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lundi 29 août 2011

Retour de vacances: Avignon, Marseille, Lozère, Creuse, Lille, Creuse, Lozère, Avignon

Retour à Avignon
Et me voilà de retour après des vacances bien remplies et mouvementées.

  Le mois de Juillet a été consacré au festival d'Avignon.

 J'ai vu beaucoup de pièces de théâtre que j'ai commentées dans mon blog et si  je dois faire mon palmarès, je placerais parmi mes coups de coeur, une pièce dans le IN : Kristin d'après Mademoiselle Julie de Strinberg
Une pièce pour enfants vue avec ma petite fille de 15mois : Onda prima

Départ en Lozère via Marseille

 Ruisseau lozérien

Fin du mois de Juillet ; déménagement de Marseille vers la Lozère  ma fille Aurore, la Petite Dernière qui part aux Etats-Unis pour un an.
Début août :  Avignon de nouveau pour les ultimes préparatifs du voyage puis pour la mettre à l'avion  à l'aéroport de Marseille.
Août : Retour en Lozère avec ma fille Aurélia - la Plus Grande -, Yannick  et ma petite fille Léonie

 Mi-août départ en Creuse rejoindre ma fille Amandine (la moyenne, vous vous y retrouvez? Heureusement il y en n'a que trois!))  et  Pierre pour donner un coup de main pour la restauration de leur maison.

 Une vieille maison entourée de granges dans un petit hameau creusois

Une vieille maison peuplée de fantômes, pleine de souvenirs





Robes de fillettes


Détails broderies



 Un Saint veille dans le jardin



Un habitant bien vivant de la maison (mais pas des plus actifs, il faut le reconnaître!)
photos d'Amandine

 Travaux intensifs, apéros le soir dans le jardin après le boulot devant de magnifiques couchers de soleil. Récurage des joints du plancher de la salle de bain. A genoux! Si vous n'avez pas de rhumatismes avant, vous en aurez après :  Garanti!  Pêche à l'écrevisse dans la rivière de la Creuse. Bataille rangée avec une de ces bébêtes récalcitrantes qui ne voulait pas mourir et s'est carapatée dans la salle à manger. Gâchées de ciment ou de chaux pour les forts en bras! Réfection du plancher de la grange ...  ça avance, avance! En fait, j'adore la restauration de cette vieille maison. J'aimerais pouvoir en faire plus mais je ne peux me charger que des petits travaux. Remise solennelle de La patate d'Or à mon petit neveu, vaillant combattant du Monstre Patator. Orage de grêle violent qui a détruit le si joli jardin d'Amandine; une citrouille sauvée, pourtant, pour le carosse de Cendrillon.
Un nouveau déménagement, cette fois-ci de la Creuse vers Lille et vice versa pour déménager le reste des affaires restées en garde-meuble à Lille après les études de la Petite Dernière. 1800 km en deux jours! Bravo au conducteur du camion  qui a conduit vaillamment  et sans faiblir pendant ce long voyage ( pas moi j'en aurais été bien incapable), père dévoué voire père pélican .. un peu flagada au retour à Avignon  après environ 4000 km de trajet total et deux déménagements!  En espérant qu'il va pouvoir se reposer après les "vacances" d'été!

Avec toutes ces péripéties, je n'ai pas pu m'occuper beaucoup de ma Librairie; heureusement, j'avais programmé des articles de mon ancien blog.
  Je n'ai pas  eu non plus le temps de lire énormément, vous vous en doutez! Voici les livres du mois d'août :

Rentrée littéraire avec :

Amalia Albanesi de Sylvie Tanette 











Famille modèle de David Puchner



 




Le testament de Ben Zion Avrohom de James Frey










Une LC avec Canel 

Tokyo de Mo Hayder









et un roman que je termine pour la lecture de Calypso et dont le titre doit comporter le mot soleil  :


Laurent Gaudé : Le soleil des Scorta









Et voilà pour mon été! A mon tour de venir lire vos aventures.

JMG Le Clezio : Poisson d’or



Poisson d'or de JMG Le Clézio se présente comme un conte et s'ouvre avec le proverbe nahuatl (Aztèque) : "Oh poisson, petit poisson d'or, prends bien garde à toi! Car il y a tant de lassos et de filets tendus pour toi dans ce monde."
Le poisson d'or englué dans les filets de ce monde aussi dangereux qu'un océan, c'est Laïla. Petite fille, elle a été volée à sa tribu des Ouled Halil, le peuple au croissant de lune,  qui vit dans le sud marocain dans la région de Foum Zguid. Vendue à une vieille dame, Lalla Asma, pour qui elle travaille et  qui devient à la fois sa maîtresse et sa grand-mère, elle va faire son apprentissage dans la grande ville ayant tout oublié de son enfance. Seul souvenir, celui du rapt brutal, violent, inattendu, un  grand sac qui se referme sur elle et le cri déchirant d'un oiseau noir qui marque le moment décisif de son existence où elle a été dépossédée de son identité. Car c'est cela l'histoire de Laila. A travers toutes ses aventures, ses tribulations, ses exils en France ou aux Etats-Unis, c'est une quête à la recherche de son identité car personne ne peut vivre sans racines. Comme dans un conte initiatique,  l'héroïne va devoir partir, subir de nombreuses épreuves pour réparer le manque qui lui a enlevé jusqu'à son véritable nom.
Le roman s'apparente donc à un roman d'apprentissage, à un roman picaresque aussi, car Laila dans ses voyages incessants à la recherche d'elle-même, va connaître bien des aventures difficiles, douloureuses parfois, va subir la faim, les privations, la peur, l'exploitation. Elle sera obligée pour survivre d'utiliser toutes ses ressources, de ne compter que sur elle-même, parfois sauvée, pourtant, mais jamais bien longtemps, par une main secourable. Le roman nous présente un monde qui n'est pas tendre pour les pauvres, qui écrase les faibles.
Le style de ce roman est d'une  grande simplicité. Les lecteurs qui ont aimé le Le Clézio, première manière, avec son lyrisme, ses emportements, en seront pour leur frais. La phrase coule comme de l'eau limpide; aucun effet inutile. On dirait que l'auteur essaie de s'effacer devant son personnage. Mais sous cette simplicité, quel travail contenu et maîtrisé, quelle science du récit!
Témoin cet extrait qui se situe au moment où Laila dont la grand-mère, Lalla Asma, vient de mourir, s'enfuit de la maison. Elle est accusée par Zorha, la belle-fille de Lalla Asma, d'avoir laissé mourir la vieille dame et menacée d'être livrée à la police. Elle se réfugie dans la cour d'un immeuble, chez madame Jamila qu'elle a rencontrée auparavant et qu'elle prend pour une sage-femme. Là, un marchand l'accuse d'avoir volé des raisins.
Au même moment, madame Jamila est arrivée, et les dames de l'étage se sont penchées au balcon et ont commencé à invectiver le marchand ambulant, en lui criant des injures que je n'avais jamais entendues. Et même, une des princesses, ne trouvant rien de mieux comme projectiles, lui lançait des piécettes de dix ou de vingt centimes, en lui criant :"Tiens, voilà, ton  argent, voleur, fils de chien !"Et lui restait, hébété, reculant sous les lazzis des femmes et sous la pluie de piécettes, jusqu'à ce que madame Jamila me prenne dans ses bras et m'emmène avec elle vers l'étage. Je crois que j'avais dans les mains les poignées de raisins secs que je n'avais pas lâchées, même quand le marchand m'avait tirée les cheveux et m'avait battue avec sa courroie.
Mais j'avais si peur tout à coup, ou bien c'était l'accumulation de tout ce qui était arrivé ces derniers temps, avec Lalla Asma qui était tombée sur le carreau et Zohra qui m'avait chassée en me volant les boucles d'oreilles qui m'appartenaient. Je me suis mise à pleurer dans l'escalier si fort que je n'arrivais plus à monter les marches. Et madame Jamila qui n'était pas plus grande que moi m'a vraiment portée jusqu'en haut comme si j'étais un petit enfant. Elle répétait contre mon oreille: "ma fille, ma fille" et moi je pleurais encore plus, d'avoir , le même jour, perdu ma grand-mère, et trouvé une maman.
En haut de l'escalier, les princesses (car c'est ainsi que je les appelais au fond de moi, même quand j'ai compris qu'elles n'étaient pas précisément des princesses) m'attendaient avec mille caresses et démonstrations d'amitié. Elles m'ont demandé mon nom, et  elles le répétaient entre elles : Laila, Laila. Elles m'ont apporté du thé fort et des pâtisseries au miel, et j'ai mangé tant que j'ai pu.Ensuite elles m'ont fait un lit dans une grande pièce sombre et fraîche, avec des coussins disposés par terre, et je me suis endormie tout de suite dans le brouhaha de l'hôtel, bercée par le grincement de la musique d'un poste de radio dans la cour. C'est ainsi que je suis entrée dans la vie de madame Jamila la faiseuse d'anges et de ses six princesses.
Le Point de vue de l'enfant

Ce récit se fait sous le point de vue d'une petite fille et le style qui épouse le vocabulaire et les sentiments de la fillette est le reflet de sa naïveté,  de sa vision incomplète et approximative du monde.
Un style et un vocabulaire enfantin  :
les "dames" de l'étage;  et moi je pleurais encore plus... trouvé une maman; des injures que je n'avais jamais entendues; j'ai mangé tant que j'ai pu... Lalla Asma qui était tombée sur le carreau
une vision manichéenne :
il y les bons: madame Jamila, les dames de l'étage, les princesses
et les méchants : Zorha qui m'avait chassée en me volant mes boucles d'oreilles; le marchand..
Une vision du monde qui s'apparente au conte de fées :
avec des personnages hors du commun : les six princesses, madame Jamila,  protectrices dotées d'une force extraordinaire qui font fuir l'ennemi : et lui reculait, hébété sous les lazzis des femmes,  des héroïnes capables d'accomplir des exploits : et madame Jamila qui n'était pas plus grande que moi m'a vraiment portée jusqu'en haut.. des dames parées de toutes les qualités, semblables à des marraines-fées :
la pluie de piécettes qui suggére abondance, richesse, générosité
elles m'attendaient avec mille caresses et démonstrations d'amitiés..
Un décor de conte, une caverne d'Ali Baba :
du thé fort et des pâtisseries au miel ; une grande pièce sombre et fraîche, avec des coussins disposés par terre; bercée;  la musique.....

Mais derrière l'enfant,  un autre point de vue, celui de la narratrice, plus âgée, qui corrige le point de vue de l'enfant :
car c'est ainsi que je les appelais au fond de moi, même quand j'ai compris qu'elles n'étaient pas précisément des princesses;
la faiseuse d'anges et ses six princesses...

et  l'art de l'écrivain qui suggère, qui laisse entrevoir une toute autre réalité :

La réalité des personnages :
On devine aisément qui sont ces"dames" qui se donnent en spectacle au balcon de l'étage, qui  invectivent, crient des injures grossières, envoient des projectiles, sont capables de faire reculer cet homme sous les lazzis vulgaires
Madame Djamila , accoucheuse, avorteuse, mais aussi maîtresse de la maison, patronne des filles comme le souligne le possessif : "ses" six princesses.
La réalité du décor :
un hôtel  de passe  dans un quartier populaire : un  lit improvisé à même le sol, le brouhaha, le grincement de la musique, la radio dans la cour
La réalité d'une enfance triste , misérable  et sacrifiée :
Une petite fille sans parent, qui vient de perdre son seul soutien, sa grand mère,  effrayée, chassée de chez elle, affamée,  battue... Une enfant malheureuse qui ne sait plus ce qu'elle fait, qui souffre...
Je crois que j'avais dans les mains les poignées de raisins secs que je n'avais pas lâchées, même quand le marchand m'avait tirée les cheveux et m'avait battue avec sa courroie ; c'était l'accumulation de tout ce qui était arrivé ces derniers temps; Mais j'avais si peur tout à coup; Je me suis mise à pleurer ; je pleurais encore plus..
La tendresse de l'écrivain pour ces personnages du peuple :
Car l'amour que va rencontrer Laila, ce n'est pas chez les bourgeois aisés qu'elle va le trouver, mais chez madame Jamila et ses filles. Ces femmes considérées au plus bas de l'échelle sociale vont, en effet, donner à Laila leur amour, un foyer, la sécurité. Ce sont elles qui possèdent la vraie générosité car c'est celle du coeur. C'est pourquoi les piécettes qu'elles lancent sur le marchand ambulant peuvent bien figurer aux yeux de la fillette comme une pluie d'or, l'endroit où elles installent l'enfant, un palais des Mille et une nuits, le miel et les pâtisseries, un repas merveilleux. En ce sens, elles sont vraiment les marraines d'un conte de fées pour l'enfant.
Un très beau roman, donc!


Texte publié de mon ancien blog vers celui-ci.