Shelley Parker-Chan, australienne d’origine asiatique, nous offre avec Celle qui devint le soleil un roman fantasy à base historique. Le récit se déroule dans la Chine du XIV siècle alors occupée par les Mongols. La dynastie mongole Yuan ( 1271-1368) a divisé le pays en domaines féodaux et a fondé un système social hiérarchique divisée en quatre castes. Les Mongols en occupent la première place, la seconde est réservée aux non-Chinois, nomades des steppes, la troisième aux Chinois du Nord, la dernière aux Chinois du Sud. Ceux-ci, au bas de l’échelle n’ont aucun droit et vivent misérablement. Ce sont, en général des paysans qui n’ont aucun espoir d’avancement.
C’est dans cette dernière caste que naît l’héroïne de ce récit. En 1345, les maladies, la famine ont décimé la famille Zhu. Il ne reste plus que son père, son frère Chongba à qui un devin a prédit à un grand destin aussi improbable que cela puisse paraître. Elle-même, est promise à « rien », au néant. C’est normal, c’est une fille ! Aussi lorsque les deux hommes sont tués par des bandits, la fillette décide-t-elle de devenir Chongba, elle prend les vêtements de son frère, et sous cette identité, elle parvient à se faire admettre dans un monastère où elle poursuit brillamment des études de lettré avant de devenir moine. Plus tard, elle se fait moine mendiant et rejoint les Rebelles contre la dynastie Yuan, appelés les Turbans rouges.
Les rebelles, les Turbans rouges, s'opposent au pouvoir mongol |
C’est là que commence la lutte de Zhu Chongba pour accéder à la Grandeur promise à son frère. Dotée d’une volonté de fer, dominée par un désir ardent de réussite, intelligente et rusée, et surtout persuadée que son destin, du moins celui de son frère, est tout tracé et ne peut être dévié, elle va peu à peu s’élever au plus haut. Face à elle, les princes, les commandants et généraux de l’armée mongole, sont des personnages à part entière que nous découvrons et suivons tout au long de ce récit riche en aventures, en péripéties épiques, en héros fabuleux, en combats, mais aussi en réflexion sur le destin, sur le pouvoir et sa corruption, le Bien et le Mal, et bien sûr, les femmes : la terrible condition féminine en Chine et l’évolution de Chongba Zhu qui prend conscience que c’est en tant que femme qu’elle doit réaliser son destin. Elle nous apprend que l’on ne mérite pas son destin mais qu’on le crée !
Le roman hésite entre le réalisme, on apprend beaucoup sur la Chine de cette époque, et la Fantasy avec les apparitions de fantômes, le mandat du ciel (qui justifie le pouvoir divin de l’empereur de Chine) devenant un pouvoir fantastique. Il s’agit d’un conte, - une pauvre paysanne devient une reine - et pourtant l’histoire est vraie ! Enfin presque vraie ! L’auteure nous en avertit dès la préface : les évènement sont historiques, plusieurs personnages sont tirés de la réalité mais « le roman en réinterprète librement presque tous les aspects… ». Et Shelley Parker-Chan en a le droit puisque nous le savons, nous sommes dans un roman d’Héroïc fantasy !
Le premier empereur Ming |
Cependant, la réinterprétation est de taille car Zhu Chongba a existé du moins sous le nom de Zhu Yuanzhang … mais c’est un homme ! Issu d’une famille pauvre, il est devenu moine puis a rejoint l’armée des Rebelles, les Turbans rouges, qui ont chassé les Mongols de Chine en 1368. Il monte sur le trône, prend le nom de Hongwu, devenant le premier empereur de la dynastie Ming (1368_1398). Il se marie avec Ma qui est aussi un beau personnage féminin dans le roman et qui devient impératrice.
L'impératrice Ma |
Un roman fantasy, donc, que l'on vit à la fois comme un conte, une épopée héroïque, un récit "librement" historique et dont la lecture est agréable et captivante.