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dimanche 17 octobre 2010

Robert Bober : On ne peut plus dormir tranquille …(2)

Dans les carnets de voyage de miriam vous trouverez un billet sur le livre de Robert Bober : On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois  ouverts les yeux. Ce roman a beaucoup plu a Miriam. Voici le début de son billet...

Mémoire de Paris ou plutôt d’un certain quartier juif autour de la République, délimité par la Rue Oberkampf, le Boulevard Saint Martin, Belleville, et Le père Lachaise. Quartier que je connaissais bien, où habitaient Noémie, Aviva, Tal, mes copines et copains du Mouvement, où leurs mère parlaient avec l’accent Yiddish qui berce la lecture de ces pages… Habituellement, je m’évade par la lecture, curieuse d’apprendre sur le monde et je laisse peu de place au retour sur les lieux de mon adolescence.
 Il faut bien dire que la promenade nostalgique est douce lorsqu’en plus elle se double des réminiscences cinéphiles : Jules et Jim, les  400 coups, Casque d’Or les  Frères Marx. Quelle scène géniale que ce retour du cinéma où la mère, après tant d’années raconte son histoire à son fils, écho de celle de Jules et Jim ! Le narrateur découvre à la suite les photos de famille…
... dont vous pourrez lire la suite ici.




vendredi 1 octobre 2010

Robert Bober (1): On ne peut plus dormir tranquille quand on a ...


Le livre de Robert Bober Ferrand,  On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux, devait s'appeler Je vadrouille autour de mon passé et c'est exactement ce à quoi l'auteur nous convie dans son roman, promenade sur le chemin de sa vie tel un personnage de conte qui ramasserait les pierres semées tout au long de son passé.
Mais lorsque Robert Bober préfère pour titre les vers de Pierre Reverdy On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux, la poésie nous prend alors par la main. Elle nous entraîne dans une sorte de jeu de l'oie au cours duquel, d'une case à l'autre, avec parfois retour en arrière, de hasard en hasard, le personnage suit un fil conducteur qui ne lui laisse plus de cesse, les yeux soudain dessillés à la découverte de ce qu'il n'avait jamais su voir et qui, pourtant, était en évidence devant lui.
Je marchais de plus en plus dans les rues, souvent les mêmes. Je montais à Belleville pensant à ce qui se réveillait en moi. Apprenant à avancer avec attention. Ne pas se contenter de recevoir ce qui se présente. Aller y voir.
Ainsi le film de Jules et Jim de François Truffaut où Bernard, le narrateur, fait de la figuration constitue la première case. Bernard amène sa mère à la projection de ce film. Emue par ce qu'elle vient de voit, elle lui fait des confidences qui lui permettent de connaître l'histoire d'amour qu'elle a vécue dans sa jeunesse. Ceci nous nous entraînera à la recherche du passé du père de Bernard, juif, arrêté et déporté en 1942, jamais revenu! Mais aussi de son beau père mort dans un accident d'avion puis de la soeur de celui-ci réfugiée en Amérique. Dans cette recherche toutes les périodes se côtoient. Nous sommes en 1962, date du tournage de Jules et Jim, les attentats de l'OAS se multiplient dans Paris, les morts du métro Charonne provoquent l'indignation générale et une gigantesque manifestation suit. Ces évènements décrits en 2010 par un homme qui les a vécus, se mêlent à ceux de la guerre et des rafles des juifs en 1942 puis nous amènent plus loin encore, dans les années 30, époque où les parents de Bernard sont obligés de fuir la Pologne et se réfugier en France. Tout ceci grâce à ce fil d'Ariane qui se dévide devant nous et qui accroche au passage différents personnages tous liés entre eux par des lieux, par un passé commun, par une série de hasards. Influence évidente du cinéma donc. Je pense par exemple à la construction d'un film comme celui de Rivette Céline et Julie vont en bateau ou à la chanson que chante Jeanne Moreau dans Jules et Jim : On s'est connus, on s'est reconnus/ On s'est perdus de vue, on s'est r'perdus d'vue/ (...)Chacun pour soi est reparti./Dans l'tourbillon de la vie...
Le hasard rythme donc les rencontres et les départs. Mais ce n'est pas seulement dans le passé mais aussi dans une véritable aventure cinématographique que nous nous embarquons. Robert Bober nous entraîne à travers Paris, sur les traces de Jeanne Moreau, de Reggiani et Simone Signoret, le couple mythique de Casque D'or,  au cirque d'Hiver dans un envol de Trapèze avec Burt Lancaster et Toni Curtis, au pied de l'immeuble où naquit Georges Méliès... Sous cette géographie du cinéma se dessine une autre plus ancienne, celle des rues de Paris dans les années 50, de Belleville plus précisément, et ce n'est pas un des moindres intérêts du roman.
Cet amour du cinéma et de François Truffaut dont Robert Bober fut l'assistant comme il nous le raconte au cours du récit, marque le roman et l'on retrouve l'empreinte du Maître jusque dans la technique de narration .
Dans La Nuit américaine, François Truffaut, metteur en scène interprète le rôle de Ferrand, metteur en scène d'un autre film.  Dans On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux, Bernard, étudiant, rencontre par hasard son ancien moniteur de colonie devenu assistant de François Truffaut. Ce dernier qui n'est autre que Robert Bober l'invite à faire de la figuration sur Jules et Jim. Bober devient donc un personnage fictionnel au même titre que Bernard. Mais ce dernier qui en tant que narrateur est maître de l'histoire, paraît plus "réel " que l'auteur. Influence de Truffaut et peut-être plus encore de Max Ophuls qui dans La Ronde, comme le rappelle Robert Bober, fait dire au meneur de jeu s'adressant aux spectateurs : Et moi, qu'est-ce que je suis dans cette histoire? L'auteur?
Cette mise en abyme permet à l'écrivain de créer un double de lui-même, dans un récit certainement en partie autobiographique, mais libéré des contraintes de l'autobiographie! De plus, le style de Bober même quand il explore le passé douloureux de la guerre et des rafles des juifs reste toujours le plus neutre possible, refuse le pathos. Pas de sentiment hors de propos dit le musicien Delerue dans le générique de La Nuit américaine résumant ainsi le crédo du cinéaste Truffaut mais aussi de l'écrivain Bober. Ce qui n'empêche le lecteur de ressentir de l'émotion très souvent, par exemple, lorsque Bernard parle de son petit frère Alex, et de la difficulté d'être un enfant sans père, ou encore dans cette  belle scène où Bernard refait le chemin parcouru par son père clandestin, pour rentrer chez lui sans se faire arrêter, sur les toits du cirque d'Hiver.
Longeant les souches de cheminée, mes pas se sont confondus avec les siens, et cet acte, qui, je venais de le comprendre, n'avait rien à voir avec la curiosité allait une fois pour toutes m'engager.
Un livre intéressant et riche donc qui perd peut-être un peu son fil d'Ariane dans la dernière partie lorsque l'écrivain raconte des histoires, celle de monsieur Raymond, le voyage à Berlin.. chacune comme une nouvelle avec une chute, mais qui ne font plus parti de notre parcours du jeu de l'oie. D'où une impression de décousu. Heureusement le fil interrompu reprend pour nous amener en Pologne où, à Auschwitz, Bernard retrouve définitivement son père.
Sur cette photo considérablement agrandie, mon père avait retrouvé sa dimension d'homme. Nous étions là, ensemble, debout, tout près, l'un en face de l'autre, dans la même immobilité. Nous avions le même âge. Il me souriait.


02_chronique_de_la_rentree_litteraire.1285274979.jpgMerci  à Ulike et aux éditions POL pour la découverte de  On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux de Rober Bober