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samedi 1 octobre 2016

Pierre Lemaître : Au revoir là-haut



Il m’en aura fallu du temps pour lire Au revoir là-haut de Pierre Lemaître, prix Goncourt  2013 qui est dans ma PAL depuis ce temps-là !
Et bien au moins l’on ne pourra pas dire que je suis dans l’actualité et que je n’ai pas eu le temps de réfléchir.
J’ai beaucoup aimé Au-revoir là haut car il nous montre toutes les horreurs de la guerre et pas seulement des combats puisque le roman commence quand finit le conflit en 1918. Non, il nous montre l’Après et cela n’a rien de réjouissant.
L’Après c’est ce qu’il advient des combattants comme Albert, caissier dans une banque avant la guerre, et qui ne retrouve pas son travail à son retour, obligé de gagner sa vie avec toutes sortes de petits boulots et à vivre dans la misère. Dans l’Après les « héros » sortis du peuple et encore vivants deviennent encombrants.
Mais pas le lieutenant de Pradelle, noble ruiné, qui a su profiter de la guerre pour se faire un tremplin et épouser la fille d’un grand industriel Mr Péricourt. La richesse et les honneurs sont pour lui qui qui n’a pas hésité à tuer ses hommes ou à les faire tuer pour gagner ses médailles.
Quant au fils de Péricourt, Edouard, gueule cassée, qui a failli mourir pour sauver Albert, il préfère passer pour mort plutôt que de rejoindre ce père qui l’a toujours rejeté, grand bourgeois qu’il méprise, milieu social dont il dénonce l’hypocrisie.
Et puis il y a les profiteurs, ceux qui vont s’enrichir sur les sépultures des soldats tombés ou sur les monuments aux morts qui fleurissent dans toute la France. Les spéculations les plus affreuses ont lieu sur les dépouilles des héros. Le charnier de la grande Guerre engraisse tous ceux qui vont exploiter la mort à leur profit.

C’est avec virulence que Pierre Lemaître fait le portrait de la pourriture qui gangrène la classe dominante; c’est avec lucidité qu’il dénonce la lâcheté, l’hypocrisie et l’enrichissement de tous ceux qui tirent des profits de la guerre. 
Le roman est très bien écrit, d’une plume évocatrice qui fait naître des images et nous submerge de terreur et d’émotion : ainsi la scène où Albert est enseveli dans un trou d’obus et se retrouve nez à nez avec la tête d’un cheval ou encore ces passages fiévreux, à l’hôpital, qui décrivent la douleur physique et morale d’Edouard qui a eu le visage emporté par un éclat d’obus.
Un roman très fort, une dénonciation de la guerre et de ceux qui en vivent et en tirent profit, un récit qui ne peut laisser indifférent.

PS : Dans mes discussions avec Wens (blog en effeuillant la marguerite), nous avons eu des divergences sur ce livre. Je vous en fais part car il est intéressant d’avoir des points de vue différents. Si Wens est d’accord pour louer la force de l’écriture, il trouve que Pierre Lemaître force trop le trait; pour lui le lieutenant Pradelle est une caricature. Ce dernier cumule trop de turpitudes sur sa seule tête : aristocrate déchu et corrompu, meurtre de ses propres soldats, trafic des cercueils, vie dépravée.. Un peu plus de mesure sur ce personnage aurait renforcé la critique sociale.