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dimanche 18 mai 2014

Heinrich Von Kleist : La marquise d'O




La marquise d'O  de Kleist est une bien curieuse histoire tirée d'une anecdote de Montaigne qui racontait qu'une servante ayant été violée pendant son sommeil s'était retrouvée enceinte sans savoir de qui.
C'est ce qui arrive à Julietta, la marquise d'O., jeune veuve, mère de deux enfants, qui vit chez ses parents.. Fille  du colonel Lorenzo von G.,  gouverneur d'une petite place forte de Lombardie elle  est sur le point d'être violée par des soldats russes lors de l'attaque et de la prise de la ville. Nous sommes en 1799, toute l'Europe est en guerre contre les révolutionnaires français. Elle  est sauvée par le comte F., officier qui commande l'armée ennemie et qui l'arrache aux violences des soudards. Le jeune homme part ensuite à la guerre où l'on apprend sa mort. Mais il n'est que blessé et réapparaît quelques temps après pour demander la main de la marquise.  Celle-ci  demande à réfléchir mais bientôt il lui faut reconnaître qu'elle est enceinte.  Elle a beau proclamé son innocence, son père la chasse avec ses enfants. Elle écrit alors dans un journal qu'elle épousera celui qui se présentera comme le père de son enfant à naître.

                                                                  L'invraisemblance


Film d'Eric Rohmer : Julietta endormie

L'invraisemblance de l'histoire a fait couler beaucoup d'encre. Comment croire, en effet, que la jeune femme ait pu être violée dans son sommeil sans qu'elle ne se réveille! Les contemporains de Kleist n'ont pas cru à l'innocence de Julietta et plus tard la psychanalyse s'est beaucoup intéressé à ce récit. La marquise d'O est-elle aussi innocente qu'elle veut bien le dire? N'a-t-elle pas cédé au désir du fait même de sa chasteté obligée? Son inconscient n'a-t-il pas refoulé l'acte qui la rendait coupable aux yeux de son père et de la société?
 Kleist, par contre, s'est révolté contre le scepticisme de la bonne société allemande qui a très mal accueilli la nouvelle. Il raille dans cette épigramme ces gens bien pensants et leur morale étroite  :
Ce roman n'est pas pour toi, ma fille! Evanouie! Quelle farce éhontée! Elle a seulement fermé les yeux, je le sais.
Je lis, de plus, dans la préface du roman, l'explication d'Antonia Fonyi à ce sujet : La vérité chez Kleist c'est l'invraisemblance. Ce n'est pas un thèse aventureuse, romanesque ou romantique, mais une conviction intellectuellement fondée : la vérité est l'invraisemblance parce que la vraisemblance est une catégorie de la raison et que la raison n'est pas apte à accéder à la vérité.
Mais si le roman paru en 1808, ne peut explorer, et pour cause, les zones de l'inconscient, il pose, de toutes façons, la question de la sexualité féminine. La jeune femme déclare qu'elle ne veut plus se remarier; l'on ne sait pas trop quelles relations elle a eues avec son mari, mais on comprend  qu'elle veut se mette à l'abri d'une autre expérience en restant chez ses parents. Plus tard, Kleist, nous la montre aussi, lorsqu'elle est reconnue innocente, sur les genoux de son père qui l'embrasse passionnément sur la bouche "comme un amoureux", sous les regards attendris de la mère. Le moins que l'on puisse dire c'est que la situation est assez trouble. Les réactions violentes du père -il sort son arme pour tirer sur sa fille- quand il apprend que cette dernière est enceinte prend alors un autre éclairage : non celles d'un père blessé dans son honneur, révolté de la duplicité de sa fille, mais celui d'un amoureux jaloux.
Eric Rohmer, en adaptant ce roman, est manifestement gêné par cette invraisemblance et il imagine, ce qui n'est pas dans le roman, que la servante donne un narcotique à Julietta. Ceci expliquerait qu'elle ne se réveille pas, une réponse moderne, la marquise d'O victime de la drogue du viol ou équivalent!   Avec ce détail réaliste qui chasse toute ambiguïté, Rohmer passe à côté de ce qui fait la complexité de la nouvelle et gomme la part d'ombre du personnage. 

      Un personnage sans tache


 Marie-Magdeleine repentante : Greuze


Eric Rohmer : Julietta l'innocence accablée

Une part d'ombre que n'a pas voulu l'écrivain!  La vision de la femme sans tache et pure, c'est à dire sans sexualité, correspond à une vision romantique assez commune mais surtout chrétienne. Julietta est assimilé à la vierge Marie et si la conception de son enfant n'est pas immaculée, il n'y a aucune faute de sa part. C'est ce que signifie la métaphore du cygne couvert de boue que le comte F. voit dans son rêve, et dont il veut laver la souillure,  le péché originel. 
A la pureté de la femme s'oppose la bestialité de l'homme (le violeur); Sous l'apparence de la vertu, les pulsions bestiales sont toutes prêtes à ressurgir, le vernis de la bonne éducation toujours prêt à craquer. C'est ce que résume dans une formule frappante la marquise d'O : "qu'il ne lui fût point apparu comme un démon si, lors de sa première apparition devant elle, elle n'avait cru voir un ange." En épousant Julietta, le jeune homme répare sa faute et rétablit l'ordre social et l'unité familiale.


Erice Rohmer : Le comte repentant  et la marquise d'O


Le film d'Eric Rohmer

Le cauchemar de Füssli


Le film de Rohmer offre une magnifique recherche picturale rendu avec talent par le chef opérateur Nestor Almendros :  couleurs, lumières, éclairages, toutes les scènes évoquent des tableaux de peintres de la fin du XVIII siècle ou romantiques, Fussli, Friedrich, Greuze, David.. Esthétiquement réussi, le film est pourtant insupportable à visionner, ridicule à souhait! Ce n'est que mon avis, tous les critiques ont crié au chef d'oeuvre!
Certes, le roman de Kliest demande à ce que l'on se remette dans les mentalités du début du XIX siècle. Mais en cherchant à nous faire épouser la réalité historique de cette époque "sans aucune distanciation, à rajeunir l'oeuvre non pas en la rendant contemporaine mais en faisant de nous ses contemporains*" Eric Rohmer n'est parvenu qu'à la caricaturer. Il fait, en effet, jouer ses acteurs comme des personnages de tableau ou de théâtre. Il leur fait adopter les gestes étudiés, les poses outrées, excessives et maniérées que l'on voit dans les tableaux de Greuze, de Füssli ou dans la comédie larmoyante chère à Diderot. Mais dans la vie personne ne se comporte ainsi, au XIX siècle pas plus que maintenant, d'où cette impression que le réalisateur ironise, parodie l'oeuvre alors qu'au contraire il a voulu la servir!

Greuze







 
La réponse était : Heinrich Von Kleist : la marquise d'O
                           :  Eric Rohmer La marquise d'O

Bravo à Aifelle, Asphodèle, Dasola Pierrot Bâton, Syl....

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