Avec ce livre Des erreurs ont été commises de David Carkeet, le troisième de la vie de Jeremy Cook, linguiste misanthrope, je réitère l’exploit de commencer une série par la fin ! C’est mon truc, semble-t-il ! Bon, et comme avec cet auteur (et ce personnage) on n’est pas dans un style conventionnel ni sur des rails habituels, voilà que je me sens une furieuse envie de lire les bouquins qui l’ont précédé aux éditions Monsieur Toussaint Louverture, le premier qui semble emprunter son titre à Hitchcock Le linguiste était presque parfait, le second Putain de catastrophe dont le titre laisse présager le pire !
Des erreurs ont été commises est présenté par l’éditeur comme « un exercice de style oulipien déguisé en comédie sur la crise de la quarantaine. ». Et c’est tout un programme !
Dans ce livre, Jeremy Cook partage la vedette avec Ben Hudnut, le roi des noix, entrepreneur plein de fric, père de quatre filles, et mari de la jolie Suzan. Cook fait sa connaissance en allant étudier le langage de la petite dernière de Ben, Molly. N’oublions pas qu’il est linguiste - bien qu’au chômage - et spécialiste du langage enfantin. Le roman nous fait pénétrer dans la vie des deux couples Ben et Suzan et Jeremy et Laura, tous en pleine crise. Il nous présente aussi le milieu universitaire de Laura, qui enseigne dans une université qu’elle ne trouve pas assez bien pour elle, ambition et mépris des autres vont de pair, coups bas entre collègue, jalousie, chasse aux gentils donateurs. Oui, c’est vrai, cela rappelle David Lodge en plus méchant. Le milieu de Ben, au demeurant, n’est pas exempt de travers ! Le tout dans un style bourré d’humour et noirement ironique.
Roman social si on peut le qualifier ainsi? Il offre une galerie de portraits réussis. Il présente aussi un tableau des relations humaines assez pessimistes, que cela soit dans le milieu du travail ou entre mari et femme. L’amour se délite, les couples se déchirent, les mesquineries pleuvent. Roman policier ? A moment donné il y a une (et même deux) intrigue que l’on peut dire policière qui arrive par la bande, sans avoir été annoncée, un peu subrepticement, je dirai ! Mais enfin il y a enquête, détournements, fraudes et les voleurs sont punis. J’y ai vu surtout une réponse ironique aux certitudes de Ben Hudnut. Et voilà qui lui apprendra à être condescendant !
« Qu’est ce que vous entendez par condescendance ?
- Je veux dire prendre quelqu’un de haut en faisant semblant d’être sympathique. Je suis devenue très forte pour détecter ce genre de comportement. »
- Je veux dire prendre quelqu’un de haut en faisant semblant d’être sympathique. Je suis devenue très forte pour détecter ce genre de comportement. »
Et ma foi, la somme de catastrophes qui s’enchaînent et tombent sur la tête de ce pauvre homme, pas plus mauvais patron qu’un autre finalement, bon père et mauvais mari repenti, somme toute plutôt sympathique même si nul n’est parfait, est à la fois méritée et cruelle! C’est que David Carkeet a l’art de manier l’ironie et quand il a quelqu’un dans la moulinette et bien… il mouline.
Je me suis bien amusée en lisant ce livre d’un genre indéfini. Il y a des moments d’anthologie comme le discours tenu par Jeremy Cook en pleine séminaire universitaire ou encore son inénarrable entretien d’embauche, ou lorsqu’il essaie de s’abonner au câble et regrette la bonne vieille télévision d’antan, vous savez quand il suffisait simplement d’appuyer sur un bouton. Quant à la misanthropie de Jeremy Cook, elle se se retourne contre lui-même dans un dénouement qui est un point final ironique!
Le livre est agréable à lire. J'en ai aimé l'humour noir et le tableau de la société de certains milieux américains.
Editions Toussaint Louverture