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samedi 27 septembre 2025

Robyn Mundy : La femme au renard bleu

 

A Tromso, en 1932, Wanny Woldstad est chauffeur de taxi. Ce n’est pas un métier pour une femme, du moins c’est ce que l’on pense à cette époque, mais quand elle a la prétention de se faire trappeur et de partir au Svalbard, un archipel au sud du Spilzberg, elle ne rencontre que scepticisme, mépris et refus. Les trappeurs forment une caste fermée, fiers de leur endurance et de leurs exploits dont ils se vantent volontiers, et aucun ne veut s’embarquer pour une saison de trappe avec une femme ! Pourtant Anders Saeterdal finit par se laisser convaincre même si le Svalbard est une terre où, selon ses dires : «  tu ne peux compter que sur toi-même pour survivre. ». Une seule erreur peut te coûter la vie ! Il faut dire que la dextérité de Wanny au tir est un argument de taille.
Dans ce roman La femme au renard bleu, l’écrivaine Robyn Mundy prend pour point de départ de son roman l’histoire vraie de Wanny Woldstad qui a tenu un journal de ses aventures dans le Fjord de Hornsund. Si elle s’appuie sur des recherches et des documents, l’écrivaine  écrit pourtant une oeuvre romancée qui  fait appel à ses propres connaissances et à son vécu lors de ses séjours sur l’île de Maatsuyker ou au cours de ses expéditions polaires et de ses hivernages en Antarctique.

Le récit présente des chapitres consacrés à Andres et Wanny et à leur saison de trappe, aux difficultés et aux dangers qu’ils rencontrent, à l’apprentissage du métier, à la dureté du labeur incessant, à leurs relations parfois houleuses mais aussi à la beauté des paysage,  à l’amour de cette nature sauvage qui offre ses splendeurs mais n’en est pas moins implacable.   

«  Il la regarde souffler sur son café, les yeux rivés sur la ligne de crête. Elle porte sa main en visière.
- Toutes ces montagnes… Ce paysage défie la raison.
Anders observe les environs. Tout ce qu’il voit, c’est la quantité de travail à abattre avant que les jours raccourcissent. »


Ces chapitres alternent avec ceux qui nous font découvrir la nature et les humains à travers le regard d’une petite  renarde  bleue. 

«  Les jours se cantonnent à l’aube et au crépuscule. Entre les deux, seulement une faible lumière. Le contour des collines et des montagnes sous un ciel zébré de rose et de bleu pastel, de mauve à l’occasion. A peine le jour pointe-t-il à l’horizon que le monde de la renarde bascule dans l’obscurité. Les étoiles brillent. La moitié lumineuse  de la lune jette des ombres sur la glace du fjord.
Cette nuit d’argent est si calme qu’au loin, au-delà du fjord, elle entend l’écho des cris d’autres goupils. »


Celle-ci, chétive, naît au début du printemps et fait son difficile apprentissage de la vie  quand l’hiver raréfie le gibier et plonge les renards dans la disette. Comment résister alors aux pièges des hommes, aux appâts succulents qu’ils ont disposés pour eux dans des machines ingénieuses ? Ce ne sont pas les plus forts qui survivent mais bien les plus rusés. C’est le cas de la petite renarde, appelée la Rejetonne, qui observe les humains et déjoue les pièges. Mais elle fait partie des peaux les plus convoitées des trappeurs, celles des renards bleus qui sont splendides dès l’arrivée de l’hiver.

« La rejetonne, elle, est le portrait craché de sa mère ; leur robe d'été foncée s'est perdue dans la mue. Leur pelage d'hiver n'est pas pleinement argenté ni tout à fait étain, tandis que les pointes, noires comme de la poussière de charbon, accentuent l'éclat métallique de leur robe. Bleu, voilà comment les trappeurs appellent cette couleur alors qu'elle n'a rien de ces glaciers fissurés couleur aigue-marine qui s'effondrent avec fracas dans le fjord. Ce pelage évoque plutôt la poussière de moraine des rivières givrées du Svalbard ; un amas de glace et de roche qui peut miroiter et prendre un aspect métallique selon la lumière. La renarde et sa fille ont le museau de jais. Leurs yeux cernés de noir luisent de reflets de glace comme l'obsidienne. Seule la lumière pénétrant leur regard fait apparaître l'ambre de leur iris. 
Leur pelage a l'éclat d'un métal précieux. Les trappeurs racontent qu'en moyenne, sur dix portées, seul un renardeau arbore cette couleur saisissante. Cette fourrure-là se vend à prix d'or. »


La femme au renard bleu est un roman qui nous fait pénétrer dans un pays d’une incroyable beauté que le style de Robyn Mundy peint avec élégance, précision et poésie. On suit avec plaisir ce personnage de femme indépendante qui refuse le patriarcat et la condescendances des hommes, qui lutte pour être digne du choix qu’elle a fait, mais qui est aussi sensible, ouverte à la beauté des choses et des êtres.