Pages

mardi 21 juillet 2015

Le prince travesti de Marivaux mise en scène Daniel Mesguish au Chêne Noir



Dans Le prince travesti  de Marivaux, le prince de Léon décide sous le nom d’emprunt de Lélio, simple gentilhomme, de visiter le monde. La princesse de Barcelone s’éprend de lui et charge Hortense, sa parente, de  parler pour elle et de lui servir de messagère. Mais Hortense reconnaît en Lélio celui qui l’a sauvée jadis et qu’elle n’a pu oublier. Il en est de même pour le jeune homme. Tous deux s’aiment même si Hortense lutte contre cet amour pour ne pas trahir sa maîtresse, souveraine assez ombrageuse dont elle a peur. Quant à Arlequin, valet de Lelio, il est acheté par un ministre de la princesse et prêt à trahir son maître.

Dans cette pièce, chacun porte un masque et n’est pas ce qu’il paraît être. Le prince de Léon a pour réplique le roi de Castille qui lui aussi a pris un déguisement pour observer la princesse dont il a demandé la main. Chacun avance masqué; chacun épie l’autre voire le trahit. 
Sur scène, des miroirs qui reflètent les personnages et les multiplient, témoignent de ces faux-semblants. Revêtus de somptueux costumes, les acteurs interprètent cette comédie des apparences.
Mais j’ai été déçue par la mise en scène de Daniel Mesguish que j’ai trouvée trop lourde : et d’abord  avec cet accompagnement musical qui ponctue les scènes comme des coups de tonnerre avec une insistance irritante comme si le spectateur n’était pas capable de comprendre l’importance de ce qui est dit ; ensuite, avec le jeu trop précieux, trop appuyé voire mélodramatique de certains acteurs comme celui de la suivante Hortense ou encore avec le comique franchement trop répétitif du domestique Arlequin qui ne cesse de s’aplatir sur la scène pour mieux nous faire comprendre sa servilité. Cela pourrait être un peu plus subtil. Je n’ai pas retrouvé la retenue, la nuance, la finesse (et la profondeur) de la langue et de l’analyse psychologique de Marivaux et j’ai préféré le jeu plus sobre de Lelio et de la princesse ( même si je n’ai pas compris le revirement de cette dernière présentée comme cruelle et redoutable et qui d’un seul coup fait preuve de clémence au dénouement..).
En un mot, le spectacle ne m'a pas convaincue.






C't'à ton tour, Laura Cadieux de Michel Tremblay

festival avignon 2015  théâtre des Corps Saints C't'à ton tour, Laura Cadieux de Michel Tremblay
C't'à ton tour, Laura Cadieux de Michel Tremblay

"Montréal. Laura Cadieux, mère de famille à la langue bien pendue, se rend chez son "génie-coloye" : elle suit depuis 10 ans un traitement pour maigrir, prétexte pour retrouver ses copines dans la salle d'attente. Tout y passe : le métro, les hommes, le clergé, l’obésité, le sexe, le corps... Laura Cadieux, aux rondeurs décomplexées, nous livre une incroyable galerie de personnages à la fois désopilants et touchants. Tiré d'un récit du dramaturge québécois à succès Michel Tremblay."

J’avais envie d’aller voir ce texte de Michel Tremblay parce que j’avais vu et aimé : A toi pour toujours ta Marie Lou en 2012, pièce qui revient cette année au collège de La Salle.
Dans C't'à ton tour, Laura Cadieux, Cécile Magnet est seule sur scène et interprète fort bien tous les personnages qui se trouvent dans la salle d’attente. Le livre a été écrit par l’écrivain dans les années 1970 au moment où la société québécoise se défaisait de la domination étouffante de l’église catholique d’où un fort sentiment anticlérical. Michel Tremblay lui-même issu d’un milieu populaire présente une galerie de portraits de femmes du peuple, truculentes et qui n’ont pas la langue dans la poche! On passe un bon moment. Cependant, je n’ai pas trouvé la pièce entièrement convaincante peut-être parce que ces personnages me paraissent anecdotiques et trop datés, peut-être aussi parce qu’il s’agit de l’adaptation d’un roman non d’une pièce écrite pour le théâtre? Je vous conseille donc si vous hésitez, d’aller plutôt voir A toi pour toujours ta Marie Lou. L’action se déroule à la même époque mais présente une critique sociale et un drame humain qui en font une pièce forte, servie pas de bons comédiens et où vous retrouverez d’ailleurs Cécile Magnet. Voir mon billet ICI

C't'à ton tour, Laura Cadieux
Michel Tremblay
 Théâtre des Corps Saints
du 4 au 26 juillet
18h15
durée : 1h15


Retour à Berratham : Angelin Preljocaj/ Laurent Mauvignier

Retour à Berratham : Angelin Preljocaj source  L'express

Au moment où je cherche à rassembler mes idées pour parler du beau ballet-théâtre Retour a Berratham d'Angelin  Prejlocaj dans la cour d’Honneur d’après le texte  de Laurent Mauvignier, je lis le titre d’un journal : Le fiasco du Retour à Berratham ... Certes, il y a eu des sifflets et des mécontents comme d’habitude mais les applaudissements et les bravos étaient bien assez suffisants pour dominer et saluer comme il se doit ce spectacle à la fois émouvant et d’une grande recherche esthétique.

J’ai  entendu aussi une spectatrice parler de la « banalité affligeante »  du texte et, certes, c’est banal la guerre! Banale cette histoire qui peut se passer n’importe où, à n’importe quelle époque y compris la nôtre (témoin les évènements de janvier), banal la haine des hommes, leur intolérance, les hécatombes, les femmes violées, assassinées, les maisons détruites, la faim, la violence, les amoureux séparés et d’une banalité affligeante - et en tout cas qui m’afflige-  car c’est un sentiment de tristesse qui domine à la fin du spectacle au-delà de la beauté de la danse et des corps des danseurs et des danseuses, de la beauté des voix des narrateurs.  Et ces voix nous content le retour à Berratham de cet homme, qui revient d’exil après une guerre qui a ravagé son pays, pour retrouver Katja, la jeune fille qu’il a aimée jadis.
Il est vrai que j’ai eu un peu de mal, au début, à entrer dans la pièce car la part laissée à la danse ne me paraissait pas suffisante - j’étais venue voir un ballet- mais peu à peu les mots m’ont prise et je me suis laissée emporter par ce récit et par cette danse d’une grande beauté et qui colle aux mots, à la musique. Il y a des moment sublimes dans la chorégraphie comme celui où les femmes tuées par les soldats dansent ensemble comme si elles ne formaient plus qu’un seul corps, celui où Katja morte assassinée et violée est sortie de l’épave de la voiture par son amoureux et ne semble évoluer que par la volonté de son partenaire… Et c’est là que la cour d’Honneur rend toute sa magie, avec cette ouverture sur le ciel nocturne et cette grande étoile illuminée sur le mur de fond du palais. Le décor, ces grandes structures d’acier qui témoignent de l’après-guerre et de la misère, peut à la fois figurer des cages où les danseurs sont de grands oiseaux retenus prisonniers et les escaliers des maisons à moitié détruites par les bombes. Elles délimitent aussi une sorte de terrain vague jonché de voitures abandonnées où se réunissent les laissés pour compte, les héritiers haineux de la guerre engendrés par la violence et la destruction.
La troupe de danseurs d'Angelin Preljocaj est excellente et la qualité de leur danse n’est égale qu’à celle des voix et des sentiments qu’ils expriment. Un très beau spectacle!

Un obus dans le coeur de Wajdi Mouawad/ Catherine Cohen




"Wahab est réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone lui apprenant que sa mère, malade d’un cancer, agonise. En s’acheminant vers l’hôpital, Wahab se prépare à dompter la mort, à nouveau, la dernière fois il avait 7 ans. Tout le mène à ce face à face avec la mort, avec sa peur d’enfant, qu’il doit terrasser pour enfin se libérer. Le chemin de Wahab est un chemin douloureux, où se côtoient l’innocence, la colère, l’incompréhension, la tendresse et aussi l’humour."

Wajdi Mouawad, dramaturge libano-canadien, est né au Liban qu’il a fui avec ses parents quand il était jeune pour trouver refuge au Québec. Dans cette pièce, Un obus dans le coeur, mise en scène par Catherine Cohen, son personnage, Wahab, porte en lui les peurs d’un enfant qui a connu la guerre, qui a vu des évènements si terribles qu’il n’a jamais pu les oublier. C’est à l’occasion d’un autre évènement, la mort annoncée de sa mère à l’hôpital que Wahab va se trouver face à face avec « cette femme aux bras de bois », personnification de la Mort, qu’il vu apparaître pour la premier fois lors d’un attentat au Liban et qu’il va affronter à nouveau au chevet de sa mère.
Wajdi Mouawad est un écrivain grandiose, qui possède un langage à la fois puissant, poétique, évocateur. Quand il décrit une horde de loups surgissant dans une salle d’hôpital, quand il montre un enfant mourant dans un bus incendié, vous le voyez! J’adore lire ses pièces mais c’est la première fois que j’en vois une sur scène bien qu’il soit venu dans le In il y a quelques années. 
Le comédien, Grégori Baquet, porte ce texte si beau et si douloureux avec intensité. Il a une force d’intériorisation remarquable. Il n’a pas besoin de grande démonstration pour nous communiquer les sentiments qu’il éprouve face à la mort de sa mère, aux débordements de sa famille, ses colères, ses frustrations, son chagrin et surtout la peur de l’enfance, celle qui ne peut être vaincue que par un autre peur d’enfance encore plus grande. La mise en scène et la scénographie jouent aussi sur la sobriété, un rideau de fond qui sert d’écran, des chaises soudées entre elles qui deviennent personnages.
Un théâtre où l’on se sent concerné, où l’on éprouve une grande émotion et d’où l’on sort le coeur serré. Un théâtre comme je l’aime.

MOLIÈRE 2014 – Révélation masculine Grégori Baquet

Un obus dans le coeur de Wajdi Mouawad
Mise en scène : Catherine Cohen
Interprète : Grégori Baquet
Théâtre Le Balcon 12H15
durée 1H10