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mardi 6 septembre 2016

Jean-Christophe Rufin : Le parfum d'Adam



Le parfum d’Adam de Jean-Christophe Rufin est dans la veine de Globalia, un roman de science-fiction, pourrait-on dire, mais pas vraiment. En effet, s’il nous présente des faits fictifs, ceux-ci sont tellement proches de la réalité et dépeignent si bien notre époque qu’ils n’appartiennent pas vraiment à la science-fiction. C’est ce qui n’est pas encore arrivé mais que nous savons possible!

Jean-Christophe Rufin a choisi de parler du terrorisme mais pas de celui qui concerne l’islamisme. Il s’agit ici d’écologie telle qu’elle se pratique aux Etats-Unis où ce courant de pensée utilise parfois des méthodes violentes, allant jusqu’à s’attaquer aux engins de déforestation, par exemple, et aussi à ceux qui les conduisent. Mais là où nous entrons dans la science-fiction, c’est lorsque l’écrivain imagine un complot international visant à s’attaquer aux populations les plus pauvres car ceux sont eux qui polluent le plus et déforestent. L’écologie, en effet, poussé à l’extrême, peut aboutir à la haine de l’homme.
Juliette jeune fille psychologiquement fragile, est envoyée dans un laboratoire en Pologne pour délivrer les animaux qui servent à des expérimentations. Mais sa mission semble avoir un autre but. On lui demande aussi de ramener une flacon. Que contient-il? C’est ce qu’elle ne sait pas. Et pourquoi revêt-il une telle importance aux yeux des personnes occultes qui la manipulent? Juliette ira-t-elle jusqu’au bout de ce qu’on exige d’elle?
Face à Juliette et au groupe tout puissant qui est derrière elle, le docteur Paul Matisse, américain, un ancien de la  CIA, et la brillante Kerry, ex-espionne, vont reprendre du service pour venir en aide à l’Humanité.

L’histoire est bien construite et bien menée et nous entraîne dans de nombreuses aventures dignes d’un roman d’aventures et d’espionnage - voilà pour l’aspect romanesque- mais qui ont pour but  une réflexion sur notre monde actuel. JC Rufin ne cache pas que toutes les formes de terrorisme sont ici visées puisque toutes ont en commun la violence, le fanatisme et la destruction de l’autre. Mais il met aussi en avant le fait que les services de sécurité américains prennent très au sérieux la menace de l’écoterrorisme. L’écrivain dénonce les philosophies qui à la suite de Malthus, en poussant le raisonnement à l’extrême, considèrent l’homme comme nuisible. Ces idéologies permettent la justification de la guerre pour éliminer le surplus humain. La famine, la mortalité infantile, les épidémies sont donc vues comme « le mécanisme naturel » qui régule la population. Et comme ces fléaux touchent les populations du Tiers-Monde, on comprend bien que ce sont eux les victimes désignées de cette idéologie. William Aiken va même jusqu’à écrire dans Essay in environnemental Ethics » : « Une mortalité humaine massive serait une bonne chose. Il est de notre devoir de la provoquer. C’est le devoir de notre espèce, vis à vis de notre milieu, d’éliminer 90% de nos effectifs ». Terrifiant, non?  C’est  d’ailleurs cette assertion qui est à l’origine du roman.  Le parfum d’Adam  conduit donc à une réflexion sur les rapports entre les pays riches et ceux du Tiers-Monde et sur la responsabilité qui est la nôtre..

J’ai aimé ce roman dont le sujet m’a paru particulièrement d’actualité et passionnant. Au niveau de l’aspect romanesque, on ne lit pas 754 pages d’affilé si l’on n’éprouve pas un vif intérêt pour le livre! Je ferai cependant un reproche au roman, celui d’être parfois une peu trop démonstratif. C’est la thèse défendue qui est mise en valeur au détriment des personnages qui m’ont paru parfois, surtout Paul et Kerry, un peu trop stéréotypés.

Challenge Pavé de l’été de Sur mes brizées : 754 pages dans Folio Gallimard