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Roger Casement
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Le rêve du celte de l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa raconte l’histoire de Roger Cassement, né à Dublin et dont le berceau familial se trouvait dans le comté d’Atrim, au coeur de l’Ulster. Surnommé « Le Celte », converti au catholicisme, religion de sa mère, il a personnifié la révolte des indépendantistes irlandais.
Emprisonné pour avoir coopéré avec les Allemands sur lesquels il voulait s’appuyer pour mener à bien l’indépendance de l’Irlande, il est accusé de complot contre l’Angleterre et n’échappe pas à la vague de répression qui a eu lieu, après l'insurrection d'Avril 1916, une répression si féroce que les irlandais ont appelé cette terrible période « les Pâques sanglantes ».
Roger Casement sera-t-il lui aussi condamné à mort ? La campagne de dénigrement menée contre lui après la découverte de ses carnets intimes cherchant à salir sa vie privée fera-t-elle pencher la balance du côté de ceux qui réclament sa mort ?
Ce sont les questions qui se posent en début de roman, et pendant que la Grande-Bretagne statue sur son sort, nous faisons un bond en arrière dans le passé de Roger Casement. Une première partie est intitulée Congo.
Congo
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Léopold II roi de Belgique
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Roger Casement était consul de la Grande-Bretagne quand il entreprit en 1903, mandaté par son gouvernement, la remontée du Congo pour aller enquêter sur la situation des indigènes dans les régions reculées du Congo belge que l’Europe avait attribué à Léopold II, roi de Belgique.
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Henry Shelton Stanley
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Avant cette mission, Roger Casement avait travaillé huit ans en Afrique, à partir de 1884 dans l’expédition de Henry Morton Stanley* puis de Henry Shelton Sanford en 1886, ce qu’il regrettera toute sa vie. Lui qui était un fervent partisan de la colonisation, pensant sincèrement, que celle-ci apporterait la civilisation et la prospérité aux autochtones « par le biais du commerce, du christianisme et des institutions sociales et politiques de l’Occident » , « il voulait oeuvrer à l’émancipation des africains et en finir avec leur retard, leurs maladies et leur ignorance » ; lui qui, dans son enfance éprise d’aventures et de grandeur, avait admiré Stanley qu’il considérait comme un bienfaiteur des indigènes, déchante en découvrant qui est réellement cet aventurier !
Les choses que ces hommes rudes et déshumanisés racontaient de l’expédition* de 1871-1872 faisaient se dresser les cheveux sur la tête. Des bourgs décimés, des chefs de tribus décapités, leurs femmes et leurs enfants fusillés s’ils refusaient de nourrir les expéditionnaires ou de leur céder porteurs, guides et machettiers pour ouvrir des voies de passage dans la forêt. »
* première expédition de Henry Stanley
Son idéalisme va s’effondrer devant la réalité. En signant des contrats qu’ils ne savent pas lire, les chefs de tribus cèdent les terres à la Belgique, offrant sans le savoir une main d’œuvre gratuite, corvéable, que l’on fait marcher à la chicotte, cet « emblème de la colonisation », ce fouet fabriqué avec la peau de l’hippopotame, « capable de produire plus de brûlure, de sang, de cicatrices et de douleur que n’importe quel autre fouet…. »
Roger Casement, malade, épuisé par la malaria, enquête avec opiniâtreté sur les conditions de vie de ses travailleurs forcés et l’horreur qu’il ressent lui interdit, malgré sa mauvaise santé, de renoncer à collecter les témoignages qui prouvent les crimes, les sévices corporels, le travail épuisant, la misère, la faim car la population n’a pas le temps de cultiver la terre pour elle-même, la maladie, qui déciment la population autochtone. Et si les hommes ainsi réduits à l’esclavage cherchent à fuir, leurs femmes retenues comme otages subissent viols, tortures, et mises à mort. Chacun prélève, à des degrés divers, sa part d’une fortune basée sur l’exploitation de l’hévéa, l’or noir, producteur de caoutchouc qui enrichit la Belgique sans autre préoccupation humaniste. La population décimée est vouée à disparaître.
Il ne cessera son enquête qu’après avoir publié son Rapport sur le Congo qui fit scandale et lui valut d’être considéré par les uns comme un héros, par les autres comme un pestiféré.
La seconde partie intitulée Amazonie
Amazonie
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Génocide des indiens Huitotos source
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Roger Casement va être à nouveau missionné pour une enquête sur les conditions de vie des indiens amazoniens travaillant pour La Péruvian Amazone Company, compagnie britannique dirigée par un homme d’affaire péruvien sans scrupule, Julio C. Arena. La compagnie, productrice de caoutchouc, à la frontière du Pérou et de la Colombie, laisse à des hommes de paille, brutes sans conscience, le soin d’exploiter les plantations d’hévéas du Putumayo sans se soucier des exactions et des crimes commis. Elle et son directeur sont intouchables pour des raisons économiques.
Cette fois encore, on touche le fond de l’horreur car si tout se répète comme au Congo, c’est avec encore plus de noirceur, de mépris pour la vie des indiens, et même une cruauté gratuite comme le pratique les chefs de comptoirs des caoutchouteries du Putumayo et en particulier Armando Normand de sinistre réputation, qui surpasse tous les autres et fait peur même à ses subordonnés..
Les « raids », c’est « Aller à la chasse aux indiens dans leurs villages pour qu’ils viennent recueillir le caoutchouc sur les terres de la Compagnie », le marquage des indiens comme des bestiaux, la demande de rentabilité à outrance, les punitions dégradantes et terrifiantes pour ceux qui ne tiennent pas le rythme, les représailles exercées sur les enfants, les décapitations, les mutilations, les tortures, les viols, annihilent toute volonté de rébellion. Les jeunes filles servent d’esclaves sexuelles aux dirigeants des plantations qui se constituent une sorte de harem. Quand le système d’exploitation est à ce point extrême, il détruit aussi bien le corps que l’esprit, c’est pourquoi les indigènes ne peuvent se révolter, toute volonté de même que l’instinct de survie sont abolis, explique Casement.
Et, il s’indigne à la pensée que pendant que l’or noir assure la prospérité jusqu’au coeur financier de Londres : « A l’autre bout du monde, au Putumayo, toutes les ethnies : Huitotos, Ocaimas, Muinanes, Nonuyas, Andoques, Rezigaros ou Boras se trouvaient en voie d’extinction sans que personne ne bouge le petit doigt pour remédier à cet état de choses. »
Malgré son épuisement physique et moral, les menaces de mort qui pèsent sur lui, Roger Casement et les autres membres de l’expédition réunissent tous les témoignages et les preuves des meurtres et des atrocités commises. Son rapport paru en 1911 fut sans grande efficacité. Les criminels incriminés dont Armando Norman s’enfuirent au Brésil où d’ailleurs ils retrouveront du travail, le gouvernement péruvien, malgré la pression de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, ne veut pas intervenir car la Compagnie est le seul frein qui empêche la Colombie d’envahir cette zone frontalière. Et Roger Casement dut repartir sur place au péril de sa vie pour à nouveau rendre compte de ce qui se passait. Cette fois, le rapport sur le Putumayo nommé Blue Book qu’il en rapporta fit un peu bouger les lignes et précipita la ruine de la compagnie mais le génocide resta impuni, nié, oublié, et le criminel Julio Arena élu au sénat.
Je viens de lire L'Attrapeur d'oiseaux de Pedro Cesarino, écrivain brésilien, où l'on rencontre à nouveau des Indiens du Putumayo qui ont fui leur pays pour échapper aux violences. Un siècle après !
L'Irlande
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Le centre de Dublin bombardé pendant les Pâques sanglantes source |
La troisième partie est évidemment l’Irlande où l’on voit comment cet homme qui avait été si longtemps consul de la Grande-Bretagne, annobli en récompense de ses missions, a pu éprouver une telle haine pour l’Angleterre jusqu’à préférer demander le soutien des allemands pendant la guerre de 1914 pour libérer son pays. C’est par une comparaison avec les peuples congolais et amazoniens que Casement en vient à considérer les irlandais comme des colonisés et à planifier la marche à suivre pour se libérer de cette oppression. Mais ses tentatives furent un échec. En attendant le verdict, il cherche à vaincre sa peur de la mort, se tourne vers la religion et Dieu. Le personnage du shérif et du prêtre, ainsi que de sa soeur Nina et sa cousine Gee, sont autant de personnages, secondaires, certes, mais beaux.
Le mérite, le courage et le dévouement de Roger Casement n’ont jamais été reconnus au XX siècle à cause de son homosexualité dans un pays comme l'Irlande extrêmement puritain. Ce n’est que progressivement qu’il a eu droit à une timide reconnaissance. Ce livre qui rétablit son combat contre la colonisation est non seulement un bel hommage mais aussi une lutte contre l’oubli des horreurs commises par la colonisation.
*Henry Stanley l’explorateur qui a retrouvé Livingstone.
Voir le billet de Ingammic sur Le rêve du Celte ICI
Je viens de rester une semaine sans internet (des travaux dans ma rue) et voilà que le câble vient d'être rétabli juste le premier jour du mois de Février, début du du rendez-vous consacré à la littérature des pays d'Amérique latine initié par Ingammic. ICI
Et par la même occasion ma première participation au challenge sur les minorités ethniques toujours avec Ingammic.