Dans Chien sauvage de l'écrivain finlandais Pekka Juntti, paru aux éditions Gallmeister, le personnage principal, Samuel Somerniva -dit Samu- semble avoir un destin tout tracé, du moins aux yeux de son père. Son fils sera mineur : « C’est la place des hommes de notre famille, nous y appartenons ». Oui, mais Samu, avec la complicité silencieuse de sa mère, veut échapper à ce déterminisme. Il part dans le Nord, en Laponie, travailler chez Sanna et Matti dans un élevage de chiens de traîneaux. Le travail est rude, de longues journées sans repos, du matin jusqu’au soir. Il s’agit de nourrir les Huskys, de nettoyer les cages, de recevoir les groupes de touristes, de préparer les repas. Rien d’exaltant, mais avec la récompense, parfois, de courses de traîneau fabuleuses avec Matti pour apprendre le métier. Samu tient le coup car son rêve est de devenir musher, conducteur de traîneaux, parmi les plus grands, ceux qui accomplissent des exploits avec leur attelage sur des milliers de kilomètres.
Mais de la réalité au rêve, il y a loin. Les chiens de traîneaux coûtent cher, certains valent même des fortunes. Aussi lorsque les deux chiens d’un célèbre musher disparaissent, Nanok et Inuk, Samu se lance à leur poursuite. Si Inuk est retrouvé facilement, Nanok, lui, a repris goût à la liberté et est redevenu sauvage. Cependant, le propriétaire du chien promet au jeune homme que Nanok sera à lui s’il parvient à le capturer. Samu va partir de plus en plus loin dans le Nord, parmi les populations minoritaires qui semblent oubliées de tous sauf quand il s’agit de détruire leurs réserves naturelles et d'exploiter leur bois! Si les Samis l’aident au début, ils vont bientôt devenir hostiles, surtout les éleveurs de rennes, car le chien fait des ravages dans leurs troupeaux. L’entêtement de Samuel à chercher l’animal et à le protéger suscite la colère des éleveurs, son ignorance des coutumes de la population vont le mettre en danger.
Le roman est construit sur deux périodes : Il commence en 2008 et se déroule jusqu’en 2009 pour l’histoire de Samu et est daté de 1942 jusqu’en 1949 pour celle d’Aila et de sa famille qui vivent près de la rivière Tengelio. Les deux récits se rejoindront en 2009 quand Samu, arrivant dans la région tombe amoureux d’Avaa. Mais il y a encore une autre partie insérée entre ces deux périodes, sous la forme de pages numérotées indiquant le nombre de jours que Samuel passe dans une cabane, isolé, mourant de peur et de faim sans que le lecteur sache vraiment ce qu’il fait là ! J’avoue que cela m’a un peu déroutée au début avant de comprendre qu’il s’agissait d’un futur par rapport au présent de Samuel et, là aussi, les deux espaces temporels vont finir par coïncider. Une construction un peu complexe.
Paysage finlandais |
Chien sauvage est d’abord un hymne à la nature mais sans idéalisation. On peut facilement y mourir si l’on ne sait pas respecter sa puissance. Ne jamais se croire plus fort qu’elle ! Les paysages sont magnifiques mais les villages miséreux. Quand Samuel part vers le nord à la recherche de ses chiens, il parcourt d’abord des paysages de marais avec des pins rabougris, une forêt peu dense mais qui devient de plus en plus épaisse coupée çà et là de quelques villages.
J’avais l’impression de remonter dans le temps. C’étaient des villages oubliés. Il y avait de la pauvreté , mais aussi beaucoup de vie. (…) Ces villages me faisaient penser aux pins tordus de mont Ousnasvaaara sur lequel j’avais grimpé en route vers le nord. La vie y était fragile mais tenace. Le panneau indiquait Ylitornio.
Les Samis croient aux âmes des ancêtres incarnées dans les arbres. L’environnement, la forêt, les rivières et les lacs sont sacrés non seulement pour assurer leur subsistance mais aussi sur le plan spirituel. Aila fait des offrandes au sapin séculaire d’Arviitti qui les protège en retour. La famille a une ferme, cultive un champ, élève des vaches, vit aussi de la chasse et de la pêche.
Quand le père part à la guerre en 1942, il explique à sa fille :
… il est toujours agréable de rendre visite au sapin d’Arviitti. On y est seul et en même temps bien entouré : quand on raconte ce que l’on a sur le coeur, tout le monde nous écoute. Il y a le vieux Arviitti et Eevertti, Vänni et Liisi et tous les autres qui sont partis.
Quand tu rends visite à l’arbre observe la rivière. Si tu l’écoutes bien, tu entendras les rapides chanter le chant de la liberté, les pins bouger au vent sur la colline et les saumons faire claquer leurs queues grandes comme des pelles dans les frayères. Il y en a un près de la rive, dans le contre-courant d’un rocher, là où le lac commence. Ma chère Aila, tu as bien constaté que sur la berge de la rivière, le rosier sauvage est encore en fleur. Il ne nous arrivera rien.
Pekka Halonen : peintre finlandais |
Après la guerre, le gouvernement pour reconstruire le pays et relancer l’économie, ouvre de grandes campagnes de coupes forestières qui détruisent la forêt et ravagent des régions entières. Des chantiers pour construire des barrages et des centrales hydrauliques sur la rivière Tengelio voient le jour. Mais ce serait fatal aux saumons qui seraient dans l’impossibilité de remonter le cours d’eau. La colère des hommes s’éveille.
Ils trouvent toujours une bonne raison pour venir ici et tout détruire. Bon Dieu, on a vécu dans le sang et dans la merde à cause de ce satané état finlandais et voilà la récompense !
Des forestiers, des chefs de chantier, disparaissent mystérieusement. Nul ne peut les retrouver. On dit que la forêt se venge, qu’elle les a emportés. Et que signifient ces trois roses que certains se voient offrir car les roses poussent aussi sur les bords glacés de la Tengeliö ?
Chanson de la Tengeliö
Là où scintillent la Tingeliö,
ses miroirs, ses courants,
Tu peux trouver le bonheur
si tu découvres la fleur.
Pourtant, les jeunes, comme Vaïnö, le frère d’Aila, sont attirés par la grande ville, Helsinki, par l’argent gagné rapidement en s’engageant dans les chantiers bien payés, par le confort d’une maison avec l’électricité. Les femmes lancent des pétitions pour que leurs enfants aillent à l’école.
« D’après elle, puisque nos forêts et nos eaux leur plaisent tant, ils nous doivent bien ça en contrepartie. »
C’est le monde ancien et moderne qui s’affrontent. Finalement, Le président de la République Urho Kaleva Kekkonen préserve la région en faisant un parc national d’étude de la nature.
Chien sauvage n’est pas un de mes coups de coeur, je n'ai peut-être pas été assez accrochée par les personnages qui me semblent parfois froids et un peu démonstratifs. Certains thèmes qui m'intéressaient comme celui de la réalisation du rêve de devenir musher est abandonné. Peut-être que mon attente était trop à la Jack London ou à la Oliver Curwood quand j'ai choisi ce livre ! Mais il présente de belles descriptions de la nature, une connaissance de la vie sauvage et de la vie des peuples du nord. Le propos écologique est intéressant. J'ai lu ce roman avec plaisir.
Malgré tes bémols ce roman me semble très intéressant. Je le note dans un coin de mon cerveau
RépondreSupprimerje l'ai laissé de côté car je trouve qu'il y a en ce moment un peu trop de romans de ce style et cela m'agace toujours j'ai l'impression que les auteurs trouvent un filon et s'y engouffrent et j'aime au contraire que l'on me raconte des histoires jamais lues
RépondreSupprimermalgré tout le thème m'intéresse et du coup il est dans ma wishliste
C'est tout-à-fait ce qui pourrait me plaire, mais ce qui m'arrête c'est la construction complexe que tu décris et la froideur des personnages. J'ai besoin d'en avoir au moins un qui m'accroche dans une histoire.
RépondreSupprimerTe voilà repartie en Finlande! Jolie couverture de Gallmeister!
RépondreSupprimerj'aurais sans doute trop froid à la lecture de ce roman ;. le retour à la nature est toujours un thème porteur mais qui m'étonne toujours un peu. Je préfère les hommes (quand ils ne se font pas la guerre!)
RépondreSupprimerCette ode à la nature a tout pour me plaire ! Le dépaysement doit être agréable.
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