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lundi 24 mars 2025

Ramon Diaz-Eterovic : L' obscure mémoire des armes

 

 

Ce polar L’obscure mémoire des armes de Ramon Diaz-Eterovic est le XII ème d’une série qui met en scène le détective privé Heredia. Et comme c’est le premier que je lis, et même si l’ensemble peut être lu dans le désordre puisque chaque enquête se termine à la fin du volume,  il m’a manqué, me semble-t-il, beaucoup d’éléments pour  être vraiment "dans le bain".
Heredia vit à Santiago, dans un quartier pauvre de la ville et lui-même ne roule pas sur l’or. Une enquête de temps en temps et quelques gains modiques quand il joue aux courses avec son copain, vendeur de journaux. Il a un chat qui parle, son alter ego, et qui ne mâche pas ses mots quand il s’agit de le critiquer. Et si ce chat se nomme Simenon, ce n’est pas par hasard. Heredia est un admirateur de l’écrivain et de la littérature en général. C’est fou ce qu’il a le temps de lire pendant son enquête, poésie, romans ! De lire et de boire car il nous fait faire connaissance de tous les troquets du quartier !  J’aime bien aussi l’humour lié à ce personnage nommé Le Scribe et qui n’est autre que l’écrivain lui-même. Ecrivain ? Un métier qui n’est pas de tout repos quand son personnage l’accuse d’erreurs et de négligences.
Heredia a une amoureuse Griseta qu’il ne voit que de temps en temps. J’ai appris en lisant des critiques sur lui qu’il avait rompu avec Griseta pendant des années et l’avait retrouvée ensuite. Pourquoi ? Comment ? Je n’en sais pas  plus et du coup ce personnage féminin reste anecdotique, si ce n’est que c’est elle qui le pousse à accepter une affaire : enquêter sur la mort violente du frère de son amie Virginia. German Reyes a été tué à la sortie de son travail et, même s’il n’y pas eu vol, la police a conclu à un crime crapuleux. Sa soeur veut savoir ce qui s’est réellement passé.

J’ai choisi de lire un polar chilien, pensant échapper à mes lectures précédentes portant toutes sur le coup d’état de 1973. Et voilà que je me retrouve en plein dedans, et, bien sûr, cela n’a rien d’étonnant !

« Même si les cérémonies publiques et les déclarations convenues essayaient d’enterrer le passé, celui-ci continuait à se glisser par les fissures d’une société habituée aux apparences, aux décors trompeurs et aux compromis en coulisses. Le passé était une blessure qui n’avait jamais été totalement désinfectée et laissait échapper sa pestilence à la moindre inadvertance. »

German Reyes fait partie d’un organisation qui traque les anciens tortionnaires.

« les dinosaures et les momies n’appartiennent pas au passé. Ils gardent le silence et continuent à regretter le général qui leur a permis de maltraiter les gens  du peuple. »

Evidemment, ce n’est pas une enquête sans danger et un autre meurtre suit celui de German Reyes, classé suicide par la police, et un autre a eu lieu avant celui de German. Heredia est vite ramené dans le passé avec les témoignages des victimes et ramené aussi sur les lieux, la Villa Grimaldi, où la DINA, Direccion nationale del inteligencia,  a enfermé et torturé près de quatre mille cinq cents personnes..

« Je me suis dirigé vers l’endroit où était exposée la maquette de ce qui avait été l’un des principaux centres de torture pendant la dictature militaire. La tour des pendaisons, le parking où les prisonniers étaient violentés, les étroites cellules où on les enfermait entre deux interrogatoires, le gigantesque ombu, témoin de douleurs et des crimes et la piscine où étaient plongés ceux qui s’obstinaient à garder le silence. L’horreur, l’horreur incombustible, me suis-je dit, en approchant du mur de pierre où les noms des prisonniers assassinés étaient gravés ».

Je vous laisse suivre l’enquête qui se double d’un trafic d’armes mais sachez que lorsque Heredia parle à l'un des bourreaux et lui demande pourquoi il va tous les jours à l’église, pour demander pardon aux victimes ? suggère-t-il. Celui-ci lui répond :

-« Je n’ai pas de raison de demander pardon. Si c’était nécessaire, je n’hésiterais pas à recommencer. »

J’ai trouvé ce roman policier intéressant par son sujet mais le rythme lent, les digressions, ne sont pas parvenus à me convaincre. Il faut que je lise un autre roman avec Heredia pour ne pas m’avouer vaincue par une seule lecture.
 

 

Challenge sur le Chili chez Je lis Je blogue
 

jeudi 13 mars 2025

Jorge Gonzales et Olivier Bras : Maudit Allende et Julos Beaucarne : J'veux te raconter Kissinger...


 

Maudit Allende de Olivier Bras et Jorge Gonzales est une bande dessinée dont le titre m’étonne dès le début, moi qui ai toujours pensé à Allende comme à un homme courageux, un  président élu par son peuple, assassiné par la junte militaire aux ordres des Etats-Unis et de Nixon-Kissinger. Un adversaire du capitalisme américain.
Maudit Allende ? A moins que cela soit tout simplement une antiphrase ?

Mais non ! Allende est maudit aux yeux des parents du jeune Léo qui ont préféré s’exiler en Afrique du Sud lorsque celui-ci est porté au pouvoir. Il est maudit aux yeux des bourgeois chiliens, des riches propriétaires, parce qu’il a voulu partager les terres, nationaliser les mines, redistribuer les richesses, apporter plus de justice sociale.

Allende promet de nationaliser les mines et de donner un salaire décent aux mineurs


Léo qui ne connaît pas son pays ne s’est pas trop posé de questions pendant toute son enfance sauf lors d’une visite d’un cousin de son père qui déplore qu’Allende ait été trahi par Pinochet. Il lui laisse, caché dans un livre, le discours de Salvador Allende du 11 septembre 1973, jour où le palais de la Moneda a été bombardé et où le président s’est donné la mort.


 bombardement et incendie du palais de la Moneda : 11 septembre 1973

Devenu adulte, le jeune homme, cherche à se faire une idée sur ce qui s’est passé. Dans un parallèle, la BD retrace le vie des deux hommes, Allende et Pinochet, de leur enfance à la mort d’Allende et à la prise de pouvoir de Pinochet avec la répression sanglante qui suivit.
Revenu au Chili, Léo accompagné de Victoria, sa fiancée, journaliste, enquête sur les tortures, les disparitions, les assassinats dont s’est rendu coupable le gouvernement de Pinochet. Léo est encore au Chili quand il assiste le 3 mars 2000 au retour de Pinochet arrêté en Angleterre en 1998, renvoyé dans son pays prétendument pour des raisons de santé. Et il voit l’homme assis sur un fauteuil roulant se lever, offrir un sourire triomphal à la presse, saluer ses proches…

« Ses partisans se sont rassemblés dans le centre de Santiago, aux alentours de l’hôpital militaire. Ils s’amusent du mauvais tour joué par Pinochet pour échapper aux Européens. »

Au moment de son départ, il entend la confession d’un chauffeur de taxi qui faisait son service militaire au moment des faits et qui avoue avoir reçu l’ordre de transporter des cadavres dans une ambulance pour les jeter dans la rivière Mapocho à Santiago.

«  Ces cadavres me hantent. Je vis avec la peur d'être un jour poursuivi pour tout cela. Mais j'avais besoin de pouvoir le raconter enfin".

Après cela, Léo  a compris qui était Pinochet !  Mais quand il écrit à ses parents restés en Afrique du sud, on dirait bien qu’il s’en lave les mains :

« Les deux camps restaient irréconciliables, trente ans après le coup d’état. Et je ne me voyais pas vivre  dans un pays incapable de partager cette histoire commune».

Que dire de cette BD ? Les évènements paraissent racontés parfois de manière superficielle; tout est survolé. Ce à quoi il fallait s’attendre. Comment résumer trente années de cette tragique histoire en quelques pages ? J'ai eu parfois une impression de décousu et de fouillis à la fois dans le dessin et le récit. Tout est flou comme les belles et glaçantes peintures aux coloris sombres de Jorge Gonzalès, qui baignent dans le brouillard. 

Et la conclusion ? Veut-on ménager les deux parties dans ce désir de monter les défauts de l’un et de l’autre ? Est-ce par souci d’impartialité ?  Mais comment rester sans réaction face à à un coup d'état qui usurpe un pouvoir légitime, une Junte militaire appuyée par les Etats-Unis qui torture et supprime ses opposants ? Comment croire à la réconciliation alors qu’il y a toujours des victimes qui n'ont pas été retrouvées au Chili, toujours des familles qui ne savent pas ce que sont devenus les leurs ? Alors qu'il y a toujours des bourreaux qui échappent à la justice. J’avoue que je n’ai pas trop su comment recevoir ce récit et j'ai trouvé cette conclusion difficile à interpréter.


Lettre à Kissinger : Julos Beaucarne




Kissinger avec Nixon ont encouragé et soutenu le coup d'état du 11 septembre 1973.  Le socialiste Allende et ses réformes gênent les Etats-Unis, alors on s'en débarrasse en s'appuyant sur l'armée.

Kissinger déclare :

"Je ne vois pas pourquoi nous devons rester les bras croisés et regarder un pays devenir communiste en raison de l'irresponsabilité de sa population". "Ces questions sont bien trop importantes pour que les électeurs chiliens puissent décider eux-mêmes."  

Julos Beaucarne dans cette chanson en forme de lettre fait allusion au chanteur populaire chilien Jara emprisonné avec des milliers d'opposants au coup d'état fasciste à l'Estadio Chile (aujourd'hui nommé stade Víctor Jara en mémoire de son martyre) puis à l'Estadio Nacional avec de nombreuses autres victimes de la répression qui s'abat alors sur Santiago. (wikipédia ici). Il apparaît dans cette BD.

 (* Kissinger, prix Nobel de la paix, il sera aussi poursuivi par plusieurs tribunaux comme criminel de guerre ! )

Jara


Challenge Littérature Chilienne che Je lis Je blogue


J'veux te raconter Kissinger


L'histoire d'un de mes amis


Son nom ne te dira rien 


Il était chanteur au Chili

Ça se passait dans un grand stade


On avait amené une table


Mon ami qui s'appelait Jara


Fut amené tout près de là

On lui fit mettre la main gauche


Sur la table et un officier


D'un seul coup avec une hache


Les doigts de la gauche a tranché

D'un autre coup il sectionna


Les doigts de la dextre et Jara


Tomba tout son sang giclait


6000 prisonniers criaient

L'officier déposa la hache


Il s'appelait p't'être Kissinger


Il piétina Victor Jara


Chante, dit-il, tu es moins fier

Levant les mains vides des doigts


Qui pinçaient hier la guitare


Jara se releva doucement


Faisant plaisir au commandant

Il entonna l'hymne de l'U


De l'unité populaire


Repris par les 6000 voix


Des prisonniers de cet enfer

Une rafale de mitraillette


Abattit alors mon ami


Celui qui a pointé son arme


S'appelait peut-être Kissinger

Cette histoire que j'ai racontée


Kissinger ne se passait pas


En 42 mais hier


En septembre septante trois

 

 



vendredi 7 mars 2025

Carmen Castillo : Un jour d'octobre à Santiago

Carmen Castillo
 

Carmen Castillo est une écrivaine et cinéaste franco-chilienne, née à Santagio du Chili. Amie de Beatriz, la fille du président Allende, elle a travaillé un temps au ministère des affaires étrangères au palais de la Moneda. Elle a été la compagne de deux dirigeants du MIR, mouvement de la gauche révolutionnaire : Andres Pascal Allende, neveu du président avec qui elle a eu une fille Camila et Miguel Enriquez.

 

Miguel Enriquez, un des chefs du MIR

Dans son livre Un jour d’octobre à Santiago, alors qu’elle est en exil en France, elle raconte comment elle a choisi avec son compagnon de vivre dans la clandestinité et de continuer la lutte armée jusqu’à ce jour du 5 Octobre 1974 ou Miguel est tué et elle gravement blessé lors d’une attaque de la DINA (police militaire du général Pinochet.). 

La première partie de ce récit a pour titre la maison bleue de Santa Fé, là, où elle a vécu pendant un an après le coup d’état et éprouvé malgré le chagrin et la violence, « un bonheur paisible, intense », avec leurs deux petites filles : Camila (qui est la fille de Carmen Castillo et d’Andres Allende) et Javeira (fille d'un premier mariage de Miguel Enriquez). Mais le danger est trop grand, les enfants des révolutionnaires sont torturés pour faire parler les parents, et les deux petites filles sont envoyées en exil via l’ambassade d’Italie pour assurer leur sécurité. Dans un récit où le danger guette à chaque instant, Carmen Castillo, entre retour dans le passé et présent, nous fait vivre le quotidien de la lutte révolutionnaire, l’organisation, les changements de domicile et d’identité, les pièges, les trahisons, les arrestations de leurs amis, la mort, les disparitions, le chagrin et la peur mais aussi la force morale, la résistance, toujours présente, et qui font partie de la vie. Et elle revit comme un film le déroulement de la sinistre journée du coup d'état 11 septembre 1973. Parfois l’écrivaine emploie la troisième personne pour parler d’elle-même comme si elle voulait mettre une distance entre elle et elle-même, tenir à distance ce qu’elle a vécu.

"Dix mois de vie à la maison bleu ciel de Santa Fé. Et tout ce qu’on peut attendre le long d’une vie, je l’ai vécu, là.
Chaque action de nos jours, le moindre geste dans ce lieu, entrepris comme si c’était le dernier. Et c’était cela simplement notre bonheur.
Pas une compromission, pas une légèreté, pas une défaillance à réaménager le lendemain, on n’avait pas le temps."


La seconde partie La maison José Domingo Canas est une plongée dans l’horreur. Il s’agit de la prison où les révolutionnaires  sont torturés et maintenus en vie le plus longtemps possible afin d’obtenir des aveux. Il y a les amis, membres du MIR, El Chico qui résistera à la torture jusqu’à la mort, Luisa, Amélia, Jaime, Carolina … Une solidarité étroite les unit qui étonne même leurs gardiens. Il y a aussi la Flaca Alexandra qui a cédé sous les tortures, dénonce ses amis et collabore avec les ennemis. 

Mais malgré les détours tout nous ramène au but de ce récit : « Je me dois de refaire, à mes risques et périls, l’interminable et si court enchaînement qui mena au samedi 5 Octobre » quand la police prend d’assaut la maison bleue, Miguel tué en combattant, elle gravement blessée et enceinte conduite à l’hôpital. Et puis, face à la pression internationale, elle est libérée  et expédiée en exil, son bébé meurt peu de temps après.

Enfin la troisième partie La rue Claude-Bernard  où est situé l’appartement dans laquelle elle est hébergée à Paris, elle et d’autres exilés comme Simon, le frère de Miguel.

 

Laura, députée socialiste, soeur du président Allende

Elle va revoir sa fille Camila hébergée chez son père Andrès à la Havane où la famille s’est réfugiée. Javiera, elle, est au Mexique. A Cuba, elle rencontre aussi Laura Allende, la grand-mère de Camila, mère d’Andres, la soeur du président Allende, un beau personnage plein de force, de grandeur, de résilience. Laura Allende raconte l'enterrement de son frère.

"Le cimetière à Viña del Mar. Les quatre proches familiers et des marins en grand nombre. Laurica cueille une petite fleur jaune, une primevère, dans l'herbe qui entoure la sépulture. Elle la met sur le cercueil. La fleur tombe au fond de la fosse. Les soldats ricanent. Laurita s'exclame : Vous devriez avoir honte !... honte d'enterrer ainsi le président du Chili !... Et après un silence, lentement : Ce n'est pas cela l'important... quoi que vous fassiez, le peuple chilien ne l'oublie ni ne l'oubliera.

Elle n'a pas fini ces mots que le fossoyeur saute dans la fosse, ramasse la fleur jaune et la remet sur le cercueil. Personne ne bouge."

Carmen s’apprivoise à la vie en France au point que lorsqu’elle sera à nouveau autorisée à revenir au Chili, elle ne reconnaît plus son pays, la vie a  continué là-bas sans elle. Mais elle ne cesse pas de poursuivre son but, son devoir de mémoire, demandant à tous ceux qui souhaitent lui répondre : Où étais-tu le 5 Octobre ?

 

 


 

Challenge chilien chez Je Lis Je blogue

jeudi 5 janvier 2023

Je lis donc je suis !

 

 

Aifelle a lancé le jeu annuel et maintenant traditionnel du début d'année : Je pense donc je lis !

Voilà ce qu'écrit Aifelle : "Un titre en forme de déclaration aussi péremptoire me fait rire. Ceux qui ne lisent pas ne seraient donc pas ? allons donc .. mais quelque part, c'est un plus me semble-t-il. Toujours est-il que je me suis livrée au jeu rituel de fin d'année. Je rappelle la règle. Répondre aux questions en utilisant uniquement les titres de livres lus en 2022."  Je vous renvoie à son billet ICI  .

 

Pour souligner le "c'est un plus" d'Aifelle, voici les deux citations mises en exergue sur la page d'accueil de mon blog et toujours tellement vraies.

 


 

 

"Lire c'est boire et manger. L'esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas". Victor Hugo


Les livres "c'est la meilleure des munitions que j'aie trouvée en cet humain voyage". Montaigne






 

 J'ai répondu facilement aux questions et j'ai eu souvent à choisir entre plusieurs titres sauf pour le moyen de transport  dont la réponse est,  je l'avoue, un peu tirée par les cheveux. Mais pourquoi pas ? Marcher sur les ailes du vent... 

 Autrement, je crois que cela fonctionne ? Qu'en pensez-vous ?

Décris-toi ... 

Petite    Edward Carey : Petite

Comment te sens-tu ?

 Celle qui pleurait tous l’eau  Niko Tackian : Celle qui pleurait sous l'eau

Décris où tu vis actuellement ...

L’île sous la mer   Isabelle Allende : L’île sous La mer

Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ?    

Dans ce jardin qu’on aimait   Pascal Quignard : Dans ce jardin qu'on aimait

Ton moyen de transport préféré ?

 Qui sème le vent : Marieke Lucas Rijneveld : Qui sème le vent

Ton/ta meilleur(e) ami(e) est ...

La pupille de Thorpe-Combe  Frances Trollope : La pupille de Thorpe-Combe

Toi et tes amis vous êtes ...

A l’ombre des loups  Alvydas Slepikas : A l’ombre des loups 

ou dans la gueule de l'ours  : Jamie McLaughin : Dans la gueule de l’ours

Comment est le temps ?

Un pays de neige et de cendres  Petra Rautianen : Un pays de neige et de cendres

Quel est ton moment préféré de la journée ?

Le tournesol suit toujours la lumière du soleil  Martha Hall Killy : Le tournesol  suit toujours la lumière du soleil

Qu'est la vie pour toi ?

Je refuse  : Per Petterson : Je refuse   

Ta peur ?

L’invention du diable Hubert Haddad : L'invention du diable

Quel est le conseil que tu as à donner ?

Rompre le silence : Mechtild Borrmann : Rompre le silence

La pensée du jour ...

Gagner la guerre Jean-Philippe Jaworsky : Gagner la guerre

Comment aimerais-tu mourir ? 

Au nom du bien Jake Hinkson : Au nom du bien

Les conditions actuelles de ton âme ?

Apaiser les tempêtes   Jean Hagland : Apaiser nos tempêtes

Ton rêve ?

Le royaume de ce monde  Alejo Carpentier : Le royaume de ce monde

 

 

Et vous quelles citations proposez-vous pour décrire tout ce qu'apporte la lecture, "ce plus" dont parle Aifelle et qui nous fait vivre, nous, lecteurs !

Déposez vos citations dans les commentaires et je les noterai dans ce billet pour constituer un petit recueil.



dimanche 27 février 2022

Isabelle Allende : L’île sous La mer


Après le Le royaume de ce monde d’Alejo Carpentier, écrivain cubain, (billet ici), j’ai lu L’île sous La mer d’Isabelle Allende, écrivaine chilienne, tous les deux réunis dans mon blog par l’époque historique qu’ils explorent dans leur livre, la révolte des esclaves à Saint Domingue, la déclaration de l’indépendance suivie de la création de la République d’Haïti.

Toussaint Louverture

Le roman d’Alejo Carpentier commence dans les années 1750 en racontant la jeunesse de Mackandal, un esclave noir dont la révolte échoue et qui meurt sur le bûcher en 1758. La première partie du roman d’Isabelle Allende débute en 1770 et finit en 1793, quelques années après la grande révolte de 1791 qui chasse les grands propriétaires terriens de leur domaine. On y rencontrera aussi Mackandal dans un retour en arrière et nous suivrons les étapes complexes de la lutte pour la libération de l’île avec tous les grands noms cette époque historique, Dutty Boukman, Toussaint Louverture, Jean Jacques Dessalines, et en écho, les bouleversements de la révolution française et l’arrivée de Bonaparte au pouvoir.
La seconde partie se passe en Louisiane de 1793 à 1810 à la Nouvelle-Orléans  vendue par la France aux américains ) ou se sont réfugiés les anciens maîtres de Saint Domingue qui, d’ailleurs, acquièrent des terres, y font travailler les esclaves ramenés d’Haïti et même en achètent d’autres. Le Monde n’a pas trop changé pour eux finalement !

Cérémonie vaudou du Bois Caïman menée par Boukman

Dans le récit, la voix de Zarité, jeune esclave vendue à l’âge de 9 ans à un maître blanc, Toulouse Valmorain, alterne avec le récit d’un narrateur extérieur qui décrit les personnages nombreux du roman et présente les riches péripéties du roman et de l’Histoire, formant une trame complexe et enchevêtrée.
Si la part de l’Histoire est importante, celle de la fiction l’est aussi beaucoup et nous suivons avec empathie le personnage de Zarité, fillette violée par son maître qui, lorsqu'elle devient mère, se voit séparée de son fils. Nous partageons avec elle l’horreur de l’esclavage, des sévices, des humiliations. Nous voyons comment les esclaves sont arrachés de leur pays avec la complicité d’Africains, comme eux, profiteurs sans scrupules qui brûlent les villages et livrent leurs « frères » noirs aux négriers. Nous les voyons traités comme du bétail, mourant sous les coups de fouet, décimés par la maladie, la faim et l’exploitation.  

Dans ce roman, si les hommes, qu’ils soient personnages historiques ou fictionnels, sont nombreux et intéressants, les femmes, surtout, esclaves ou affranchies, sont particulièrement attachantes. Isabelle Allende brosse un beau portait de Zarité, petite fille maltraitée, mère tendre et douloureuse, capable de sacrifice, d’abnégation, femme amoureuse, femme toujours courageuse et digne. Nous nous intéressons à son combat individuel pour obtenir son affranchissement et celle de sa fille Rosette. Les mulâtresses comme Violette occupe un statut à part mais sont toujours inférieures dans cette société où les blancs continuent à tenir le haut du pavé. Et puis il y a Tante Rose, la guérisseuse, la prêtresse vaudou, à la forte personnalité, qui est dotée de pouvoirs magiques et convoque les dieux et les morts à la rescousse. Le Vaudou plane sur  la révolution, secourt les réprouvés, les transporte, enflamme les esprits, et, au cours de la cérémonie du Bois Caïman menée par Boukman, déclenche la révolte.

Quant aux femmes blanches, en dehors de Pauline Bonaparte qui est un personnage fascinant, échappant aux normes de la société, elles ne sont pas épargnées. Elles sont même souvent, elles aussi, victimes : Eugénia Valmorain qui ne supporte pas le climat de Saint Domingue, est obligée de vivre dans la propriété de son mari, avec des esclaves dont elle a peur, et sombre peu à peu dans la folie. Pendant la révolution, ces femmes subissent un sort encore plus terrible que celui des hommes, violées par les esclaves avant d’être égorgées ou éventrées.

Contrairement au roman de Carpentier, L’île sous la mer, fait appel à l’empathie du lecteur, à sa participation active alors que  Le royaume de ce monde est une chronique, abrupte, sans concession des faits historiques mais avec une part de fiction. Dans L’île sous la mer ( le titre fait allusion au Paradis des esclaves morts) la part de romanesque est plus large, romanesque au sens plaisant du terme, qui nous fait vivre des aventures et nous fait partager les sentiments des personnages.

Vision historique, anti-esclavagiste, antiraciste, vision humaniste et aussi féministe, le roman d’Isabelle Allende a donc beaucoup de qualités pour captiver le lecteur. 

 

Hispaniola : Haïti et la République dominicaine

 


 

vendredi 12 février 2021

Arthur Rimbaud, Pablo Neruda, Santiago Gamboa : Nous entrerons aux splendides villes

Arthur Rimbaud
 

 Dans son livre Retourner dans l’obscure vallée, Santiago Gamboa, écrivain colombien, fait de Rimbaud le personnage central de l'action. Et il cite ce vers du jeune poète, adieu de Rimbaud à l"Europe : 

« À l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.».

 
 Dans son discours de réception au prix Nobel, en 1973, Pablo Neruda, poète chilien, lut un  un texte intitulé :  Vers la ville splendide inspiré de ces vers.

Discours de Pablo Neruda pour le prix Nobel  (extrait)

Pablo Neruda

 « Voici exactement cent ans, un poète pauvre et splendide, le plus atroce des désespérés, écrivait cette prophétie : « À l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.» « Je crois en cette prophétie de Rimbaud, le voyant. Je viens d’une obscure province, d’un pays séparé des autres par un coup de ciseaux de la géographie. J’ai été le plus abandonné des poètes et ma poésie a été régionale, faite de douleur et de pluie. Mais j’ai toujours eu confiance en l’homme. Je n’ai jamais perdu l’espérance. Voilà pourquoi je suis ici avec ma poésie et mon drapeau. En conclusion, je veux dire aux hommes de bonne volonté, aux travailleurs, aux poètes, que l’avenir tout entier a été exprimé dans cette phrase de Rimbaud ; ce ne sera qu’avec une ardente patience que nous conquerrons la ville splendide qui donnera lumière, justice et dignité à tous les hommes. Et ainsi la poésie n’aura pas chanté en vain. » .

Santiago Gamboa

Mais, reprend Santiago Gamboa, Rimbaud était un voyageur impénitent pour qui  le voyage était synonyme de liberté et de plénitude.

Voyager, vivre, être libre.

« À l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.»

« Mais vers quelles villes ?

Je me suis mille fois posé la question. Enid Starkie (son biographe) évoque la magie et l’alchimie, la lutte entre Satan et Merlin qui représenterait la fin de sa prétention à s’égaler à Dieu. D’autres parlent des cités de Dieu, dont les portes s’étaient fermées pour lui et qui s’ouvraient, ce qui pouvait être un motif de joie.
Je crois pour ma part que Rimbaud fait allusion à quelque chose de plus simple : le désir d’indiquer un chemin littéraire, celui des villes mystérieuses. Ce sont elles qui abritent des histoires passionnantes et où vivent des inconnus. Une grande partie du roman du XX siècle a emprunté cette voie. Avec cette phrase, Rimbaud scellait pour toujours le lien entre écriture et voyage, entre liberté et mystère de la création, cette solitude particulière qu’on n’éprouve que dans les hôtels et au passage des frontières.

Voyager, aller de plus en plus loin.
Et de temps en temps revenir. »

 Pablo Neruda


Pablo Neruda est un poète, diplomate, homme politiques chilien. Il est né à Parral en 1904. Il écrit son premier recueil de poésies en 1923 : Crépusculaire.

Il entre dans la diplomatie, est nommé consul du Chili dans de nombreux pays dont l'Espagne où il se lie d'amitié avec Frederico Garcia Lorca et demure jusqu'au putsch de Franco et à l'assassinat du poète. Il prend alors position dans la guerre d'Espagne contre Franco, ce qui lui vaut sa révocation.

Il entame une carrière politique et devient sénateur communiste dans les provinces du Nord du Chili. Son opposition au président Gabriel Gonzales Videla l'oblige à fuir son pays pour sauver sa vie, en Europe, en Inde, au Mexique. Il publie, en 1950, son oeuvre poétique majeure "Le Chant général" où il exalte les luttes des peuples d'Amérique latine. Il revient au pays en 1952.

En 1969, il se présente à l'élection présidentielle mais il retire sa candidature pour soutenir son ami Salvador Allende, socialiste. Il obtient le prix Nobel en 1973. Il meurt peu après (vraisemblablement assassiné) à Santiago du Chili, juste après le coup d'état de septembre 1973 et le suicide du président Allende, coup d'état qui place à la tête du pays le dictateur, le général Pinochet, 

  • Crépusculaire (1923),
  • Vingt Poèmes d'amour et une Chanson désespérée (1924),
  • Résidence sur la terre (1933-1935),
  • L'Espagne au Coeur (1937),
  • Le Chant général (1950),
  • Tout l'amour (1953),
  • Odes élémentaires (1954),
  • Vaguedivague (1958)
  • La Centaine d'Amour (1959),
  • Mémorial de l'île Noire (1964). 
  •  L'Épée de flammes (1970)
  • La Rose séparée (1972)
  • J'avoue que j'ai vécu (1974)


  Qu’on me laisse tranquille à présent
Qu'on s'habitue sans moi à présent

Je vais fermer les yeux

Et je ne veux que cinq choses,
cinq racines préférées

L'une est l'amour sans fin.

La seconde est de voir l'automne
Je ne peux être sans que les feuilles
volent et reviennent à la terre

La troisième est le grave hiver
La pluie que j'ai aimé, la caresse
Du feu dans le froid sylvestre

Quatrièmement l’été
rond comme une pastèque

La cinquième chose ce sont tes yeux
ma Mathilde bien aimée
je ne veux pas dormir sans tes yeux
je ne veux pas être sans que tu me regardes
je change le printemps
afin que tu continues à me regarder

Ami voilà ce que je veux

C'est presque rien et c'est presque tout
A présent si vous le désirez
partez
J'ai tant vécu qu'un jour vous devrez m'oublier
inéluctablement
vous m'effacerez du tableau
mon coeur n'a pas de fin

Mais parce que je demande le silence
ne croyez pas que je vais mourir :
c’est tout le contraire qui m’arrive
il advint que je vais me vivre
Il advint que je suis et poursuis

Ne serait-ce donc pas qu'en moi poussent des céréales
d'abord les grains qui déchirent la terre
pour voir la lumière
mais la terre mère est obscure
et en moi je suis obscur

Je suis comme un puits 
dans les eaux duquel la nuit dépose ses étoiles
et poursuis seul à travers la campagne

Le fait est que j'ai tant vécu
que je veux vivre encore autant
je ne me suis jamais senti si vibrant
je n'ai jamais eu tant de baisers

A présent comme toujours il est tôt

La lumière vole avec ses abeilles
laissez-moi seul avec le jour

Je demande la permission de naître.
 
Pablo Neruda, Vaguedivague, Gallimard