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mardi 5 décembre 2017

Olivier Guez : La disparition de Josef Mengele



La disparition de Josef Mengele de Olivier Guez

1949  : Josef Mengele arrive en Argentine.
Caché derrière divers pseudonymes, l’ancien médecin tortionnaire à Auschwitz  croit pouvoir s’inventer une nouvelle vie à Buenos Aires. L’Argentine de Peron est bienveillante, le monde entier veut oublier les crimes nazis. Mais la traque reprend et le médecin SS doit s’enfuir au Paraguay puis au Brésil. Son errance de planque en planque, déguisé et rongé par l’angoisse, ne connaîtra plus de répit… jusqu’à sa mort mystérieuse sur une plage en 1979.
Comment le médecin SS a-t-il pu passer entre les mailles du filet, trente ans durant  ?
La Disparition de Josef Mengele est une plongée inouïe au cœur des ténèbres. Anciens nazis, agents du Mossad, femmes cupides et dictateurs d’opérette évoluent dans un monde corrompu par le fanatisme, la realpolitik, l’argent et l’ambition. Voici l’odyssée dantesque de Josef Mengele en Amérique du Sud. Le roman-vrai de sa cavale après-guerre. (quatrième de couverture )

L’autre jour dans un débat à la télévision à propos de Oskar Gröning, ancien comptable d’Auschwitz, qui est jugé actuellement à l’âge de 96 ans ( !), la conversation a fini par porter sur Mengele et le livre d’Olivier Guez. Après tout, a dit l’un des participants, Mengele a été puni de ses crimes puisqu’il a été traqué, obligé de se dissimuler et a vécu dans l’angoisse et la solitude. 

Le roman d’Olivier Guez nous apprend que ce n’est pas entièrement vrai. Josef Mengele a vécu des années à Buesnos Aires, dans la communauté nazie qui s’était installée en Argentine sous la protection du dictateur Peron. Il a habité avec sa seconde femme dans une luxueuse maison, a fréquenté les cercles nazis,  a assouvi sa passion pour l’opéra, et continuer à faire fructifier en Amérique du Sud l’entreprise de son père et sa fortune. Il a pu aller en Suisse pour voir son fils, rendre visite en Allemagne à son père, ancien nazi lui aussi, qui a usé de son influence et de sa fortune pour qu’il ne soit pas inquiété. Après la fin de la dictature de Peron, il a été accueilli au Paraguay et a même obtenu la nationalité du pays. Et si l’angoisse d’être poursuivi et traqué a été sa punition, la fortune de son père pendant de longues années l’a protégé.

Il vous faut lire, comme je l’ai fait,  le très beau et terrible  roman de Affinity K., Mischling, sur les crimes du docteur Mengele, pour comprendre que ce n’est pas suffisant. Il aurait fallu un procès et un jugement pour rendre un véritable hommage à ses victimes, pour permettre aux survivants et aux familles de faire leur deuil. Au lieu de cela nombreux sont les gouvernements qui ont fermé les yeux ou pire collaboré pour sauver les criminels de guerre et ceci pour des raisons idéologiques, ou économiques, ou pour asseoir leur puissance dans le monde !
 C’est le mérite de ce livre, mi-roman, mi-biographie, de montrer la culpabilité de ces pays. Olivier Guez cite l’Allemagne, bien sûr, qui a conservé à la tête du pays tous les grands industriels qui ont aidé le nazisme à l’extermination des juifs et des opposants,  l’Amérique du Sud qui est devenu un repaire pour ces monstres, l’Egypte qui a demandé l’aide de savants nazis pour sa course à l’armement. Il aurait pu parler des Etats-Unis qui n’ont pas été les derniers à récupérer les scientifiques nazis pour la conquête de l’espace, et de l’Italie, en particulier du Vatican, qui a organisé une filière pour assurer leur fuite. Mais ne donnons pas de leçons, en France aussi, on s’est bien gardé de juger les criminels s’ils étaient haut placés, bien sûr !

J’ai lu ce livre avec beaucoup d’intérêt et, si ce n’est pas le premier que je lis sur ce sujet, cela ne m’a pas empêché d’éprouver comme toujours le même sentiment de révolte en pensant aux millions de morts dont ces hommes sont responsables et à la culpabilité des états qui ont entravé les recherches et se sont faits les complices de ces criminels. 

« A Auschwitz, les cartels allemands s’en sont mis plein les poches en exploitant la main-d’oeuvre servile à leur disposition jusqu’à épuisement. Auschwitz, une entreprise fructueuse : avant son arrivée au camp, les déportés produisaient déjà le caoutchouc synthétique pour IG Farben*et des armes pour Krupp. L’usine de feutre Alex Zink achetait des cheveux de femmes par sacs entiers à la Kommandatur et en faisait des chaussettes pour les équipages de sous-marins ou des tuyaux pour les chemins de fer. Les laboratoires Schering rémunéraient un de ses confrères pour qu’il procède à des expérimentations in vitro et Bayer testait de nouveaux médicaments contre le typhus sur des détenus du camp. Vingt ans plus tard les dirigeants de ces entreprises ont retourné leur veste. Ils fument le cigare en compagnie de leur famille en sirotant de bons vins dans leur villa de Munich ou de Francfort. »



* Farben producteur du gaz Zyklon B. utilisé dans le camps nazis, coupable de la mort de six millions de juifs . 


Prix Renaudot