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mardi 20 janvier 2009

Un film de Paul Newman : De l’influence des rayons gamma…


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J'ai revu avec un grand plaisir le film de Paul Newman intitulé : De L'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites. Je l'ai vu à sa sortie en 1973 puis il a disparu des écrans mais surtout pas de ma mémoire.  Et le voilà qui sort à nouveau, restauré dans les cinémas d'arts et d'essai, un peu partout en France. J'avais peur que, les années passant, il ne soit plus à la hauteur de mon souvenir, ce qui n'est pas le cas! Une aubaine, donc, qu'il ne faut pas manquer!
Paul Newman adapte le roman de Paul Zinder qui obtint le prix Pullitzer en 1971. Il dirige ici sa femme, Joanne Woodward, remarquable dans le rôle de Madame Hunderfer, une femme d'une quarantaine d'années, qui vit dans un quartier modeste d'une petite ville américaine, paumée, aigrie, enfermée dans ses rêves, pathétique dans ses essais infructueux pour s'en sortir. Elle manie un humour intelligent mais noir et caustique qui n'épargne personne et surtout pas elle-même. Elle élève, toute seule, deux filles, Ruth, 17 ans, rebelle, victime de crises d'épilepsie et Mathilda, une écolière de 13 ans, extrêmement douée, qui étudie l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites.
La majorité du récit a lieu en milieu urbain et en particulier à l'intérieur de la maison, un décor sombre, encombré et négligé à l'image de la mère qui traîne en peignoir toute la journée, cigarette à la bouche, lisant des petites annonces, échaffaudant des projets sans jamais les mettre en oeuvre. Impression d'enfermement, d'étouffement. La seule scène qui est  tournée en pleine nature n'apporte aucun soulagement car le personnage se retrouve alors, avec l'intervention du policier, ancien camarade de classe, en présence de son passé et de son échec.
Le film montre donc une tranche de la vie de ces trois femmes, les Trois Marguerites (c'est le nom que madame Hunderfer veut donner au salon de thé qu'elle n'ouvrira jamais) et analyse sous forme de métaphore l'influence du comportement de la mère sur les deux filles au fur et à mesure que celle-ci s'enfonce  dans le désespoir... On devine aisément qu'elles ne s'en sortiront pas indemnes.
Comme celui de la mère, les personnages de Ruth et Mathilda sont passionnants et très biens servis par les jeunes actrices, Roberta Wallace (Ruth) et Nell Potts (Mathilda), la  propre fille de Paul Newman. La fragilité de l'aînée, sa répulsion devant la vieillesse et la mort, sa peur de ressembler à sa mère, se révèlent malgré son insolence rebelle, sa cruauté. La cadette avec sa passion pour la science que son professeur lui fait découvrir d'une manière poétique, sa résistance calme et têtue, apporte au récit une bouffée d'air dans ce film très noir.
Les rapports entre la mère et les filles sont analysés avec finesse et subtilité, dans toute leur complexité : l'amour de la mère pour ses filles, sa fierté pour la réussite de sa cadette, mais peut-être aussi le désir inconscient de la voir échouer, sa souffrance, sa rancoeur, ses frustrations;  les sentiments d'humiliation de l'aînée, la honte qu'elle éprouve envers sa mère, ce qui la pousse à la parodier lors d'un sketch improvisé en  classe (une scène d'un férocité incroyable); la force morale de la plus jeune qui préserve, intacte, sa foi dans l'avenir, dans la beauté de ce monde. Son discours, simple et poétique, lors de la remise des prix, porte le sens du film. Il continue en voix off sur le visage lumineux de la fillette, dernière image qui fait naître l'espoir.

Courtney Hunt : Frozen River






Frozen River est le premier long métrage de Courtney Hunt et il a des qualités incontestables.
Et d'abord le sujet car il ne nous parle pas de la grande et brillante Amérique mais de pauvres gens qui luttent pour assurer le lendemain, de classes sociales en difficulté, voire opprimées, représentées par deux femmes : Ray, la blanche, caissière à mi-temps dans une supérette, que son mari a abandonnée pour aller dépenser l'argent du mobil-home qu'elle comptait acheter. Lia, l'indienne Mohawk, à qui on a retiré la garde de son enfant. Tous deux n'ont qu'un espoir : gagner assez d'argent, l'une pour loger décemment ses deux fils et leur faire manger autre chose que des pop corn, l'autre pour reprendre son bébé à la grand-mère et pouvoir l'élever dignement. Et comme nous sommes dans une région frontière entre les Etats-Unis et le Canada , séparée par un grand fleuve gelé, de là à faire passer des clandestins chinois, il n'y a qu'un pas, vite franchi! Si l'on peut dire car il s'agit de traverser en voiture cette immense étendue de glace avec la hantise d'être prises par la police fédérale ou tribale, et la peur de voir la glace céder sous le poids.

Admirablement interprétées par Mélissa Leo qui a d'ailleurs obtenu un prix au festival de Saint Sebastien 2008 et Misty Upham, l'indienne, les deux personnages sont très forts, très attachants ainsi que les enfants. C'est aussi une belle histoire d'amitié.

Le film fonctionne sur l'angoisse qu'éprouve le spectateur à chaque traversée qui sera peut-être, pense-t-il, la dernière et l'on ressent la force de cette nature toute puissante et sur l'inquiétude quant à l'avenir des enfants que l'on sent menacés.

S'il y a une faiblesse dans le film, elle consiste en son dénouement qu'il vaut mieux ne pas révéler ici car l'intérêt du film en serait émoussé. Pourtant, je peux dire qu'il m'a déçu et que je ne l'ai pas trouvé vraisemblable.