Décidément, avec les auteurs finlandais et par l’intermédiaire de la fiction, je suis en train de découvrir l’Histoire de la Finlande et en particulier l’histoire du XX siècle et de la guerre de 1940 de roman en roman. Vous vous souvenez qu’Olivier Norek avait raconté la guerre d’endurance et la résistance acharnée des soldats finlandais en 1939 contre l’assaillant soviétique dans Les guerriers de l'hiver. Avec Merja Mäki, Quand les oiseaux reviendront, nous sommes en Carélie du Sud et Alli et sa famille font face chaque jour aux bombardements ennemis soviétiques. Alli, envoyé à la ville pour apprendre le métier de guérisseuse, comme le veut sa mère, s’est bien vite enfui pour retourner chez ses parents et sa petite soeur. La famille vit dans une ferme au bord du lac Lagoda en Carélie du sud où son beau-père est pêcheur. C’est aussi ce que veut faire Alli mais ce métier n’est pas fait pour les femmes et elle se heurte à la désapprobation et à la colère de sa mère. Son Frère Aatos est mort au front, son jumeau Tuomas continue le combat mais laisse derrière lui une jeune épouse enceinte, Silvi.
Mais l’armistice est signé en mars 1940 et la famille apprend qu’une partie de la Carélie du Sud est annexée par les soviétiques et que toute la population est déplacée et doit fuir. La famille ira en train rejoindre le frère du beau-père d'Alli et celle-ci se propose de mener le bétail à pieds et en traîneau. Elle est accompagnée par sa belle-soeur Silvi. Elle veut prouver qu’elle n’est pas la rêveuse que voit en elle sa mère et qu'elle est très capable de réussir cette longue et harassante équipée. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a du caractère et du courage ! C’est un beau personnage assez complexe avec ses faiblesses et ses défauts, son entêtement parfois, qui fait aussi sa force !
Le roman est un roman d’aventures où l’on voit Alli secondé par Silvi affronter des kilomètres dans la neige et le froid. C’est aussi un livre sur l’exil, sur le déchirement de devoir quitter son pays natal et de le laisser aux envahisseurs, même si l’espoir demeure, Alli est certaine qu’elle sera de retour au pays quand les oiseaux reviendront. Un livre aussi sur la tristesse de l’exil, l’humiliation d’être reçue en quémandeuse, en étrangère, dans son propre pays, la Finlande restée indépendante. La Carélie a l’air plus archaïque, plus pauvre que ceux qui accueillent les exilés. Cette région est encore proche des traditions, des croyances magiques, le vocabulaire, la prononciation des mots sont différents. Loin de rencontrer de la compassion, les exilés sont traités avec mépris et considérés comme des « semi-russes » alors qu’ils viennent de tout perdre, justement, à cause des russes ! Mais il y a bien d’autres thèmes dans ce riche roman. La faim, la misère en particulier des enfants. Les souffrances de la guerre avec son lot de blessés et les mourants. Les rapports mère et fille souvent violents. Alli est rejetée par sa mère. Il y a aussi la condition féminine en train d’évoluer. En Carélie, les femmes « ne devaient pas se montrer trop hardies sans quoi le maître de maison perdait tout crédit aux yeux du village». Dans sa nouvelle vie Alli voit des jeunes femmes s’affirmer en devenant infirmières, indépendantes et libres. C’est ce que souhaite ardemment Alli qui affronte toutes sortes de défis. Y parviendra-t-elle ? Le roman est bien écrit avec sobriété dans l’expression des sentiments et la nature y est présente à la fois belle et rude avec son lac si grand que les pêcheurs l’appellent la mer, sa myriade d’oiseaux sauvages, ses hivers rudes dans les forêts enneigées.
« L’île de Haavus s’élevait en pente raide au niveau de la falaise de Haukka. Arrivée au sommet, j’eus l’impression que le vent me transperçait de part en part et formait un tourbillon glacé dans mon ventre. La falaise plongeait presque verticalement vers la glace en contrebas. J’avais observé les récifs de nombreuses fois depuis le bateau, et ils m’avaient toujours donné l’impression qu’ils s’apprêtaient à me tomber dessus et à m’écraser sous leur poids. En bas, la mer étincelait sous le clair de lune. La glace craquait sous l’effet du gel. »
"Au
loin, de l'autre côté de la tourbière, il distingua une créature à
longues pattes et au cou interminable, comme un serpent. A y regarder de
plus près, elles étaient plusieurs. Grises et noires, elles
s'envolaient, leurs ailes déployées et leurs pattes oscillant dans les
airs.
Les grues cendrées dansaient sur la tourbière. Les ailes tendues les
unes vers les autres, le cou courbé, elles criaient et approchaient, le
garçon ne fit aucun bruit, retenant son souffle. Jamais il n'avait vu un
tel spectacle."
Nevabacka formé de deux mots, l’un finlandais neva, les marais, l’autre en suédois backa, la colline, désigne la ferme et la forêt où se déroule l’action du roman de Maria Turstschaninoff, en Ostrobotnie, à l’est de la Finlande.
Maria Turstschaninoff, finlandaise de langue suédoise, écrit un roman historique puisqu’il commence au XVII siècle et se termine de nos jours, mais qui est aussi un conte nourri de légendes traditionnelles, un poème en prose amoureux de la nature, des forêts et des animaux et qui plonge le lecteur au coeur même de la vie et de la beauté mystérieuse et sauvage.
Un soldat, Matts Rak, reçoit du roi, comme récompense de ses bons services militaires, une terre éloignée et sauvage qu’il appellera Nevabacka et qu'il s’efforcera de défricher, de labourer et de rendre fertile en bon fermier qu’il jamais cessé d’être malgré la guerre qui avait fait de lui un soldat. Sur son domaine s’étend une grande tourbière et des marais que le jeune paysan se propose d’assécher. Mais dans ces lieux se cache le peuple des forêts, celui qui échappe au christianisme et que le peuple révère et craint. La fée de la Tourbière - manifestation des croyances populaires, allégorie de la forêt et plus généralement de la nature toute puissante ? - lui interdit de toucher à la tourbière et lui donne un fils en cadeau comme une compensation pour son obéissance. Nous suivons les différents membres de la famille issus de ces deux ancêtres, au cours d’une longue remontée dans les siècles où l’on passe de croyances primitives en des éléments surnaturels qui imposent le respect, à un monde où L’Eglise combat le surnaturel, punit ceux qui y croient et, à notre monde contemporain qui maltraite la nature et l’exploite au nom d’une économie efficace et productive.
Le réalisme du récit nous amène à partager la dure vie de ces paysans dans la ferme Nevabacka, qui, pour être la plus grande et la plus riche de la région, n’en exige pas moins un travail pénible mais la présence de la nature, de sa beauté majestueuse, baigne le roman d’une aura magique.
"Je me suis installée sur un arbre couché et, ma chère Charlotte,
j'ai été saisie par la beauté de ce moment. D'abord, le ciel est devenu
rouge, presque écarlate, avec des tâches roses et jaunes. Puis le soleil
s'est levé à l'horizon et les rayons ont traversé la forêt, ornant les
ombres des arbres de gravures dorées. Je n'ai jamais écrit de poèmes,
mais à ce moment-là, mon âme en est devenu un."
Les personnages se succèdent dans des récits qui semblent indépendants les uns des autres mais qui sont reliés par des liens de parenté. L’existence éphémère de chacun forme un grand Tout, à la fois au niveau familial mais aussi à la dimension du pays, célébrant ainsi l’âpre beauté de la Finlande. Les personnages attachants et le style de l’auteure, poétique, font de ce roman une belle lecture.
C’est l’incipit du livre d’Olivier Norek. La Finlande fut d’abord sous domination suédoise, puis gagna une relative autonomie sous l’empire russe tsariste. C’est en 1917 qu’elle obtint enfin son indépendance. En 1939, Staline veut créer une zone protectrice à la frontière de la Russie et de la Finlande pour protéger Léningrad des troupes hitlériennes qui pourraient envahir le pays par la Finlande, profitant de sa neutralité. Devant le refus du gouvernement finlandais de céder des territoires, les soviétiques déclarent la guerre le 30 Novembre 1939. Une guerre éclair pense Staline, l’affaire de quelques jours : une immense armée contre une poignée d’hommes, un gigantesque pays contre un minuscule.
Les Finlandais savent qu’ils vont perdre la guerre mais ils opposent une résistance acharnée aux envahisseurs. Le combat meurtrier des deux côtés, va durer 105 jours. Les Soviétiques finissent par occuper les zones demandées mais la force militaire soviétique est discréditée et Hitler voyant ses faiblesses décide d’envoyer ses armées contre les soviétiques en Juin 1941 renonçant à son projet initial qui consistait à attendre que le front ouest soit vaincu.
Pekka Halonen
C’est cette guerre, la Guerre d’Hiver, que raconte Olivier Norek qui, abandonnant le polar, se lance dans un roman historique. Et c'est une réussite !
L’écrivain s’attache à nous peindre le sisu, un mot finlandais intraduisible qui décrit la force intérieure des Finlandais, leur esprit de résistance même en l’absence d’espoir, un mot difficile à définir car il contient plusieurs composantes et qui s’élève au rang de mythe national.
Et le Sisu des Finlandais dans cette guerre disproportionnée participe à un récit prenant, que l’on suit avec empathie et intérêt :
Le sisu est l’âme de la Finlande. Il dit le courage, la détermination…
Ce qui joue en faveur des Finlandais, c’est bien sûr cette motivation, la nécessité de défendre leur pays qui vient à peine d’être reconnue après des siècles d'occupation, leur adaptation à un hiver encore plus rigoureux que d’habitude, habitués peut-être aussi aux privations et à l’endurance par une vie rurale très dure où il faut s’adapter pour survivre.
"Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d’un acier qui nous résiste aujourd’hui" reconnaît Molotov lui-même.
Enfin l’impréparation des troupes russes mal équipées pour le froid, mal nourries, peu motivées et mal formées aussi bien les soldats que les officiers (Staline avait envoyé les officiers de carrière au goulag), expliquent les difficultés rencontrées. De plus, Staline mettait en première ligne les peuples des républiques de l’Union (plutôt que les Russes) peu motivés pour une guerre qui n’était pas la leur.
Simo Häyhä La Mort blanche
Le récit de Norek tout en nous montrant l’universalité du combat reprend la légende de Simo Häyhä, un jeune paysan, de ses amis Toivo, Onni, Pietari, Leena... et de leurs officiers, personnages historiques. Simo Häyhä est un paysan qui a appris à tirer pour tuer du gibier. Pendant la guerre, il devient un sniper redoutable qui atteint ses cibles presque à chaque coup. Sa légende se répand et les soldats russes le surnomment Белая смерть, Belaïa smert, la Mort blanche, tout en lui accordant un pouvoir presque surnaturel. La Mort blanche car les soldats finlandais sont vêtus de combinaisons chaudes de couleur blanche qui leur permettent de passer inaperçus dans la neige alors que les soviétiques sont en uniforme de couleur, un autre désavantage.
Et c’est parce que l’écrivain fait oeuvre d’historien, qu’il s’en tient à l’Histoire - même dans les paroles prononcées ou écrites - qu’il manque parfois aux personnages une couleur romanesque qui permettrait de s’attacher plus étroitement à eux. Simo est un symbole, celui du Sisu, celui d'un peuple opprimé, injustement envahi. C'est au récit national que l'on s'attache à travers lui, au récit de cette résistance passionnante et même fascinante tant on épouse le combat du plus faible contre le plus fort. Mais j’ai apprécié que, tout en racontant la légende de Simo, Olivier Norek tienne à montrer l’horreur de la guerre et que, pour Simo et ses amis, le fait de tuer, fut-ce des ennemis, c’est toujours tuer un homme. Certains comme le lieutenant Juutilainen deviennent des tueurs qui ne savent plus vivre en paix. Comment rester humain quand on est confronté à la banalité de la mort ? C’est une des grandes questions du roman.
"Lors de cette journée, l'unité finlandaise de soixante hommes avec leurs mitrailleuses tua à elle seule plus de deux mille soldats envoyés à l'abattoir."
"Ils étaient hier simples fermiers, pères de famille, amis et maris. Aujourd'hui ils devenaient tueurs de masse."
Le roman d'Olivier Norek, même si nous ressentons de l'admiration pour ce peuple ainsi attaqué, loin d'être une glorification de la guerre nous en peint les aberrations et nous place toujours du côté de l'humain. Et c'est en cela, aussi, qu'il me touche particulièrement.
Et Olivier Norek conclut :
« Si ces évènements ont bientôt un siècle, ils nous renvoient à l’Histoire actuelle et nous mettent en garde. La guerre survient souvent par surprise, et il faut toujours un premier mort sur notre sol pour y croire vraiment »
Une belle lecture !
Rentrée littéraire 2024 Les guerriers de l'hiver a été sélectionné pour le prix Goncourt (entre autres).
Dans Chien sauvage de l'écrivain finlandais Pekka Juntti, paru aux éditions Gallmeister, le personnage principal, Samuel Somerniva -dit Samu- semble avoir un destin tout tracé, du moins aux yeux de son père. Son fils sera mineur : « C’est la place des hommes de notre famille, nous y appartenons ». Oui, mais Samu, avec la complicité silencieuse de sa mère, veut échapper à ce déterminisme. Il part dans le Nord, en Laponie, travailler chez Sanna et Matti dans un élevage de chiens de traîneaux. Le travail est rude, de longues journées sans repos, du matin jusqu’au soir. Il s’agit de nourrir les Huskys, de nettoyer les cages, de recevoir les groupes de touristes, de préparer les repas. Rien d’exaltant, mais avec la récompense, parfois, de courses de traîneau fabuleuses avec Matti pour apprendre le métier. Samu tient le coup car son rêve est de devenir musher, conducteur de traîneaux, parmi les plus grands, ceux qui accomplissent des exploits avec leur attelage sur des milliers de kilomètres.
Mais de la réalité au rêve, il y a loin. Les chiens de traîneaux coûtent cher, certains valent même des fortunes. Aussi lorsque les deux chiens d’un célèbre musher disparaissent, Nanok et Inuk, Samu se lance à leur poursuite. Si Inuk est retrouvé facilement, Nanok, lui, a repris goût à la liberté et est redevenu sauvage. Cependant, le propriétaire du chien promet au jeune homme que Nanok sera à lui s’il parvient à le capturer. Samu va partir de plus en plus loin dans le Nord, parmi les populations minoritaires qui semblent oubliées de tous sauf quand il s’agit de détruire leurs réserves naturelles et d'exploiter leur bois! Si les Samis l’aident au début, ils vont bientôt devenir hostiles, surtout les éleveurs de rennes, car le chien fait des ravages dans leurs troupeaux. L’entêtement de Samuel à chercher l’animal et à le protéger suscite la colère des éleveurs, son ignorance des coutumes de la population vont le mettre en danger.
Le roman est construit sur deux périodes : Il commence en 2008 et se déroule jusqu’en 2009 pour l’histoire de Samu et est daté de 1942 jusqu’en 1949 pour celle d’Aila et de sa famille qui vivent près de la rivière Tengelio. Les deux récits se rejoindront en 2009 quand Samu, arrivant dans la région tombe amoureux d’Avaa. Mais il y a encore une autre partie insérée entre ces deux périodes, sous la forme de pages numérotées indiquant le nombre de jours que Samuel passe dans une cabane, isolé, mourant de peur et de faim sans que le lecteur sache vraiment ce qu’il fait là ! J’avoue que cela m’a un peu déroutée au début avant de comprendre qu’il s’agissait d’un futur par rapport au présent de Samuel et, là aussi, les deux espaces temporels vont finir par coïncider. Une construction un peu complexe.
Paysage finlandais
Chien sauvage est d’abord un hymne à la nature mais sans idéalisation. On peut facilement y mourir si l’on ne sait pas respecter sa puissance. Ne jamais se croire plus fort qu’elle ! Les paysages sont magnifiques mais les villages miséreux. Quand Samuel part vers le nord à la recherche de ses chiens, il parcourt d’abord des paysages de marais avec des pins rabougris, une forêt peu dense mais qui devient de plus en plus épaisse coupée çà et là de quelques villages.
J’avais l’impression de remonter dans le temps. C’étaient des villages oubliés. Il y avait de la pauvreté , mais aussi beaucoup de vie. (…) Ces villages me faisaient penser aux pins tordus de mont Ousnasvaaara sur lequel j’avais grimpé en route vers le nord. La vie y était fragile mais tenace. Le panneau indiquait Ylitornio.
Les Samis croient aux âmes des ancêtres incarnées dans les arbres. L’environnement, la forêt, les rivières et les lacs sont sacrés non seulement pour assurer leur subsistance mais aussi sur le plan spirituel. Aila fait des offrandes au sapin séculaire d’Arviitti qui les protège en retour. La famille a une ferme, cultive un champ, élève des vaches, vit aussi de la chasse et de la pêche.
Quand le père part à la guerre en 1942, il explique à sa fille :
… il est toujours agréable de rendre visite au sapin d’Arviitti. On y est seul et en même temps bien entouré : quand on raconte ce que l’on a sur le coeur, tout le monde nous écoute. Il y a le vieux Arviitti et Eevertti, Vänni et Liisi et tous les autres qui sont partis. Quand tu rends visite à l’arbre observe la rivière. Si tu l’écoutes bien, tu entendras les rapides chanter le chant de la liberté, les pins bouger au vent sur la colline et les saumons faire claquer leurs queues grandes comme des pelles dans les frayères. Il y en a un près de la rive, dans le contre-courant d’un rocher, là où le lac commence. Ma chère Aila, tu as bien constaté que sur la berge de la rivière, le rosier sauvage est encore en fleur. Il ne nous arrivera rien.
Pekka Halonen : peintre finlandais
Après la guerre, le gouvernement pour reconstruire le pays et relancer l’économie, ouvre de grandes campagnes de coupes forestières qui détruisent la forêt et ravagent des régions entières. Des chantiers pour construire des barrages et des centrales hydrauliques sur la rivière Tengelio voient le jour. Mais ce serait fatal aux saumons qui seraient dans l’impossibilité de remonter le cours d’eau. La colère des hommes s’éveille.
Ils trouvent toujours une bonne raison pour venir ici et tout détruire. Bon Dieu, on a vécu dans le sang et dans la merde à cause de ce satané état finlandais et voilà la récompense !
Des forestiers, des chefs de chantier, disparaissent mystérieusement. Nul ne peut les retrouver. On dit que la forêt se venge, qu’elle les a emportés. Et que signifient ces trois roses que certains se voient offrir car les roses poussent aussi sur les bords glacés de la Tengeliö ?
Chanson de la Tengeliö
Là où scintillent la Tingeliö,
ses miroirs, ses courants,
Tu peux trouver le bonheur
si tu découvres la fleur.
Pourtant, les jeunes, comme Vaïnö, le frère d’Aila, sont attirés par la grande ville, Helsinki, par l’argent gagné rapidement en s’engageant dans les chantiers bien payés, par le confort d’une maison avec l’électricité. Les femmes lancent des pétitions pour que leurs enfants aillent à l’école.
« D’après elle, puisque nos forêts et nos eaux leur plaisent tant, ils nous doivent bien ça en contrepartie. »
C’est le monde ancien et moderne qui s’affrontent. Finalement, Le président de la République Urho Kaleva Kekkonen préserve la région en faisant un parc national d’étude de la nature. Chien sauvage n’est pas un de mes coups de coeur, je n'ai peut-être pas été assez accrochée par les personnages qui me semblent parfois froids et un peu démonstratifs. Certains thèmes qui m'intéressaient comme celui de la réalisation du rêve de devenir musher est abandonné. Peut-être que mon attente était trop à la Jack London ou à la Oliver Curwood quand j'ai choisi ce livre ! Mais il présente de belles descriptions de la nature, une connaissance de la vie sauvage et de la vie des peuples du nord. Le propos écologique est intéressant. J'ai lu ce roman avec plaisir.
En 1918 a lieu en Finlande -qui est en train de conquérir son indépendance - une guerre civile qui oppose les blancs, conservateurs nationalistes, bourgeoisie et classe moyenne, et les Rouges composée d’ouvriers et de paysans. Les Rouges perdent et sont enfermés dans ces camps de prisonniers où règnent famine, maladies, sévices et humiliations. 39 000 personnes périssent pendant cette guerre.
Voir : Kjelle Westö : Un mirage finlandais
Saint Pétersbourg : palais de l'Ermitage
C’est lorsque son mari Ilia sort de ce camp en 1922 que Klara décide de partir avec lui en Russie, à Saint Pétersbourg, pour trouver la liberté. C’est ainsi que commence le roman de Sirpa Kähkönen : Ville au coeur de pierre. Le titre joue sur les mots, cette ville tour à tour Petrograd, Saint Pétersbourg, est la ville arrachée aux marais par le tsar Pierre le Grand, la ville de Pierre, avant de devenir Léningrad à la mort de Lénine en 1924. Et par la suite, la ville au coeur de pierre ou Klara va perdre ses illusions.
Klara, est la narratrice de la première partie Petrograd I et deuxième partie du roman Leningrad II. Quand elle arrive à Petrograd, la misère, le désordre règnent. La Révolution a emporté avec elle toutes les structures, le bouleversement est total et laisse tout à faire, tout à entreprendre, tout à construire pour espérer des jours meilleurs et il faut du coeur à l’ouvrage ! Klara n’en manque pas. Tout en s’intégrant dans un petit groupe d’exilés finlandais, en s’entourant d’amis, elle s’occupe des enfants de rue, orphelins, misérables, affamés et malades, vivant de vols, de prostitution, couchant dans des caves insalubres. Klara a foi en la Révolution, elle croit au progrès et ne se ménage pas.
"Dans ma confusion, je chantais tantôt en finnois tantôt en russe - les mots semblaient m’échapper -, j’étais émue et je pensais quelque chose comme : ces enfants verront le jour où l’esclavage, la faim, l’oppression auront disparu, où la fraternité entre les hommes sera réelle et banale et non plus le rêve d’une poignée de gens."
Mais elle est déjà consciente des failles du système. Pour nourrir la ville, l’armée réquisitionne le bétail, les récoltes des paysans qui, bientôt, réduits à la misère, sont obligés de laisser partir leurs enfants à la ville, ceux-ci venant grossir le flot incessant d’enfants des rues. C’est la révolution elle-même qui nourrit ses propres faiblesses. C’est ce qu’explique son beau-frère Lavr qui s’est d’abord engagé dans l’armée rouge pour défendre la révolution :
« Tu sais contre qui nous dirigeons nos armes en premier ? Contre les ouvriers et les paysans. Ceux pour qui tu as fait la lutte des classes en Finlande. Nos propres ouvriers, nos propres paysans. L’ouvrier gréviste qui se crève à un boulot de misère, le paysan à qui on saisit sa récolte jusqu’au dernier grain. »
Les Bourgeois et, parfois, les profiteurs, il y a en a encore dans cette société comme partout ailleurs. Ainsi ceux, hommes d’affaires qui ont servi le tsar, continuent à faire fortune et à jouir de privilèges, belles maisons, riches vêtements, voyages, spectacles et fêtes. On les laisse faire ! Du moins tant qu’on a besoin d’eux ! Parmi eux Henrik et l’amie de Klara, Ielena, jeune et jolie finlandaise ambitieuse qui épouse Henrik. Mais c’est à la mort de Lénine que peu à peu les choses se gâtent, le conformisme et l’autoritarisme se renforcent, la surveillance des moindres faits et gestes, la suspicion aussi. Les finlandais sont accusés d’espionnage. Chacun se méfie du voisin et n’ose exprimer à voix haute sa pensée. Torture, disparitions, exécutions sommaires. Klara, elle-même est suspecte : n’a-t-elle pas fait chanter à ses enfants un poème de Maikowsky sur la Russie « pays d’abricots et de puces »?
Les autres parties du roman de III à la partie V qui va jusqu’après la deuxième guerre mondiale devant Leningrad assiégée par les Allemands, donnent d’autres points de vue et éclairent les autres personnages, Dounia et Guénia, les enfants adoptifs de Klara, Ilia son mari, Henrik et Ilena, Tom, Choura, Galkin. Tous ces personnages tournent autour de Klara et leurs faiblesses, leurs compromissions, parfois, mettent en valeur la beauté et la pureté du personnage. On voit comment elle a idéalisé ses amis sans voir leurs défauts, leur égoïsme, elle a donné tout son amour, toute sa force aux enfants, à ses amis et à la croyance en une vie meilleure.
Le récit se fait celui du désenchantement, de la fin du rêve :
Je voulais savoir comment on peut vivre sans joie et sans espoir demande Ielana. « La prison te l’apprend, dit Galkin. La prison, c’est le meilleur creuset pour faire des hommes nouveaux. Il n’y a rien de tel. »
Encore un beau livre sur un sujet historique intéressant dans une langue pleine de nostalgie et avec un personnage féminin très fort.
Le roman, Un pays de neige et de cendres de Petra Rautiainen, se situe au nord de la Finlande, en pays sami, à Inari en 1944 et Enontekio de 1947 à 1950 (une carte nous permet de situer ces lieux en début de livre). Les deux époques se chevauchent et le lecteur passe ainsi du passé à présent, celui-ci encore marqué par la guerre.
1944 : Le narrateur Vaino Remes arrive dans un centre pénitentiaire pour y servir d’interprète auprès des prisonniers de différentes nationalités, Russes, Ukrainiens, Serbes, Polonais, Roumains. Il s’agit d’un camp allemand en Finlande placé sous la haute autorité de la gestapo. Les conditions de vie y sont inhumaines, le froid, la neige et l’obscurité des nuits d’hiver rendent fous les gardiens allemands eux-mêmes, la faim et la maladie font des ravages. Vaino Remes qui a eu des activités dans des commandos d’extermination en Finlande est aussi affecté à la détermination des races. Il croit à la Grande Finlande et à la race finnoise épurée. Il fait connaissance de l’autre interprète finlandais avec qui il travaille, Olavi Heiskanen. De plus, il s’intéresse à un prisonnier nommé Kalle qui jouit d’un statut privilégié. Ses recherches dans le dossier de cet homme lui permettent de savoir qu’il se nomme Kaarlo Linqvist. Tous ces faits et bien d’autres sont consignés dans son journal de bord.
1947 : Inkeri Lindqvist arrive à Enontekio près de Inari. Elle est photographe et journaliste et est là pour faire une enquête sur la reconstruction de la Finlande. En vérité, elle est à la recherche de son mari qui a disparu. Elle ne sait pas s’il est encore vivant. Elle fait la connaissance d'Olavi Heiskanen et aussi de Piera, un vieux sami et de sa petite-fille Bigga-Marja mais son enquête avance difficilement. Tous sont réticents à évoquer le passé. Le camp a disparu. Personne ne veut en parler, sentiment de honte, de culpabilité ? Tout en faisant la connaissance des Sames et de leurs coutumes et en se liant d’amitié avec Bigga-Marja, Inkeri en apprend plus sur les secrets du camp. Mais elle découvre en même temps que la discrimination, les humiliations et le racisme que subit le peuple sami n’ont pas disparu même après la guerre.
-Ils envisagent de créer un registre des Sames - C’est quoi ? - Ils recensent toute la population. Qui sont les Sames. Combien ils sont. Où ils habitent. -Ah. L’Etat veut s’approprier ces forêts, cette tourbe, ces marais et tout le reste mais ça pose un problème avec ces ploucs de Lapons.
Ce roman parle d’un réalité très dure et un malaise règne tout au cours de la lecture. Non pas seulement à cause du camp et des crimes qui y sont perpétrés mais aussi parce que l’on sent que tout n’est pas dit, que l’on nous cache quelque chose. En fait, on se retrouve dans la même position que la photographe Inkeri à qui il manque beaucoup d’éléments pour tout comprendre. On le découvrira peu à peu avec elle.
J’ai aimé l’amitié qui lie Inkeri aux Samis et en particulier à la jeune Bigga-Marja, personnage attachant comme son grand-père Pietra. J’ai eu plaisir à découvrir avec elle leurs croyances et leurs traditions. Mais j’ai appris avec horreur l’existence de ces camps de concentrations avec la participation de la Finlande sous l’autorité allemande. Je savais pourtant que la Finlande s’était alliée à l’Allemagne nazie, la préférant à son ennemi héréditaire, le Russe. Mais je savais pas qu’elle avait abrité de telles abominations sur son sol.
Quant aux Samis, dans tous les pays nordiques, Norvège, Suède et Finlande, ils ont eu à subir les violences d’une assimilation forcée accompagnée de mépris. Le mot lapon qui les désignait jadis est d'ailleurs un terme péjoratif abandonné de nos jours. Ils sont désormais reconnus comme une nation autonome constitutionnelle même si leur nomadisme, pour certains, est encore source de conflits.
Merci à Miriam pour cette lecture qui m’a appris beaucoup sur ce pays.
Gallen-Kallela : Nuit de printemps 1914 (collection particulière)
Akseli Gallen-Kallela est un peintre finlandais né à Pori, en 1865, dans le sud-Ouest de la Finlande, alors sous domination russe. Après avoir suivi les cours des Beaux-Arts d'Helsinki il fait trois séjours parisiens de 1884 à 1889 où il fréquente les cours de Bouguereau et de Cormon.
L'exposition du Musée Jacquemart réunit des oeuvres des musées des Beaux-Arts d'Helsinki et de Epoo, mais aussi de musées d'autres pays et de collections privées. C'est une exposition riche, variée, qui donne à voir toutes les facettes de ce peintre Finlandais et des tableaux magnifiques (surtout ceux sur la Nature qui sont mes préférés) que l'on ne peut voir même en allant en Finlande.
Le naturalisme
Ces débuts sont marqués par le naturalisme, mouvement qui, en peinture comme en littérature (Zola), présente des scènes de la vie de tous les jours, du travail des ouvriers, des paysans, en un mot des classes populaires, et témoignent de l'évolution et des changements de la société. C'est dans son pays que Gallen-Kallela voyageant jusqu'au coeur de la Carélie, trouvera ses sujets, des paysans. Il exposera ces oeuvres à Paris en 1889.
Souffrance muette
Dans ce tableau, Gallen-Kallela s'inspire du peintre français naturaliste Julien Bastien Lepage. Ici, il s'intéresse à cet homme victime d'une blessure, la main bandée, avec son regard fixe, replié sur sa douleur.
Les mythes nordiques
Akselis Gallen Kallela : Aino échappe à Vaïnämoïnen
Le Gallen-Kallela que j'ai découvert au musées des Beaux-Arts en Finlande à Helsinki est surtout celui des mythes. Le peintre puise son inspiration dans Le Kalevala, une épopée qui
relate les faits et gestes des Dieux et des Héros de la mythologie
finlandaise. Ce long poème épique a été publié par Elias Lönnrot
qui a recueilli des légendes populaires ancestrales auprès des paysans dans toute la Finlande. Publié en 1835, ce poème est ensuite paru dans une autre édition réaugmentée en 1849. Elias
Lönnrot, médecin, écrivain, linguiste, folkloriste, a voulu donner
au peuple finlandais, libéré de la domination suédoise, une oeuvre
unificatrice, susceptible de réunir toutes les classes sociales
autour de la notion de patrie et d’une identité
commune qui redonne à la langue et à la littérature finnoises ses
lettres de noblesse.. Quand je suis revenue de Finlandeen 2019, j'ai voulu lire Le Kalevala,
intriguée par les tableaux de Akseli Gallen-Kallela. Il faut
un peu s'accrocher car l'épopée compte pas moins de cinquante chants
et 22 795 vers. J'ai parfois flanché sur certains épisodes
mais dans l'ensemble j'ai beaucoup aimé ces récits fantastiques,
la poésie et la musicalité des vers du moins dans la traduction de Jean-Louis Perret. J'ai écrit trois billets sur le Kaleval ; Ici Ici et Ici
Dans le tableau ci-dessus, la jeune fille, Aino,
choyée par ses parents, attire l'attention du vieux Vaïnämoïnen, un héros aux pouvoirs presque divins, qui la demande en mariage. Ses parents l'obligent à l'épouser mais elle préfère se jeter dans la rivière pour se noyer. Elle sera transformée en truite.
Le cosmos
Gallen-Kallela : Cosmos
Gallen-Kallela se passionne pour l'observation des étoiles. Son goût de l'astronomie conjugué à une pensée spirituelle va donner une dimension mystique à son oeuvre et amener une réflexion sur la place de l'homme dans l'univers ainsi qu'à des interrogations sur la vie et la mort.
Cosmos : détail
Ad Astra : Vers les étoiles
Dans Ad Astra : Vers les étoiles, la jeune fille arbore les stigmates du christ sur les paumes de la main. C'est une image assez singulière : Une femme présentée comme une figure christique ? Faut-il trouver l'explication de ces stigmates dans l'expression latine complète : "Ad astra per Aspera" : "Vers les étoiles et à travers les difficultés" montrant que l'aspiration de l'âme vers le cosmos ne peut être réalisée qu'à travers les souffrances du corps, que le passage est une porte étroite ?
Akseli Gallen-Kallela : La rivière des morts
Dans ce tableau, on aperçoit les corps des défunts emportés par le flot, migration cosmique des âmes. La figure que l'on voit par transparence représente les traits du compositeur Robert Kajanus que le peintre désignait comme son maître à penser.
Kalela, la maison-atelier
Mary tissant
Gallen-Kallela désirait avoir un atelier à lui. Après avoir parcouru la Carélie et la Laponie, il se décide à acheter un maison au bord du lac Ruovesi, au nord d'Helsinki. Il y fait construire sa maison-atelier baptisée Kalela dont il conçoit l'architecture et la décoration intérieure. Elle devient un lieu d'échanges artistiques mais aussi un lieu de silence et de recueillement selon les désirs de l'artiste. Une source d'inspiration aussi car Kallela la prend souvent pour motif et la peint à toutes les saisons de l'année.
Dans Mary tissant, l'artiste représente son épouse au milieu des roses, occupée à une activité calme avec en arrière-plan la vision splendide du lac Ruovesi. Tout ici, à travers la beauté du personnage, des fleurs, du paysage, suggère, la sérénité, la douceur, le bonheur paisible.
La maison- atelier Kalela : automne
La maison-atelier Kalela hiver
Paysages de silence
Vision de Février
C'est avec ces peintures de la Finlande et ces paysages que Gallen-Kallela renforce sa notoriété dans les salons parisiens et les expositions universelles. Il devient un peintre très recherché.
Il faut dire que ces paysages de lacs et de neige d'où l'humain disparaît ne laissant place qu'au silence et au recueillement sont d'une beauté exceptionnelle. Les photographies publiées ici en donnent une image bien terne par rapport à l'oeuvre exposée !Ces peintures sont tellement lumineuses qu'elles donnent l'impression d'être éclairées de l'intérieur. Elles rendent compte des sensations que l'on éprouve -que j'ai éprouvées- en me promenant dans ces bois de bouleaux silencieux qui se déroulent à l'infini, semble-t-il, au bord de ces lacs aux reflets argentés par la glace qui se forme peu à peu, paysages de toute beauté qui provoquent des sensations de bonheur et de paix.
Automne : étude pour le mausolée de Sigrid Juselius
Paysage d'hiver (détail)
La tanière du lynx
On distingue les traces des pattes du lynx dans la neige.
La nature en majesté
Lac Keitele
Lorsque l'on arrive dans la section La nature en majesté, alors, là, c'est l'apothéose, que ce soit avec La Nuit de printemps ou le Lac Keitelé qui sont mes tableaux préférés ! mais aussi toutes les études de nuages sur les lacs et aussi la vision panoramique du lac qui donne une impression de profondeur et d'immensité avec ses petites barques. La nature y est sublimée, grandiose, majestueuse avec des jeux de lumière, des reflets, des ombres, peints avec une minutie et une précision étonnantes. Tout y est d'un art subtil.
Nuages formant des tours
Nuages sur le Lac
Si vous avez la chance d'être à Paris, courez voir cette exposition. Elle est encore en place jusqu'au 25 Juillet au musée Jacquemart.
Ekseli Gallen Kallela : La rivière de Tuoneli, le royaume de la Mort : l'embarquement des âmes
Voilà le dernier billet consacré à l’épopée finlandaise de Elias Lonnrott, Le kalevala, écrit à partir d’une collecte de chants et de contes traditionnels remontant jusqu’au XIII siècle.
Il faut savoir qu’au XIII siècle, la Finlande est déjà christianisée, aussi les anciens dieux sont parfois très influencés par le christianisme et les distinctions entre paganisme et christianisme s’effacent ou se diluent quelquefois.
UKKO, le dieu des dieux
Ukko, qui signifie « vieillard » est le dieu suprême, le dieu du ciel, assimilable aux deux dieux scandinaves Odin et Thor et aussi dans la mythologie grecque à Zeus. Comme Odin, Ukko possède le pouvoir suprême, la sagesse et le savoir et il est aussi le dieu de la guerre et celui de l'orage. Comme Thor, Ukko tient un marteau nommé Unkonvasara qui le rend maître du tonnerre, de la foudre. Le symbole d’Ukko est un serpent-éclair qui figure l’éclair et la foudre. En finnois, le mot Ukkonen signifie « tonnerre » et ukolnima , « le temps d’Ukko », « l’orage ».
Quand les personnages du Kalevala s’adresse à Ukko, les prières et les mots employés rappellent la prière au Père de le religion chrétienne.
Unkonvasara
Le symbole d’Ukko est un serpent-éclair qui figure l’éclair et la foudre. En finnois, le mot Ukkonen signifie « tonnerre » et ukolnima , « le temps d’Ukko », veut dire « l’orage ».
Symbole d'Ukko
Rauni ou Akka, l'épouse d'Ukko
Ukko est l’époux de Rauni ou Akka qui signifie vieille femme, « la petite mère de la terre ». Elle a donné aux humains la possibilité de lutter contre la malfaisance des gnomes de montagne. Si Akka et Ukko s'unissent l'orage se déclenche ! Le passage du char de Ukko dans le ciel provoque le tonnerre. Quand les personnages du Kalevala s’adresse à Ukko, les prières et les mots employés rappellent la prière au Père de le religion chrétienne.
Lemminkaïnen s'adresse à Ukko
Prière de Lemminkainen à Ukko p158
Je m’adresserai bien plus haut, Au puissant Ukko dans le ciel, Qui gouverne sur les nuages, Maître souverain des nuées.
O puissant Ukko, dieu suprême, Père céleste et secourable, Qui parles à travers les nues, Qui lances les mots dans l’espace, Donne-moi ton glaive de feu Placé dans un fourreau de feu, Pour disperser tous les obstacles, Pour écarter les maléfices.
ILMATAR
Ilmatar Robert Wilheem Erkman
Nous avons déjà parlé d'Ilmatar ou Luonnotar, déesse de l'air et des ondes, qui a créé la terre à partir d'oeufs de canard, Voir ICI
TAPIO
Voilà comme l'artiste finlandaise Eva Ryynänen l'a représenté au musée de la nature près de Savonlinna :
Tapio représenté par l'artiste finlandaise Eva Ryynänen
Tapio, le dieu finnois de la nature, le dieu des forêts et des arbres. C'est est l'un des dieux les plus importants pour un pays aussi boisé que la Finlande. Les divinités et les esprits des forêts sont d'ailleurs les plus nombreuses du folklore finlandais. Tapio est souvent représenté à moitié humain, à moitié arbre, avec des sourcils de mousse et une barbe de lichens. Les chasseurs s’adressent à lui pour qu’il favorise leur chasse.
Tapio prière de Lemminkainen p173
Je quitte les gens pour les bois Vais seul aux travaux en plein air Par les domaines de Tapio (…)
Forêt montre-toi bienveillante, Eternel Tapio, sois propice, Conduis-moi dans l’ilôt boisé, Mène- moi sur une colline Où je trouverai du gibier Où je lancerai quelque proie !
Son épouse (ou parfois sa bru) est la belle Mikkieli,déesse de la forêt, dont le vieux nom finnois Mielu signifie chance. Elle a présidé à la naissance de l’ours, animal sacré en Finlande, roi de la forêt. Otso est l’esprit de l’ours. Elle protège le bétail, aide les bêtes sauvages traquées par les hommes. C'est elle qui permet la cueillette et le pâturage du bétail. Guérisseuse, elle soigne les animaux et, avec les plantes médicinales, elle guérit aussi les humains qui la respectent et veillent à se concilier ses bonnes grâces.
Dans Le Kalevala, le héros Lemminkaïnen lui adresse des prières ainsi qu’à Tapio et lui offre de de l'or et de l'argent pour capturer l'élan d’Hiisi, animal maléfique du folklore finnois. Dans un autre passage, Mielikki est priée de protéger le bétail qui paît dans la forêt. Elle reçoit également les prières de ceux qui chassent le petit gibier et de ceux qui cueillent des champignons et des baies.
Prière de Lemminkaïnen
Mielikki, patronne des bois, Pure femme, charmant visage, Laisse ton argent se répandre Au-devant de l’homme qui cherche, sous les pas de ton suppliant !
Tapio et Mikkieli ont pour enfants leur fils Nyyriki , dieu de la forêt, de la chasse et du bétail.
P 462
Nyyriki, bon fils de Tapio, Enfant des bois, beau manteau bleu, Prends la base des beaux sapins, La couronne des pins touffus, Pour faire un pont sur les bourbiers Pour amender les mauvais lieux…
Nyyrikki, fils de Tapio Noble héros au bonnet rouge, Trace des marques sur le sol, Taille des signes sur les rocs Pour conduite l’homme stupide, Montrer la voie à l’ignorant, Tandis qu’il cherche le gibier, Qu’il pourchasse le cher butin !
Tuuliki, Pihlajatar, Tellervo, les filles de Tapio
Leurs filles, déesse des forêts, de la végétationsont Tuuliki, Pihlajatar, Tellervo
Prière de la femme de Ilmataren P 456
Tellervo, fille de Tapio, Vierge aux joues rondes des forêts, Beau tablier, fine chemise, Superbe chevelure d’or, Toi qui protèges les troupeaux, Qui garde le bétail des fermes Dans le propice Matsola, Dans le vigilant Tapiola
O Suvetar, femme excellente, Etelätär, belle nature, Hongatar, bénévole hôtesse, Katjar, superbe vierge, Pihlajatar, fille de Tapio, Mielikki, bru de la forêt, Tellervo vierge de Tapio, protégez toutes mon troupeau.
Suvetar la déesse du printemps (Gjallarhorn-Suvetar with english lyrics)
Etelätär, personnification du vent invoquée par les vétérinaires pour soigner les chevaux.
Hongatar est la nymphe du pin, Katjar (Katajatar) celle du genévrier, Pihlajatar la nymphe du sorbier, Lemmes celle de l'aune, et Remunen du houblon.
Pellervoou Pekko (ou Sampsa Pellervoinen) est le dieu des champs, des graines et des moissons
Melhiainen est l'abeille. La mère de Lemminkainen envoie Melhiainen chercher du miel pour faire revenir son fils à la vie. Elle a reconstitué le corps de son fils en le cherchant dans le fleuve noir de Tuonela où ses morceaux avaient été dispersés après avoir été assassiné.
p196 prière de la mère Melhiainen, mon cher oiseau, Reine des fleurs et de la forêt, Pars maintenant chercher du miel, Va recueillir de l’hydromel Dans le propice Metsola, Au fond de l’exact Tapiola, dans le calice des fleurettes.
A ces divinités étaient opposés des esprits malicieux, fourbes et méchants : Lempo le dieu du mal associé à Hiisi ou Paha . Il commande les démons de la forêt. Il est aussi singulièrement l'ancien dieu de l'amour comme si l'amour et la haine étaient les deux facettes d'un même sentiment. En lapon Sieita, est aussi appelé Paha (le Malin) et Juutas (Judas), Piru , Perkele ...
Chant ôde à la terre mère suèdois - Gjallarhorn-Suvetar
TUONI
Tuonela : Tuoni et Tuonatar, deux de leurs filles
Tuoni est le dieu de la mort et des enfers. Son domaine est Tuonela, le sombre pays d'où l'on ne peut revenir vivant à part le héros Vaïnomömoinen. Les âmes partent sur la noire rivière de Tuonela pour gagner le séjour des morts, dans l'abîme de Manola.
Louhi, patronne de Pohja ( P 183), dit à Lamminkaïnen qui veut obtenir la main de sa fille :
Je ne te donnerai ma fille, La belle jeune fiancée, Que si tu peux tuer le cygne, du noir rapide de Tuoni, Des flots du tourbillon sacré, En l’abattant du premier coup, En ne décochant qu’une flèche.
Tuonetar, l'épouse de Tuoni
Tuonetar, la bonne patronne, femme de Tuoni, accueille les morts à Tuonela. Dans Le kalevala, elle offre à Vaïnämöinen qui s'est introduit vivant à Tuonela, un gobelet d’or rempli de poison, de serpents et de grenouilles pour le tuer. Mais celui-ci déjoue la ruse et s'échappe en usant ses pouvoirs de métamorphe et en se tranformant en loutre. C'est ainsi qu'il parvient à échapper au filet qui obstruait l'issue de la rivière hors des enfers.
Tuoni et Tuonetar ont pour filles les divinités de la souffrance et de la Maladie comme Kalma, Vammatar, Kivutar, Kippu-Tyttö, ou Loviatar, "la plus méprisable des filles de Tuoni" qui était aveugle.
Kipu-tyttö, l'une des filles de Tuoni
Kipu-tyttö , déesse de la souffrance,, Kipu-tyttö, Laura Rantanen
Kipu-tyttö dont le nom se traduit par « petite fille de la douleur » est la divinité de la maladie dans son degré terminal. Elle est d'une
apparence terrifiante, son visage est sombre, rongé par la variole et
son corps est légèrement déformé. Comme sa sœur Lovatiar elle est mère de neuf enfants, qui ont des noms aussi évocateurs que le cancer, la goutte, les ulcères, le chancre et la gale.
Kalma , une des filles de Tuoni et Surma
Surma
Kalma est la déesse de la mort, des chairs corrompues, de la pourriture. Son nom veut dire : "la puanteur des cadavres"! Elle a donné son nom au mot finnois kalmisto qui signifie cimetière. Kalma vit à Tuonela et son antre est gardé par Surma. Celui-ci est décrit comme un chien énorme avec une queue de serpent et son regard est pétrifiant. Surma signifie "mort" et il est usité quand il s'agit d'un personne morte assassinée et non de mort naturelle.
Loviatar, la plus méprisable des filles de Toni
Akseli Gallen Kallela : Loviatar filant sur la montagne
Chez Tuoni vivait une aveugle, Loviatar, la vieille mégère, La pire fille de Tuoni, La plus méchante Manatar, L’origine de tous les maux, La cause de mille fléaux; Elle avait la figure noire Son teint était très repoussant.
P593 Loviatar
Elle mit au monde neuf fils, Elle baptisa ses enfants, Prépara sa progéniture L’un fut appelé Pleurésie L’autre se vit nommer Colique, L’un reçut le prénom de Goutte, l’autre fut nommé rachitisme, L’un fut désigné comme ulcère, L’autre s’appela Cicatrice; L’un fut affublé du nom gale, l’autre répondit au mot peste
ou encore selon les versions : Loviatar donna naissance à neuf enfants :Pistos (phtisie), Ahky (coliques), Luuvalo (goutte), Riisi (rachitisme), Paise (ulcère), Rupi (gale), Syöjä (cancer), Rutto (peste) et un neuvième, une fille, qui n'est pas nommée mais qui était la pire.
Louhi la patronne de Pojhala, qui veut se venger des héros qui lui ont volé le Sampo, envoie les enfants de Loviatar sur le Kalevala. Mais Vaïnämöinen parvient à les vaincre tous.
AHTI ou ATHO
Athi ou Atho, le dieu de l'eau
Athi est le Dieu de l'eau, de la mer, des rivières et des lacs. Il vit dans une sombre et humide caverne ouverte dans une falaise, frappée par les vagues, entourée de nuages. Il est jaloux du dieu du ciel car il pense que son pouvoir n'est pas assez apprécié des humains et qu'il n'obtient pas assez de prières. Mais il n'essaie pas de se rendre plus populaire et emploie toutes sortes de mauvais esprits malfaisants, envoie des tempêtes, crée des tourbillons.
Vellamo ou Wellamo, épouse de Ahti
Vellamo est la déesse de l'eau, de la mer et des lacs. Son nom vient du mot finnois « velloa », qui signifie « mouvement de l'eau et des vagues ». Elle est belle et grande, porte une robe bleu vert faite de mousse de la mer. Elle sait contrôler les vents, apaiser les tempêtes. C'est pourquoi, elle est très respectée par les pêcheurs qui la prient pour qu'elle protège leur navire et leur donne une bonne pêche.Elle est aussi la maîtresse de vaches magiques qui vivent sous l'eau et paissent dans des prairies sous-marines.
Il y a encore beaucoup de dieux et de déesses dans la mythologie finnoise et dans Le Kalevala mais je m'en tiendrai à ceux qui m'ont le plus marquée pendant ma lecture de l'illustre épopée finlandaise.