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lundi 25 janvier 2016

Marceline Loridan-Ivens et Judith Perrignon : Et tu n’es pas revenu




Et tu n’es pas revenu est le livre que Marceline Loridan-Ivens écrit pour son père avec le concours de Judith Perrignon.

Marceline et son père, Salomon, ont été arrêtés par les allemands en 1944 puis transportés vers L’Est : Birkenau pour elle, Auschwitz pour lui. Les deux camps sont voisins l’un de l’autre. Un jour, elle l’aperçoit dans un groupe qui se rend au travail. Elle court vers lui, l’embrasse. Un SS la roue de coups, elle s’évanouit mais a le temps de lui donner son numéro de baraquement. Il peut ainsi lui glisser dans la main, cadeau inestimable, cadeau de vie, un oignon et une tomate et, plus tard,  lui envoyer une lettre qu’il signe de son nom juif : Shloïme, ultime résistance d’un homme qui va mourir de privations et de sévices vécus dans cet enfer.
Avec Tu n’es n’es pas revenu, plus de soixante dix ans après, Marceline répond à son père et lui adresse une lettre témoignage : le quotidien d'un  camp de concentration, le travail dans les tranchées, la faim, le froid, le manque d’hygiène, les maladies, les coups, le pouvoir absolu des médecins comme Mengele sur la vie et la mort, les humiliations et surtout la violence partout, la fumée des crématoires qui ne s’arrêtent jamais.. Mais aussi une lettre hommage à travers ce dialogue, au-delà des années et  de la mort, avec cet homme qui aimait tant sa « chère petite fille «  et qui lui demandait de vivre.
Ensuite la libération, le retour, l’incompréhension des autres, la difficulté de réadaptation, la honte d’avoir survécu et surtout une expérience terrifiante que tous les rescapés des camps ont expérimentée : l’on ne sort jamais tout à fait d'un camp de concentration. On en garde la marque dans son esprit et dans son corps. Mais pour continuer à vivre il faut croire en l’avenir, penser à un monde meilleur. Marceline devient une femme engagée, communiste; elle est scénariste, réalisatrice avec son mari Joris Ivens mais le désenchantement viendra.

A la fin du livre elle porte un regard pessimiste sur le monde actuel :
Tu avais choisi la France, écrit-elle à son père, elle n’est pas le creuset que tu espérais. Tout se tend encore une fois, on nous appelle les juifs de France, il y a aussi les musulmans de France, nous voilà mis face à face, moi qui m’étais voulue de tous bords, en tout cas du côté de la liberté.
Ce qui l’amène à se demander quand elle analyse l’état du monde à notre époque s’il valait le coup de revenir des camps.
Mais j’espère que si la question m’était posée mon tour juste avant que je m’en aille, je saurai dire oui, ça valait le coup.

Certains propos sur notre société m'ont pourtant gênée : 
C’est une mosaïque hideuse de communautés et de religions poussées à l’extrême. Et plus il s’échauffe, plus l’obscurantisme avance, plus il est question de nous, les juifs.
Je pense que, à l'heure actuelle, les replis communautaires et les extrémismes religieux sont le propre de toutes les religions qu'elles soient chrétienne, juive, musulmane... Nous en portons tous la responsabilité. Il n'y a pas d'un côté les responsables qui sont les autres, et de l'autre les victimes qui sont les juifs. Nous sommes tous victimes de la barbarie. Des personnes de toutes les religions et des athées meurent dans les attentats.

Ceci dit,  j'ai trouvé le  livre poignant.  Il laisse une tristesse au fond du coeur longtemps après l’avoir lu. L’on se dit en voyant la haine et l’intolérance qui se déchaînent autour de nous que l’homme ne sait pas tirer une leçon de l’Histoire, qu’il recommence toujours les mêmes erreurs.  

J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. »



Et celui de  Clara