Quel drôle de roman ce « Petite », d’Edward Carey, écrivain et dramaturge anglais ! L’histoire qu’il nous raconte paraît par moments si farfelue, si folle, si morbide, qu’elle en devient comique malgré la noirceur, laissant le lecteur pantois ! Bref, elle ne semble pas réelle !
Preuve que la réalité dépasse l’imagination et de beaucoup, parfois ! Car Petite a existé et son époustouflante histoire nous est retracée après de sérieuses recherches de l’écrivain. Nonobstant les remplissages que peut se permettre tout roman historique pour combler les vides, le récit s’appuie donc sur des bases solides.
D’ailleurs vous connaissez tous, ce bout de femme minuscule : Anne-Marie Grosholtz, née en Alsace en 1761, partie à Berne avec sa mère pour servir le docteur Philippe Curtius, vivant à Paris pendant la révolution et mourant à Londres, mondialement connue de nos jours sous le nom de Madame Tussaud.
Ainsi, vous allez tout apprendre sur l’art de la cire ! Cependant, que les secrets de fabrication des portraits ou masques mortuaires en cire vous intéressent ou non, je vous défie bien de vous ennuyer en lisant ce roman !
L’humour noir baigne ces pages illustrées de petits dessins savoureux : nous suivons la Petite à Berne munie de sa poupée en bois Marta et du mandibule en métal de son père mort à la guerre après avoir perdu le sien ( je parle de son mandibule!). « Je dois , à présent confesser une chose : si j’affirme avoir hérité de son menton, c’est parce que je le suppose. N’ayant jamais vu cet homme, j’avais voulu m’approprier son profil afin d’être sûre, chaque jour, que j’étais bien sa fille, qu’il était bien mon père »
Commence alors le premier portrait (fabuleux) de ce roman qui en présentera beaucoup et d’abord le docteur Curtius, incapable de prononcer un mot à force de vivre en tête en tête avec des morceaux de corps humains qui traînent un peu partout dans la maison : "une langue, sans doute humaine, sur une table à tréteaux. Que faisait-elle là ? Où était son propriétaire?" mais pas que des langues! Intestins, vessies, cervelles, foies, pancréas … envoyés par l’hôpital et que le docteur moule dans la cire pour des représentations scientifiques. C’est là que Petite commence à apprendre le métier et c’est pourquoi, à la mort de sa mère, elle suit son maître à Paris où les nobles et riches bourgeois vont adorer se faire « tirer le portrait » en cire, mode qui entraîne Petite jusqu’à Versailles, auprès d’Elizabeth, la soeur du roi !
Tout au long du récit, nous voyons défiler des personnages étonnants : celui de la veuve Picot, la logeuse de Curtius, de son fils Edmond, et de son mari, le vénérable et vénéré Monsieur Picot, (mort), mais présent sous la forme d’un mannequin (pas en cire) vermoulu, qui tombe en morceaux et qu’il faut rapiécer de temps à autre !
Mais apparaissent aussi devant nous des personnages célèbres, Voltaire, Rousseau, Franklin … Et puis avec la Révolution et le règne de la Terreur pendant lequel Petite ne doit son salut qu’à son art de mouler les têtes coupées nous faisons connaissance de Louis XVI, Marat, Maximilien Robespierre, et autres « portraits », un peu particuliers, ceux-là, et plutôt hallucinants !
Le roman tient un peu du roman picaresque quant aux tribulations de l’héroïne, orpheline de père puis de mère, maltraitée par la logeuse dont son maître est amoureux. Héroïne picaresque, aussi, quant aux vicissitudes de sa position, aux hauts et aux bas de son existence, quant aux injustices qu’elle subit, à son habileté à survivre et même à s’imposer dans un monde ou les nobles ont tout pouvoir sur vous, même celui de vous loger dans un placard au coeur du plus somptueux palais du monde…
C’est un roman d’aventures à la coloration particulière, d'une noirceur incroyable, qui donne une étrangeté au récit et où, pourtant, l'on rit ! Mais c’est aussi une vision de l’Histoire en marche entre la cruauté et la morgue des Grands et l’horreur sanglante d’une Révolution qui aurait pu être une libération des humbles mais dérape dans l’excès et la démesure. Enfin, au-delà de l’humour noir, c’est la tragique histoire d’une enfant pauvre et seule, puis d’une femme malmenée par la vie, qui a su grâce à ses dons de portraitiste et son imagination échapper à la misère et à la folie des hommes.
Un livre passionnant et surprenant !
Challenge Un pavé pour l'été blog Sur mes Brizées : Edward Carey Petite Pocket 554 pages
Ce pavé-ci m'attire moins que le précédent, mais merci pour ton compte rendu. Bonne journée, Claudialucia.
RépondreSupprimerMoi, il m'a beaucoup plu mais c'est vrai que le sujet est noir, noir, noir !
SupprimerJe ne connaissais pas du tout cette histoire. Je ne sais pas si je tiendrais sur la longueur. J'ai du mal à articuler extrême noirceur et rire.
RépondreSupprimerC'est un rire un peu horrifié tout de m^me ! Bref ! de l'humour noir !
SupprimerPourquoi pas?J'aime bien les romans historiques je ne l achèterais pas mais au hasard de mes promenades à la mediatheque...
RépondreSupprimerOui, on doit pouvoir le trouver facilement en bibliothèque. Il a semble-t-il du succès!
SupprimerEh bien, quelle histoire ! Je ne sais pas si je lirai ce petit pavé, mais suis ravie d'en découvrir l'existence.
RépondreSupprimerComme tu dis : quelle histoire ! Mais je t'assure qu'elle est captivante !
SupprimerTrés attirant.
RépondreSupprimerOui, en sachant ce qui t'attend !
SupprimerJ'ai abandonné un de ses romans... C'est plus un auteur qui me tente :-(
RépondreSupprimerP
RépondreSupprimerPas de point de comparaison. C'est le premier que je lis de lui !
RépondreSupprimerJe l'ai acheté après avoir vu un documentaire sur la dame en question, XVIIIe siècle et femme entrepreneure oblige ! Mais je ne l'ai pas encore ouvert.
RépondreSupprimerBonjour Claudialucia, je ne connais pas du tout la vie de Mme Tussaud. Je ne savais qu'elle était aussi trépidante. Mais je ne suis pas sûre que je lise sa biographie romancée. Bonne journée.
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