j’ai lu il y a plusieurs mois maintenant Le bois du Rossignol de Stella Gibbons paru aux Editions Héloïse d'Ormesson, sans avoir le temps de rédiger quelques notes sur ce livre.
Une nouvelle Jane Austen?
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Stella Gibbons 1902-1989 |
On a comparé Stella Gibbons à Jane Austen. Elle n’en a pas, à mon avis, l’immense talent, la causticité, l’art d’épingler à travers le dialogue et l’attitude de ses personnages leur ridicule, leur vanité ou le vide de leur existence. Mais… mais elle manifeste incontestablement de l’ironie envers ses personnages et si, l’on se sent parfois en pleine romance, une petite remarque d’apparence anodine vient remettre chaque chose ou plutôt chaque être à sa juste place, là où il devrait être dans cette société anglaise des années 1930 très hiérarchisée où chacun est considéré en fonction de sa fortune et de son milieu social.. Ajoutez y aussi une petite touche de féminisme qui rend le roman bien intéressant pour l'époque!
Un conte de fée détourné
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Une fée de Sophie Anderson source |
Ainsi Victor Spring, riche héritier, célibataire convoité par toutes les midinettes de la région, se révèle un homme tout à fait quelconque si l’on fait abstraction de sa fortune qui le pare de qualités qu’il n’a pas! Il est absolument dépourvu de romantisme, d’imagination, de sensibilité artistique, fait preuve de pragmatisme et d’un matérialisme affirmé :
« Ses goûts étaient simples : il voulait le meilleur et en permanence. »
Le palais des contes de fée ressemble à un décor d' opérette démodée où tout est réglé selon « l’exigence permanente d’efficacité de Victor ». Il aime l’argent pour le dépenser de manière ostentatoire. Il aime les femmes mais n’est pas prêt à épouser les bergères!
Quant à celle qui joue le rôle de Cendrillon, Viola Wither, veuve et sans le sou, elle est frivole et inculte et manque de ce que l’on attend chez une héroïne, intelligence et culture, même si elle porte le nom d’un personnage de Shakespeare! Mais elle se révèle sympathique et attire l’indulgence du lecteur!
Tina Wither, la belle soeur de Viola, appartient à une famille bourgeoise où l’on cultive aussi l’amour de l’argent mais pour ... éviter de le dépenser! Mr Wither, son père, beau père de Viola, ne s’intéresse même qu’à cela et le milieu familial est tout aussi rétréci au point de vue spirituel et culturel! La fantaisie et l'imagination n'y sont pas encouragés!
Il est difficile d'obtenir un jardin sinistre, mais le vieux Mr Wither y était parvenu.
.. il songea que les pâquerettes étaient vraiment une engeance. Il en voyait onze au beau milieu de la pelouse. Il devrait dire à Saxon de les enlever.
Stella Gibbons s’amuse à prendre le conte de fée à rebours car ici, c’est la « princesse » Tina, qui voudra épouser « le berger », Saxon, jeune homme très beau issu d’une classe sociale misérable… berger! ou plus exactement chauffeur de son père!
Sans avoir le brio, l’humour caustique et ravageur et la profondeur de vue d’une Jane Austen, Stella Gibbons nous plonge donc dans le conte de fée -tout finit bien pour nos amoureux- tout en nous faisant voir les coulisses du conte car ici tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Le courroux de Virginia Woolf
Je viens de lire que Stella Gibbons a obtenu un prix pour son premier roman (que je ne connais pas) Cold Comfort Farm, distinction qui a attiré les foudres de Virginia Woolf qui la jugeait imméritée! Mais que cela ne vous impressionne pas! Et si vous avez envie d'une lecture plaisante, distrayante et facile mais où transparaît sous la gentillesse, la légèreté et le ton un peu désuet, un regard plus critique que l’on ne croit de prime abord, n'ayez pas peur de Virginia Woolf et lisez Le bois du rossignol!
Merci à Lewerenz de m’avoir envoyé ce livre que je propose de faire voyager.
Voir le billet de Lewerenz ICI