Passer ces vacances à Issoudun, près de Nohant, c'est évidemment se trouver immergé au coeur du pays de George Sand, c'est aller à la rencontre de cette femme dont le souvenir est si vivace ici, dans ce pays qu'elle a appelé par un caprice d'écrivain, La Vallée Noire. C'est vivre avec des fantômes, apercevoir la petite silhouette d'Aurore Dupin au détour d'une allée ou les boucles blondes de son jeune amant Jules Sandeau, c'est galoper avec elle chaque jour jusqu'à La Châtre pour apprendre les péripéties de la Révolution de 1830 à Paris, c'est partager les discussions passionnées, au cours des veillées de Nohant, des plus grands personnages du romantisme...
La vallée Noire
Mais qu'est-ce que la Vallée Noire? George Sand dans un long texte éponyme précise les limites de cette région pour répondre à une question posée par un habitant de la Brenne qui l'a piquée au vif. Elle analyse les caractéristiques de la Vallée Noire et le caractère de ses habitants .
Mais puisqu'on veut que la Vallée-Noire n'existe que dans ma cervelle, je prétends prouver qu'elle existe, distincte de toutes les régions environnantes, et qu'elle méritait un nom propre.
Elle fait partie de l'arrondissement de La Châtre ; mais cet arrondissement s'étend plus loin, vers Eguzon et l'ancienne Marche. Là, le pays change tellement d'aspect, que c'est bien réellement un autre pays, une autre nature. La Vallée-Noire s'arrête par là à Cluis. De cette hauteur on plonge sur deux versants bien différents. L'un sombre de végétation, fertile, profond et vaste, c'est la Vallée-Noire : l'autre maigre, ondulé, semé d'étangs, de bruyères et de bois de châtaigniers.
Du côté de Cluis, toutes les hauteurs sont boisées, c'est ce qui donne à nos lointains cette belle couleur bleue qui devient violette et quasi noire dans les jours orageux.
Dans les pays à grands accidents, comme les montagnes élevées, la nature est orgueilleuse et semble dédaigner les regards, comme ces fières beautés qui sont certaines de les attirer toujours.
Dans d'autres contrées moins grandioses, elle se fait coquette dans les détails, et inspire des passions au paysagiste. Mais elle n'est ni farouche ni prévenante dans la Vallée-Noire elle est tranquille, sereine, et muette sous un sourire de bonté mystérieuse. Si l'on comprend bien sa physionomie, on peut être sûr que l'on connaît le caractère de ses habitants. C'est une nature qui ne se farde en rien et qui s'ignore elle-même. Il n'y a pas là d'exubérance irréfléchie, mais une fécondité patiente et inépuisable. Point de luxe, et pourtant la richesse ; aucun détail qui mérite de fixer l'attention, mais un vaste ensemble dont l'harmonie vous pénètre peu à peu, et fait entrer dans l'âme le sentiment du repos. Enfin on peut dire de cette nature qu'elle possède une aménité grave, une majesté forte et douce, et qu'elle semble dire à l'étranger qui la contemple : «Regarde-moi si tu veux, peu m'importe. Si tu passes, bon voyage ; si tu restes, tant mieux pour toi.»
Aurore, la petite fille de George Sand évoque la vie à Nohant dans un texte intitulé : Souvenirs de Nohant. Elle fait revivre sa grand mère, à une époque où âgée, celle-ci est apaisée et sereine, entourée de l'affection des siens. L'évocation d'Aurore est à la fois pleine d'admiration pour cette grande dame et ce grand écrivain et d'amour pour la grand mère qui l'a entourée d'affection, l'a bercée d'histoires, lui a enseigné avec douceur et patience mais aussi avec intelligence et habileté les principales matières, le français, l'anglais, la géographie, l'histoire, les sciences.. Sauf, nous dit-elle, la religion et les mathématiques. C'est une découverte pour moi : L'écrivaine était aussi une bonne pédagogue! Elle se passionnait pour les sciences, passion qu'elle partageait avec son fils Maurice, la botanique, l'entomologie, la paléontologie… Et comme elle était une excellente pianiste, une érudite en ce qui concerne l'art, la musique, l'architecture, la peinture, on peut dire qu'elle forçait l'admiration de tout son entourage.
Le château de George Sand à Nohant a été construit en 1760 sur l'emplacement d'un château-fort du XIV° siècle. Madame Dupin de Franceuil, la grand-mère d'Aurore, l'acheta en 1793, avant de la léguer à sa petite fille en 1821.
La visite de la demeure de George Sand est guidée. Impossible de s'arrêter, de rêver devant un tableau, un objet, une relique, mais elle est conduite par des guides qui parlent d'Elle avec une sorte de vénération. Tout est fait pour que l'on ait l'impression que la propriétaire est là, qu'elle va bientôt rentrer d'une promenade dans le parc, que la table toujours dressée selon les indications d'Aurore est prête accueillir ses hôtes illustres : Chopin, Balzac, Le prince Napoléon, Delacroix, Flaubert, Tourguéniev, Liszt et Marie d'Agoult…autour de George Sand, de Maurice son fils, de Lina sa belle-fille et de ses petites filles, Aurore et Gabrielle.
A l'étage la chambre bleue est celle de la romancière. Aurore se souvient très bien des visites faites à sa grand mère dans cette chambre. C'est là aussi qu'elle a vu sa grand mère pour la dernière fois sur son lit de mort après une agonie douloureuse. La chambre de Chopin, le cabinet d'études qui renfermait les collections de fossiles, de papillons, les herbiers, la chambre au décor japonisant de Gabrielle et d'Aurore font suite, en enfilade, à celle de l'écrivaine.
Le parc et le jardin méritaient l'attention et les soins constants de George Sand qui adoraient les fleurs. Aurore Sand explique tous les embellissements voulus par sa grand mère, les plantations d'arbres, le choix des espèces végétales pour faire de ce lieu un séjour enivrant de couleurs et de parfums.
Le parc de Nohant
Sur les traces des romans de George Sand (2)
Demain je présenterai les lieux où se déroule l'intrigue de nombreux romans de George Sand : pour commencer Angibault et Sarzay