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jeudi 25 novembre 2010

Simon Critchley : Les philosophes meurent aussi


Avec Les philosophes meurent aussi, Simon Critchley prend au mot Montaigne qui écrivait : Si j'étais faiseur de livres, je ferais un registre commenté des morts diverses.
En effet, si Philosopher, c'est apprendre à mourir, il est bien juste après tout que l'on s'intéresse à la façon dont ont disparu ceux qui font profession de regarder la Mort en face. Le britannique Simon Critchley, professeur de philosophie à la New School for Social Research de New York a relevé le défi en commentant les derniers moments de nombreux philosophes de l'antiquité à nos jours. Mais il ne s'agit pas pour lui en écrivant ce livre d'un passe-temps original ou d'un effet de style. Constatant le déni de la mort qui est propre à notre société, il se donne pour but de nous faire réfléchir à notre condition et accepter les limites de notre existence humaine.
Cela signifie-t-il que les philosophes ont tous une fin qui pourrait nous servir d'exemple et que tous ont su, l'heure venue, considérer leur propre disparition avec équanimité? Il est évident que non et le lecteur le découvre assez vite lors de cette lecture. Nous ne pouvons tirer aucune leçon de la diversité de ces expériences; en dépit de leur doctrine, les philosophes sont avant tout des hommes avec leurs forces et leurs faiblesses. Mais lire cet essai, c'est être amené à ne plus considérer la Mort comme un tabou. Car le livre n'est pas sinistre et présente même des aspects inattendus, saugrenues, involontairement comiques, des anecdotes étranges qui provoquent notre étonnement : Héraclite s'étouffa dans de la bouse de vache; Pythagore préfère se faire tuer par ses ennemis plutôt que de traverser un champ de fèves; Chrysippe est mort de rire; Rousseau est entré en collision avec un chien danois; La Mettrie fut emporté par une indigestion de pâté aux truffes...
En parlant de la mort écrit Simon Critchley et même en riant de notre fragilité et de notre mortalité, nous acceptons la limitation de notre état de créature qui est la condition même de la liberté humaine.

Ces anecdotes alternent avec la description de grandes souffrances et de beaux moments de courage que nous ne pouvons qu'admirer. Bien entendu je suis allée voir Montaigne. Mon Montaigne a beaucoup souffert de calculs rénaux (la gravelle dont il parle dans ses Essais) mais aussi d'une attaque d'angine phlegmoneuse qui lui ôta l'usage de la parole.
Ce que j'ai apprécié aussi dans cet essai c'est qu'il s'agit d'une histoire de la philosophie, certes peu approfondie car ce n'est pas le propos de Simon Critchley, mais traitée de manière à nous faire comprendre la manière dont ces philosophies concevaient la mort. C'est une belle récapitulation surtout pour moi qui n'ai qu'une vague et lointaine approche de la philosophie. Je me suis demandée par exemple quels étaient les philosophes dont je me rapprochais le plus dans l'idée qu'ils se font de la mort : Epicure et Hume, deux athées qui meurent bien car ils n'ont pas les angoisses liées à l'immortalité de l'âme :
Les épicuriens, explique Simon Critchley, contrairement aux pythagoriciens, aux platoniciens et aux stoïciens, considèrent donc la mort comme une extinction totale, l'âme n'étant rien de plus qu'un amalgame provisoire de particules atomiques.
Ceci contrairement à Voltaire qui accepte les derniers sacrements et meurt dans la religion catholique, ce qui peut passer pour un reniement de ses idées mais qui est bien compréhensible. Voltaire s'attaquait à l'Eglise, aux dogmes et au fanatisme mais il n'était pas athée. A partir du moment où l'on est en proie au doute et où l'on a peur de l'Enfer, mieux vaut assurer ses arrières. C'est du moins ce qu'il a dû penser!
 Et Montaigne, bien sûr, avec qui nous terminerons ce billet :  Qui a appris à mourir, il a désappris à servir.


logotwitter2.1290705399.jpgMerci à BOB et à François Bourin Editeur

James Herbert : Magic cottage


Depuis longtemps j'entends parler de James Herbert sans le connaître, cet écrivain dont The Sunday Time dit : Eblouissant. Un Steven Spielberg littéraire, aussi ai-je décidé de lire ce livre Magic Cottage paru aux éditions de Bragelonne.
Un couple d'artistes  - elle, Maggie, est peintre, lui, Mike, musicien-  achète un adorable cottage dans le Hampshire pour fuir la ville de Londres et ses inconvénients. Si la charmante maison Gramarye se révèle d'abord idyllique, les choses vont bientôt se gâcher, le rêve devenir cauchemar. On se doute dès le début que cette secte de Synergistes installée tout près de Gramarye et son machiavélique gourou Mycroft  en sont les responsables. Un  duel qui se révèlera un combat entre le Mal et le Bien opposera Mike à Mycroft .
Ce que j'ai trouvé le plus original et le plus réussi dans le roman c'est d'avoir fait de Mike un poltron et non un super héros; il a peur de tout, de se battre avec plus grand que lui, des petites bébêtes grimpantes, de pauvres chauves-souris inoffensives. C'est vraiment un homme de la ville transplanté à la campagne comme un Martien sur la Terre. Ce qui fait sourire. Mais le sujet est mince et pour créer le malaise Hebert est obligé d'étirer l'action sans grande conviction. Le fameux cottage ressemble un peu trop au début à celui de la Blanche Neige de Walt Disney et la bataille entre Mycroft et Mike au dénouement, tous deux détenant des forces magiques, rappelle d'une manière puérile celle de Merlin l'enchanteur et de la sorcière dans le dessin animé du même nom! Le grouillement de vampires géants, de milliers d'insectes infects au milieu d'explosions de toutes les couleurs, de cadavre en putréfaction est franchement ridicule. C'est d'ailleurs le terme choisi par Hebert lui-même : La situation était d'un ridicule achevé. Et c'est vrai, l'humour du héros tombe à plat face à ces tentatives avortées de convoquer pour nous la Magie.
Le style de l'auteur n'est pas à la hauteur du moins dans sa traduction française ni pour insuffler une poésie au récit, ni pour créer une noirceur qui nous emporterait, ni pour nous amuser franchement.  Ainsi lorsque le spectre de la vieille dame rend visite à Mike et se transforme devant lui en charogne, on peut lire : Ses chairs se sont affaissées, se sont mises à pendouiller...
J'avoue que je n'ai pas été très convaincue. Rien à voir avec un Tolkien qui dans le monde de l'imaginaire revisite la source des mythes, ni même avec Robin Hobb à l'imagination délirante et efficace.