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mardi 19 juillet 2011

Jean-Luc Lagarce : Juste la fin du monde et J'étais dans ma maison... de la Cie Ubwigenge

J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne .. Cie Ubwigenge


Jean-Luc Lagarce est un des auteurs contemporains les plus joués non seulement festival d'Avignon mais aussi en France. Il est au programme du baccalauréat et de l'agrégation de Lettres modernes. J'ai voulu lire une des oeuvres du dramaturge avant d'aller voir une de ses pièces.

Juste la fin du monde raconte l'histoire d'un homme qui est parti loin de sa famille et ne lui a jamais donné de nouvelles. Apprenant qu'il va mourir, il retourne chez les siens pour leur annoncer sa mort prochaine. Son frère et son épouse, sa petite soeur et sa mère l'accueillent. Chacun se met à parler pour lui dire comment ils ont vécu la séparation, pour lui reprocher son indifférence et son silence, exprimer ses souffrances. Sous ce flot de paroles qui laissent apparaître des sentiments mêlés d'amour et de colère, l'homme ne replie sur lui-même. Il repart sans leur avoir révélé la vérité et mourra loin d'eux.
Je suis ensuite allée assistée au spectacle de J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne de la compagnie Ubwigenge à l'Espace Roseau. L'histoire est sensiblement la même : Le jeune frère, chassé dans la maison par son père revient mourir près de sa mère, sa grand mère et ses trois soeurs. On ne saura rien de ce qui lui est arrivé. Les cinq femmes ont vécu dans l'attente de son retour, dans l'espoir de voir justifier le sacrifice qu'elles ont fait de leur vie en l'attendant, victimes? ou responsables de leur soumission à l'image du mâle et de leur adhésion à sa prétendue supériorité?

Pour comprendre ce thème récurrent, il faut savoir qu'il est en partie autobiographique. Jean-Luc Lagarce après s'être séparé de sa famille est mort du sida en 1995. Il écrit Juste la fin du monde au moment où il apprend qu'il est séropositif. Mais il ne parlera jamais directement de sa maladie dans ses pièces.

L'on dit de Jean-Luc Lagarce qu'il est "un classique contemporain" car il occupe une place à part et se différencie des tendances du théâtre contemporain en accordant beaucoup d'importance à la parole. Le texte est primordial dans son oeuvre. Dans les deux pièces, celle que j'ai lue et celle que j'ai vue, l'intrigue, en effet, est réduite au minimum, il n'y a pas d'actions mais des personnages qui parlent. Ce qui est très étonnant aussi, c'est qu'il y a très peu de dialogues. A peine amorcés, ceux-ci s'interrompent pour laisser place à de longs monologues où chaque personnage exprime ses sentiments, présente son point de vue, monologues qui alternent, se coupent parfois, pour mieux reprendre. On a parfois l'impression de ne pas avancer, de repartir en arrière, d'être en suspension, en attente. Les personnages sont murés dans leur silence, ont des difficultés pour communiquer. Peut-être ne s'intéressent-ils qu'à eux-mêmes et à leurs propres souffrance? Les rapports entre eux sont cruels.

Avis de Claudialucia

Mon ressenti par rapport à ce style de théâtre a été différent selon que je l'ai lue ou vue.

Lors de la lecture de Juste la fin du monde j'ai d'abord été surprise par la forme théâtrale mais surtout par ce style si étrange. Les personnages ne sont pas sûrs de ce qu'ils avancent, ils s'interrompent, tâtonnent comme pour affiner la pensée, reprennent un mot, s'appuient sur lui comme pour se projeter en avant. Au fur et à mesure, les mots s'accrochent, s'agglutinent les uns sur les autres, forment une chaîne, à laquelle s'agrippe la pensée pour mieux progresser. C'est dans ces hésitations, dans ces tâtonnements que la femme ou l'homme qui s'exprime parvient à se trouver.*
Puis, je me suis peu à peu laissée prendre par ce rythme comme par une poésie incantatoire. Le ton est doucement élégiaque. La douleur des personnages paraît bercée par les mots mais elle ne s'exprime pas moins intensément. J'ai été sensible à la souffrance qui s'exprimait ainsi.

Le spectacle théâtrale de J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne donnait lui beaucoup d'importance au corps. Les cinq comédiennes-danseuses vêtues de noir évoluent sur scène dans une pénombre bleutée, chacune coupée de l'autre, enfermée dans sa pensée. Le fils mourant gît sur son lit, enfermé derrière un voile blanc qui déjà le sépare du monde des vivants. La scénographie, et la gestuelle sont très belles, inventives. Les comédiennes disent  bien ce texte difficile. Alors pourquoi n'ai-je pas, malgré les qualités du spectacle, complètement adhéré à la pièce? J'en ai aimé l'esthétique mais beaucoup moins le texte qui n'est pas parvenu à me toucher. Peut-être est-ce à cause de la diction hachée, dure, un peu mécanique, presque désincarnée des comédiennes? A part, la petite soeur qui exprime son désespoir avec violence (peut-être parce qu'elle est jeune et peut encore être sauvée?) j'ai eu l'impression que la metteur en scène, Catherine Decastel, refusait l'émotion. Veut-elle nous indiquer ainsi que ces femmes ne sont plus vraiment en vie? Pourtant, à la fin, elles se révoltent et se libèrent du joug. Toujours est-il que je n'ai pas ressenti la poésie du texte.

Avis de Wens
Hérétique! je le suis. Jean-Luc Lagarce est un des auteurs les plus joués dans l'hexagone, l'enfant chéri actuellement des metteurs en scène mais "J'étais dans ma maison…", j'ose l'avouer, m'a laissé totalement de marbre. Intellectuellement je peux comprendre la portée du propos, la richesse et la beauté de la langue (je préfère lire le texte que le voir jouer! ), mais la forme théâtrale me laisse totalement insensible. J'assiste, étranger, à un spectacle de la pure parole  même si les corps parfois s'expriment. Les personnages n'agissent pas, ils récitent leurs propres réflexions, leurs longues confidences, rarement interrompus par quelques dialogues. L'ennui me gagne, je me sens comme ces femmes sur la scène enfermé dans un espace clos que je ne peux quitter. Mon corps devient souffrance.
Mon jugement mériterait peut-être d'être corrigé en assistant à une autre mise en scène, en écoutant le texte porté par d'autres comédiennes. Qui sait? J'en doute.


*Extrait d'un passage de Juste la fin du monde

Je me suis éveillé, calmement, paisible,
avec cette pensée étrange et claire

je ne  sais pas si je pourrai bien la dire

avec cette pensée étrange et claire
que mes parents, que mes parents,
et les gens encore, tous les autres, dans ma vie,
les gens les plus proches de moi,
 que mes parents et tous ceux que j'approche ou qui
s'approchèrent de moi (...)
que tout le monde après s'être fait une certaine idée de moi,
un jour ou l'autre ne m'aime plus, ne m'aima plus
et qu'on ne m'aime plus
(ce que je veux dire)
"au bout du compte "
comme par découragement, comme par lassitude de moi,
qu'on m'abandonna toujours car je demande l'abandon.


J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne
Compagnie Ubwigenge
Espace Roseau
Du 8 au 31 Juillet à 14H
Durée : 1h 15