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lundi 14 novembre 2011

William Boyd : Orages ordinaires

Le roman de William Boyd Orages ordinaires débute comme un film de Hitchcock et, pour être plus précise, comme La mort aux trousses où l'on voit Cary Grant  au siège des Nations-Unis saisir le couteau qu'un tueur vient de planter dans le dos de son interlocuteur et être ainsi convaincu de meurtre devant des milliers de personne. Adam Krinder, en effet, climatologiste distingué, vient à Londres passer un entretien pour un poste de recherche à l'Imperial collège de Londres. Dans un restaurant, il fait la connaissance du docteur Wang qui, en prenant congé de lui, oublie un dossier. Adam le lui rapporte à son hôtel mais quand il entre dans la chambre du docteur, après avoir donné son nom à l'accueil, il trouve l'homme poignardé. Pris de panique il saisit le couteau, se couvre de sang, s'essuie les mains sur le couvre-lit, bref! signe le crime qu'il n'a pas commis. Enfin, prenant conscience que l'assassin est toujours dans l'appartement, il s'enfuit avec le dossier. Il sera désormais recherché par la police mais aussi par le tueur et ses commanditaires. Mais qui sont ces hommes tout puissants qui sont à ses trousses et pour quelle raison tiennent-ils autant à le retrouver?

La comparaison avec le film de Hitchcock s'arrête là. Alors que Cary Grant va se lancer dans une course qui lui fera traverser les Etats-Unis d'Est en Ouest, toujours séduisant dans son costume sorti des mains des plus grands tailleurs, Adam Krinder, lui, se sachant incapable de prouver son innocence, va s'attacher à disparaître et pour cela se terrer dans les bas-fonds de Londres. Cette vision de la grande ville de Londres dans ce qu'elle a de noir, de nébuleux, de malfaisant est une des grandes réussites du roman. Déchéance, privations,  manque d'hygiène, logis sordides, violence sont le lot quotidien des exclus de la société, des SDF, des immigrés clandestins, des prostituées. On a l'impression que rien n'a vraiment changé depuis le XIX ème siècle où les écrivains comme Dickens, Victor Hugo, Eugène Sue nous amenaient visiter l'envers du décor, de Londres ou de Paris, celui où seuls les plus forts, les plus rusés, parviennent à survivre. Et la vie du petit Lyon, fils de la prostituée Musha, n'est pas moins miséreuse que celle du petit Olivier Twist.

Le roman fonctionne sur le suspense et l'on peut dire qu'il est réussi et que nous suivons avec intérêt les péripéties de l'histoire, les dangers que notre héros doit affronter. Mais il n'est pas que cela. L'analyse psychologique des personnages a une grande importance et le récit prend d'ailleurs un tour particulier. Adam n'est pas un super héros, viril et plein de force, qui fait face physiquement et se bat avec les  méchants. Il dépense la plus grande partie de son énergie et de son intelligence à se terrer, à fuir et parfois à recevoir des coups, non à en donner! La force du roman tient à la manière dont William Boyd va nous faire sentir la transformation de la personnalité d'Adam. Peu à peu celui-ci en s'enfonçant dans l'anonymat, abandonne tout ce qu'il était, se dépouille de son Moi profond, perd son identité. Il est un autre! Et cela ne peut aller sans quelque ravage psychologique. Adam Kinder  sait et nous aussi, lecteurs, que même s'il peut porter à nouveau son véritable nom au grand jour, il ne sera jamais plus le même. 
Le livre est assez noir  mais il n'est pas dépourvu par moments d'un certain humour... noir lui aussi, par exemple lors de la visite à l'église de Saint John Christ. Il est éclairé aussi d'une lueur d'espoir liée à la rencontre de l'amour dans la personne de Rita qui travaille dans la police fluviale.

Il était convaincu que tout irait bien dans cette vie compliquée, difficile, éphémère que nous menons. Mais au moins il avait Rita et c'est tout ce qui importait vraiment : maintenant il avait Rita. Il y aurait toujours ça, supposait-il, ça, le soleil et la mer bleue au-delà.

Le narrateur nous présente tour à tour le récit selon l'angle de personnages différents, ce qui nous permet de connaître le passé, les pensées mais aussi les motivations de chacun et d'avoir une galerie de personnages clefs qui nous font comprendre l'action et les dessous de l'affaire. Car Orages ordinaires est aussi une dénonciation de ceux qui, dans notre société, hommes d'affaires "respectables" et puissants, sont prêts à tout pour gagner de l'argent!  C'est ce que vous découvrirez en lisant le livre.

Le roman de William Boyd qui doit son titre à un phénomène climatologique en relation avec le métier du personnage principal, est donc un très bon roman que j'ai lu avec plaisir et intérêt.
Lecture commune avec Jeneen