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dimanche 17 janvier 2021

André Comte-Sponville : Dictionnaire amoureux de Montaigne , J comme Jugement

Je lis le dictionnaire amoureux de Montaigne d'André Comte-Sponville. De  temps en temps je viendrai ici, dans Ma Librairie dédiée à Montaigne, pour noter remarques et citations qui ont retenu mon attention. 

Après avoir expliqué son amour pour Montaigne, "un humain exceptionnel",  "esprit libre", que "l'on aime autant qu'on l'admire",  André Comte-Sponville  exprime son admiration pour l'écrivain, "son écriture souple,  inventive, savoureuse,"  "sa pensée ouverte, lucide, audacieuse"

 Il ne croit guère la philosophie, et n'en philosophe que mieux. Se méfie de "l'écrivaillerie" et lui échappe, à force d'authenticité, de naturel. Ne prétend à aucune vérité, en tout cas à aucune certitude et fait le livre le plus vrai du monde. Ne se fait guère d'illusions sur les humains, et n'en est que plus humaniste. Ni sur la sagesse et n'en est que plus sage. Enfin ne veut qu'essayer ses propres facultés (son titre Essais est à prendre au sens propre ) et y réussit si bien que le sens du mot en sera définitivement augmenté d'une nouvelle acceptation, celle qui désigne désormais un genre littéraire - toute oeuvre de prose et d'idées, à condition qu'elle soit plutôt personnelle que didactique ou systématique - , que Montaigne qui le créa, surplombe définitivement. Qui dit mieux ? Et quel auteur, plus de quatre siècles après sa mort, qui demeure si vivant, si actuel, si nécessaire ?


Et bien sûr, comme pour tout dictionnaire, l'auteur présente  des  mots classés par ordre alphabétique qui constituent en quelque sorte, "une espèce d'anthologie" de l'oeuvre de Montaigne.

Aujourd'hui c'est à la lettre J que je m'arrête et au mot, jugement !

Montaigne, nous explique André Comte-Sponville  tient absolument à être libre de son jugement. C'est une liberté qui lui tient à coeur bien plus encore que la liberté d'action, celle d'aller et venir, encore que celle-ci lui soit très précieuse aussi. Mais au cours de sa vie, il s'aperçoit combien il lui est arrivé de se tromper, de changer d'opinion et finalement il a constaté maintes fois qu'il avait tort !

"Mais ne m'est-il pas advenu, non une fois mais cent, mais mille, et tous les jours d'avoir embrassé quelque autre chose avec ces mêmes instruments (raison et jugement ), en cette même condition, que depuis j'ai jugée fausse ? Si je me suis souvent trahi sous cette couleur, si ma touche se trouve ordinairement fausse, et ma balance inégale et injuste, quelle assurance en puis-je prendre à cette fois plus qu'aux autres?" II 12

Et nous et notre jugement et toutes choses mortelles, vont coulant et roulant sans cesse. Ainsi il ne peut -être établi rien de certain de l'un à l'autre, et le jugeant et le jugé étant en continuelle mutation et branle. II 12

"Qui se souvient de s'être tant de fois mécompté de son propre jugement, n'est-il pas un sot de n'en entrer pour jamais en défiance ? (...) D'apprendre qu'on a dit ou fait une sottise, ce n'est rien que cela; il faut apprendre qu'on n'est qu'un sot, instruction bien plus ample et plus importante" II 13

 Et il rejoint Socrate  : " Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."

La reconnaissance de l'ignorance est l'un des plus beaux et plus sûrs témoignages de jugement que je trouve. II 10

Ce que j'aime dans la philosophie de Montaigne, c'est qu'elle est toujours proche de nous et qu'elle peut s'appliquer à notre vie quotidienne.  Quand on voit ces hommes politiques ou religieux prêts à s'étriper pour leur vérité et quand on voit  les discussions intolérantes qui opposent voire enflamment parfois des réunions familiales ou amicales, je me dis (moi la première) que nous ferions bien de suivre les conseils de Montaigne : savoir que nous sommes des sots nous éviterait bien des déplaisirs !

dimanche 23 février 2020

La citation du dimanche : La convivialité ou L'absurdité de l’orthographe française



Je suis allée voir un spectacle de théâtre intitulé La convivialité, réquisitoire impitoyable et drôle des absurdités de l'orthographe française. Arnaud Hoedt, Jérôme Piron, belge et québécois,  tous deux anciens professeurs à Bruxelles, sont très sérieux quand ils dénoncent le non-sens de l'orthographe française et montrent que les codes de celle-ci ont été fixés pour assurer le pouvoir d'une classe sociale.  Mais ce qu'ils nous ont amusés ! 
Le spectacle commence par... une dictée et qui s'y colle ? Nous, spectateurs !  Premier éclat de rire !
Puis quand les comédiens se lancent dans la démonstration loufoque des aberrations de  l'orthographe, à l'aide de petits tableaux pour visualiser le manque de logique des règles et des exceptions, de logiciels pleins de malice et de beaucoup d'humour, ils emportent l'adhésion du public ! L'adhésion ? ...  Enfin momentanément !
 En effet, le public, composé dans cette salle d'Avignon, au théâtre des Halles, de trois quart d'enseignants, a beaucoup ri, s'est bien amusé des ridicules de l'orthographe française pendant toute cette brillante démonstration.
Mais... lorsque les auteurs-comédiens lui ont demandé s'il accepterait la modification de l'ortografe de  certains mots, la plupart a levé un carton rouge... moi compris ! Le savez-vous ? Les français ont horreur des réformes ! 

"On se demande souvent comment respecter l'orthographe.  Mais l'orthographe est-elle respectable ?

L'histoire de l'orthographe

La convivialité quatrième de couverture
Jérôme Piron  et Arnaud Hoedt ont envoyé leur livre à  l'Académie française à l'attention de chacun des académiciens. Ils n'ont jamais eu de réponse. Et pour cause : la quatrième de couverture montre l'académie en flammes ! Provocateurs ? Eux ?

"Au XVII siècle, on centralise l’Etat et Richelieu réalise que la langue est un pouvoir. Il crée alors l’Académie française. Elle sera chargée de rédiger un dictionnaire pour fixer la norme.
L’Académie va surtout faire de cette norme la marque de l’appartenance à la bonne société, le « bon usage ».

Dans les cahiers préparatoires de ce dictionnaire, il est indiqué que l’orthographe servira à « distinguer les gens de lettres d’avec les ignorans (sic) et les simples femmes. »" p 66

Il faut attendre le XIX siècle pour que l'orthographe devienne une norme incontournable. C'est la bourgeoisie montante qui lui donne ses lettres de noblesse. Elle revendique une orthographe délibérément compliquée. Dans son édition du dictionnaire de 1835, l'Académie réintroduit le th et ph et des consonnes doubles, dont on s'était pourtant débarrassé."

Quelques exemples parmi tant d'autres


Lisez le livre, ou mieux, allez voir le spectacle,  pour savoir d'où vient le x de cheveux au lieu du s que l'on serait en droit d'attendre, ou l'accord du participe passé quand le cod est placé avant ou après... 

Traditionnellement, la confiture de groseilles prend un s à groseilles parce que, en gros, on aperçoit la forme des fruits. Alors que la gelée de groseille, qui est une masse informe, ne prend pas de s à groseille.

Donc la présence du s dépend du temps de cuisson.


Une institutrice demande à ses élèves de placer des points à l’écrit sous les lettres qui ne se prononcent pas comme dans POIDS.
Une fillette lui dit : Si elles ne se prononcent pas, pourquoi les écrire ?
et son petit camarade rétorque : «  mais si on ne les écrivait pas, on ne saurait pas où mettre les po
ints?  »

"En français on écrit bruit, édit ou crédit avec un t  pour faire bruiter, éditer, créditer mais pas abri.
On écrit dix avec un x qu'on prononce /s/, alors qu'on écrit dizaine avec un z et  un dixième qu'on écrit x et qu'on prononce /z/ "

Qui a dit  ? 

?
 Rendez-vous au bas de la page quand vous aurez trouvé qui a dit ? ! Les portraits des écrivains peuvent vous aider mais ils ne sont pas publiés dans l'ordre.

"L’orthographe, divinité des … sots"  1)

"C’est en vain que nos Josués littéraires crient à la langue de s’arrêter ; les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent.- Voilà pourquoi le français de certaine école contemporaine est une langue morte." 2)

"L’orthographe de la plupart des livres français est ridicule. (…) L’habitude seule peut en supporter l’incongruité."  3)

"Orthographe. Y croire comme aux mathématiques. N’est pas nécessaire quand on a du style." 4)

"Epargnons ce temps si précieux que l’on dépense trop souvent dans les vétilles de l’orthographe, dans les règles de la dictée qui font de cet exercice une manière de tour de force et une espèce de casse-tête chinois." 5)


?
?




1) Stendhal Lettre à Pauline 1804
2) Victor Hugo préface de Cromwell 1827
3) Voltaire dictionnaire philosophique 176
4) Flaubert dictionnaire des idées reçues 1913
5) Jules Ferry discours au congrès pédagogique 1880


dimanche 16 février 2020

La citation du dimanche : Paul Vinicius, poète roumain, la chevelure blanche de l'avalanche (1)

Marc Chagall
Je suis en train de lire un recueil de poèmes de Paul Vinicius, poète roumain, envoyé par Masse critique et les éditions Jacques André, dont le titre m'a attirée : La chevelure blanche de l'avalanche. En attendant de le commenter, car lire des poésies prend du temps, je publie ici cette Rose des vents que j'aime beaucoup. 

Rose des vents

aujourd'hui j'ai vu une goutte de pluie
dans laquelle habitait une forêt.

une fille traversait cette forêt
elle avait les yeux verts et chantait

entre les collines de ses seins
serpentait un train bleu

j'étais dans ce train
je regardais par la fenêtre sa peau de velours
j'écoutai sa musique

les autres voyageurs ne voyaient
qu'une pluie morose
des ombres erratiques
et un vieillard qui faisait la manche
sous un ciel de cuivre


dimanche 9 février 2020

La citation du dimanche : Les femmes écrivains sont-elles dangereuses ?

Livre de la cité des dames de Christiane Pisan
Incroyable comme la notion de danger est souvent liée aux femmes qui écrivent avec son corollaire : la peur !   Danger et peur ! Mais il faut noter que soit elles sont dangereuses pour elles-mêmes, soit pour les autres. Soit on a peur pour elles, soit ont a peur d'elles ! Il est vrai que dans ce dernier cas, les hommes écrivains pourraient l'être tout autant !

 Les femmes qui écrivent vivent dangereusement Laure Adler

 

Les femmes qui écrivent vivent-elles dangereusement ? Certaines d'entre elles - pour qui l'écriture nécessite solitude, rupture du lien social, repli dans un cercle familial choisi, souffrances intérieures exacerbées, corps négligé, mais cerveau en ébullition - manquent de pitié pour elles-mêmes, meurent jeunes, en pleine lucidité, faisant face aux terreurs suprêmes.
Les soeurs Bronté, Jane Austen reconstruisent le réel par leur imaginaire. D'où la nécessité de leur solitude.  

Sur Jane Austen

Voici le jugement que porte sur Jane Austen, l'une de ses connaissances. C'est une amie d'une certaine Mrs Mitford qui connaissait Jane et ne l'appréciait pas.

Ensuite vient l'amie anonyme de Mrs Mitford qui lui rend visite et selon qui "elle  (Jane) s'est pétrifiée dans le bonheur du  célibat pour devenir le plus bel exemple de raideur perpendiculaire, méticuleuse et taciturne qui ait jamais existé; jusqu'à ce que "Orgueil et préjugés" ait montré quel diamant précieux était caché dans ce fourreau inflexible, on ne la remarquait pas plus en société qu'on ne remarque un tisonnier ou un pare-feu... Il en va tout autrement maintenant, poursuit la bonne dame, c'est toujours un tisonnier, mais un tisonnier dont a peur... Un bel esprit, un dessinateur de caractères qui ne parle pas est bien terrifiant en vérité!"

 Olga Tokarczuk


L'écrivaine polonaise, prix Nobel de littérature, Olga Tokarczuk, dans son livre Sur les ossements des morts prête les pensées suivantes à la narratrive, Janina, personnage principal de son roman qui a pour voisine une femme écrivain :

Si je la connaissais moins bien, j'aurais peut-être lu ses livres. Mais puisque je la connais, j'ai trop peur de cette lecture. Peur de m'y reconnaître, présentée d'une façon que je ne pourrais certainement pas comprendre. Ou d'y retrouver mes endroits préférés qui, pour elle, n'ont pas du tout la même signification que pour moi. D'une certaine façon, les gens comme elle, ceux qui manient la plume, j'entends, peuvent être dangereux. On les suspecte tout de suite de mentir, de ne pas être eux-mêmes, de n''être qu'un oeil qui ne cesse d'observer, transformant en phrases tout ce qu'il voit; tant et si bien qu'un écrivain dépouille la réalité de ce qu'elle contient de plus important : l'indicible.

Et puis il y a cette affirmation de Marguerite Duras : 




 Tout le monde sait écrire à condition de savoir aller jusqu’au plus profond de notre puits noir. »

dimanche 26 janvier 2020

La citation du Dimanche : La beauté avec Martin Eden de jack London (1)

Saint Rémy Van Gogh
J'ai lu mais pas encore commenté Martin Eden, le roman autobiographique de Jack London et j'ai raté le film, hélas, que j'étais pourtant très curieuse de découvrir.!
Dans Martin Eden, Jack London, qui eut une enfance malheureuse dans un milieu défavorisé, fit très jeune l’apprentissage de la pauvreté et du travail en usine. Devenu marin, il tombe amoureux d’une jeune fille cultivée de la grande bourgeoisie. Pour elle, il décide de s’instruire et son intelligence supérieure alliée à une force de travail peu commune, l’ouvre à un univers qu’il ne connaissait pas : la littérature, la poésie, l’art, la science. Découverte qui va transformer sa vie entière  :

Avant, je ne savais pas que la beauté avait un sens. Je l’acceptais comme telle, comme une réalité sans rime ni raison. J’étais dans l’ignorance. A présent, je sais, ou plus exactement, je commence à savoir. Cette herbe me paraît beaucoup plus belle maintenant que je sais pourquoi elle est herbe, par quelle alchimie du soleil, de la pluie et de la terre elle est devenue ce qu’elle est. Mais c’est tout un roman que l’histoire du moindre brin d’herbe et un roman d’aventures ! Cette seule idée m’émeut. Quand je réfléchis à tout ce drame de la force et de la matière et à leur formidable lutte, j’ai envie d’écrire l’épopée du Brin d’herbe ! (…)
Tenez, je plonge ma figure dans l’herbe et l’odeur qu’aspirent mes narines évoque en moi mille pensées, mille rêves. C’est l’haleine de l’univers que j’ai respirée; c’est sa chanson et son rire, sa douleur, ses larmes, ses luttes et sa mort. J’aimerais vous dire, à vous, à l’humanité entière, les visions évoquées en moi par cette odeur d’herbe.
Jack London
Herbe Vincent Van Gogh
Christian Bobin trouve dans un brin d'herbe la force de résister à la disparition de sa femme et à la douleur du deuil. Un passage que j'ai déjà cité dans mon blog en 2008 !

"Je fais du tout petit, je témoigne pour un brin d'herbe. Le monde tel qu'il va, mal, je le connais et je le subis comme vous, un peu moins que vous peut-être : dessous un brin d'herbe, on est protégé de beaucoup de choses. (...) Le désastre, je le vois. Comment ne pas le voir? Le désastre a déjà eu lieu lorsque je commence à écrire. Je prends des notes sur ce qui a résisté et c'est forcément du tout petit, et c'est incomparablement grand, puisque cela a résisté, puisque l'éclat du jour, un mot d'enfant ou un brin d'herbe a triomphé du pire. Je parle au nom de ces choses toutes petites. j'essaie de les entendre. Je ne rêve pas d'un monde pacifié. Un tel monde serait mort. J'aime la lutte et l'affrontement comme j'aime la vie du même amour." (...)
La beauté est une manière de résister au monde, de tenir devant lui et d'opposer à sa fureur une patience active.

Christian Bobin
Volubilis peinture japonaise

Et Walt Whitman :

"Un volubilis à ma fenêtre me plaît plus que toute la métaphysique des livres."

"Je pense qu’un brin d’herbe ne compte pas moins que le labeur des étoiles
Et que la fourmi est également parfaite et un grain de sable et l’oeuf du roitelet
Et que la reinette est un chef d’oeuvre du plus haut des cieux
Et que la ronce grimpante pourrait orner les salons du ciel
Et que la plus infime jointure de ma main l’emporte sur toute mécanique
Et que la vache qui broute tête baissée surpasse n’importe quelle statue
Et qu’une souris est un miracle capable de confondre des milliards d’incroyants."

La majesté et la beauté du monde sont latents dans n'importe quel iota du monde »

Walt Whitman
 

dimanche 19 janvier 2020

La citation du dimanche : Avec Esope

Les chênes de Courbet

Un jour, les chênes se plaignirent à Zeus :

Zeus

"A quoi bon lui dirent-ils, être venus sur cette terre pour finir à coup sûr sous la hache du bûcheron ?

- N'est-ce pas vous, répondit Zeus, les responsables de vos maux puisque vous fournissez vous-mêmes les manches pour les haches ?

Il en est de même pour les hommes : certains reprochent absurdement aux dieux des maux qu'ils ne doivent qu'à eux-mêmes.
Esope

dimanche 5 janvier 2020

La Citation du dimanche : l'avenir

Picasso : la colombe de l'avenir
Comment voyons-nous l'avenir ? Plus que tout, peut-être, notre réponse révèle notre caractère, pessimiste ou optimiste, joyeux ou sombre et aussi nos expériences, nos joies et nos souffrances. Entre peur et confiance, entre espoir et doute, pour soi-même ou pour les peuples ou l'univers, que disent les philosophes et écrivains ?

Ceux qui ont peur de l'avenir 
Il faut réparer le Monde
Ceux qui ont peur de l'avenir ne profitent pas de l'instant présent,  se projettent en avant dans la crainte de vivre .
Céline
  Céline le dit à sa manière et avec un pessimisme absolu :
"La plupart des gens ne meurent qu'au dernier moment ; d'autres commencent et s'y prennent vingt ans d'avance et parfois davantage. Ce sont les malheureux de la terre. " (Voyage au bout de la nuit)

"Celui qui parle de l'avenir est un coquin. C'est l'actuel qui compte. Invoquer sa postérité, c'est faire un discours aux asticots." (Voyage au bout de la nuit)

Sénèque

"Tu dépendras moins du lendemain si tu mets la main sur aujourd’hui affirme Sénèque,


et Montaigne renchérit  (oui, je sais, encore Montaigne !)
 Chacun court ailleurs et à l’avenir, d’autant que nul n’est arrivé à soi.
Nous ne sommes jamais chez nous ; nous sommes toujours au-delà ; la crainte, le désir, l’espérance, nous élancent vers l’avenir et nous dérobent le sentiment et la considération de ce qui est, pour nous amuser à ce qui sera, voire quand nous ne serons plus. (Les Essais III, 12,).
Mais il en tire en tire la conclusion optimiste, hédoniste, qu'il faut profiter de la vie  et jouir du moment présent.
 « C’est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être »
 « Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; et quand je me promène solitairement en un beau verger, si mes pensées se sont entretenues des occurrences étrangères quelque partie du temps, quelque autre partie je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude et à moi. Nature a maternellement observé cela, que les actions qu’elle nous a enjointes pour notre besoin nous fussent aussi voluptueuses, et nous y convie non seulement par la raison, mais aussi par l’appétit : c’est injustice de corrompre ses règles. » (III, 13, )

 Ceux qui ont confiance en l'avenir

Eugène Delacroix

Parmi ces écrivains et philosophes qui croient au progrès et à un avenir radieux, ceux qui sont engagés dans une lutte sociale ou/et politique.


Victor Hugo affirme sa  foi au progrès social, clame sa certitude que c'est par l'instruction que l'on amènera les peuples à la réflexion et donc  au bonheur. Il prône l'union européenne qui amènera la paix sur la terre.
25 février. J’ai rêvé du Sénat. J’y ai parlé. J’y ai prononcé en terminant ces paroles que j’y ai dites en rêve et que j’y dirai peut-être en réalité :
« La France libre veut les peuples libres. Ce que veut la France, ce que la France demande, elle l’obtiendra. Et de l’union des libertés dans la fraternité des peuples, naîtra la sympathie des âmes, germe de cet immense avenir commencera pour le genre humain la vie universelle et qu’on appellera la paix de l’Europe. » Choses vues 1887

Poème
Ecrit après la visite d'un bagne. Les quatre vents de l'esprit (1853)
Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne.
Quatre vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l’école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d’une croix.
C’est dans cette ombre-là qu’ils ont trouvé le crime.
L’ignorance est la nuit qui commence l’abîme.
Où rampe la raison, l’honnêteté périt. (...)
Songeons-y bien, l’école en or change le cuivre,
Tandis que l’ignorance en plomb transforme l’or. 




Foi en l'avenir aussi dans le dernier couplet de l'Internationale, chant révolutionnaire écrit par Eugène Pottier en 1871, lors de la sanglante répression de la Commune de Paris.
Eugène Pottier
 Eugène Pottier
 L'Internationale Couplet 6 
Qu'enfin le passé s'engloutisse !
Qu'un genre humain transfiguré
Sous le ciel clair de la Justice
Mûrisse avec l'épi doré !
Ne crains plus les nids de chenilles
Qui gâtaient l'arbre et ses produits
Travail, étends sur nos familles
Tes rameaux tout rouges de fruits !


Citons enfin, parmi les optimistes, deux auteurs connus pour leur catholicisme fervent. La foi en Dieu s'accompagne pour eux de la foi en l'Homme.
Bernanos 
L'avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne suit pas l'avenir, on le fait

Gaston Berger

 Regarder un atome le change, regarder un homme le transforme, regarder l'avenir le bouleverse.


On peut en rire
L'avenir vu par Snoopy !

mardi 24 décembre 2019

Joyeux Noël avec les écrivains

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Victor Hugo : Les misérables, Cosette 

Cosette balaie
 "L’homme se relevait et allait s’en aller lorsqu’il aperçut au fond, à l’écart, dans le coin le plus obscur de l’âtre, un autre objet. Il regarda, et reconnut un sabot, un affreux sabot de bois le plus grossier, à demi brisé et tout couvert de cendre et de boue desséchée. C’était le sabot de Cosette. Cosette, avec cette touchante confiance des enfants qui peut être trompée toujours sans se décourager jamais, avait mis, elle aussi, son sabot dans la cheminée. C’est une chose sublime et douce que l’espérance dans un enfant qui n’a jamais connu que le désespoir. Il n’y avait rien dans ce sabot. L’étranger fouilla dans son gilet, se courba et mit dans le sabot de Cosette un louis d’or. Puis il regagna sa chambre à pas de loup."

Colette

Carl Larsson : roses de Noël (Hellebore)
 Sido, la mère de Colette est athée. On ne fête donc pas Noël chez elle .

"Il vous paraîtra étrange que mes Noëls d'enfant -là-bas on dit "nouel"- aient été privés du sapin frais coupé, de ses fruits de sucre, de ses petites flammes. Mais ne m'en plaignez pas trop, notre nuit du vingt quatre était quand même une nuit de célébration à notre silencieuse manière. Il était bien rare que Sido n'eut pas trouvé dans le jardin, vivaces, épanouies sous la neige, les fleurs de l'ellébore que nous appelions roses de Noël. En bouquet au centre de la table, leurs boutons clos, ovales, violentés par la chaleur du beau feu, s’ouvraient avec une saccade mécanique qui étonnait les chats et que je guettais comme eux.
Nous n’avions ni boudin noir, ni boudin blanc, ni dinde aux marrons, mais les marrons seulement, bouillis et rôtis, et le chef-d’œuvre de Sido, un pudding blanc, clouté de trois espèces de raisins – Smyrne, Malaga, Corinthe – truffé de melon confit, de cédrat en lamelles, d’oranges en petits dés.
Puis, comme il nous était loisible de veiller, la fête se prolongeait en veillée calme, au chuchotement des journaux froissés, des pages tournées, du feu sur lequel nous jetions quelque élagage vert qui crépitait sur la braise comme une poignée de gros sel...
Quoi, rien de plus ? Non rien. Aucun de nous ne souhaitait davantage, ne se plaignait."

Tove Jansson

Tove Jansson  : Noël


"Plus on est petit, plus Noël est important. Sous le sapin, Noël est énorme. C’est une jungle verte avec des pommes rouges et des anges tristes qui tournent sagement sur eux-mêmes au bout de leur fil et surveillant l’entrée de la forêt primitive. Celle-ci s’étend à l’infini dans les boules en verre. Grâce au sapin, à Noël, on se sent protégé de tout.
Noël est toujours empli de bruissements. Chaque fois, il y a des bruissements mystérieux avec du papier argenté, du papier doré, et du papier de soie, tout plein de papier brillant qui entoure tout et  dissimule tout, et donne l'impression que l'on peut gaspiller tant qu'on veut.
Parfois on se réveille la nuit et l'on entend le bruissement agréable que maman fait en emballant les cadeaux. Une nuit, elle a peint le poêle de petits paysages et des bouquets sur tous les carreaux jusqu'en haut.
Elle prépare des rennes en pain d'épice avec des têtes rigolotes, enroule les biscuits en forme de chat, avec un raisin de Corinthe au milieu du ventre. Lorsqu'elles sont arrivées en Suède, ces pâtisseries n'avaient que quatre pattes mais au fil des ans, elles en ont eu un nombre de plus en plus important, ce qui donnait aux chats un air sauvage et décoratif. " (recueil : L'art de voyager léger)

Carl larsson


Je suis en Creuse pour les fêtes avec mes enfants et petits-enfants. Je vous souhaite à toutes et à tous un joyeux Noël et beaucoup de joie.

A bientôt!

dimanche 22 décembre 2019

La Citation du dimanche : L'hiver avec Matsuo Basho

Zhou Cong : Au coeur de l'hiver blog de l'artiste ICI


Matsuo Basho : Poète, peintre et moine bouddhiste japonais (Veno, province d'Iga, 1644-Osaka 1694).
Matsuo Basho, de son temps, fut considéré comme l'un des « six sages du haïku ». Aujourd'hui, on le compte parmi les trois grands écrivains de l'époque des Tokugawa, aux côtés de Saikaku et de Chikamatsu. C'est que Basho a su élever le haïku au rang d'un art, alors qu'avant lui ce genre ne pouvait prétendre qu'à celui de prouesse stylistique. 
Issu d'une famille de bushi (guerriers), Basho reçoit en même temps que son seigneur l'enseignement d'un disciple du poète Kitamura Kigin. À vingt-deux ans, libéré de la tutelle féodale par la mort de son suzerain, il prend l'habit de moine et se rend à Kyoto, où il étudie sous la direction de Kigin. Sept ans plus tard, il quittera Kyoto pour Edo ; c'est alors qu'il publiera son premier recueil de poèmes. Même si ces premières tentatives poétiques sont souvent empreintes de l'influence de Kigin, le style personnel de Basho s'y dessine déjà. À partir de 1681, il mène une vie consacrée à l'étude, à la méditation, à la poésie, dans un « ermitage au bananier (basho) » situé dans un faubourg d'Edo. 
 Bien plus que la description d'un paysage, chaque haïku est la cristallisation d'un sentiment, d'une impression, d'une émotion face à ce paysage. (encyclopédie Larousse voir ici)

 L'Hiver avec Matsuo Bashõ  ( 1644-1695 )

Zhu Con : Tranquillité d'une nuit d'hiver
 
 Le corbeau d’habitude je le hais
Mais qu’il est beau
ce matin sur la neige !


Et maintenant
Allons contempler la neige
Jusqu’à tomber d’épuisement !
                                                           
Zhou Cong : Hermitages
Neige du matin
Les poireaux sont des repères
Dans le jardin

Le coquelicot blanc
d’une averse hivernale
a fleuri

Peinture traditionnelle chinoise

En cherchant des images pour ces poèmes, j'ai découvert le blog de Zhou Con, artiste d'origine chinoise, installée à Brest. Je vous invite à aller voir son oeuvre ICI

dimanche 15 décembre 2019

La citation du dimanche : Camus et le mythe de Sisyphe

Vedran Stimak, artiste croate  : Portrait de Camus, le mythe de Sisyphe (voir ici )
En analysant le mythe de Sisyphe, Albert Camus, l'un des maîtres de l'absurde,  écrit :

Tout au bout de ce long effort mesuré par l'espace sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint. Sisyphe regarde alors la pierre dévaler en quelques instants vers ce monde inférieur d'où il faudra la remonter vers les sommets. Il redescend dans la plaine.
C'est pendant ce retour, cette pause, que Sisyphe m'intéresse. Un visage qui peine si près des pierres est déjà pierre lui-même. Je vois cet homme redescendre d'un pas lourd mais égal vers le tourment dont il ne connaîtra pas la fin. Cette heure qui est comme une respiration et qui revient aussi sûrement que son malheur, cette heure est celle de la conscience. A chacun de ces instants, où il quitte les sommets et s'enfonce peu à peu vers les tanières des dieux, il est supérieur à son destin. Il est plus fort que son rocher.
Si ce mythe est tragique, c'est que son héros est conscient. Où serait en effet sa peine, si à chaque pas l'espoir de réussir le soutenait ? L'ouvrier d'aujourd'hui travaille, tous les jours de sa vie, aux mêmes tâches et ce destin n'est pas moins absurde. Mais il n'est tragique qu'aux rares moments où il devient conscient. Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté, connaît toute l'étendue de sa misérable condition : c'est à elle qu'il pense pendant sa descente.
La clairvoyance qui devait faire son tourment consomme du même coup sa victoire. Il n'est pas de destin qui ne se surmonte par le mépris. (...)
" Je juge que tout est bien ", dit Œdipe, et cette parole est sacrée. Elle retentit dans l'univers farouche et limité de l'homme. Elle enseigne que tout n'est pas, n'a pas été épuisé. Elle chasse de ce monde un dieu qui y était entré avec l'insatisfaction et le goût des douleurs inutiles.
Elle fait du destin une affaire d'homme, qui doit être réglée entre les hommes.(...)
Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni fertile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde.
La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.


Voilà ce qui me donnait du courage quand j'étais jeune et que je lisais Albert Camus avec passion. J'avais appris ce passage par coeur et quand tout allait mal, je le "lisais" dans ma tête. Savoir que l'être humain est maître de sa vie, rejeter l'idée qu'il est le jouet des dieux et faire de la constatation de sa propre faiblesse, une raison d'être fort et d'espérer, oui, c'était exaltant. C'est exaltant ! Bon dimanche !

 

 Le mythe de Sisyphe dans l'art

Le Titien :  Sisyphe
Vase attique : le mythe de Sisyphe
Vase attique  : Sisyphhe
William Balke Sisyphe
Frantz Von Stuz : Sisyphe
Gilles Candelier : sculpture Sisyphe
Maguy Banq
Hervé Delmare

Charles Nadraos

On peut en rire aussi


J'aime aussi le détournement du mythe, tel que le réalise le photographe Gilbert Garcin qui met en scène des petites scènes pleines d'humour.

Gilbert Garcin  : il faut imaginer Sisyphe heureux
Gilbert Garcin : L'atelier de Sisyphe

Gilbert Garcin : La déception de Sisyphe
Et puis aussi :


Le proscratinateur Sisyphe voir ici




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