Un compagnon, nouvelle de Yordan Yovkov, raconte l’histoire d’un cheval gris vendu à l’armée et qui devient le cheval du capitaine pendant les guerres balkaniques. Si l’officier se préoccupe peu de son cheval, ses soldats sont très gentils avec lui et il finit par s’habituer à la vie militaire. C’est un animal paisible, doux, obéissant. Mais peu à peu il devient aveugle. Il est alors affecté à la tâche de porteur d’eau, ce dont il s’acquitte avec docilité malgré la peur de ne pas savoir où il se trouve. Un jour, il tombe dans une tranchée dont les soldats le tirent. Le capitaine suggère qu’on le tue. Les soldats lui demandent de l’épargner et de le leur donner. Après une trève, la guerre reprend et le capitaine est gravement blessé. On le hisse alors sur le dos du cheval, lui-même blessé, et celui-ci le ramène à l’arrière où il est soigné. Une fois guéri, le capitaine demande des nouvelles du cheval et on lui apprend qu’il est mort.
Cette courte nouvelle paraît si simple quand on la résume que l’on se demande pourquoi le lecteur ressent une telle tristesse mêlée pourtant de douceur après la lecture.
C’est que Un compagnon est écrit d’une manière simple, sobre, sans grands effets dramatiques, un peu comme la vie du cheval gris, une vie de dévouement et de travail, mais en même temps il nous fait partager les sentiments de l’animal, ses craintes, ses aspirations. L’on sent passer dans ce récit toute la tendresse de l’écrivain pour les êtres humbles mais qui font jusqu’au bout leur longue et lourde tâche. Même le plus modeste nous dit l’auteur, même un vieux cheval aveugle, a un rôle à jouer, ici, sauver la vie du capitaine. Il y a de la grandeur dans sa modestie.
On pense, non pour le style mais pour le personnage à la servante de Un coeur simple de Flaubert. Et puis aussi, comme il s’agit d’un cheval, à Coco de Maupassant mais la ressemblance s’arrête là. Coco montre la bassesse et la cruauté d'un jeune paysan qui laisse mourir de faim le vieux cheval. Dans Un compagnon, au contraire, le cheval gris est entouré de soins et d’affection par les soldats. Si le capitaine ne s’intéresse pas sa monture, c’est qu’il est jeune, toujours occupé par sa mission, s’il veut le tuer quand il tombe dans la tranchée c’est pour qu’il ne souffre plus. Pourtant, lorsqu’il apprend la mort du cheval après avoir été sauvé par lui, il n’est pas insensible et son attitude réfléchie et pensive montre qu’il a intégré la leçon.
"Le capitaine ne dit rien mais frémit. Ce fut comme si toutes ses blessures, de nouveau le faisaient souffrir. Puis il mit ses mains sous la nuque et resta ainsi, pensif, le regard dans le vague."
Yordan Yovkov (1880-1937)
Yordan Yovkov est un écrivain bulgare considéré comme le grand maître de la
nouvelle en Bulgarie à l'égal de Maupassant pour la France et de Tchekhov pour la Russie. Thomas Mann a inclus Le péché d’Ivan Béline dans
son anthologie des meilleures nouvelles du monde. Yovkov a été professeur dans sa région de Dobroujda où son père fut éleveur et qui inspira nombre de ses textes. Il est l'auteur de huit recueils de nouvelles, deux romans, quatre pièces de théâtre et est traduit en trente langues. C'est un auteur encore peu connu en France.
Bravo pour cette trouvaille ! Cette nouvelle a l'air très émouvante. On ne croise pas beaucoup d'auteurs bulgares dans les librairies et bibliothèques. Je le note pour le challenge de Sacha qui sera dédié à la Bulgarie (en septembre prochain). Yovkov est effectivement peu connu en France mais il est considéré comme un classique de la littérature bulgare.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup le résumé de cette nouvelle et cela me donne envie de la lire , merci
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