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samedi 16 juillet 2011

Jean-Paul Delfino : Pour tout l'or du Brésil



Pour tout l'or du Brésil de Jean-Paul Delfino est un roman historique dont le récit se déroule en parallèle dans deux pays différents, le Portugal et le Brésil qui commence à secouer le joug de la métropole et à aspirer à l'indépendance.
Au Portugal : le fameux et terrible tremblement de terre de Lisbonne de 1755 anéantit la capitale. Don Cristiano da Fonseca voit disparaître la fortune amassée par son père, un riche et puissant commerçant et se retrouve ruiné. Mais il entre bien vite au service du marquis de Plombal, premier ministre du roi Dom José 1er, décidé à reconstruire Lisbonne en faisant de la ville nouvelle une capitale moderne. Ce marquis de Plombal qui a toute la confiance du roi est l'ennemi des Jésuites et des nobles dont il détruira la puissance. Machiavélique, il sera aussi le mauvais génie de Don Cristiano puis qu'il le sépare de la femme qu'il aime et de son enfant, l'utilise pour de basses besognes de police et détruit en lui tout ce qu'il pouvait y avoir d'honnête et de bon.
Au Brésil : au même moment Zumbi, un noir qui n'a jamais connu l'esclavage, décide de quitter Rio de Janeiro où il vit misérablement pour faire fortune en cherchant de l'or dans le Minas Gerais, le pays des Mines. Mais il apprendra à ses dépens que la vie éprouvante et pénible des chercheurs d'or ne mène pas à la richesse. Il repart donc dans la capitale bien décidé à faire fortune. C'est à Rio de Janeiro que le destin des deux hommes va finir par se croiser.

Le livre est un roman historique solidement  documenté. Nous rencontrons des personnages célèbres qui ont fait l'Histoire du Brésil et du Portugal, nous assistons aux conspirations indépendantistes.  Nous découvrons les étonnantes confréries des Nègres libres qui font fortune en exploitant la peur de l'enfer des blancs corrompus et rachètent ainsi la liberté des esclaves! L'écrivain offre une peinture de ces deux pays, en les opposant. Il montre les différences entre la société portugaise coincée par les hiérarchies sociales, le protocole, les bienséances et sous le pouvoir de l'Eglise et le Brésil où vit une société mêlée qui permet aux métis ou aux noirs de s'élever, où les moeurs sont plus libres.
Mais Pour tout l'or du Brésil  se lit aussi comme un roman d'aventures. Au plaisir de découvrir cette période historique mouvementée, s'ajoute aussi celui de partager les péripéties vécues par les deux héros, les vicissitudes de leur fortune, les dangers auxquels ils sont confrontés. On s'attache en particulier au personnage de Zumbi rendu sympathique par son amitié avec l'Aveugle, son amour pour l'intelligente, belle et maîtresse-femme Laurinda. Un roman très agréable donc!



Merci à Dialogues Croisés et aux éditions Le Passage

dimanche 13 février 2011

Jérôme Coignard : Une femme disparaît, le vol de la Joconde au Louvre en 1911


A la Santé
Avant d’entrer dans ma cellule
Il a fallu me mettre nu
Et quelle voix sinistre ulule
Guillaume qu’es-tu devenu
Le Lazare entrant dans la tombe
Au lieu d’en sortir comme il fit
Adieu adieu chantante ronde
Ô mes années ô jeunes filles




Guillaume qu'est-tu devenu? C'est le cri d'angoisse que jette Guillaume Apollinaire dans A la Santé publié dans Alcools. En prison, il est accusé de complicité dans le vol de La Joconde! Et l'on sait que Picasso sera lui aussi inquiété. Depuis la lecture de ce poème, j'ai toujours eu envie, sans arriver à avoir une vue d'ensemble sur tous ces évènements, de savoir pourquoi notre pauvre poète s'était trouvé pris dans un tel imbroglio! Aussi quand Dialogues croisés a présenté parmi les lectures possibles, l'essai de Jérôme Coignard  : Une femme disparaît, le vol de la Joconde au Louvre en 1911, je me suis précipitée.
Ma curiosité est donc satisfaite à présent grâce à ce livre très bien documenté. Il procède comme une enquête policière en suivant pas à pas les tribulations de La Joconde depuis son enlèvement au Louvre le 22 août 1911 jusqu'à son retour à Paris le 31 décembre 1913 après avoir été transportée en Italie par le voleur, un ouvrier italien qui travaillait en France.
Le livre nous apprend des fait étonnants sur ce qu'était Le Louvre dans ces années-là. Voler une oeuvre, fut-ce une peinture aussi célèbre que La Joconde, était un jeu d'enfant  à cette époque. En effet, les tableaux étaient accrochés à de simples clous, sans dispositif de sécurité, et il était coutume, de plus, de les transporter d'une salle à l'autre pour qu'ils soient photographiés ou copiés sans que personne ne s'inquiète de leur absence! C'est depuis le vol de la Joconde, d'ailleurs, qu'est né l'habitude de laisser un panneau en lieu et place de l'oeuvre annonçant le déplacement du tableau, la raison de son absence, sa destination, et la date de son départ!
Ce à quoi, je ne m'attendais pas en lisant cet essai, c'est à l'aspect franchement comique voire absurde de toute cette affaire! Jérôme Coignard nous offre de véritables moments vaudevillesques qui mettent en scène les ridicules de tous, à toutes les échelles, des gardiens du Louvre au directeur, de la police à ces messieurs du gouvernement. Les écrits des journalistes  prêtent à rire aussi avec leur prose ampoulée déplorant le vol du tableau en des termes pompiers. Ridicule aussi toute cette foule qui n'était jamais allée voir Monna Lisa de "son vivant" - si l'on peut dire- et qui vient par milliers admirer les trois clous qui la retenaient. Les cafouillages de la police, les facéties des parisiens qui se livrent à des vols dans les musées et rendent ensuite leur larcin pour mieux prouver l'impéritie des services de sécurité sont autant de petits récits comiques que peut savourer le lecteur. Mais le plus absurde de tous est décidément le voleur, un italien immigré qui avait lu que Napoléon avait volé des oeuvres à l'Italie. D'où sa décision de rendre le tableau de Vinci à son pays tout en touchant un bon pactole! Curieuse alliance de patriotisme et d'intérêt personnel! Or, la Joconde n'a jamais été italienne. C'est une oeuvre que Léonard de Vinci a réalisée en France quand il était l'invité de François 1er et que le roi a acquis pour une coquette somme.
Mais sous l'aspect de comédie se dessine la menace de la guerre toute proche que cette folie liée à La Joconde semble repousser à l'arrière plan et les propos anti-germanistes mais aussi antisémites (on est tout prêt de l'affaire Dreyfus)  fleurissent dans les journaux, en particulier dans  l'Action française.

Un essai que j'ai lu avec plaisir et qui reconstitue toute une époque!

capture-d_ecran-2010-07-15-a-12-49-41.1297635945.png Merci à Dialogues croisées et aux éditions Le Passage