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lundi 31 août 2015

Delphine Le Vigan : D'après une histoire vraie


D’après une histoire vraie, aux éditions JCLattès,  de Delphine Le Vigan est un livre que j’ai n’ai pu lâcher une fois que je l’ai commencé tant j’ai été happée par l’histoire et par le personnage dont le lecteur ne connaîtra que l’initiale L., mystérieuse et fascinante image du double, allégorie contemporaine du vampire.

Le récit semble autobiographique puisque le personnage, Delphine, écrivaine, est perturbée par le retentissement imprévu de son dernier livre dans lequel elle parlait de la maladie de sa mère, un livre qui a touché les lecteurs et qui a été douloureux pour elle. Fragilisée, elle  a du mal à se remettre à écrire. En effet, on sait que Delphine Le Vigan après la parution de Rien ne s’oppose à la nuit en 2011 n’a rien écrit jusqu’à cette année. De plus, c’est le moment où ses jumeaux quittent le nid familial pour poursuivre leurs études après le bac et d’autre part son compagnon, François, part à l’étranger pour son travail. C’est dans cet état de vulnérabilité qu’elle rencontre L., une jeune femme séduisante qui va devenir son amie et peu à peu s’immiscer dans sa vie privée et professionnelle à tel point qu’elle semble vouloir prendre sa place. L'analyse psychologique des personnages est bien menée et subtile. Chacune des deux femmes a ses failles, chacune porte ses deuils, ses renoncements. Peut-être ne sont-elles que les deux facettes d'un même personnage?
Au-delà de l'intrigue proprement dite, j'ai beaucoup aimé aussi le thème du départ des enfants, ces petits riens auxquels se raccroche la mère, les images qui surgissent dans la mémoire au détour d'un parc et d'un bac à sable, le bonheur éprouvé autour des livres lus et relus le soir jusqu'à connaître le texte par coeur. C'est plein de finesse, très vrai, très pris sur le vif, je suis là (et toutes les mères) pour en témoigner!

Le livre qui est un hommage à Misery de Stephen King se lit comme un roman à suspense et épouse les codes du genre; la tension narrative est maintenue avec beaucoup d’habileté par l’écrivaine jusqu’au dénouement et même au-delà car le lecteur peut légitimement conserver un doute quand le récit se termine; mais je ne peux vous en dire plus! Sachez cependant que le personnage de L. devient de plus en plus inquiétant et l’on se sent totalement impliqué dans le récit, dans l’expectative du drame qui, semble-t-il, ne peut manquer de se produire. Mais le roman n'est pas un thriller et la fin est beaucoup plus subtile.

Ce livre est  bien autre chose qu’un roman à suspense. Reprenons le titre D’après une histoire vraie et voyons avec quelle malice Delphine Le Vigan nous oblige à nous demander ce qui est vrai dans ce récit? Elle mêle si machiavéliquement des éléments autobiographiques et d’autres qui ne le sont sûrement pas, savant brassage entre réalité et fiction, que nous sommes obligés de nous poser la question. Et c’est là le sujet du livre. A notre époque ou sévit la téléréalité, où chacun se met en scène à la télévision et dans les réseaux sociaux, la littérature peut elle encore être fictionnelle? Faut-il, pour toucher le lecteur, ne raconter que des histoires « vraies »? Et d’ailleurs la vérité existe-elle en littérature? "Mais tout écriture de soi est un roman " écrit l'auteure.  Un passionnant débat littéraire auquel ce roman est une brillante réponse!

LIVRE VOYAGEUR mais pas avant le mois d'Octobre