La biographie de Léonard de Vinci de Serge Bramly est paru aux éditions
JC Lattès en 1989 et a été rééditée en 2004. Elle est considérée jusqu'à
ce jour comme l'une des meilleures parues sur cet immense artiste et il
faut bien dire qu'elle est passionnante et riche. Elle permet de cerner
au plus près le génie de de cet homme de la Renaissance,
autodidacte épris de savoir, peintre, sculpteur, architecte, musicien,
sage et philosophe mais aussi inventeur, anatomiste, mathématicien,
astronome… bref ! un homme universel. Elle a aussi le mérite de nous
faire vivre dans l'Italie de la Renaissance, à Florence, Milan, Rome, de nous faire pénètrer dans les botteghe d'artistes, les ateliers de Florence ou à la cour des puissants Sforza. Nous y rencontrons les hommes
célèbres que Léonard de Vinci a côtoyés, avec qui il s'est lié d'amitié
ou au contraire qu'il a considéré comme ses rivaux. Elle nous propose
aussi des analyses très intéressantes des oeuvres du peintre.
Pourtant, l'auteur dès les premières lignes souligne la
difficulté d'écrire une biographie sur cet homme
complexe, cerné de zones d'ombre. Léonard de Vinci, en effet, est
auréolé d'une gloire qui, tout en le plaçant en pleine lumière, fausse
notre vision. Et ce ne sont pas les nombreux carnets dans lesquels il
consignait ses pensées, ses recherches, ses doutes mais aussi ses
dépenses quotidiennes, des fragments de lettres, des brouillons, des
croquis, des listes de mots qui lèvent obligatoirement le mystère.
Certes, ils fournissent une quantité de renseignements précieux mais
jamais complets ou explicites et qu'il faut souvent interpréter. Aussi
Serge Bramly précise qu'il cherchera à prendre du recul par rapport aux
anecdotes, aux récits, aux hagiographies qui parlent de Vinci et le
parent d'une aura mythique. Une des sources, parmi
tant d'autres, sur lequel Bramly s'appuiera est La vie des meilleurs
peintres et sculpteurs et architectes de Giorgio Vasari, peintre,
architecte du XVIème siècle à Florence qui avait huit ans à la mort de
Léonard. Si Vasari n'a pu connaître lui-même l'artiste, il a travaillé
dans des ateliers où son souvenir était encore très vivace et il écrit
: Quoi qu'il fasse, chacun de ses gestes est si divin que tout le monde
en est éclipsé, et on saisit clairement qu'il s'agit là d'une faveur
divine et non d'un effort humain." Enfin, Cellini dit de lui qu'il est "un ange incarné". Pourtant si Vinci connaît la notoriété, il doit faire face aussi à de nombreux échecs, d'oeuvres inabouties, comme si ce visionnaire ne pouvait réaliser jusqu'au bout ce qu'il crée en esprit.
Le baptême du Christ par Verrochio, achevé par Léonard de Vinci
Né à Vinci le15 Avril 1452, fils illégitime de Ser Piero de Vinci, notaire et de Catarina, jeune paysanne, Léonard fait ses études à Florence dans l'atelier du peintre et sculpteur Verrochio. Accusé de sodomie et traîné en justice, il part à Milan à la cour de Ludovic le More où il a l'ambition de se faire connaître en tant qu'ingénieur militaire, sculpteur et peintre. Il crée la plus grande statue de cheval, en argile, jamais réalisée mais n'arrivera pas à la fondre. Il mettra son génie au service des fêtes somptueuses données par le More, et imaginera pour lui des engins militaires. Lorsque Milan capitule devant les français, Vinci qui jouissait d'une certaine aisance et de la notoriété à la cours des Sforza part à Rome, Venise puis en France, attiré par le roi François 1er à Amboise. C'est là qu'il mourra le 2 mai 1519.
Léonard de Vinci : son apparence physique
Autoportrait de Léonard de Vinci Bibliothèque de Turin
Le Maître apparaît doté non seulement de dons exceptionnels mais aussi d'une grande beauté physique. On a de nombreuses descriptions de lui de la part de ses contemporains qui le décrivent comme très soigné de sa personne, avec sa barbe peignée et frisée, son court manteau de couleur rose. Mais le seul autoportrait avéré, celui de la bibliothèque de Turin, exécutée à Milan en 1512 avant son départ à Rome, une sanguine très fouillée, très aboutie, le représente âgé, les traits usés, un homme en proie au doute, à l'amertume. Ce qui surprend dans cet autoportrait c'est que les yeux du peintre ne regardent pas en face car Léonard de Vinci utilise un jeu de miroirs qui lui permet de se peindre sans se regarder en face.
L'autoportrait de Turin- seul portrait quasi incontestable de Léonard- parle de noblesse,
d'une grandeur poignante, sans doute, mais ne laisse guère deviner
derrière les rides désabusées qu'il avoue, l'Appolon que le vieillard
de soixante ans put être autrefois. (….) C'est un autoportrait pour soi,
enregistré par un crayon minutieux mais urgent, sans possibilité
mais(ni désir) de repentir, presque un instantané.
Léonard de Vinci : Le peintre
La Joconde
Léonard, curieusement, dès que les questions théologiques perdent leur importance, qu'on n'attend plus du peintre qu'il délivre un message, séduit d'abord par son hermétisme, son étrangeté que d'autres qualifiaient d'extravagance. "Devant la Joconde, écrit Julien Green dans son journal, j'entendis dire que cette peinture créait l'illusion de la vie. Elle crée bien plus, elle crée l'illusion du rêve.
La Vierge aux Rochers
La Vierge aux Rochers nous transporte de la même façon à l'intérieur d'un espace-temps irréel; cela défie l'analyse. On ne sait trop où prendre des termes pour exprimer l'impression ressentie. Le mystère, s'il peut se discuter, ne s'accorde pas avec le bon sens ni la raison; il nous ravit -parce que l'artiste lui a donné la force de l'évidence.
La dame à l'hermine
La dame à L'Hermine est le portrait de Cecilia Gallerini, la jeune maîtresse du duc de Milan, Ludovic le More :
La jeune femme tient dans ses bras une hermine ou une martre, animal qu'on élevait depuis l'antiquité au lieu des chats, semble-t-il, pour chasser les souris; or l'hermine compte parmi les innombrables emblèmes du duc et le nom de l'animal est en grec Galé, d'où un jeu de mots probable sur le nom de Gallerani.
Léonard de Vinci : Le savant
Avion
La science après s'être longtemps ébahie, hésite pourtant sur la valeur exacte qu'on doit accorder à ces découvertes - ou embryons de découverte.
Ainsi, explique Serge Bramly, Léonard de Vinci dit que là où ne brille aucune flamme, nul animal ne peut vire, mais c'est une constatation courante et pas un savoir. Léonard ne sait pas ce qu'est l'oxygène. D'autres "inventions" de Léonard de Vinci étaient déjà des préoccupations d'autres chercheurs de son temps.
Char de guerre
L'histoire des sciences, à travers laquelle nous appréhendons ses découvertes, fausse souvent, dans un sens comme dans un autre notre appréciation de la science de Léonard. Il faut être très prudent : je n'entrerai pas dans le débat ; personnellement, je suis tout autant émerveillé par les innombrables résultats auxquels Léonard aboutit (quelque limite qu'on leur donne) que par son extraordinaire besoin de comprendre, par la volonté obstinée qui le pousse sans répit dans tant de recherches, lui faisant poser des questions que nul n'a posées avant lui, par le fait enfin que cet autodidacte, disposant de moyens dérisoires, explorant l'univers à ses heures perdues, comme pour passer le temps, réussit au bout du compte, principalement grâce à des analogies, des correspondances, à élaborer une théorie générale du monde solide, puissante, cohérente.