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vendredi 27 juin 2014

Jean-Christophe Bailly : La légende dispersée, anthologie du romantisme allemand

Philippe Otto Runge peintre, théoricien de la peinture romantique :  




La légende dispersée est une anthologie du romantisme allemand de Jean-Christophe Bailly dans une réédition 2014 aux éditions Bourgois. Si le romantisme français m'est familier, je connais mal la littérature allemande romantique qui a eu une telle influence sur les écrivains de notre pays au début du XIX siècle. D'où le choix  de ce livre pour la découvrir.

L'homme n'est pas seul à parler - l'univers aussi parle -tout parle - des langues infinies. Novalis

Mais d'abord pourquoi ce titre? Il évoque la façon dont le romantisme allemand est né, s'est propagé non en ligne droite, mais par ondes, par retour sur soi-même, interférences entre différents genres, sans système, unique et en même temps multiple. Le romantisme allemand, en effet, n'est pas à proprement dit un "mouvement" car il n'éprouve pas le besoin d'établir des règles et des lois contrairement au romantisme français, au contraire il refuse les limites. Il est en fait un moment fugace mais brillant où sous l'influence de la Révolution française, les écrivains portèrent l'idée de liberté au plus haut degré; il ne s'agit pas d'une révolution au sens social ou politique mais spirituelle aux formes multiples, une prolifération des sens entre les différents genres de la littérature mais aussi entre les sciences, l'art, la philosophie, une construction d'un mythe qui se propage, qui se démultiplie, se brise en éclats d'où le titre du livre que Jean-Christophe Bailly explique  ainsi : "La légende dispersée est le nom romantique que j'avais donné à ce mouvement d'émancipation, à cette dissémination à la fois éperdue et rassemblée du sens".

Cette anthologie qui ne se veut pas exhaustive introduit d'abord les précurseurs du romantisme  : Moritz, Jean-Paul, Fichte, Hölderlin. Puis sont présentés trois lieux distincts, Iéna, Heidelberg, Berlin, qui correspondent chacun à une époque du romantisme, trois périodes fluctuantes qui montrent le cheminement et l'évolution du romantisme, qui se succèdent rapidement et ne se donnent aucune structure  : "et très vite le vent les souffle comme si les individus eux aussi étaient des grains de pollen, des fragments d'une entité qui doit rester invisible pour que les ondes puissent continuer à se propager des uns aux autres…"

Iéna en 1798  est l'explosion initiale : Novalis, Wackenroder, Tieck, August Schlegel, Friedricf Schegel, Schelling, Schleiermacher,

Heidelberg quelques années plus tard, / Et Berlin   Bonaventura,  Günderode, C Bretano, B. Brentano, Arnim, Kleist, CD Friedrich, PO Runge, Hoffmann, Chamisso, la Motte-Fouqué, J.Kerner

Enfin viennent les derniers noms d'un romantisme tardif :  Eichendorff, Waiblinger, Grabbe, Lenau.

Outre les caractéristiques principales du romantisme allemand, la multiplicité de ses voix originales,  cette anthologie m'a permis de retrouver des noms qui m'étaient connus, Novalis, Hoffmann, Kleist, Friedrich, Runge,  Lenau… et de rencontrer des auteurs qui me donnent envie d'aller plus loin dans leur découverte : par exemple Karl Philipp Moris (Anton Reiser), Tieck (Frantz Sternblad ou Eckbert le blond) ou Chamisso (la merveilleuse histoire de Peter Schlemihl).


Philipp Moritz (Anton Reiser)

"Le caractère limité de l'individu lui était sensible.
Il ressentait cette vérité : de tous les millions d'êtres qui sont  et qui ont été on n'est jamais qu'un seul.
Son désir était souvent de s'imaginer en totalité dans l'être et dans l'esprit d'un autre -quand d'aventure dans la rue, il passait tout près d'un autre homme qui lui était complètement étranger- la pensée de l'étrangeté de cet homme, de la totale ignorance que l'un avait du destin de l'autre, devenait si vive que, dans la mesure où la bienséance le permettait, il s'en approchait de plus près qu'il pouvait pour accéder un instant à son atmosphère et voir s'il ne pourrait pas traverser la paroi qui séparait des siens les souvenirs et les pensées de l'étranger."


Casper Friedrich : deux hommes contemplant la lune

Mais moi je me tourne vers la Nuit sacré, l'ineffable, la mystérieuse nuit. Là-bas gît le monde, au creux d'un profond sépulcre enseveli -vide et solitaire est sa place. Aux cordes du coeur bruit la profonde mélancolie. Que je tombe en gouttes de rosée, que je m'unisse à la cendre! Lointains du souvenir, voeux de la jeunesse, rêves de l'enfance, de toute une longue vie l'inutile espérance et les brèves joies se lèvent dans leurs vêtements gris, pareils à la brume du soir quand le soleil s'est couché. Ailleurs, dans d'autres espaces, la lumière a déployé ses tentes d'allégresse. Pourrait-elle jamais ne retourner vers ses fils qui l'attendant avec la foi de l'innocence?
 Novalis Hymnes à la nuit 






Merci à Dialogues Croisés et aux éditions Bourgois