Pages

Affichage des articles dont le libellé est Bonnes nouvelles chez je lis Je blogue. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Bonnes nouvelles chez je lis Je blogue. Afficher tous les articles

dimanche 9 février 2025

Yordan Yovkov : Soirée étoilée

Van  Gogh : Nuit étoilée

 

Yordan Yovkov (1880/1937), écrivain bulgare, considéré comme le maître la nouvelle, connaît bien la ruralité puisque ses parents avaient une ferme, son père étant éleveur. Il s’attache à peindre les paysans et les traditions de sa région natale, La Dobroujda .
Dans cette nouvelle Soirée étoilée pleine de spiritualité et d’une poésie proche de la nature où le ciel et les étoiles occupent une si grande place qu’ils semblent préfigurer l’envol d’une âme, Yordan Yovkov aborde le thème de la mort d’un fillette vue par son frère, le petit Yoshka.

 Le petit Yoshka s'occupait des bœufs qui paissaient. Allongé, il était presque caché dans l'herbe. Son visage, baigné dans la lueur rosée du ciel, était clair et pur, avec de grands yeux bleus comme les fleurs bleues parmi les herbes. Dans ses mains, il tenait un bouquet de fraises rouges qu'il avait cueillies pour sa sœur malade.

Avec un deuxième personnage, Grand-père Sider, un berger, que l’enfant interroge sur les étoiles, la nouvelle se teinte d’un Merveilleux chrétien. L’enfant et le berger semblent appartenir à un conte de Noël dans lequel le ciel expose sa beauté sublimée sous les yeux de l’enfant et du vieil homme. Tous deux ont la simplicité des âmes restés proches de la nature et de Dieu.

« Et cette pile d'étoiles, c'est le berger. Vois son troupeau dispersé dans l'arc-en-ciel - les petites étoiles ; voici une autre étoile plus grande et à côté une plus petite : le berger et son chien. Tu les vois, n'est-ce pas, Yoshka ? Il existe un autre amas de telles étoiles là-bas : il s’agit du Cochon. Mais le berger passe toujours en premier, avant le soc et devant le porcher. Dieu aime les bergers. N'est-ce pas pour cela qu'ils furent les premiers à voir l'enfant Jésus… »

 Soudain l’enfant voit une étoile filante qui paraît s’écraser sur la terre. Quand une étoile tombe, lui dit le grand père, quelqu’un meurt. Or, pendant le récit du vieil homme, le petit garçon a oublié sa soeur à qui il avait pensé toute la journée, aussi est-ce avec crainte, l’esprit troublé, qu’il regagne sa maison. En arrivant, il découvre qu'Angelina est morte.

Yochka, toujours avec le bouquet de fraises rouges à la main, tournait vers le ciel son visage baigné de larmes. Il était ainsi couvert de milliers et de milliers d'étoiles ; mais Yoshka n'entendait plus ces sons calmes qui semblaient venir d’elles sur la terre. Elles se regardaient maintenant timidement et embarrassés, comme si elles s'interrogeaient sur l'amie soudainement disparue - l'âme douce de la petite Angelina. .
 

 


 

lundi 27 janvier 2025

Tolstoï : La matinée d’un seigneur

 


Dans la nouvelle  La matinée d’un seigneur de Léon Tosltoï, le jeune Nekhludov, dix-neuf ans, étudiant en troisième année à l’université, revient dans son domaine après la mort de son père et décide d’abandonner ses études pour se consacrer à remettre en ordre  ses affaires. Il est jeune, idéaliste et voit son travail comme une vocation, c’est ce qu’il écrit à sa tante :

« J’ai découvert que le mal principal tient à la situation plus que miséreuse des paysans, et c’est un mal qu’on ne peut y remédier que par le travail et la persévérance (…) N’est-ce pas mon devoir le plus sacré de me vouer au bonheur de ces sept cents âmes dont j’aurai à rendre compte à Dieu ? » 

 

Tolstoï labourant de Illia Repine

Une fois sa décision prise, le jeune Barin se consacre entièrement à sa « vocation ». Un an après,  Tolstoï  décrit la journée du jeune homme qui visite ses serfs pour leur apporter des secours. Et la description qu’il nous donne de la vie des paysans et des difficultés du maître est d’une terrible ironie. D’une famille à l’autre c’est le constat d’une misère telle qu’il est impossible d’en venir à bout ni de la soulager.
Il se heurte tour à tour à la méfiance des paysans vis à vis du seigneur et de sa toute puissance, à leur mentalité qui leur fait refuser tout ce qui est nouveau. S’il veut que leurs enfants aillent à l’école qu’il a aménagée pour eux, ses serfs le supplient de ne pas les priver de leur main d’oeuvre, s’il veut  envoyer une femme malade à l’hôpital pour se faire soigner elle n’a pas le temps, les enfants, les bêtes à nourrir, les  travaux de ferme, elle ne peut s’absenter. Les serfs refusent aussi de s’installer dans les maisons en dur qu’il a fait construire pour eux et qui ressemblent disent-ils à des prisons. Certains sont travailleurs et intelligents mais leur terre est argileuse et ne produit pas et le maître constate qu’il existe une sorte de cercle vicieux :  les paysans les plus pauvres ne peuvent fumer leur terre parce qu’ils n’ont pas de bétail mais s’ils en avaient ils ne pourraient pas nourrir leurs bêtes parce que la terre n’est pas assez riche ni assez étendue. De plus, comme le dit l’un d’entre eux au Barin, « ce n’est pas le fumier qui produit le blé mais Dieu » et si Dieu ne veut pas, on ne peut rien faire. D’autres mieux partagés ont de la bonne terre mais sont paresseux, boivent, n’entretiennent pas la propriété, s’abandonnent à leur sort. Le maître se heurte à l’immobilisme et la résignation. Ainsi lorsqu’il reproche son inertie à l’un de ses paysans, celui-ci se tait et toute son attitude semble dire :

«  Je sais, je sais, ce n’est pas la première fois que j’entends cela. Eh bien ! Frappez-moi s’il le faut je le supporterai ». Il semblait désireux que le maître cessât de parler et le frappât au plus vite, et même qu’il frappât avec force ses joues bouffies, mais qu'il le laissât tranquille le plus tôt possible."

La mère de ce dernier supplie même le barin d’envoyer son fils qui refuse de travailler à l’armée  : « Punis-le, envoie-le comme soldat, ce sera la fin, je n’ai plus de force avec celui-là ! »

Pourtant la misère est terrible, les serfs ne mangent pas à leur faim, le pain manque souvent, les habitations sont infestées, branlantes :

« Nekhludov entra dans l’isba. Les murs rugueux, enfumés d’un côté étaient couverts de guenilles et de loques, et de l’autre, absolument grouillants de cafards rougeâtres qui pullulaient près des icônes et du banc. Au milieu du plafond de cette petite isba de six archines, noire et puante, il y avait un grand trou, et bien qu’il y eût des étais en deux endroits, le plafond était tellement affaissé qu’il semblait menacer incessamment d’un effondrement. »

On y retrouve aussi Semione Doutlov qu’on a déjà vu dans la nouvelle Polikouchka. C’est l’exemple du paysan riche mais qui refuse par avarice d’étendre son exploitation, de louer des terres, d’acheter des bois, ce qui profiterait à toute la communauté. Il préfère l’argent gagné plus facilement en faisant du roulage, transport de marchandises qu’il confie à ses fils et neveu.

 

Sophie, Maria, Alexandre Tolstoï et les enfants de paysans

Pauvre Nekhludov ! Tout le monde se moque de lui et il en éprouve de la honte.  Non seulement il ne parvient pas à réaliser ses rêves mais, en plus, il est presque ruiné et il est considéré comme un imbécile par ses voisins et ses paysans. Et voilà ce que lui dit sa vieille nourrice : «  Excuse-moi, mon petit père … Tu as déjà donné tant de libertés aux paysans que personne ne craint plus rien; est-ce ainsi que font les maîtres ? Il n’y a rien de bon ici, tu te perds toi-même et le peuple se gâte. » 

 
Bien sûr, Tolstoï évoque ici sa propre expérience. Il avait créé une école et c’est sa femme Sophie et deux de ses filles qui faisaient la classe aux enfants. Quand il voulut affranchir ses serfs en 1856 et leur donner des terres, ceux-ci refusèrent, pensant qu’il voulait les escroquer.

 

dimanche 26 janvier 2025

Léon Tolstoï : L'histoire d'un pauvre homme ou Polikouchka

 

 

 

L’Histoire d’un pauvre homme de Léon Tosltoï est paru en 1860 sous le titre de Polikouchka. Une conversation entre la Barina, propriétaire du village, et son intendant nous apprend que celle-ci doit choisir trois recrues parmi ses serfs pour l’armée impériale.

« Ce jour-là, il s’agissait du recrutement. Le domaine devait trois hommes. Deux étaient désignés d’emblée, par la force des choses, par la réunion de certaines conditions de famille à la fois morales et économiques ; pour ceux-là, il n’y avait plus à hésiter ni à discuter : le mir, la barinia et l’opinion publique étaient d’accord sur ce point. C’était le troisième qui faisait l’objet de la discussion. Le gérant ne voulait pas qu’on touchât à aucun des trois Doutlov ; il eût préféré qu’on prît à la place le dvorovi chef de famille, Polikouchka, un garnement mal famé, surpris trois fois volant des sacs, des guides et du foin. » 
Les serfs constituaient la plus grande partie de l’armée et c’est, en effet, au seigneur qu’incombait ce choix qui n’était pas sans conséquence pour ceux qui étaient recrutés.  A l’origine, le service durait vingt cinq ans, le serf y était misérable, affamé, soumis à une discipline terrible. C’était une sorte de mort civile. Il ne revoyait plus sa femme qui, bien souvent était obligée de se prostituer pour vivre, ni  ses enfants, il perdait ses droits et ses biens s’il en avait, et lorsqu’il était libéré -s'il ne mourrait pas avant-, il n’avait comme recours que la mendicité. C’est pourquoi, bien souvent, le seigneur choisissait des hommes dont il était mécontent et en profitait pour se débarrasser des fortes têtes. C’était devenu un moyen de punition.
 

La Barina hésite, elle ne veut pas de mal aux Doutlov mais elle ne veut pas sacrifier Polikouchka qu’elle a converti elle-même et qui lui a promis d’être honnête :  sauver une âme, la ramener à Dieu, ce dont elle n’est pas peu fière ! Elle décide donc de laisser à l’assemblée rurale, le Mir, le soin de trancher. C’est Illyouchka, le neveu de la famille Doutlov qui est tiré au sort.
Pendant ce temps, la Barina met Polikouchka à l’épreuve en l’envoyant à la ville chercher une forte somme d’argent que lui doit un marchand, en charge au serviteur de lui ramener la somme intacte. Elle lui fait confiance.

Polikouchka va-t-il réussir son épreuve ? Le neveu va-t-il échapper à l’armée ? Je ne vous en dis pas plus mais sachez que l’histoire est tragique et que le dénouement est particulièrement cruel. Tolstoï décrit la vie russe, la pauvreté incommensurable des serfs et les mentalités. La nouvelle présente une critique sociale assez appuyée : la Barina pourrait racheter le serf mais cela ne lui vient pas à l’esprit malgré l’étalage de bons sentiments et le vieux paysan, le riche Semione Doutlov, pourrait faire de même pour son neveu bien qu’il prétende être pauvre mais il est trop avare. Tolstoï insiste bien sur ce point et réunit dans une même critique la maîtresse et le paysan, tous deux hypocrites et égoïstes. On lit le récit en état d’urgence tant on est angoissé de savoir ce qui va arriver. Une nouvelle très forte.  Du Tolstoï ! What else ?


Voir Keisha Ici

 

Chez Je lis je blogue

 

samedi 25 janvier 2025

Yordan Yovkov : Un compagnon


 

Un compagnon, nouvelle de Yordan Yovkov, raconte l’histoire d’un cheval gris vendu à l’armée et qui devient le cheval du capitaine pendant les guerres balkaniques. Si l’officier se préoccupe peu de son cheval, ses soldats sont très gentils avec lui et il finit par s’habituer à la vie militaire. C’est un animal paisible, doux, obéissant. Mais peu à peu il devient aveugle. Il est alors affecté à la tâche de porteur d’eau, ce dont il s’acquitte avec docilité malgré la peur de ne pas savoir où il se trouve. Un jour, il tombe dans une tranchée dont les soldats le tirent. Le capitaine suggère qu’on le tue. Les soldats lui demandent de l’épargner et de le leur donner. Après une trève, la guerre reprend et le capitaine est gravement blessé. On le hisse alors sur le dos du cheval, lui-même blessé, et celui-ci le ramène à l’arrière où il est soigné. Une fois guéri, le capitaine demande des nouvelles du cheval et on lui apprend qu’il est mort.

Cette courte nouvelle paraît si simple quand on la résume que l’on se demande pourquoi le lecteur ressent une telle tristesse mêlée pourtant de douceur après la lecture.
C’est que Un compagnon est écrit d’une manière simple, sobre, sans grands effets dramatiques, un peu comme la vie du cheval gris, une vie de dévouement et de travail, mais en même temps il nous fait partager les sentiments de l’animal, ses craintes, ses aspirations. L’on sent passer dans ce récit toute la tendresse de l’écrivain pour les êtres humbles mais qui font jusqu’au bout leur longue et lourde tâche. Même le plus modeste nous dit l’auteur, même un vieux cheval aveugle, a un rôle à jouer, ici, sauver la vie du capitaine. Il y a de la grandeur dans sa modestie.

On pense, non pour le style mais pour le personnage à la servante de Un coeur simple de Flaubert. Et puis aussi, comme il s’agit d’un cheval, à Coco de Maupassant mais la ressemblance s’arrête là. Coco montre  la bassesse et la cruauté d'un jeune paysan qui laisse mourir de faim le vieux cheval. Dans Un compagnon, au contraire, le cheval gris est entouré de soins et d’affection par les soldats. Si le capitaine ne s’intéresse pas sa monture, c’est qu’il est jeune, toujours occupé par sa mission, s’il veut le tuer quand il tombe dans la tranchée c’est pour qu’il ne souffre plus. Pourtant, lorsqu’il apprend la mort du cheval après avoir été sauvé par lui, il n’est pas insensible et son attitude réfléchie et pensive montre qu’il a intégré la leçon.

"Le capitaine ne dit rien mais frémit. Ce fut comme si toutes ses blessures, de nouveau le faisaient souffrir. Puis il mit ses mains sous la nuque et resta ainsi, pensif, le regard dans le vague."


Yordan Yovkov (1880-1937)


Yordan Yovkov est un écrivain bulgare considéré comme le grand maître de la nouvelle en Bulgarie à l'égal de Maupassant pour la France et de Tchekhov pour la Russie. Thomas Mann a inclus Le péché d’Ivan Béline dans son anthologie des meilleures nouvelles du monde.  Yovkov a été professeur dans sa région de Dobroujda où son père fut éleveur et qui inspira nombre de ses textes. Il est l'auteur de huit recueils de nouvelles,  deux romans, quatre pièces de théâtre et est traduit en trente langues. C'est un auteur encore peu connu en France.

 

 


 

mardi 14 janvier 2025

Fédor Dostoievski : l ’arbre de Noël et le mariage

 

A priori qu’y a-t-il de commun entre un arbre de Noël et un mariage ? C’est ce que va nous expliquer Dostoievski dans cette nouvelle qui ne manque pas de cruauté.

Le narrateur assiste à une fête donnée à l’occasion de Noël par un homme d’affaires. Cette réunion qui rassemble les enfants autour de l’arbre est, en fait, un prétexte pour les pères de discuter de leurs  affaires et le narrateur, peu intéressé, se retire dans un petit salon, derrière un massif de plantes qui lui permet d’observer sans être vu.
C’est la position idéale pour l’écrivain qui y va de sa verve satirique. Il y a l’invité de marque, Julian Mastakovitch, que l’on entoure de prévenances, que tous flattent  :  « un homme bien nourri, tout rouge de figure, avec une ventre rond sur des cuisses très grasses. »

Il y a aussi l’invité dont personne ne se soucie et qui  « était obligé pour se donner une contenance, de lisser ses favoris, d’ailleurs fort beaux. Mais il le faisait avec tant d’application qu’on aurait pu croire que les favoris étaient venus au monde d’abord et qu’ensuite on avait désigné ce monsieur pour les lisser »

J’adore ce genre de détail qui fait tout le sel de la nouvelle et porte la griffe d’un grand écrivain. Ou encore les petites notations sociales qui indiquent le rang des enfants et témoigne de la hiérarchie toujours marquée même en ce jour de fête chrétienne ! 

« la fillette aux trois cent mille roubles de dot reçut la plus belle poupée …  et ainsi de suite : la valeur du jouet diminuant en proportion de la moindre importance pécuniaire des parents »

La fillette (qui a 11 ans) vient se réfugier dans le salon avec sa poupée où notre narrateur est toujours dissimulé. Un garçon pauvre, modestement vêtu, qui n’a reçu qu’un petit cadeau et est rejeté par les autres, vient la rejoindre. C’est le fils de l’institutrice.
Mais soudain l’invité de marque, Julian Mastakovitch, s’introduit dans le salon et comptant à voix haute, calcule à combien montera la dot de la petite fille lorsqu’elle sera en âge de se marier, à seize ans. Puis il se dirige vers l’enfant et cherche à  l’embrasser  : « il se pouvait que le calcul sur les doigts l’ayant séduit, il eut agi comme un gamin en voulant aborder l’objet de ses rêves qui ne pouvaient devenir réalité que dans cinq ans. ».

La concupiscence de cet « homme respectable » qui passe sa honte et sa colère du refus de la fillette sur le fils de l’institutrice en dit long sur ses intentions et éclaire le titre. Mais je vous laisse découvrir la suite.

On remarquera que l'homme est le seul à être nommé, peut-être pour montrer le rang privilégié qu’il occupe dans cette société ? Peut-être pour dire que l’on ne peut avoir un nom que lorsque l’on est riche et de sexe masculin. On peut alors s’acheter les petites filles bien dotées. La jeune fille n’a pas de nom, elle est appelée la fillette aux trois cent mille roubles comme si elle n’avait pas d’individualité et d'autre intérêt que sa valeur marchande. Et c’est bien le cas ! Le fils de l’institutrice, outre cette périphrase manifestement dévalorisante, collectionne les termes dépréciatifs : mon petit, garnement, petit polisson. Ce sont les deux victimes, anonymes, l’une fille et riche, l’autre garçon et pauvre, de cette société mercantile.

Une petite nouvelle qui n’a l’air de rien mais en dit beaucoup !

 


samedi 11 janvier 2025

Nikolaï Gogol : La Perspective Nevski

 

La Perspective Nevski



Nikolaï Gogol

Comme le titre l’indique La Perspective Nevski de Gogol est le grand sujet de cette nouvelle ! Le récit commence par une longue description de cette immense artère : « Il n’y a rien de plus beau que la Perspective Nevski » qui nous décrit "la reine des rues" à tous les moments de la journée.
C’est là que nous rencontrons les deux personnages importants du récit, le doux et rêveur Piskariov, peintre pauvre, amoureux timide et idéaliste et le lieutenant Pirogov, officier bravache et superficiel, arrogant et brutal séducteur, deux hommes que tout oppose. C’est dans la Perpective Nevski que l’un rencontre une brune splendide dont il va s’éprendre, pour son malheur, l’autre une blonde jeune femme, mariée à un artisan allemand, qu’il va s’efforcer de séduire. Ce qu’il va advenir d’eux et de leur amour ? C’est ce que je vous laisse découvrir mais sachez que  le sort de chacun d'eux est aussi dissemblable que leur caractère respectif. L’art du portait satirique est, dans cette nouvelle,  comme toujours chez Gogol,  très réussi !
La nouvelle nous ramène ensuite sur la Perspective Nevski et sur une méditation sur l’injustice  du destin : « comme le destin se joue mystérieusement de nous ! Obtenons-nous jamais tout ce que nous désirons ? » et sur l’illusion de l’apparence : «  Tout n’est que rêve, et la réalité est complètement différente des apparences qu’elle revêt ».

A noter, au passage, de la part de ce brave Gogol des propos misogynes que je me fais un plaisir de rapporter ici tant il témoigne de l’outrecuidance et la sottise masculine. Il faudrait collecter tous les propos de ce style chez les écrivains, même les plus grands ! Il y aurait matière à un gros livre !

« D’ailleurs la bêtise ajoute un charme de plus à une jolie femme. Je connaissais, en effet, de nombreux maris qui étaient extrêmement satisfaits de la bêtise de leur épouse : Ils y voyaient une sorte d’innocence enfantine. La beauté produit de vrais miracles : tous les défauts moraux ou intellectuels d’une jolie femme nous attirent vers elle, au lieu de nous en écarter, et le vice même, acquiert un charme particulier, mais dès que la beauté disparaît, la femme est obligée d’être beaucoup plus intelligente que l’homme pour inspirer non pas l’amour mais simplement le respect. »

 

Dans le blog :  Je lis, je blogue


jeudi 9 janvier 2025

Ivan Sergueïevitch Tourguéniev : Fantômes


 


Cette nouvelle de Tourguéniev laisse la part belle au fantastique et au rêve tout en s'achevant sur un sentiment très fort d'angoisse métaphysique.

Chaque nuit une belle jeune femme mystérieuse, éthérée, vient visiter le héros du récit, un jeune aristocrate, (Tourgueniev ? Le récit est à la première personne) et lui donne rendez-vous au pied d'un vieux chêne foudroyé. Là, la visiteuse nocturne, Ellys, dont il croit vaguement reconnaître les traits de ce visage évanescent, le transporte en volant comme un oiseau, dans des contrées lointaines aussi bien dans l'espace que dans le temps. Mais que ce soit en Italie où les armées de César ivres de carnage acclament leur empereur, que ce soit en Russie où la foule menée par le cosaque Stenka Razine contre la noblesse, se déchaîne, allumant incendies, violences et meurtres, que ce soit à Paris où la ville des lumières s'efface bien vite et devient la ville des prostituées, "de l'ignorance et des calembours faciles" et "des verres d'absinthe troubles", tout dans ces survols lui paraissent terrifiants, négatifs, terre à terre ou encore ridiculement petits et insignifiants.

 "Tout notre globe avec ses habitants éphémères, sa population infirme, écrasée par le besoin, le chagrin, la maladie, enchaînée à une masse de poussière méprisable; l'écorce fragile et rugueuse enveloppant ce grain de sable qu'est notre planète (...); les hommes- ces moucherons mille fois plus insignifiants que les vrais moustiques-; leurs habitacles modelés dans la boue, les traces imperceptibles de leur agitation monotone, de leur lutte ridicule contre l'inéluctable et le préétabli- tout cela me donnait subitement  la nausée..."

Mais peu à peu, le jeune homme constate que le visage d'Ellys devient plus consistant, plus visible, tandis que ses propres forces s'amenuisent et le narrateur s'interroge : Qui était-elle cette Ellys? Un fantôme? Une émanation du Malin ? Une sylphide ? Un vampire ? Par moments, il me semblait qu'elle était une femme que j'avais connue autrefois....". 

Je ne vous en dirai pas plus  !

Ou plutôt, je dirai que la force de Tourguéniev vient de ce qu'il retombe sur ses pieds dans cette haute voltige de voyages vertigineux et nous ramène à la plate réalité et au sentiment de la petitesse de l'homme.

PS :  Je viens de voir le récapitulatif de Bonnes nouvelles dans le blog de Je lis Je blogue alors que je pensais que le défi commençait en Janvier !  Je crois que j'ai tout faux !