Le livre de Julia Leigh Ailleurs est très serrée, condensé. Il tient plus de la nouvelle que du roman : peu de développement, pas d'analyse psychologique, pas d'explication ou si peu mais les faits bruts, denses, présentés avec une grande intensité. De cette brièveté, de cette épuration du style, naît la force du récit.
Les faits : dans une vaste demeure, en France, où vit la grand mère et ses serviteurs, arrive une femme, venue d'Australie, avec ses enfants. Elle fuit la brutalité de son mari en se réfugiant chez sa mère. Son frère, accompagné de sa femme portant un petit "paquet" dans les bras, vient bientôt les rejoindre.
Les personnage principaux sont rarement nommés par leur prénom surtout Olivia qui est désignée comme "la femme", Andrew et Lucy comme "le petit garçon", "la petite fille". C'est presque comme s'ils étaient désincarnés ou plutôt comme s'ils étaient entre parenthèses, dans un lieu entre vie et mort, les limbes. Par contre la petite morte, l'enfant qui n'a pas eu le temps de vivre, accède au statut de personne par son prénom, Alice.
Le récit est encadré par deux paysages : L'un, aux couleurs délavées, représente "une campagne sans relief, laide", plate. Situé au début de l'histoire, il correspond à l'arrivée de la femme avec ses deux enfants dans la demeure familiale, devant un portail fermé qui ne veut pas s'ouvrir pour l'accueillir. L'autre, à la fin du récit, est le jardin "animé et transformé par la lumière du soleil", au milieu des arbres taillés, des parterres de roses, de lotus; il représente le renouveau, l'espoir qui renaît en chacun d'entre eux, avec l'acceptation de la mort. il faut en effet, ce sacrifice pour que tous puissent se remettre à vivre.
Entre les deux, une impression d'étouffement morbide, de trouble, de désespoir. Tous les adultes sont blessés dans leur corps, dans leur âme. La plupart du temps ils sont vus à travers le regard du petit garçon, et c'est pourquoi ils paraissent incompréhensibles, secrets. Parfois, pourtant, le narrateur permet au lecteur de surprendre des conversations qui lui donnent quelques clefs pour comprendre. L'enfant, lui, manque de repères, il est pris dans la violence de sentiments qui le dépassent d'où son désir de fuite pour se sauver lui et sa soeur. De là vient parfois l'étrangeté qui oblige le lecteur à suppléer par l'imagination aux lacunes volontaires du récit.
Le récit joue ainsi sur le fil du rasoir, il est toujours en suspens au bord de l'abîme et crée une sensation de malaise jusqu'au dénouement. Beaucoup de force dans ce roman!
Les avis étaient très divers sur ce roman à sa sortie, je n'ai pas franchi le pas. Tu me le fais re-noter.
RépondreSupprimerC'est une auteur qui retient régulièrement mon attention dans les librairies mais que je n'ai encore jamais lue. Ton billet donne envie; je le note.
RépondreSupprimerje note, ton billet est très tentant. Je n'ai rien lu de cette auteure.
RépondreSupprimerC'est un livre très troublant que j'ai lu à sa sortie en France... j'avais décidé de lire d'autres livres de l'auteur mais ne l'ai toujours pas fait. Ce roman marque beaucoup !
RépondreSupprimer@ Aifelle : Je n'ai pas lu d'avis défavorable. Ce que j'aime dans ce roman, c'est lorsque le point de vue adopté est celui de l'enfant. Le thème de la mort est très bien traité.
RépondreSupprimer@ Lewerentz : c'est le seul livre que j'ai lu d'elle. Il me semble que c'était son premier.
RépondreSupprimer@ Jeneen : je viendrai lire ton billet. CV'est un roman très court, très dense, ramassé, juste un moment dans la vie des personnages mais un moment de crise, de climax.
RépondreSupprimer@ Lou : d'accord avec toi. Il y a beaucoup de force dans ce roman.
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