand elles sont femmes- servir de larbins à leur mari ! Et là, Brunetti découvre que  sa vie familiale avec Paola est douce et paisible pour ne pas dire privilégiée. Le commissaire est, en effet, très secoué par cette enquête qui lui révèle le sacrifice des Innocents, enfants vendus comme des marchandises, puis arrachés à leurs parents adoptifs même si ceux-ci sont aimants, et finalement condamnés par la société à ne pas avoir de famille.

Le garçon qui ne parlait pas



Tandis que les feuilles d’automne commencent à tomber, le vice questeur Patta demande à Brunetti d’enquêter sur une petite infraction commise par la future bru du maire. Le commissaire Brunetti n’a guère envie d’aider son patron à récolter les faveurs politiques, mais il est bien obligé de s’incliner. Puis c’est au tour de sa femme, Paola, de lui présenter une requête. L’handicapé mental employé par leur pressing vient de mourir d’une overdose de somnifères, et Paola ne peut pas supporter l’idée que dans la vie comme dans la mort, personne ne l’ait remarqué ni aidé.
Brunetti se met au travail mais, à sa grande surprise, il ne découvre rien sur cet homme : pas d'acte de naissance, pas de passeport, pas de permis de conduire, pas de carte de crédit. Pour l’administration italienne, il n’a jamais existé. Plus étrange encore, sa mère refuse de parler à la police et assure au commissaire que les papiers d’identité de son fils ont été volés lors d’un cambriolage. Au fil des révélations, Brunetti commence à soupçonner les Lembo, des aristocrates, d’être mêlés à cette mort mystérieuse. Mais qui a bien pu vouloir tuer ce malheureux simple d’esprit ?

Dans ce roman, il est encore question de maltraitance, mais aussi d’éducation. Donna Leone démontre l’importance du langage comme vecteur de conscience et de socialisation. Nous y découvrons aussi ce qu’est la mort à Venise dans la vie quotidienne : comment enterre-t-on ses morts à Venise ?

Il vaut mieux ne pas lire plusieurs Donna Leone à la suite, ce que j’ai fait avec ces deux titres, parce que vous apparaît alors le fait que les romans de Donna Léone (que pourtant j’aime bien) obéissent à une recette bien rôdée, toujours la même :  la même structure de l'intrigue, des personnages prévisibles et superficiels pour ne pas dire codés, un soupçon de ville de Venise pour plaire aux nostalgiques, saupoudré de bonnes petites recettes italiennes, une confrontation, élégante et légère, entre mari et femme, Guido et  Paola, avec l'inévitable verre de vin,  intervention ou non des enfants Brunetti autour de la table !  Parfois m'agace aussi le mépris qu'éprouve la dame pour les italiens en particulier du Sud ! L’enquête policière y est plus ou moins intéressante mais ce n’est jamais ce qui est le plus important dans le roman.

Mais si l’on espace les lectures, le charme de la présence du cadre, Venise, agit ; nous découvrons le cité autrement qu’en touristes, ces touristes qui sont une mâne, à la fois, et une plaie (dixit la donna) pour la beauté et l’authenticité de la ville ! Et puis assurés que nous sommes de retrouver nos personnages familiers, leurs habitudes, leurs côtés sympathiques, nous nous glissons comme dans des pantoufles, dans le confort du roman, en terre connue! Et, c’est certain, il faut un talent écrivain pour cela même si le tout manque de profondeur.

lundi 5 février 2018

Bilan du Mois de Janvier 2018

Je lis donc je suis : jeu littéraire de Janvier

Je me suis promis de faire un bilan mensuel de mes lectures au cours de cette année 2018! Et voilà que je suis en train de flancher dès le mois de Janvier ! Donc, je me secoue !

Mes deux coups de coeur du mois de Janvier : Poésie et roman


Poésie/ Art                                                          Roman
  ICI                                                         Billet ICI/ Citation 1 / Citation 2

Romans / Théâtre

Ibsen un ennemi du peuple
Ici
 
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Les romans policiers

j'ai commencé par En sacrifice à Moloch, mon préféré, qui est le cinquième de la série Rebecka Martisson. Lu ensuite le premier Horreur boréale et le second Le sang versé. Je continuerai la série au mois de Février.

Ici
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Ici
J'ai aimé aussi :

Ici
Ici

et moins aimé :


Ici

Les romans pour enfants

Mon préféré est Chatangram, un livre-jeu à partir du tangram, puzzle chinois de sept pièces.


Ici


Ici














Ici













J'ai lu aussi au mois de Janvier :

mais je n'ai pas eu le temps de faire les billets :

Kazuo Ishiguro : Le géant enfoui

Nathan Hill : Les fantômes du Vieux pays

et début février :

Audur Ava Olafsdottir : Le rouge vif de la rhubarbe

Je suis en train de lire : Le prodige de Roy Jacobsen dont j'avais beaucoup aimé Les Invisibles

Voyage fin décembre-début Janvier : En Touraine

Visite du château de Chenonceau


















lundi 10 octobre 2016

Naïri Nahapétian : Qui a tué l’ayatollah Kanuni ?


Au festival de polars de Villeneuve-lez-Avignon alors que je venais d’acheter un roman de Thorarinsson, écrivain islandais, mon regard est attiré par le bandeau  humoristique  d’un autre livre qui proclamait : Ceci n’est pas un polar suédois! Autrement dit :  ras-le-bol de la mode des polars venus du Nord ! Nous aussi on existe !
En effet, Qui a tué l’ayatollah Kanuni n’est pas un polar suédois et pour cause! Son auteure Naïri Nahapétian, française d’origine iranienne, a quitté l’Iran à l’âge de neuf ans après la Révolution islamique. Mais elle connaît bien son pays où elle retourne souvent pour des reportages.

 Le récit

Téhéran
Narek Djamshid, français d’origine iranienne et arménienne part à Téhéran pour faire un reportage sur les élections présidentielles de 2005. Il y rencontre Leila Tahibi, une féministe islamiste, candidate aux élections et l’accompagne à son rendez-vous avec l’ayatollah Kanuni. Et ils découvrent..  son cadavre ! Narkek et Leila se retrouvent tous deux en prison. Vous avouerez qu’il y a mieux comme reprise de contact avec son pays d’origine !
D’autre part, Narek qui s’est installé chez sa tante restée à Téhéran, s’aperçoit bien vite qu’il y a un secret autour de la mort de sa mère. Libéré, il veut savoir la vérité. A côté de l’enquête policière, c’est un retour dans le passé et  dans l’Histoire de l’Iran qui nous est alors proposé.

Pour lire le livre, il faut un peu rafraîchir ses connaissances sur l’histoire iranienne contemporaine mais rien de bien insurmontable. Vous trouverez aussi quelques dates clefs à la fin du livre et un lexique qui vous permettent de suivre.

Iran : Le président Ahmadinejad élu en 2005

Tout en dénonçant les excès du régime et de la dictature religieuse, l’auteure écrit pour lutter contre les idées toutes faites que les européens entretiennent sur le peuple iranien. Effectivement si le régime des Mollahs est bien tel que nous le connaissons, si les libertés sont réduites à néant et les violences nombreuses, si tout est réglementé, y compris la vie la plus intime des individus, nous  sommes amenés à faire connaissance avec un peuple qui ne manque pas d’esprit critique, d’humour et de fantaisie. La société iranienne, du moins certaines classes sociales éclairées, excelle dans l’art de dépasser les interdits, de les détourner pour se ménager des petits espaces de liberté… non sans dangers d’ailleurs !  Moment d’anthologie, ce passage où les personnages lisent des extraits du petit livre vert de Khomeiny dont ils se gaussent dans une soirée arrosée ! Incroyable ! Quand l’humour rend le quotidien plus supportable ! 
Ce qui m’a interpellée aussi ce sont les contradictions qui existent au sein de cette société : La féministe Leila, qui se présente aux élections, revendication ô combien moderne et courageuse, porte le foulard et a une conception rétrograde des rapports entre les hommes et les femmes et de l’homosexualité. Une autre femme, directrice d’un laboratoire pharmaceutique doit demander l’autorisation à  son mari  de coucher une nuit à l’hôtel pendant un déplacement.Etrange mélange entre modernisme et traditionnalisme.
Les puissances étrangères avec, en particulier, l’ingérence des Etats-Unis dans la politique de ce pays riche - le pétrole et le gaz - ne sont pas épargnées et le livre de Naïri Nahapétian dénonce leur responsabilité dans cette main-mise du pouvoir islamique en Iran.

Plus encore donc que l’histoire policière proprement dite qui m’a paru secondaire, c’est cet aspect du livre que j’ai aimé découvrir :  comprendre par l’intérieur la société iranienne et voir comment elle fonctionne.


Naïri Nahapétian est née en 1970 en Iran, pays qu’elle a quitté après la révolution islamique. Journaliste free-lance durant quelques années, elle a fait de nombreux reportages en Iran pour de nombreux journaux. Elle travaille actuellement pour Alternatives économiques, et a publié un essai intitulé "L’Usine à vingt ans", Les Petits matins, 2006.  Qui a tué l'Ayatollah Kanuni?2009  et  Dernier refrain à Ispahan,  2012.

mercredi 6 avril 2016

Kazuaki Takano : Treize marches






Kazuaki Takano est né en 1964 à Tôkyô. Il a étudié le cinéma aux États-Unis et, à son retour au Japon, est devenu scénariste. Les Treize Marches se sont vendues à plus de 400 000 exemplaires au Japon. (source  Presse de la cité)







Treize marches de Kazuaki Takano  est qualifié de thriller mais il  présente beaucoup d’autres centres d’intérêt. Il décrit le système judiciaire japonais, ses failles et ses erreurs, et peint aussi la mentalité japonaise vis à vis de la culpabilité et du pardon.

Le récit

Ryô Kihara est condamné à mort pour un crime qu’il n’a pas commis. Il est amnésique et ne se souvient donc de rien. Mais dix ans après le drame, alors qu’il attend l’exécution de la peine, un souvenir lui revient en mémoire : il se revoit monter treize marches d’escalier. Il cherche alors à faire réviser son procès.
Jun’ichi Mikami a été condamné à deux ans de réclusion pour avoir tué accidentellement un homme qui lui avait cherché querelle dans un bar. A sa remise en liberté, il est contacté par Shôji Nangô, gardien de prison chargé de la réinsertion des prisonniers, qui lui demande de l’aider à prouver l’innocence de Kihari.

Le roman à suspense

Le roman fonctionne effectivement en jouant sur les nerfs du spectateur. Pour sauver Ryô Kihara condamné à mort, une course contre la montre est engagée. Il faut que Jun’ichi Mikami et Shôji Nangô aient trouvé les preuves de son innocence avant que l’ordre d’exécution ne soit signé car, alors, plus rien ne pourra arrêter la marche de la justice. Parallèlement à leur recherche, on suit le document qui décidera du sort de Kihara, de bureau en bureau, jusqu’à la signature suprême, celle du garde des Sceaux. Chaque minute qui passe, chaque retard, chaque échec sont donc une avancée vers la peine capitale. Le roman se lit donc bien comme un thriller et l’intrigue, d’ailleurs assez complexe, avec de nombreux rebondissements, tient le lecteur en haleine.

La justice japonaise et la peine de mort 

Voir Ici source Mediapart
Mais le roman est aussi et surtout un réquisitoire contre la peine de mort. Kazuaki Takano dépeint l’horreur d’une justice qui, telle une machine implacable, peut condamner un innocent. Une justice qui bien souvent se révèle aléatoire, condamnant l’un, absolvant l’autre, parfois inconséquente. Mais il va plus loin. Il montre tout l’inhumanité de cette attente de la mort qui peut survenir des années après la condamnation. C’est avec beaucoup de conviction que l’écrivain communique au lecteur, l’angoisse intolérable de ces prisonniers qui guettent le bruit des pas dans le couloir de la mort.. Devant quelle cellule vont-ils s’arrêter? L’arrivée de la Mort se fait dans un silence halluciné rompu par les cris de révolte du condamné qui comprend que son heure est arrivée. Mais l’horreur culmine lors de la description de l’exécution par pendaison, vue cette fois par les gardiens.  Il s’agit d’un acte que chacun d’entre eux portera inscrit dans sa chair et dans son esprit. A travers les angoisses et le sentiment de culpabilité du gardien Shôji Nanko qui se considère comme un meurtrier, nous comprenons toute la barbarie de la peine capitale. Kazuaki Takano détaille par le menu les étapes d’une mise à mort en pénétrant dans la tête et le coeur des hommes chargés de la pendaison. Ce qui n’est souvent qu’une idée abstraite se concrétise en quelque chose de terrifiant.

Culpabilité, repentir, rédemption

Enfin, autre intérêt du roman, la mentalité japonaise par rapport au sentiment de culpabilité et de pardon.  La notion de repentir est primordiale. Un assassin qui éprouve des regrets et les exprime peut éviter la peine capitale même si, bien sûr, se pose le problème de la sincérité. Cela aboutit à des aberrations :  Ryö Kihara, amnésique, ne se souvient pas qu’il a tué. Il ne peut donc éprouver de repentir si bien qu’il est condamné à mort! La réparation financière compte aussi beaucoup pour prouver la bonne foi du condamné et atténuer sa culpabilité. Un homme riche s’en sortira donc mieux qu’un pauvre. Jun’ichi Mikami est forcé lors de sa mise en liberté conditionnelle d’aller présenter ses excuses au père de la victime, une démarche terrible, pour l'un comme pour l’autre. La question de la rédemption et du pardon par le repentir est donc essentielle dans la société japonaise. Nango, gardien de prison, qui a tué légalement deux hommes, ne peut pas être jugé ni châtié. Il doit chercher ailleurs la rédemption.

Treize marches peut donc avoir des entrées différentes et je dois dire que j’ai été passionnée par les divers aspects du roman.

Treize marches paraîtra le 21 Avril aux éditions Presse de la cité.

Merci à Dialogues croisés et aux éditions Presse de al cité




lundi 4 avril 2016

Nikolaj Frobenius : Branches obscures





Né en 1965 à Oslo, Nikolaj Frobenius a écrit des romans, des pièces de théâtre et des scénarios. Actes Sud a déjà publié Le Valet de Sade (1998 et Babel n° 419), Le Pornographe timide (2000 et Babel n° 687), Je est ailleurs (2004) et Je vous apprendrai la peur (2011). Actes sud




Branches obscures est le genre de récit qui vous entraîne dans une aventure inquiétante au suspense haletant, où il est aussi question du pouvoir de l'écriture.

 Jo Uddermann, écrivain norvégien connu, marié à Agnete et père d’une petite Emma, vient de terminer son dernier roman dont tout le monde dit qu'il est son meilleur. Il  s'agit d'une retour vers son adolescence, d'une histoire qui ravive en lui des souvenirs douloureux.  Le genre de livre où l'écrivain doit puiser  très profond en lui-même et "réveiller d'anciennes plaies". Il y parle d'un  élève de sa classe, Georg Nymann, un garçon mystérieux et bizarre. Celui-ci l’a manipulé, lui faisant croire à son amitié, puis s’est révélé pervers et dangereux.  Lorsque, des années plus tard, la mère de Nymann lui apprend la mort de son fils, à l’étranger, Jo n’a aucune raison d’en douter.
Pourtant, à la sortie de son livre, Jo Uddermann se sent surveillé.  Sa petite fille de six ans a vu un homme rôder près de la maison. Toutes sortes d'évènements inquiétants se produisent autour de lui. Manifestement, on cherche à lui faire peur.  Bientôt le meurtre de Katinka, ancienne camarade d’école dont Georg Nymann était amoureux, va rendre l’écrivain suspect aux yeux de la police. Il est, en effet, l’amant de la jeune femme. Le héros s’enfonce peu à peu dans sa solitude. Sa femme le quitte en amenant sa fille. La police ne semble pas croire à ce qu’il dit. Son agent littéraire qui a reçu une autobiographie de lui a du mal à accepter l’idée qu’il n’en est pas l’auteur. La situation se tend de plus en plus jusqu’au dénouement qui nous révèlera la vérité!

Au cours du récit, le lecteur est amené à se demander si Georg Nymann est en vie. Mais il en arrive aussi à se poser des questions au sujet du narrateur lui-même  : a-t-il dit la vérité au sujet de son camarade de lycée? Est-il en train de nous mystifier ou sombre-t-il dans la folie? La structure du roman qui est une mise en abyme est très habile car elle renforce ces doutes. Un roman dans le roman. Le livre de Jo Udderman sur Georg Nymann se situe dans le passé et constitue une partie de Branches obscures qui conte le présent. Quant à la prétendue autobiographie dont nous ne connaîtrons que des bribes, troublantes, elle est une sorte d’anti-roman, une réponse inversée au récit de Jo Udderman, elle réfléchit une image déformée du personnage. Par le pouvoir de l'écriture, l'écrivain semble avoir réveillé les ombres troubles du passé.

Un petit bémol pour moi : Il y a quelques invraisemblances (ou des lacunes voulues)(?) dans l’enquête que mène la police, me semble-t-il. Cela n’enlève rien à l'intérêt mais je me suis demandée si j’étais la seule à le remarquer. En résumé, un bon suspense que j'ai lu avec beaucoup de plaisir,  un récit très bien mené et écrit.

mardi 23 février 2016

Jo Nesbo : Rue Sans-Souci



Rue Sans-Souci est  le premier polar que je lis de l'écrivain norvégien Jo Nesbo mais j’en ai d’autres sur mes étagères et il paraît que c’est l’un des meilleurs. J’y ai découvert son héros récurrent, Harry Hole, inspecteur de police alcoolique, peu orthodoxe, c'est le moins que l'on puisse dire, au niveau de ses méthodes. 
L’enquête porte cette fois-ci sur un braquage qui a mal tourné et a fait une victime, une employée de la banque tuée par le malfaiteur. Enfin s’ajoute une autre histoire, celle d’Anna, une ancienne conquête de Harry Hole avec qui il a renouée, pour son malheur, puisque celle-ci est retrouvée morte, rue Sans-Souci, après une soirée très arrosée qu’ils ont passée ensemble. Hole qui a perdu la mémoire des faits est persuadé qu’Anna ne s’est pas suicidée et enquête pour retrouver le coupable et pour que les soupçons ne retombent pas sur lui.
Le récit est donc complexe entre les deux enquêtes, l’une officielle, l’autre officieuse. De plus, Hole ne digère pas la mort de son ancienne collaboratrice (dans un roman précédent) avec qui il faisait un tandem de choc! Il est donc toujours sur les traces du meurtrier -mais en secret car l’affaire est prétendument bouclée-, persuadé qu’un de ses collègues est impliqué dans la mort de son amie.
Si l’on y ajoute le tourment amoureux de Harry Holle qui aime Rakel mais est incapable d’être fidèle et cède aux avances d’Anna, on peut comprendre que l’on ne s’ennuie pas dans un roman de Jo Nesbo. L’écrivain sait manier le suspense avec habileté, et nous nous perdons pour mieux nous retrouver dans ce chassé-croisé d’histoires et de meurtres.
Le nouveau personnage, Beate, est intéressant; je suppose que sa personnalité va continuer à se préciser dans le roman suivant et si Harry Hole n’est pas particulièrement sympathique, il se met dans une telle situation que l’on finit tout de même par se ranger de son côté!
Enfin l’histoire se déroule à Oslo que je vais aller visiter au mois de mai, ce qui est un intérêt supplémentaire.
Un grand merci à Maggie pour ce livre qui constitue une lecture agréable et mouvementée et prépare mon voyage en Norvège.

dimanche 7 février 2016

Agatha Christie : Mon petit doigt m'a dit




Le roman d'Agatha Christie Mon petit doigt m'a dit  paru en 1968 est la traduction du titre anglais By the pricking of my thumbs, réplique d'une des sorcières dans Macbeth de Shakespeare. Le film de Pascal Thomasen en est l'adaptation avec les excellents Catherine Frot et André Dussollier qui incarnent les deux héros : Tommy et Tuppence Beresford, personnages récurrents d'Agatha Christie dans quatre de ses romans.
Maintenant retraités Tommy et Tuppence vont rendre visite à leur tante, redoutable vieille dame, installée dans une maison de retraite. C'est là que Tuppence Beresford rencontre Mrs Lancaster, une pensionnaire bizarre qui lui offre un verre de lait (récurrent aussi chez Agatha Christie) en prononçant des paroles étranges il est question d'un enfant mort, peut-être assassiné. Tuppence est intriguée mais, à la mort de la tante, quand elle retourne à la maison de retraite, Mrs Lancaster a disparu. Tuppence n'aura de cesse de la retrouver, ce qui n'ira pas sans dangers!

Un roman très agréable à lire avec des dialogues pleins d'humour. J'ai bien aimé aussi   la sympathique adaptation française au cinéma.



 Les perspicaces enquêteurs qui ont trouvé la réponse sont  : Aifelle Asphodèle, Eeguab,  Keisha, Dasola, Nanou, Valentine. Bravo!