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vendredi 22 janvier 2016

Christine Drouard : Solange Sand ou la folie d'aimer



Solange ou la folie d'aimer de Christiane Drouard me tentait car je voulais comprendre quelles avaient été les relations entre George et sa fille Solange, pourquoi cette mésentente entre la mère et la fille?

Bien sûr, un récit qui prend Solange pour sujet, parle obligatoirement de George et même s'il ne nous apprend rien sur l'écrivaine quand on la connaît déjà bien, il est intéressant parce qu'il présente le point de vue de la fille et donne un autre éclairage de la mère!

Solange Dudevant-Sand  porrtrait peint par son mari , le sculpteur Jean-Baptiste Clésinger
Solange Dudevant-Sand  par son mari Jean-Baptiste Clésinger

Et d'abord Solange est-elle bien la fille de son père, le baron Dudevant,  ou du premier amant de sa mère, Ajasson de Grandsagne?  C'est une question que Solange a dû se poser un jour au l'autre. Car ce n'est pas de tout repos d'être la fille (et le fils, d'ailleurs, Maurice n'en sort pas indemne non plus) d'une telle femme!

Pourtant, toute jeune, Solange idolâtre sa mère qu'elle appelle "Mon George" mais celle-ci l'envoie en pension alors qu'elle garde son fils Maurice -qu'elle préfère- près d'elle. Solange souffrira énormément d'être ainsi séparée d'une mère qui s'ennuie et a besoin de distractions, de voyages, d'hommes, quand elle ne travaille pas comme une forcenée pour nourrir sa famille par ses écrits! Quant aux amants qui se succèdent au foyer maternel, il faut d'abord s'habituer à leur présence puis quand on commence à bien les apprécier, ils disparaissent. C'est bien ainsi que Solange le ressent. En particulier, pour Chopin à qui elle s'attache vraiment et réciproquement. Solange restera fidèle à ce dernier qu'elle considère comme un père, prenant même le parti de celui-ci contre sa mère.
Enfin, Solange refuse le mari que lui avait choisi sa mère pour épouser le sculpteur Jean-Baptiste Clésinger, ce qu'après tout, une femme aussi indépendante que George Sand aurait dû amplement comprendre. Mais voilà, Clésinger a certainement été aussi l'amant de la mère dans sa jeunesse... Et puis George Sand ne paraît pas douée pour accorder à sa fille la liberté qu'elle réclame pour elle. Le mariage ne tiendra pas. Séparée de son mari, Solange aura une vie de femme libre, amants, bals, théâtre, ce qui scandalise sa mère qui la traitera de "Don juan femelle". George la soupçonne même de se faire entretenir car elle mène une vie trop aisée, trop brillante. Où prend-elle l'argent? Pour l'écrivaine qui toujours travaillé pour gagner son indépendance sans rien devoir à personne, ce doit être ce qu'il y a de pire... Solange aurait eu aussi des secrets inavouable à sa mère, une fille illégitime qu'elle a toujours cachée. On voit donc que tout oppose ces deux femmes qui pourtant se sont aimées, combattues, haïes, séparées et retrouvées et encore perdues.
Que dire de ce récit racontée à la première personne par Solange et qui s'étaie sur des fragments de lettres, des témoignages?
  Bien sûr, il est agréable de rencontrer au cours de ces pages des personnages célèbres, Jules Sandeau, Liszt, Marie d'Algoult que Solange admire beaucoup, Flaubert, Delacroix, Chopin et de lire des extraits des lettres de Solange ou de sa mère, de revivre certains épisodes de la vie des deux femmes...   Mais le récit me paraît un peu léger d'un point de vue historique, et un peu trop presse du coeur car il effleure superficiellement la psychologie de ces personnage et le contexte de l'époque.  On ne sait jamais vraiment s'il repose sur des vérités établies ou sur des suppositions, sur les on-dits de l'époque. L'auteure aurait dû  trancher plus nettement entre biographie et roman. Son récit se situe un peu entre les deux si bien que les personnages, à la fin, nous paraissent toujours une énigme. Cette lecture m'a donc laissée un peu sur ma faim.



samedi 8 février 2014

George Sand : Le château de Pictordu







Aurore Sand, petite fille de George
Avec Le château de Pictordu George Sand écrit un conte fantastique. Celui-ci paru en feuilleton dans un journal pour enfants en 1873 et prend ensuite place dans ses Contes d'une grand mère. C'est en effet pour ses petites filles, Aurore à qui le livre est dédicacé et Gabrielle que l'écrivaine a imaginé cette histoire.

Le château abandonné de de Pictordu est situé dans le pays du Gévaudan, "dans un désert de forêts et de montagnes"
Monsieur Flochardet , peintre portraitiste, traverse le pays en partant de Mende où il est allé chercher sa fille Diane, malade, pensionnaire au couvent des Visitandines, pour la ramener chez lui à Arles. Ils doivent faire étape à Saint Jean du Gard mais le muletier qui les guide sur une étroite route tortueuse fait verser la voiture accidentellement. Dans le château en ruines, Diane aperçoit une dame qui lui fait signe et l'invite à entrer. Il s'agit en fait d'une statue et le père attribue cette vision à la maladie de sa fille. Mais la nuit alors que tout le monde dort, Diane aperçoit à la lueur de la lune une belle dame voilée qui lui fait voir le château tel qu'il était du temps de sa magnificence; des visions de dieux de la mythologie apparaissent devant ses yeux éblouis. Le lendemain tout a repris une apparence normale. Les voyageurs reprennent la route et arrivent sans plus ennuis à Arles où la belle mère de Diane, madame Laure, l'accueille. Il faut dire que la mère de Diane est morte il y a quelques années et que le père s'est remarié. Diane a-t-elle été victime d'hallucinations liées à sa fièvre ou a-t-elle réellement vu cette belle dame sous les traits d'une Fée?

Un conte merveilleux


On le voit le conte de George Sand s'adresse bien aux enfants avec cette irruption du merveilleux, cette Dame qui apparait plusieurs fois aux yeux de la petite fille. Le personnage de la méchante belle mère (plus sotte et frivole que méchante d'ailleurs) et le personnage de la fée qui veille sur l'enfant font bien parti du conte traditionnel.. George Sand est passionnée par la frontière existant entre le réel et le surnaturel. Elle s'est intéressée de tout temps aux récits fantastiques que racontent les paysans berrichons, récits qu'elle collecte et regroupe dans Les légendes rustiques 
Pourtant, elle est contre les superstitions qu'elle juge obscurantistes et elle pense qu'il y a toujours une explication rationnelle à tout. C'est d'ailleurs le sens de ce conte qui, au-delà du Merveilleux, est une recherche de la mère, le désir éprouvé par l'enfant de combler un manque. 
Pourtant, les enfants ont droit à leur part de rêve et d'imagination qui les nourrit et les enrichit en développant leur sensibilité artistique. C'est ce que George, grand mère, développe avec Aurore et Gabrielle, sans oublier pourtant l'étude des sciences. Car le Merveilleux n'est-il pas l'essence même de la Nature ? Elle allie même les deux dans un conte comme La Fée Poussière!

Le fée Poussière, l'alliance du merveilleux et de la science


Mais le château de Pictordu est aussi autre chose qu'un conte.

Des éléments autobiographiques

Sophie Victoire Delaborde mère de George Sand

George Sand a été séparée de sa mère Sophie et élevée par sa grand mère. La séparation a  marqué la petite fille de la même manière que Diane qui souffre de l'absence de sa mère. Le thème de la mère est ici omniprésent puisqu'il est à la source du conte. On peut dire que Sand a mis beaucoup d'elle-même dans cette fillette qui adore la nature, passionnée par l'art et en particulier par l'Antique; une fillette qui veut apprendre, étudier, qui dessine en cachette et aime aussi s'évader, rêver, imaginer..


Des idées pédagogiques

Un curieux(!) portrait de George Sand par Charles Louis Gratia : source

George Sand donne ici ses idées sur l'éducation des enfants et elle insiste sur le fait qu'il n'y a pas de différences entre les filles et les garçons. Ainsi les filles ne doivent pas être traitées comme des poupées superficielles uniquement préoccupées de leur apparence comme le fait la belle mère de Diane. Le père de Diane, lui aussi, ne prend pas la peine de lui apprendre à dessiner. Il est riche donc il pense à faire de sa fille "une vraie demoiselle sachant s'habiller et babiller, sans se casser la tête pour être autre chose; et ce n'est pas au couvent qu'elle pourra acquérir des connaissances!
Diane n'a pas droit à l'instruction parce qu'elle est une fille jusqu'au moment ou le docteur Fréron devient son mentor et lui rend accessible le monde de l'art.

Une vision de l'art

fragment de statuette de Hercule Le louvre

George Sand  livre aussi dans ce récit ses idées sur l'Art et professe d'abord son amour pour l'antiquité grecque et romaine qu'elle oppose au moderne, le Beau opposé au Laid. Alors que monsieur Flochardet, dans un but mercantile, peint des portraits pour que les modèles se voient tels qu'ils voudraient être et non tels qu'ils sont, l'art doit tendre au vrai, à l'observation : ainsi les artistes grecs avaient le sentiment du grand " et "le mettaient dans les plus petites choses". L'art doit peindre le vivant : Cette statue qui n'est "qu'une tête sans corps et très usée par le frottement" " elle vit pourtant, parce que celui qui l'a taillée dans ce petit morceau de marbre a eu la volonté et la science de la faire vivre…"
Diane deviendra une vraie artiste et devenue riche fondera un atelier pour jeunes filles pauvres où elle éduquera ses élèves gratuitement! Conte de fées? Utopie? Oui, mais c'est ce que George Sand réalisa à Nohant!









Chez Antigone

jeudi 26 septembre 2013

Exposition Photographique d'Aurélia Frey au musée d'Issoudun dans le pays de George Sand




Et voilà, je vais avoir quelques jours d'absence car je pars à Issoudun assister au vernissage des photos de ma fille Aurélia.







mercredi 22 mai 2013

Le Berry : Les légendes rustiques de George Sand illustrées par Maurice Sand



George écrit Les légendes rustiques à partir des contes et légendes récoltés par son fils Maurice dans les campagnes berrichonnes. Ces textes oraux qui témoignent des croyances et des superstitions encore présentes au XIX siècle passent ainsi dans le domaine de la littérature. Les légendes rustiques témoignent de l'intérêt que porte George Sand à la mémoire du passé, à ces traditions merveilleuses, qui, elle en est consciente, est en train de disparaître peu à peu, effacées par le monde moderne.
 Maurice Sand a illustré ces légendes par de belles et étranges gravures dont j'ai pu trouver les reproductions lors de mon séjour dans le Berry et que l'on peut voir, pour certaines, au château de Nohant.
Dans sa dédicace à Maurice, George Sand écrit :
Mon cher fils
Tu as recueilli diverses traditions, chansons et légendes, que tu as bien fait, selon moi, d’illustrer; car ces choses se perdent à mesure que le paysan s’éclaire, et il est bon de sauver de l’oubli qui marche vite, quelques versions de ce grand poème du merveilleux, dont l’humanité s’est nourrie si longtemps et dont les gens de campagne sont aujourd’hui, à leur insu, les derniers bardes.

Si elle est consciente de faire oeuvre de mémoire, George Sand ne se veut pas historienne et ne prétend pas tout dire du folklore français; elle ne cherche pas à faire une étude savante : J’aime trop le merveilleux pour être autre chose qu’un ignorant de profession.
Elle n'écrira donc que sur la tradition orale berrichonne, tout en soulignant que ces légendes se retrouvent sous des formes différentes dans toutes les régions françaises.  Elle souligne pourtant que les légendes du Berry n'ont pas la grande poésie des chants bretons et ressemblent plus, par la forme,  au Merveilleux  Normand.

Voici quelques-unes de ces légendes illustrées par Maurice Sand :

Les Flambettes



Ce sont des esprits taquins et pernicieux. Dès qu’elles aperçoivent un voyageur, elles l’entourent, le lutinent et parviennent à l’exaspérer. Elles fuient alors, l’entraînant au fond des bois et disparaissent quand elles l’ont tout-à-fait égaré.
                                                    
Maurice Sand.

Les flambeaux, ou flambettes, ou flamboires, que l’on appelle aussi les feux fous, sont ces météores bleuâtres que tout le monde a rencontrés la nuit ou vu danser sur la surface immobile des eaux dormantes. On dit que ces météores sont inertes par eux-mêmes, mais que la moindre brise les agite, et ils prennent une apparence de mouvement qui amuse ou inquiète l’imagination, selon qu’elle est disposée à la tristesse ou à la poésie.

Le Meneu' de loups


« Cent agneaux vous aurez,
Courant dedans la brande;
Belle, avec moi venez,
Cent agneaux vous aurez.
– Les agneaux qu’ous avez
Ont la gueule trop grande ;
Sans moi vous garderez
Les agneaux qu’ous avez. »
                             Maurice Sand

« Paunay, SaunayRosnay, Villiers, Quatre paroisses de sorciers. »

C’est là un dicton du pays de Brenne, et les historiens du Berry désignent cette région marécageuse comme le pays privilégié des meneux de loups et jeteux de sorts.

La croyance aux meneux de loups est répandue dans toute la France. C’est le dernier vestige de la légende si longtemps accréditée des lycanthropes. En Berry, où déjà les contes que l’on fait à nos petits enfants ne sont plus aussi merveilleux ni aussi terribles que ceux que nous faisaient nos grand’mères, je ne me souviens pas que l’on m’ait jamais parlé deshommes-loups de l’antiquité et du moyen-âge. Cependant on s’y sert encore du mot de garou qui signifie bien, à lui tout seul, homme-loup ; mais on en a perdu levrai sens. Le loup-garou est un loup ensorcelé, et les meneux de loups ne sont plus les capitaines de ces bandes de sorciers qui se changeaient en loups pour dévorer les enfants; ce sont deshommes savants et mystérieux, de vieuxbûcherons ou de malins gardes-chasse, qui possèdent le secret pour charmer, soumettre, apprivoiser et conduire les loups véritables. Je connais plusieurs personnes qui ont rencontré, aux premières clartés de la lune, au carroir de la Croix-Blanche, le père Soupison, surnomméDémonnet, s’en allant tout seul, à grands pas, et suivi de plus de trente loups.
 
 Les Lupins


Les lupins (ou lubins) sont des animaux fantastiques qui, la nuit, se tiennent debout le long des murs et hurlent à la lune. Ils sont très peureux, et si quelqu’un vient à passer, ils s’enfuient en criant : Robert est mort, Robert est mort !
                                Maurice Sand.

… bon nombre des esprits de la nuit sont demeurés inoffensifs. C’est bien assez qu’ils aient consenti à revêtir des formes bizarres et repoussantes qui les empêchent de séduire les humains. Les lubins sont de cette famille. Esprits chagrins, rêveurs et stupides, ils passent leur vie à causer dans une langue inconnue, le long des murs des cimetières. En certains endroits on les accuse de s’introduire dans le champ du repos et d’y ronger les ossements. Dans ce dernier cas, ils appartiennent à la race des lycanthropes et des garous, et doivent être appelés lupins.

 Les laveuses de nuit ou les Lavandières


Pour Sand cette légende est l'une des plus sinistres visions de la peur.  C'est au bord des étangs et des marais stagnants que l'on peut entendre le clapotis de l'eau et le battoir des lavandières fantastiques. Dans le Berry, ce sont les âmes des mères infanticides qui tordent et battent inlassablement ce qui ressemble à du linge souillé et qui n'est autre que le cadavre de leur enfant. Il faut bien se garder de les observer sinon elles vous saisissent et vous battent dans l'eau comme un linge.

La Gran'Bête



Les enfants du père Germain revenaient chargés de fagots qu’ils avaient dérobés. Au sortir des tailles de Champeaux, ils entendirent tous les oiseaux du bois crier à la fois, et virent une bête qui était faite comme un veau, tout comme un lièvre aussi.
C’était la Grand’bête.
                                  Maurice Sand.


Sous les noms de bigorne, de chien blanc, de bête havette, de vache au diable, de piterne, de tarann, etc., etc., un animal fabuleux se promène, de temps immémorial, dans les campagnes et pénètre même dans les habitations, on ne sait plus dans quel dessein, tant on lui fait bonne guerre pour le repousser, dès que sa présence est signalée dans une localité.





mercredi 27 mars 2013

George Sand : citation de Joseph Barry dans George Sand ou le scandale de la liberté




 Joseph Barry dans sa biographie George Sand ou le scandale de la liberté raconte comment le fils de George, Maurice, lança un ultimatum à sa mère qui vivait à Nohant avec Manceau, un homme beaucoup plus jeune qu'elle : Manceau et lui ne pouvaient plus vivre à Nohant, lui dit-il.  Elle devait choisir entre son amant et son fils. Maurice récidivait. Il avait agi de même avec Chopin qui vécut neuf ans avec Sand à Nohant avant la séparation exigée par son fils.

George Sand laissa Nohant à son fils mais partit s'installer avec Manceau dans une maison qu'il avait achetée à Palaiseau. Avant de prendre cette décision, elle fut très agitée. Quitter son Nohant bien aimée lui coûtait.

Sur une impulsion, elle partit brusquement à Gargilesse passer quelques jours dans la solitude la plus absolue. Elle en revint rassérénée, de nouveau elle-même.
Son agenda se fit l'écho  heureux de cette amélioration. La page du "25 Avril", indiquait comme thème de la journée : "Abstinence". Elle souligna ce mot provocateur d'un trait épais.

"Abstinence! abstinence de quoi, imbéciles? Abstenez-vous, toute la vie, de ce qui est mal. Est-ce que Dieu a fait ce qui est bon pour qu'on s'en prive? abstenez-vous de sentir ce beau soleil et de regarder fleurir les lilas...."

George Sand, quant à elle, ne s'abstiendrait pas, et pas davantage à soixante ans qu'à vingt ans.

George Sand Agenda 1864 cité par Joseph Barry dans la biographie : George Sand ou le scandale de la liberté

J'aime l'épicurisme, le  bel appétit de vivre de George Sand qui refuse toute l'hypocrisie de son temps concernant les femmes. Elle choisit la liberté qui leur était refusée, assumant ce choix aussi bien dans sa sexualité que dans son mode de vie et de pensée, ouvrant la voie à toutes.




jeudi 21 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand avec La mare au diable

La mare au diable

La mare au diable est située dans le bois de Chanteloube, sur le territoire de Mers-sur-Indre. Visiter le Berry sur les traces de George Sand impose une visite à ce lieu et je n'aurais pour rien au monde manqué ce rendez-vous. Ce site n'a-t-il pas donné son titre à un des romans le plus populaire de l'écrivain?
A priori cette mare, plutôt de petite taille, de forme circulaire, n'a rien pour faire naître des inquiétudes même si on la visite comme moi, à la tombée de la nuit, encore éclairée par quelques rayons de soleil. Mais elle a beaucoup de charme, emmitouflée dans sa parure hivernale, ses arbres dénudés, ses fougères roussies, son eau froide moirée de reflets, les feuilles mortes et les branches cassées formant un décor mélancolique. On nous explique par des panneaux pédagogiques que la mare a été bien plus étendue du temps de George Sand mais qu'elle a été coupée en deux par une allée surélevée lors de travaux destinés à agrandir la forêt, entrepris par le propriétaire. La mare actuelle, réduite, subsiste d'un côté; de l'autre côté elle s'est comblée peu à peu envahie par la végétation.

La mare se comble peu à peu

Le roman, la Mare au diable

 L'intrigue est simple. Germain, un laboureur a perdu sa femme. Il vit dans la maison de ses beaux-parents, de riches fermiers. Maurice, son beau père lui conseille de se remarier pour donner une mère à son fils Pierre. Justement une riche veuve habite à Fourches. Germain va donc se rendre dans ce village pour la rencontrer. Il part, accompagné de sa voisine la petite Marie, une jeune fille de seize ans, très pauvre qui s'est louée dans une ferme non loin de là et de son fils Petit Pierre. Mais le soir tombe, le brouillard se répand. Les voyageurs arrivent près de la mare au diable et sont incapables de retrouver leur chemin. Ils passent la nuit dans ce lieu qui a mauvaise réputation. Germain prend conscience de ses sentiments pour Marie. Celle-ci le repousse sous prétexte qu'il est trop âgé mais , en fait, parce qu'elle le sait trop riche pour elle. Comme il se doit, la veuve ne plaît pas à Germain, Marie en proie aux avances de son patron doit abandonner son travail avant de l'avoir commencé. A leur retour au village, Germain devient triste et n'a plus de goût pour rien. Ses beaux-parents encouragent son amour envers la jeune fille qui leur paraît digne de leur gendre malgré la différence de fortune. Pressée de dire ses sentiments, Marie avoue alors qu'elle aime Germain et le mariage peut avoir lieu. Il est prétexte à la description des coutumes berrichonnes à l' époque de Sand.

La mare au diable, un lieu maudit

   

Germain se retrouva bientôt à l’endroit où il  avait passé la nuit au bord de la mare. Le feu fumait encore; une vieille femme ramassait le reste de la provision de bois mort que la petite Marie y avait entassée. Germain s’arrêta pour la questionner. Elle était sourde, et, se méprenant sur ses interrogations :
–Oui, mon garçon, dit-elle, c’est ici la Mare au Diable. C’est un mauvais endroit, et il ne faut pas en approcher sans jeter trois pierres dedans de la main gauche, en faisant le signe de la croix de la main droite : ça éloigne les esprits. Autrement il arrive des malheurs à ceux qui en font le tour.
–Je ne vous parle pas de ça, dit Germain en s’approchant d’elle et en criant à tue-tête :
–N’avez-vous pas vu passer dans le bois une fille et un enfant ?
– Oui, dit la vieille, il s’y est noyé un petit enfant !
Germain frémit de la tête aux pieds ; mais heureusement, la vieille ajouta :
– Il y a bien longtemps de ça ; en mémoire de l’accident on y avait planté une belle croix; mais, par une belle nuit de grand orage, les mauvais esprits l’ont jetée dans l’eau. On peut en voir encore un bout. Si quelqu’un avait le malheur de s’arrêter ici la nuit, il serait bien sûr de ne pouvoir jamais en sortir avant le jour. Il aurait beau marcher, marcher, il pourrait faire deux cents lieues dans le bois et se retrouver toujours à la même place.


 La mare au diable racontée aux enfants

Vous allez croire que La mare au diable est un récit sans intérêt pour les tout-petits? Bien au contraire! D'abord il y a une histoire d'amour qui finit bien, ensuite on a peur ... surtout quand on visite le lieu. Nini (3 ans) serre ma main bien fort et s'il y avait un diable, et si le brouillard s'épandait et si on se perdait? Ensuite il y a un enfant dans le récit, voilà qui donne du piquant à l'affaire! Car Petit Pierre est un garçon désobéissant. Son père ne veut pas l'amener avec lui. Peu importe! Il va se cacher dans la forêt sur le passage de Germain et de la petite Marie mais il s'endort. Les voyageurs découvrent sa présence au bord du chemin et sont bien obligés de l'amener avec eux pour ne pas l'abandonner dans la forêt si loin de chez lui. Marie devient une héroïne très sympathique parce qu'elle intercède en faveur du petit garçon! Voilà le meilleur de l'histoire de La Mare au diable pour ma petite fille, le passage le plus amusant, le plus apprécié!





mercredi 20 mars 2013

La Fée aux gros yeux (6) sur les traces de George Sand :


La fée aux Gros Yeux (édit. Autrement dit)


La Fée aux gros yeux est un personnage de conte imaginé par George Sand pour ses petites filles Aurore et Gabielle. Dans les éditions Autrement dit, le livre est accompagné d'un CD. Il a été publié aussi aux éditions Saint-Mont dans la même collection que La Fée poussière, conte dont je vous ai déjà parlé.

Editions Saint-Mont

Barbara, gouvernante de la petite Elsie, a été surnommée la fée aux gros yeux parce qu'elle était "mystérieuse et très savante et parce qu'elle avait d'énormes yeux clairs, saillants et bombés que la malicieuse Elsie comparait à des bouchons de carafe."
Or cette gouvernant est étrange. Malgré ses gros yeux, elle est à moitié aveugle et se cogne à tous les objets mais elle refuse de porter des lunettes prétextant qu'elle y voit mieux que tout le monde. Non seulement elle a peur des chauves-souris (ce qui peut se comprendre) mais elle est démesurément effrayée par n'importe quels oiseaux, fussent-ils les plus charmants. Ni fauvettes, ni mésanges ou rouge-gorges ne trouvent grâce à ses yeux. De plus, elle a un secret. Chaque soir elle se retire dans son pavillon au fond du jardin et sa lumière reste allumée toute la nuit. Que fait-elle? Elsie n'aura de cesse de le découvrir. Un soir, Barbara accepte de l'amener chez elle mais il leur faut traverser le jardin où elles rencontrent Mr Bat, le précepteur des frères d'Elsie. Mais pourquoi déplaît-il autant à  la fée? Que lui reproche-t-elle? Allez! je vous mets un peu sur la voie en précisant que Bat en anglais signifie chauve-souris!

L'ombre de Mr Bat (édit. Autrement dit)



Elsie, sa gouvernante et l'inquiétant Mr Bat (édit. Saint-Mont)

Comme toujours le récit de George Sand à ses petites filles a un but pédagogique qui réflète ses préoccupations scientifiques. Le conte témoigne, en effet, de l'intérêt porté par George Sand aux papillons qu'elle collectionnait.

Les papillons en robe de bal

Dans cet extrait chacun est convié à un bal et y vient pourvu de ses plus beaux atours :

Puis, tout à coup, elle s'écria :
- En voici un! c'est la princesse nepticula marginicollella avec sa tunique de velours noir traversée d'une large bande d'or. Sa robe est en dentelle noire avec une longue frange. Présentons-lui une feuille d'orme, c'est le palais de ses ancêtres où elle a vu le jour. Attendez ! Donnez-moi cette feuille de pommier pour sa cousine germaine, la belle malella, dont la robe noire a des lames d'argent et dont la jupe frangée est d'un blanc nacré. Donnez-moi du genêt en fleurs, pour réjouir les yeux de ma chère cemiostoma spartifoliella, qui approche avec sa toilette blanche à ornements noir et or. Voici des roses pour vous, marquise nepticula centifoliella. Regardez, chère Elsie ! admirez cette tunique grenat brodée d'argent...

On sait combien Sand se passionne pour les sciences et les nouvelles théories. Avec La Fée aux gros yeux, Aurore et Gabrielle apprennent le nom des papillons mais surtout leur grand mère les amène à réfléchir sur l'idée qu'il y a des mondes imperceptibles à l'oeil humain et que, s'il y a un infiniment grand, il existe un infiniment petit. Cette préoccupation correspond aux recherches du XIX siècle sur l'atome.

Il y a des êtres infiniment petits, dont on ne devrait pas parler sans respect, répliqua miss Barbara, qui ne faisait pas attention à la fatigue de son élève. Il y en a qui échappent au regard de l'homme et aux plus forts grossissements des instruments. Du moins, je le présume et je le crois, moi qui en vois plus que la plupart des gens n'en peuvent voir. Qui peut dire à quelles dimensions, apparentes pour nous, s'arrête la vie universelle ? Qui nous prouve que les puces n'ont pas des puces, lesquelles nourrissent à leur tour des puces qui en nourrissent d'autres, et ainsi jusqu'à l'infini ? Quant aux papillons, puisque les plus petits que nous puissions apercevoir sont incontestablement plus beaux que les gros, il n'y a pas de raison pour qu'il n'en existe pas une foule d'autres encore plus beaux et plus petits dont les savants ne soupçonnent jamais l'existence.

Le côté Merveilleux est privilégié aussi. Mais l'écrivaine joue sur la polysémie du mot Fée. 

Longtemps on l'avait surnommée miss Frog (grenouille), et puis on l'appela miss Maybug (hanneton), parce qu'elle se cognait partout ; enfin, le nom de fée aux gros yeux prévalut, parce qu'elle était trop instruite et trop intelligente pour être comparée à une bête, et aussi parce que tout le monde, en voyant les découpures et les broderies merveilleuses qu'elle savait faire, disait :
- C'est une véritable fée !


D'autre part Elsie voit Mr Bat se transformer en chauve-souris et s'échapper de son mouchoir. Pourtant ....
Quand Elsie eut bien dormi, elle trouva fort invraisemblable que M. Bat eût le pouvoir de devenir homme ou bête à volonté. A déjeuner, elle remarqua qu'il avalait avec délices des tranches de boeuf saignant, tandis que miss Barbara ne prenait que du thé. Elle en conclut que le précepteur n'était pas homme à se régaler de micros, et que la gouvernante suivait un régime propre à entretenir ses vapeurs. 

Entre conte et réalité, la romancière manie l'ironie avec finesse mais laisse la fin ouverte. Libre à nous de croire au Merveilleux ou de le nier!

Le Berry : Sur les traces de George Sand : La mare au diable (7)






mardi 19 mars 2013

Le Berry : sur les traces de George Sand, Corambé dans Histoires de ma vie (5)


Parc de la maison de Nohant : Corambé

Dans le parc du domaine de Nohant, la maison de George Sand, on découvre une curieuse statue. Il s'agit d'une figure féminine en bronze sombre et or,  à la silhouette gracile et aux yeux cernés de noir à l'égyptienne. Elle se dresse sur une grande feuille et lève un bras comme pour danser.
 Il s'agit de la représentation de Corambé sorti tout droit de l'imagination d'Aurore Dupin quand elle était enfant et imaginé par la sculptrice François Vergier en 1991 :

Lorsqu’en 1816, Hippolyte, son demi-frère, rejoignit son régiment de hussards, Aurore se retrouva seule à Nohant avec Deschartres et sa grand-mère, dont la santé s’altérait. La mélancolie la submergea. Elle était à la recherche d’un idéal. On lui enseignait le catéchisme, mais elle voulait une religion qui lui soit propre. Elle inventa sa divinité personnelle : Corambé. (...)
 Elle lui éleva un autel au cœur du petit bois où elle prit l’habitude de se réfugier. Le culte cessa quand le sanctuaire fut découvert.
Aurore jouissait à Nohant d’une grande liberté. Ses lectures n’étaient pas contrôlées et elle jouait et travaillait aux champs avec les enfants du pays. Mais elle abordait l’adolescence. Le désir de retourner vivre auprès de sa mère était toujours lancinant, et les conflits avec sa grand-mère devenaient récurrents. Celle-ci prit alors la décision de la mettre en pension à Paris au couvent des Dames augustines anglaises. Elle avait quatorze ans. À Paris elle espérait revoir sa mère, et un changement de vie lui plaisait. 
(site George Sand)

Voilà ce qu'en écrit George dans dans Histoires de ma vie : 

"... puisque toute religion est une fiction, faisons un roman qui soit une religion ou une religion qui soit un roman. Je ne crois pas à mes romans, mais ils me donnent autant de bonheur que si j' y croyais. D' ailleurs, s’il m’arrive d'y croire de temps en temps personne ne le saura, personne ne contrariera mon illusion en me prouvant que je rêve.  Et voilà qu'en rêvant la nuit, il me vint une figure et un nom. Le nom ne signifiait rien que je sache : c’était un assemblage fortuit de syllabes comme il s’en forme dans les songes. Mon fantôme s’appelait Corambé, et ce nom lui resta. Il devint le titre de mon roman et le dieu de ma religion.
En commençant à parler de Corambé, je commence à parler non-seulement de ma vie poétique, que ce type a remplie si longtemps dans le secret de mes rêves, mais encore de ma vie morale, qui ne faisait qu'une avec la première. Corambé n’était pas, à vrai dire, un simple personnage de roman, c’était la forme qu’avait prise et que garda longtemps mon idéal religieux. (...)
Corambé se créa tout seul dans mon cerveau. Il était pur et charitable comme Jésus, rayonnant et beau comme Gabriel ; mais il lui fallait un peu de la grâce des nymphes et de la poésie d' Orphée. Il avait donc des formes moins austères que le dieu des chrétiens et un sentiment plus spiritualisé que ceux d’Homère. Et puis il me fallait le compléter en le vêtant en femme à l’occasion, car ce que j’avais le mieux aimé, le mieux compris jusqu'alors, c’était une femme, c’était ma mère. Ce fut donc souvent sous les traits d’une femme qu’il m’apparut.
    
Voyager avec une enfant

Si la visite de la maison a été trop longue pour ma petite fille (3  ans), elle a par contre adoré le parc de Nohant  et en particulier Corambé qu'elle a pris pour une fée : La Fée aux Gros Yeux. Un des contes que la grand mère George Sand  racontait à Aurore et Gabrielle et dont je vais bientôt vous parler.



Mercredi  : Sur les traces de George Sand : La fée aux gros yeux (6)









lundi 18 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand à Crozant et Gargilesse avec Le péché de Mr Antoine (4)


La Creuse à Crozant

Le récit du roman de George Sand Le péché de Mr Antoine se déroule dans la vallée de la Creuse, "dans les landes de Crozant et dans les ruines de Chateaubrun où s'était plue ma fiction" écrit George Sand. (voir billet ICI)

  Un jeune voyageur, étranger au pays, Emile Cardonnet,  arrive à Eguzon  :

C’est qu’Éguzon est le point central d’une région pittoresque semée de ruines imposantes, et que, soit qu’on veuille voir Châteaubrun, Crozant, la Prugne-au-Pot, ou enfin le château encore debout et habité de Saint-Germain, il faut nécessairement aller coucher à Éguzon, afin de partir, dès le matin suivant, pour ces différentes excursions.

Le jeune homme intrépide refuse de coucher à Eguzon et continue son chemin malgré la menace d'un orage. Il se fait surprendre par la tourmente sur la route escarpée dominant la Creuse par des a-pics vertigineux. Forcé de s'arrêter il distingue à la lueur des éclairs une masse sombre, celle d'une forteresse "terrible", les ruines du manoir de Châteaubrun.

 La Creuse, limpide et forte, coulait sans grand fracas au bas de ce précipice, et se resserrait avec un mugissement sourd et continu, sous les arches d’un vieux pont qui paraissait en fort mauvais état. La vue était bornée en face par le retour de l’escarpement; mais, de côté, on découvrait une verte perspective de prairies inclinées et bien plantées, au milieu desquelles serpentait la rivière; et vis-à-vis de notre voyageur, au sommet d’une colline hérissée de roches formidables qu’entrecoupait une riche végétation, on voyait se dresser les grandes tours délabrées d’un vaste manoir en ruines. Mais, lors même que le jeune homme aurait eu la pensée d’y chercher un asile contre l’orage, il lui eût été difficile de trouver le moyen de s’y rendre; car on n’apercevait aucune trace de communication entre le château et la route, et un autre ravin, avec un torrent qui se déversait dans la Creuse, séparait les deux collines.

Le manoir de Châteaubrun  (photographie ici)

C'est pourtant dans ce château que Emile se réfugiera, reçu modestement mais chaleureusement  par le maître  ruiné de ces lieux, Antoine de Châteaubrun, le dernier seigneur de Châteaubrun et par sa charmante fille Gilberte.


Après avoir péniblement gravi un chemin escarpé, ou plutôt un escalier pratiqué dans le roc, nos voyageurs arrivèrent, au bout de vingt minutes, à l’entrée de Châteaubrun. Le vent et la pluie redoublaient, et le jeune homme n’eut guère le loisir de contempler le vaste portail qui n’offrait à sa vue, en cet instant, qu’une masse confuse de proportions formidables. Il remarqua seulement qu’en guise de clôture, la herse seigneuriale était remplacée par une barrière de bois, pareille à celles qui ferment les prés du pays.

Le lendemain, il se rend au village de Gargilesse pour rejoindre ses parents mais la rivière du même nom, affluent de la Creuse, insignifiante en temps habituel, fantasque et capricieuse, gonflée par les pluies, devient un monstrueux torrent, dangereux à traverser.

La rivière de Gargilesse

C'est cette même rivière qui ruine les projets industriels de Mr Cardonnet, le père d'Emile, qui a installé son usine sur ses bords. Le village de Gargilesse apparaît au jeune homme dans toute sa charmante beauté.


 L'église de Gargilesse

Après une heure de marche environ, nos voyageurs se trouvèrent en face du vallon de la Gargilesse, et un site enchanteur se déploya devant eux. Le village de Gargilesse, bâti en pain de sucre sur une éminence escarpée, et dominé par sa jolie église et son ancien monastère, semblait surgir du fond des précipices....

Le château-monastère de Gargilesse

Un jour où désespéré d'être séparé de sa bien aimée Gilberte, Emile broie du noir en se promenant au hasard, il découvre la forteresse de Crozant. Les ruines de Crozant correspondent alors son état d'esprit par leur aspect désolé et inhospitalier. Le décor qui s'offre à ses yeux qualifié de "sublime " par George Sand a toutes les caractéristiques du paysage prisé par les romantiques : accidenté, sauvage, désert avec des reliefs tourmentés propres à épouser les états d'âme les plus sombres.


Il leva les yeux, et vit devant lui, au-delà de précipices et de ravins profonds, les ruines de Crozant s’élever en flèche aiguë sur des cimes étrangement déchiquetées, et parsemées sur un espace qu’on peut à peine embrasser d’un seul coup d’œil.
Émile était déjà venu visiter cette curieuse forteresse, mais par un chemin plus direct, et sa préoccupation l’ayant empêché cette fois de s’orienter, il resta un instant avant de se reconnaître. Rien ne convenait mieux à l’état de son âme que ce site sauvage et ces ruines désolées. Il laissa son cheval dans une chaumière et descendit à pied le sentier étroit qui, par des gradins de rochers, conduit au lit du torrent. Puis il en remonta un semblable, et s’enfonça dans les décombres où il resta plusieurs heures en proie à une douleur que l’aspect d’un lieu si horrible, et si sublime en même temps, portait par instant jusqu’au délire.




Les premiers siècles de la féodalité ont vu construire peu de forteresses aussi bien assises que celle de Crozant. La montagne qui la porte tombe à pic de chaque côté, dans deux torrents, la Creuse et la Sédelle, qui se réunissent avec fracas à l’extrémité de la presqu’île, et y entretiennent, en bondissant sur d’énormes blocs de rochers, un mugissement continuel. Les flancs de la montagne sont bizarres et partout hérissés de longues roches grises qui se dressent du fond de l’abîme comme des géants, ou pendent comme des stalactites sur le torrent qu’elles surplombent.

La maison de George Sand à Gargilesse : La villa Agila


La villa Agila offerte à George Sand par son dernier amant, Manceau,  est un lieu calme où l'écrivaine aimait se retirer pour écrire.