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mardi 13 novembre 2018

Sénèque : Thyeste au festival d'Avignon 2018 Mise en scène Thomas Joly

Thyeste de Sénèque mise en scène par Thomas Joly festival d'Avignon juillet 2018
Thyeste festival d'Avignon juillet 2018
 Rappel : Cette année, j’ai suivi le festival d’Avignon de Juillet 2018 avec autant de plaisir que les années précédentes mais je n’ai pas eu le temps d’écrire des billets. J’ai tout de même envie de parler ici de quelques spectacles, ce que je ferai sporadiquement, ne serait-ce que pour m’en souvenir et vous parler d’auteurs, d’acteurs, de metteur en scène qui méritent bien que l’on aille les voir. Si je le peux, je vous donnerai les dates des représentations en France en 2019. 
***
Cette fois-ci,  c'est d'une pièce du festival in dont je vais parler :  Thyeste de Sénèque  qui raconte l'histoire de la vengeance d'Atrée!  Pour punir son frère Thyeste qui a cherché a usurpé son trône et séduit sa femme, Atrée fait venir son frère à la cour sous prétexte de pardon puis il tue les enfants de Thyeste et les lui fait manger.

Thyeste de Sénèque : Mègère, Tantale et le choeur (source)
Quand on pénètre dans la Cour d'Honneur à Avignon, le décor donne déjà la tonalité de l'oeuvre de Sénèque puisque gisent, dispersés de part et d'autre de l'immense scène, une tête à la bouche ouverte dans un dernier cri et une main tout aussi gigantesque au doigt accusateur. Des restes humains dépecés. Tout ceci pour nous rappeler, avant même que l'indicible soit accompli, le festin sanglant offert à Thyeste par son frère Atrée.
D'abord, l'arrivée de Mégère, ombre toute de blanc et de sang vêtue, puis celle de Tantale, sinistre aïeul de la famille, s'extrayant du Tartare, dans sa carapace verte, semblable à celle d'un monstre couvert d'écailles, tout ruisselant de l'eau des Enfers. Leurs voix imprécatrices qui se projettent vers le ciel, lancées au-dessus des créneaux du palais des papes, bien au-delà des spectateurs, emportées au loin par leur puissance, ouvrent cette  pièce qui semble nous plonger dans un monde écrasant, nous, les extrêmement petits.

Mégère à Tantale: "Ombre funeste, va, souffle sur ton palais détesté la rage des Furies ; qu'il s'engage entre tes descendants une lutte de crimes, et qu'ils s'arment tour-à-tour du glaive homicide. Point de mesure à leur fureur, point de honte qui les arrête : qu'une aveugle colère s'empare de leurs esprits ; que la rage des pères ne s'éteigne point avec eux, mais que leurs crimes passent, comme un héritage, à leurs fils : qu'aucun d'eux n'ait le temps de se repentir d'un attentat commis, mais qu'il en commette chaque jour de nouveaux, et que le châtiment d'un crime soit un crime plus grand."  Traduction  ME Geslou

La mise en scène de Thomas Joly traite avec une férocité impressionnante, avec une emphase dans l'horreur, cette tragédie aux accents à la fois lyrique et réaliste, qui parle de vengeance mais aussi de démesure. Quand l'homme cesse-t-il d'être un humain ? La langue de Sénèque est belle dans la traduction de Florence Dupont. La musique, la beauté des jeux de lumière sur la scène et sur le mur de fond du palais, celle des costumes, peuvent nous paraître très (trop?) esthétiques mais cette idée est bien vite démentie : Ainsi, le choeur composé d'enfants, à première vue purs et fragiles dans leur longue robe blanche, nous fait reculer à l'aspect de leur bouche ensanglantée d'où sortent des prières et des lamentations.

Lors de la mise à mort des enfants de Thyeste découpés en morceaux, le texte de Sénèque est d'une précision insoutenable mais si évocatrice que le spectateur se dit qu'il est heureux que le texte ne soit pas illustré par l'action ! Pas de redondance !

 Atrée a le courage de manier les fibres, et d'y lire la destinée; il observe attentivement les viscères encore tout pénétrés du feu de la vie. Satisfait des présages qu'il y trouve, il s'occupe tranquillement du festin qu'il veut offrir à son frère. Il coupe les corps en morceaux, il sépare du tronc les épaules et les attaches des bras, met à nu les articulations, brise les os, et ne laisse en leur entier que la tête et les mains qu'il avait reçues dans les siennes en signe de fidélité. Une partie des chairs est embrochée et se distille lentement devant le feu ; l'autre est jetée dans une chaudière que la flamme fait bouillonner et gémir : le feu laisse derrière lui ces effroyables mets, il faut le replacer trois fois dans le foyer pour le forcer enfin à s'arrêter et à brûler malgré lui. Traduction  ME Geslou

Mais rien ne nous sera épargné. Thomas Joly a pris le parti de l'indélicatesse; je veux dire que pour communiquer la terreur qui s'empare de la terre, du feu, et des cieux devant ce crime, il ne peut choisir la demi-teinte, la litote. La mort des enfants se matérialise avec décalage par rapport à l'action, sous la forme de sacs sanguinolents dans lesquels le père infortuné découvrira les restes non apprêtés pour le banquet : la tête et les mains. La suggestion est si forte que j'ai été prise de dégoût quand Thyeste mange la chair des enfants et boit leur sang croyant que c'est du vin, en portant des libations.

Comment sort-on de ce spectacle ? Pour ma part, j'ai été plutôt secouée et je dois avouer que j'ai  parfois eu envie de fuir ! Envers les deux personnages, je n'ai pu ressentir que de la répulsion, peut-être parce que les comédiens ne laissent apercevoir aucune faille qui pourrait même momentanément nous toucher? On pourrait, par exemple, éprouver de la compassion pour le père des enfants sacrifiés, Thyeste ; on pourrait voir Atrée hésiter, tenté de renoncer à sa terrible vengeance. Il n'en est rien ! Non, ce que j'ai ressenti, c'est du malaise. Pourtant, en assistant à cette pièce si éloignée dans le temps, qui pourrait paraître en dehors de nos préoccupations,  j'en ai senti l'actualité. Je n'ai pu m'empêcher de penser à toutes les périodes horribles de l'Histoire dont l'acmé est pour moi les camps de concentration nazis, la haine poussée au dernier degré de la monstruosité. 
Une représentation impressionnante, donc, qui convient bien à la Cour d'Honneur car celle-ci a les dimensions d'un théâtre antique. Je me demande l'effet que fait ce spectacle ramené à une scène de théâtre normale? Si vous y assistez, dites-le moi !

Thyeste de Sénèque mise en scène Thomas Joly  festival d'Avignon juillet 2018
Thyeste festival d'Avignon juillet 2018


La tournée de la pièce en France en 2018/2019

    Nantes
    du 14-11-2018    
    du 26-11-2018
    au 01-12-2018
 
    Paris
    La Villette
    au 20-11-2018
    Le Grand T

    Strasbourg
    du 05-12-2018
    au 15-12-2018
    Théâtre National de Strasbourg - TNS

    Martigues
    du 19-12-2018
    au 20-12-2018
    Théâtre des Salins

    Charleroi
    du 25-01-2019
    au 26-01-2019
    Palais des Beaux-Arts de Charleroi

    La Rochelle
    du 31-01-2019
    au 01-02-2019
    La Coursive

    Lyon
    du 12-02-2019
    au 16-02-2019
    Célestins, Théâtre de Lyon

    Caen
    du 06-03-2019
    au 08-03-2019
    Théâtre de Caen

    Antibes-Juan-les-Pins
    du 15-03-2019
    au 16-03-2019
    Anthéa - Antipolis

    Toulon
    du 22-03-2019
    au 23-03-2019
    Le Liberté, scène nationale

    Marseille
    du 28-03-2019
    au 30-03-2019
    La Criée

    Châtenay-Malabry
    du 03-04-2019
    au 04-04-2019
    Théâtre Firmin Gémier/La Piscine

    Lille
    du 24-04-2019
    au 28-04-2019
    Théâtre du Nord
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Thomas Jolly
Enfant du théâtre public, révélé au Festival d'Avignon avec Henry VI et avec le feuilleton sur l'histoire du Festival, Thomas Jolly est passé en moins de dix ans du statut de jeune espoir à celui de metteur en scène d'envergure et populaire. Son approche des grands textes joue de la figure du monstre, de la difficulté de représenter l'irreprésentable et des grands formats. Avec La Piccola Familia, il pense le théâtre comme un art citoyen et cherche à interroger le fondement de l'être humain.



Sénèque

À la fois philosophe, auteur de tragédies, précepteur puis conseiller de Néron, Sénèque exerce une influence profonde sur la pensée occidentale.  Stoïcien, sa philosophie est censée assurer la consolation et la maîtrise de soi.

 

Pour ceux que la mythologie intéresse, l'histoire des Atrides par Florence Dupont

Egysthe, le fils de Thyeste qui vengera son père
"Voici les éléments mythologiques grecs auxquels se réfère la tragédie de Sénèque. La dynastie qui règne sur Argos,Mycènes, Pisa et Corinthe a été fondée par Tantale, venu d’Asie mineure. Tantale avait un fils, Pélops, qu’il avait tué et servi en repas aux dieux venus banqueter chez lui. Précipité dans le Tartare, il y subit le châtiment des grands damnés et souffre éternellement de la soif et de la faim ; à portée de sa main, de l’eau fraîche et des fruits s’éloignent dès qu’il veut les saisir.
Pélops convoita Hippodamie, la fille du roi de Pisa, tricha pour gagner la course de char qui l’opposait à son père, Oenomaos,et le tua. Puis il tua Myrtile, le cocher du roi qui avait été son complice en changeant la cheville de bois d’une roue de son char par une cheville en cire qui avait fondu pendant la course. Pélops fonda les Jeux olympiques à cet endroit. Il eut de nombreux enfants parmi lesquels Atrée et Thyeste. Ils se disputèrent le trône d’Argos. Zeus avait établi que le roi serait celui qui aurait dans ses étables un bélier à la toison d’or. Atrée, l’aîné, serait monté sur le trône si Thyeste n’avait séduit la femme d’Atrée, afin qu’elle volât pour lui le bélier dans les étables de son mari. Zeus, furieux en voyant Thyeste l’emporter, ordonna au soleil de faire demi-tour afin de dénoncer par ce signe le tricheur. Atrée reprit le pouvoir et exila son frère.
C’est ici que se place la vengeance d’Atrée, le sujet de Thyeste. Atrée fait revenir son frère à Argos, en lui offrant le pardon et la moitié du trône. Puis il s’empare de ses trois fils et les lui donne à manger dans un banquet. De nouveau, le soleil fait demi-tour.
Plus tard, Thyeste aura un fils avec sa fille, Égisthe, destiné à le venger. Les deux fils d’Atrée, Agamemnon, roi de Mycènes, et Ménélas, roi de Sparte, partiront pour la guerre de Troie. Agamemnon aura sacrifié sa fille Iphigénie, pour obtenir à Aulis les vents favorables au départ de la flotte grecque. À son retour, Agamemnon sera tué par sa femme Clytemnestre, avec l’aide d’Égisthe devenu son amant. Enfin, Oreste et Électre, les enfants d’Agamemnon, vengeront leur père en tuant leur mère et son amant, ce qui est le sujet de l’Agamemnon. Voilà l’histoire des Atrides qu’on devrait appeler plutôt les Tantalides, car tout a commencé avec le crime de Tantale."

Sénèque, Thyeste, traduction de Florence Dupont, Actes Sud, 2012, 928 p.
© Actes Sud, 2018


Vu aussi dans le cadre du festival In 2018

Arctique Anne-Cécile Vandalem (Bruxelles)


2025. Quelque part dans les eaux glacées internationales. Intérieur nuit. Froid. Salle de réception d'un paquebot de croisière. Extérieur plus froid encore. Inquiétante embarquée pour sept passagers clandestins, entre Danemark et Groenland. Très loin de s'amuser, cette croisière navigue à vue dans un environnement hostile sur fond de réchauffement climatique. Qu'allaient-ils donc faire dans cette galère ? Une ancienne ministre du Groenland, son ex-conseiller, une activiste écologiste, un journaliste, la veuve d'un homme d'affaires, le commandant du bateau et une adolescente cherchent à savoir qui les a mystérieusement réunis là et pourquoi. Polar politique ? Fiction écologique prémonitoire ? Huis clos à l'humour cinglant ? Mortelle traversée ?

Mon avis :
Un polar nordique au fond d'un paquebot, une atmosphère inquiétante et bizarre, de l'humour ... noir !  Un huis clos au fond d'une cale mais le spectateur peut voir à l'extérieur par l'intermédiaire de  la caméra qui suit les acteurs, mêlant théâtre et cinéma. Un spectacle original.
  
Calendrier :

Période Lieu Réservation
Hérouville-Saint-Clair
Du jeu. 15/11/18 au ven. 16/11/18
Comédie de Caen

En partenariat avec Festival Les Boréales
Tel. +33 (0)2 31 46 27 29
Liège
Du mer. 21/11/18 au sam. 24/11/18
Théâtre de Liège Réservation en ligne

Tel. + 32 4 342 00 00
Compiègne
Du jeu. 29/11/18 au ven. 30/11/18
Espace Jean Legendre Tel. +33 (0)3 44 92 76 76
Lyon
Du mar. 08/01/19 au ven. 11/01/19
Célestins, Théâtre de Lyon Tel. +33 (0)4 72 77 40 00
Paris
Du mer. 16/01/19 au dim. 10/02/19
Odéon-Théâtre de l'Europe Tel. +33 (0)1 44 85 40 40
Saint-Etienne
Du jeu. 14/02/19 au ven. 15/02/19
La Comédie de Saint-Etienne
Tel. +33 (0)4 77 25 14 14
Berlin
Du jeu. 04/04/19 au ven. 05/04/19
Schaubühne

 

 Story water  de Emanuel Gat et Ensemble Mode


« Une histoire, c'est comme l'eau
Que tu fais chauffer pour ton bain

Elle porte les messages entre le feu

Et ta peau »
Comme l'eau du poème soufi – donnant son nom à la pièce – porte les messages du feu, le corps est le véhicule entre Emanuel Gat et la danse. Story Water réunit sur le plateau de la Cour d'honneur du Palais des papes danseurs et musiciens pris sous les feux d'une même lumière, intensément blanche, qui sublime via les mouvements, une histoire en temps réel, jamais exactement la même chaque soir.

Mon avis : La chorégraphie m'a laissée perplexe et, décidément, je n'aime pas la musique de Boulez.

 

 Romances inciertos, un autre Orlando François Chaignaud et Nino Laisné


 À la fois concert et récital, Romances inciertos, un autre Orlando s'articule en trois actes, à l'instar d'un souvenir d'opéra-ballet. Successivement la Doncella Guerrera, figure médiévale qui nous emmène sur les traces d'une jeune fille partie à la guerre sous les traits d'un homme, le San Miguel de Federico Garcia Lorca, archange voluptueux et objet de dévotion, et la Tarara, gitane andalouse, mystique, séductrice, portant le secret de son androgynie. 



Mon avis : j'ai été intéressée par la découverte de la culture espagnole; le travesti, François Chaignaud qui danse la Doncella est convaincant mais... beaucoup de froideur dans ce spectacle très esthétisant.

vendredi 19 octobre 2018

Marivaux et Marilyn Mattei : Les Préjugés / Le préjugé vaincu et Fake


Cette année, j’ai suivi le festival d’Avignon de Juillet 2018 avec autant de plaisir que les années précédentes mais je n’ai pas eu le temps d’écrire des billets. J’ai tout de même envie de parler ici de quelques spectacles, ce que je ferai sporadiquement, ne serait-ce que pour m’en souvenir et vous parler d’auteurs, d’acteurs, de metteur en scène qui méritent bien que l’on aille les voir. Si je le peux, je vous donnerai les dates des représentations en France en 2019. 
Les préjugés, pièce composée de deux textes courts, un de Marivaux Le préjugé vaincu, un autre contemporain Fake de Marylin Mattei, est un spectacle proposé aux adultes mais aussi aux adolescents à partir de 13 ans.
Qu’ils se nomment Angélique, Lisette, Dorante Lépine ou bien Théo, Hector, Léna et  Mina, ils sont amoureux et même si trois siècles les séparent, ils se ressemblent, ô combien ! Et c’est ce qu’il y a de plus bluffant dans cette confrontation, le sentiment amoureux est toujours le même chez de très jeunes gens et procurent les mêmes délices et surtout les mêmes affres, les mêmes questions, les mêmes troubles et angoisses, entre peur et désir, consentement et refus, d’une époque à l’autre… Quant aux préjugés, s’ils sont différents, ils sont pourtant toujours présents.

Marylin Mattei et Marie Normand : l'auteure et la metteuse en scène
Dans le texte contemporaine qui commence le spectacle, la langue est proche de celle des adolescents du XXI siècle et de leurs préoccupations. Les préjugés sont là aussi, moins avoués, plus complexes, subordonnés aux réseaux sociaux, aux SMS, à Facebook, qui propagent les fausses nouvelles, qui décident de la réputation d’une fille, de l’exclusion de l’un ou de l’autre. Il y a les jeunes branchés, qui dominent, qui sont populaires, et les autres, les marginaux, ceux dont on se moque. La société n’est pas plus tendre que celle du XVIII et si les raisons sont différentes, ceux qui n’entrent pas dans le moule sont exclus. La conclusion de cette comédie à la fois vraie et légère provoque un éclat de rire. L’auteure Marylin Mattei connaît bien les adolescents si l’on en juge par la justesse du ton et des sentiments. Nul doute que les potaches de France et de Navarre ne s’y retrouvent et ne s’identifient à leurs semblables !


Le texte de Marivaux qui suit, nous le connaissons, avec cette belle langue du XVIII, si élégante quand ce sont les maîtres qui la parlent, et la finesse de l’analyse des sentiments. Angélique refuse d’épouser Dorante qu’elle aime mais qui n’est pas noble. Son père, le marquis, bien loin de s’opposer au mariage, serait fort aise d’accueillir Dorante, riche bourgeois et jeune homme brillant et prometteur mais le préjugé nobiliaire est trop fort pour Angélique. Il faudra toute la ruse et la malice des serviteurs Lisette et Lépine qui, amoureux eux aussi, ont tout intérêt à ce que leurs maîtres s’accordent.
Le décor reste le même, représentant d’abord le lycée, le CDI, la cour de l’école où se rencontrent les élèves, puis, avec Marivaux, l’intérieur du château d’Angélique. Les jeunes comédiens s’habillent sur scène dans une joyeuse et tumultueuse chorégraphie, endossant les costumes du XVIII. Ils rendent sympathiques et attachants leurs personnages qu’ils interprètent avec entrain dans l’un et l’autre texte. La mise en scène de Marie Normand est pleine d’énergie, de vivacité et d’empathie envers les amoureux et souligne le propos avec beaucoup d’humour. Elle met en évidence par la similitude de la gestuelle et des rapports amoureux, l’universalité de la nature humaine à travers les âges.

Les Préjugés : Fake de Marilyn Mattei  et le préjugé vaincu de  Marivaux

 Créé à Mirecourt en mai 2016, ce spectacle a été déjà représenté soixante-quinze fois et emporté l’adhésion enthousiaste de plus de 10 000 spectateurs en ville, en banlieue, et dans les territoires ruraux. Avec ce spectacle, la compagnie "Rêve général ! " est pour la première fois présente à Avignon.

    •    Metteuse en scène : Marie Normand
    •   Interprète(s) : Ulysse Barbry, Bruno Dubois, Martin Lenzoni, Clotilde Maurin, Apolline Roy
    •    Régisseur général : Jean-Luc Malavasi
    •    Régisseur : Paul Laborde-Castex
    •    Responsable billetterie et réseaux sociaux : Elisabeth-Anne Defontaine
    •    Chargé de production / diffusion : Jean-Michel Flagothier


Tournée : Du 1 au 15 décembre 2018, tournée dans la Communauté d’Agglomération d’Épinal (88) 26 janvier 2019, La Courée à Collégien (77) du 19 au 21 mars 2019 (4 représentations), Comédie de l’Est, CDN de Colmar (68)


LA CASERNE DES POMPIERS pendant le festival d'Avignon reçoit les spectacles de l'EST de la France. Voilà les spectacles que j'y ai  vus en 2018.


 Loin et si proche

 Vu avec ma petite fille  
Où vont les objets perdus ?
Nous avons tous vécu ce moment où l’on se demande : « Où a bien pu passer ma deuxième chaussette préférée ? »
Chaque jour, nous perdons quelque chose : des clés, l’équilibre, une dent, la mémoire, la tête parfois…
 







 Romance
Vu avec ma petite fille 
Sur le chemin qui nous mène de l’école à la maison, notre regard s’ouvre sur le monde. Jour après jour, au fil de notre imagination, le quotidien bascule dans la grande aventure. On rencontre un Inconnu au grand cœur, un Oiseau, un Farfadet, une Reine, une Sorcière… Un sort est jeté et le monde se renverse ! Déjouant alors mille embûches, il faudra coûte que coûte retrouver le chemin de la maison pour que le jour puisse à nouveau se lever.
En adaptant Romance, l’imagier étonnant et inventif de Blexbolex (Pépite d'or du salon de Montreuil 2017), la SoupeCie déploie avec effervescence un vaste univers de machineries, d’images découpées et projetées, de marionnettes et de trouvailles visuelles. 





Possession

Possession est une forme marionnettico-magique, où l'on plonge au milieu de ce qui se tapit dans les recoins de nos pensées les plus noires... Un temps suspendu où la folie et l’étrange prennent corps, sous les traits d’Antonin Artaud. Une convocation à rencontrer son fantôme, de l’autre côté du miroir... 









Rêve de printemps

Jeune ressortissant de Platoniun, A est fasciné par la Terre. Il rejoint la France et entame des études universitaires. Le rêve de l’étrange étranger à la peau bleue se frotte à la réalité des terriens.
Métaphore contemporaine, cette fable construite en miroir et imaginée au travers du prisme de la jeunesse aborde des questions essentielles : l’acceptation de l’Autre dans sa différence, l’ouverture aux mondes.








Voir aussi les pièces vues au théâtre ARTEPHILE ICI

dimanche 24 juin 2018

Music Hall de Jean-Luc Lagarce Théâtre Artéphile Festival d'Avignon 2018



Music Hall est une pièce de Jean-Luc Lagarce qui est le témoignage des années de galère qu’il a vécues au cours de ses tournées en France, officiant dans des salles inadaptées et sordides, recevant un accueil qui ne fut pas toujours chaleureux. C’est son double théâtral, la Fille -à qui il donne la parole - qui est chargée de transmettre cette expérience. Et c’est ainsi que se construit devant nous et peu à peu, comme un puzzle dont on retrouve les morceaux, ce personnage d’actrice fragile, usée, qui chante des chansons démodées (Joséphine Baker ?) et qui pourtant lutte pour maintenir son image tout en ne recevant plus qu’un accueil teinté de dérision, voire de mépris… jusqu’au moment où abandonnée par ses collaborateurs, dans une salle minable, devant une salle vide, les feux de la rampe s’éteindront.
La langue de Jean-Luc Lagarce est très particulière, bribes de phrases parfois sans sujet,  mots qui reviennent comme un leitmotiv pour caractériser le personnage et peut-être le figer dans le temps : « indolent »« goguenard » ou proverbes « qui peut le plus… »,  refrain lancinant qui rend le personnage à la fois dérisoire et émouvant.
Il y a quelque chose de très beau dans ce personnage interprété avec finesse par Héléna Vautrin, c’est son refus de se laisser aller, sa lutte pour renvoyer une image glamour d’elle-même, et même si l’on devine qu’elle se grise d’une gloire passée qui n’a peut-être jamais existé, qui le sait ? la Fille conserve sa dignité et l’on se sent le coeur serré, envahi par la nostalgie de l’échec.  Un bel hommage de Jean-Luc Lagarce aux comédiens !

D’habitude, le rôle est confié à une actrice plus âgée, mais la jeunesse de Héléna Vautrin n’est pas gênante et l’on peut imaginer l’actrice telle qu’elle a été et telle qu’elle veut toujours être pour paraître devant son public.  Elle est seule en scène car l’on n’entend que la voix de deux hommes de la troupe symbolisés par deux micros. Là et déjà plus là ! Tout repose donc sur sa présence et elle est à la hauteur !

La mise en scène de Florian Simon dont la gestuelle est réglée avec précision, au millimètre près, souligne le manque de naturel de la Fille qui semble rejouer devant nous et éternellement la gloire des années passés.  Elle n’est pas elle-même mais l’image qu’elle veut donner d’elle. Ses manières compassées, sa sophistication, montrent qu’elle est toujours sur scène dans un spectacle qu’elle se donne à elle-même : changement de perruques,  robes pailletées, ongles laqués que l’on abandonne un à un sur le plancher comme une petite part de soi-même, bras émaillés d’argent et d’or, contrastent brutalement avec la mesquinerie de l’accueil, le tabouret qu’on lui refuse ou qu’on lui fait payer très cher, l’abandon du public et la solitude qui est la sienne. A noter la beauté des costumes, l'harmonie des couleurs, volonté de souligner plutôt que l'échec de l'artiste, sa grandeur ou tout au moins son panache même s'il est construit sur du vent.
Une très belle scénographie de Léa Mathé avec des jeux de lumière qui mettent en relief chaque déplacement, chaque geste jusqu'au bout des doigts, des clairs-obscurs qui sculptent l'espace scénique. C’est aussi la lumière qui matérialise la fameuse porte indispensable à l’entrée de l’artiste mais qu’on lui refuse si souvent, et illumine le voile qui sert de décor, le rideau de scène qui va se fermer à jamais.

Un très beau spectacle. Un coup de coeur !



MUSIC HALL de Jean-Luc Lagarce
 
Durée : 1h
Théâtre ARTÉPHILE
5 bis, rue Bourg Neuf

à 17h35 : du 6 au 27 juillet - Relâches : 8, 15, 22 juillet

CIE 03

Metteur en scène : Florian Simon 
Interprète(s) : Héléna Vautrin 
Scénographie : Léa Mathé
Création Lumière : Fabien Colin 
Création Musicale : Seb Lanz 
Voix : Bertrand Beillot, Etienne Delfini-Michel 
Costumes : Les costumes de Lie 
Diffusion : Elodie Couraud

Lire aussi Claudel/Kahlo/Woolf au théâtre Artéphile

VU aussi au théâtre Artéphile


 MON GRAND PERE

Les tragédies et l’accessoire. Les secrets que l’on enfouit d’une génération à l’autre et les codes familiaux que l’on se passe, d’un mot, d’une bribe de chansons, d’une expression dont on a perdu l’origine… Une famille… Celle qui traverse le très beau texte de Valérie Mréjen est au-delà de la banalité des convenances : on y a l’adultère flamboyant, la méchanceté ostensible, l’extravagance assumée, le dédain des conventions…







LA MENINGITE DES POIREAUX

Qui se souvient de François Tosquelles ? De ce Don Psyquichotte qui révolutionna la psychiatrie asilaire du XXe siècle ? Voici la joyeuse épopée de ce psychiatre catalan, membre du POUM, résistant, surréaliste… qui offrit aux malades un journal en guise de médicamental. Une invitation à faire la révolution permanente au ralenti, pour être sûr de n’oublier personne.

mardi 19 juin 2018

Claudel Kahlo Woolf de Monica Mojica au théâtre Artéphile, Festival OFF d'avignon 2018




Le théâtre Artéphile présente pas moins de seize spectacles dont quatorze créations pendant le festival off d'Avignon 2018 et des lectures-rencontres les dimanche 15 et 22 juillet.
Pendant ce mois de juin, il offre des entrées à prix réduit en avant-première pour notre plus grand plaisir.

Virginia Woolf

La pièce de Monica Mojica, Claudel Kahlo Woolf, création au festival d’Avignon 2018, est écrite d’après des extraits de l’oeuvre de Virginia Woolf et des lettres de Camille Claudel et de Frida Kahlo.

Camille Claudel

 Ces trois grandes figures féminines de la littérature et de l’art dont on voit bien les différences de mentalité, d’époque, de pays, et d’inspiration, ont eu toutes trois un destin tragique marqué par des traumatismes violents, accident, viol, perte de leurs proches, pressions exercées contre elles, qui les conduisent vers la folie, le désir de mort. Toutes trois sont victimes de la société qui les étouffe et ne leur laisse aucun espace de respiration, victimes des hommes,  frères, époux…  qui ont le pouvoir et l’exercent en les privant de liberté, en les écrasant de leur force. Pourtant rien ni personne n’a pu étouffer leur génie et les empêcher de créer !

C’est ce que nous fait vivre cette pièce dont la mise en scène et la scénographie sont très réussies. Un peu lente à se mettre en place au début quand les personnages parlent en solitaire, la mise en scène s’anime pour les rapprocher, les unir dans un même espace-temps, et faire écouter une seule parole à trois voix, dans un va-et-vient entre ces femmes, qui se croisent, qui disent les accidents de leur vie, leurs plaies intimes, leur  préférence sexuelle, leur révolte, leur besoin de s’exprimer, de créer, et affirment leur tempérament de lutteuses. C’est ce que la mise en scène matérialise dès le début en les mettant en position de boxeuses. Parfois dérisoires, immensément faibles, elles tombent mais c’est toujours pour se relever. 

 Quelques petites remarques tout d'abord pour en venir au plus vite à ce qui fait la réussite de la pièce. J'ai moins aimé certains choix de mise en scène comme celui de l’ordinateur à la pomme (on ne voit plus que lui) pour diffuser des interviews d’hommes sur elles pourtant très intéressants. Ah! l’abominable Paul Claudel ! Ou encore, la séquence avec les verres pleins d’eau dont je n’ai pas compris la signification;  j’ai regretté aussi le parti pris de Monica Mojica de ne pas nous montrer les oeuvres de Claudel et Kahlo comme aurait pu le permettre la vidéo.
Ceci dit, le spectacle présente de nombreuses qualités et je l'ai vraiment beaucoup apprécié. Les jeux de scène, les lumières, l’importance accordée aux sons, à la musique, les langues, français, anglais, espagnol qui s’entremêlent, les projections vidéos avec ce film étrange qui montre un homme-cerf errant dans une forêt, créent une atmosphère onirique en contraste avec le réalisme du propos. Les costumes, très beaux,  contribuent à souligner la personnalité de chacune, en particulier ceux de Frida Kahlo qui semble descendre d’un de ses tableaux, ce qui nous permet  d'une manière détournée de "voir" une de ses oeuvres.

Frida Kahlo

Quant aux comédiennes, très impliquées, elles incarnent leur personnage, elles sont habitées par lui et elles l’intériorisent avec émotion.

Je voulais signaler enfin la dernière vidéo - ô! combien symbolique- qui sert de toile de fond aux personnages sur la scène, et montre une araignée mâle aux couleurs somptueuses faisant sa cour à l’humble araignée femelle qui le tue après la copulation. Ceci afin de rappeler que dans le combat qu’elles ont mené, toutes les trois ont triomphé à travers leur oeuvre respective, reconnue maintenant de tous. Pour rappeler, peut-être aussi, que la guerre entre les sexes n’est pas obligatoire et que chacun a droit à la liberté et l’égalité.

En conclusion, voici un beau spectacle sur un thème et des personnages passionnants, à  ne pas manquer pendant le mois de juillet au théâtre Artéphile.


Claudel Kalho Woolf
Cie Horizontal-Vertical
Théâtre Artéphile 22H10
durée 1H30
Festival Off  d’Avignon du 06 au 27 juillet
relâche les dimanches 8 15 22