Joseph Mallord William Turner : Soleil couchant sur un lac (1840)
William Turner (1775-1851), peintre romantique anglais, devient par sa recherche sur la lumière, le précurseur des impressionnistes. Dans ce tableau, soleil couchant sur un lac, le peintre est passionné par la puissance tumultueuse de la lumière qui dissout le paysage, efface les personnages, gomme les formes presque jusqu'à l'abstraction. Les reflets dans l'eau ont plus de consistance que le paysage réel. Les ors éclatants du soleil pénètrent la brume cotonneuse, aux blancs lumineux, translucides. Tout est vibrant de lumière. C'est un hymne au soleil qui va disparaître dans le lac.
Soleils couchants
Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées;
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !
Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.
Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.
Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde immense et radieux !
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde immense et radieux !
(Les Feuilles d'Automne)
Pour Victor Hugo (1802-1885), le coucher du soleil est prétexte à une méditation romantique sur le temps qui passe. Cette vision ne donne pas lieu à une description pittoresque et colorée mais constitue un point de départ qui entraîne le promeneur très loin dans l'espace et le temps. L'impression générale est celle d'un mouvement vertigineux qui ne cesse de s'accélérer et qui permet au poète de faire sentir la rapidité de ce passage. Hugo oppose l'homme, éphémère et mortel, à la Nature personnifiée, qui renaît toujours, et est en cela immortelle. Le poète présente une méditation sur la Mort et sur sa propre disparition.
Dans les deux tableaux suivants, Caspar David Friedrich(1774 -1840), chef de file de la peinture romantique allemande, oppose le le lever du soleil au soleil couchant. Dans les deux images, les personnages sont vus de dos, ce qui permet au peintre de les présenter dans un face à face exclusif et spirituel avec la Nature, en communion avec elle et prêts à recevoir ce qu'elle leur enseigne.
Caspar David Friedrich : Femme au soleil levant
Cette jeune femme, l'épouse de Caspar David Friedrich, est placée au centre du tableau dans un paysage champêtre délicatement teinté par les rayons naissants du soleil. Elle contemple des montagnes lointaines baignées d'une lumière aux teintes douces. Au centre, au-dessus de sa tête et autour d'elle, part, du mont le plus élevé, un faisceau de rayons qui encercle le personnage et forme comme un halo autour d'elle. Elle est magnifiée par la lumière. Sa silhouette élancée, dans cette robe sombre, aux plis hiératiques, se dresse, les bras baissés, tournant la paume de ses mains vers le soleil comme dans une action de grâce. Elle accueille la naissance du jour avec reconnaissance. Elle symbolise la jeunesse, le renouveau et le recueillement et paraît animée d'un sentiment mystique.
Dans ce tableau, paysage au soleil couchant, les deux hommes, de dos, immobiles sur un tertre élevé, regardent le soleil se coucher au-dessus de la mer et des îles dans le lointain. La nuit est déjà là et l'obscurité enveloppe les silhouettes noires qui se découpent sur le ciel encore lumineux comme des ombres. Les montagnes qui les entourent baignent dans l'obscurité. Les personnages ne sont pas au centre de l'image mais décalés sur la gauche pour laisser plus de place à la vision du paysage qui dans sa beauté éclatante semble inquiétant, prêt à plonger dans le néant. La mort est donc bien présente dans la méditation de ces deux hommes. Ceux-ci ne sont pas magnifiés comme dans l'image précédente de la jeune femme. Ils paraissent ainsi plus fragiles, mais leur rapprochement, coude à coude, face à la grandeur de la Nature et et au néant, suggère une idée de solidarité et d'amitié.
Frantz Schubert : Im Abendrot : Crépuscule (Ciel rose du soir)
J'ai vu les deux premiers tableaux dans différentes expos, le Turner est fascinant. J'ai pensé à Hugo dimanche dernier, en passant devant Villequier, où s'est noyée Léopoldine. Il faudra que je retourne y faire une visite, les animations se développent. Aussitôt me viennent les vers : demain, dès l'aube etc ... à fendre le coeur.
RépondreSupprimer@ Aifelle : j'ai vu aussi le Turner mais il me manque Villequier. Demain, dès l'aube, un de mes poèmes préférés!
RépondreSupprimerUn bien beau billet ClaudiaLucia.
RépondreSupprimerComme tu le démontres si bien, Friedrich a magnifiquement rendu la jeunesse du levant et la mélancolie du couchant.
Les deux ombres jumelles du crépuscule me semblent symboliser l'être et son double, le personnage et l'homme intérieur, son âme en quelque sorte.
Merveilleux choix que ce lieder de Schubert pour accompagner les tableaux de Friedrich, bravo et merci !
@ Tilia : j'aime cette idée du double comme pour Musset : un étranger vêtu de noir qui me ressemblait comme un frère!
RépondreSupprimerComme j'aime ce billet qui joue sur tous les tableaux ! Relire Hugo, et m'attarder plus particulièrement sur ces deux tableaux de Friedrich...
RépondreSupprimer@ Kgire : Je n'aime pas tous les peintres romantiques mais décidément j'adore ce Friedrich! Oui, je sais, je me répète!
RépondreSupprimerohhh Turner! un de mes préférés!
RépondreSupprimer@ violette : me too! me too!
RépondreSupprimerCette femme au soleil couchant, quelle splendeur... Waou, magnifique, vraiment !!! Ce tableau s'accorde très bien avec Schubert, surtout ce morceau :0)
RépondreSupprimer@ l'or : Ce tableau de Friedrich est vraiment une splendeur. Tu as raison.
RépondreSupprimerDécidément, j'ai bien fait de venir découvrir ton blog grâce à ton commentaire et au challenge de Calypso : encore une fois, ton article est très agréable à lire, regarder et écouter ! Je vais de découverte en découverte et reviendrai souvent!
RépondreSupprimerMerci Minou et à bientôt chez toi ou chez moi!
RépondreSupprimerun très beau rapprochement entre ces quatre grands artistes :)
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