Entre deux mondes est mon roman préféré d’Olivier Norek. Il a une force qui vous retient prisonnier, captivé, et ceci d’autant plus qu’il s’agit d’une réalité, la jungle de Calais avec l’horreur de des conditions de vie, de l'exil, de la solitude, de la violence et de la mort, femmes assassinées, enfants seuls, abandonnés, violés … Une jungle où triomphe le plus fort, où s’organisent des bandes de malfaiteurs, racketteurs, tueurs, qui tiennent le haut du pavé et font la loi; un lieu sordide où le crime demeure impuni, où le métier du policier devient un combat de Sysiphe : empêcher la fuite vers l’Angleterre une nuit et recommencer sans cesse; un no man’s land où la justice et les lois françaises sont lettres mortes …
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Olivier Norek qui a été capitaine de la police judiciaire dans le 93, sait de quoi il parle mais c’est aussi un écrivain, un vrai, dont le style puissant, évocateur, nous transporte dans cette jungle, nous fait vivre par l’intérieur ce qui s’y passe, nous fait éprouver les émotions, les espoirs, les révoltes, l’état de déréliction dans lesquels sont plongés ces hommes et femmes perdus dans l’exil. Ce que j’apprécie, c’est que l’écrivain sait éviter le manichéisme. Non, il n’y pas les bons émigrés d’un côté et les méchants français, les cruels policiers racistes de l’autre. Le Bien et le Mal sont également distribués, couche après couche, dans la société française ou étrangère.
D’autre part, Olivier Norek n’écrit pas, malgré la parfaite connaissance du sujet et la précision des détails, un documentaire. Entre deux mondes est un vrai roman et l’on s’intéresse aux personnages, on s’attache à eux, on tremble pour leur vie comme dans le meilleur roman d’aventures. Il y a Nora qui part de Damas, via Beyrouth et Tripoli, avec sa fille Maya, 6 ans, pour rejoindre la France sur un zodiac, à la merci, toutes deux, de passeurs sans scrupules, puis la quête d’Adam, policier syrien mais membre d’une organisation rebelle, le mari de Nora, qui fuit le régime de Bassar El Assad et part à la recherche de sa femme et de son enfant dans cet « entre deux mondes » qu’est la jungle de Calais. Enfin Bastien et sa fille Jade qui se traitent mutuellement, de « sale flic » et de « sale gosse », mais ont une grande complicité et enfin, Manon, dépressive, épouse de Bastien. La nomination du « flic » à Calais n’est pas pour leur faire voir la vie en rose !
On s’intéresse aussi aux personnages secondaires, aux humanitaires, aux collègues de Bastien, enfin au gamin perdu dans la jungle qui s’attache aux pas d’Adam. Norek porte un regard plein de tendresse sur ses personnages, il nous les fait comprendre et aimer. Il nous dépeint aussi leur évolution face à ce qu’ils vont vivre et comment cette expérience va les transformer…
Entre deux Mondes est donc un livre plein d’humanité dans lequel l’espoir et le désespoir cohabitent mais où finalement un rayon de soleil parvient à percer la noirceur du monde.