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jeudi 28 juillet 2011

Joyce Carol Oates : La fille tatouée



 De qui est-ce? Le jeu de l'été (9)
De qui est-ce? Ce petit jeu de l'été a été initié par  Mango et repris à sa demande dans mon blog.
Ce jeu de qui est-ce? - juste pour le fun- consiste tout simplement à retrouver l'auteur et le titre du roman célèbre dont je présente un extrait. Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et me laisser des indices dans les commentaires sans révéler l'auteur, indices qui me permettront de savoir si vous avez vu juste et d'aider ceux qui ne savent pas.

Nouvelle énigme
 Voilà un texte d'un de mes auteurs favoris (je  sais, je sais, j'en ai beaucoup!) du XIXème siècle. Il est surtout connu pour ses poèmes. Je n'ai donné que la première lettre des prénoms des fillettes car ceux-ci, surtout le S... , seraient trop révélateurs. Cela se passe dans le Valois. Mais si vous avez besoin d'autres indices, vous n'avez qu'un mot à dire!

J'étais le seul garçon de cette ronde, où j'avais amené ma compagne toute jeune encore, S... une petite fille du hameau voisin, si vive et si fraîche, avec ses yeux noirs, son profil régulier et sa peau légèrement hâlée!... Je n'aimais qu'elle, je ne voyais qu'elle, - jusque-là!  A peine avais-je remarqué, dans la ronde où nous dansions, une blonde, grande et belle, qu'on appelait A... Tout à coup, suivant les règles de la danse, A... se trouva placée seule avec moi au milieu du cercle. Nos tailles étaient pareilles. On nous dit de nous embrasser, et la danse et le choeur tournaient plus vivement que jamais. En lui donnant ce baiser, je ne pus m'empêcher de lui presser la main. Les longs anneaux roulés de ses cheveux d'or effleuraient mes joues. De ce moment un trouble inconnu s'empara de moi. La belle devait chanter pour avoir le droit de rentrer dans la danse. On s'assit autour d'elle, et aussitôt, d'une voix fraîche et pénétrante, légèrement voilée, comme celle des filles de ce pays brumeux, elle chanta une de ces anciennes romances pleines de mélancolie et d'amour, qui racontent toujours les malheurs d'une princesse enfermée dans la tour par la volonté d'un père qui la punit d'avoir aimé.

Réponse à l'énigme (8)

 La fille tatouée de Joyce Carol Oates


Vous avez été nombreux à trouver le résultat de l'énigme, soit l'auteur ou le titre, ou l'un et l'autre : Aifelle,  Dominique Jeanne,  George, Gwen, Wens...
 La fille tatouée de Joyce Carol Oates est un roman qui vous bouscule, que dis-je? qui vous malmène, vous rudoie, vous bouleverse, vous empoigne enfin. Tout, du récit au style, de l'intrigue générale aux détails, est dérangeant et je comprends pourquoi il a été si controversé à sa sortie! Une chose est sûre : s'il ne fait pas plaisir, si l'on n'en sort pas indemne, c'est parce que c'est un grand roman!

Deux personnages en opposition totale
Alma Bush est décidément une pauvre fille, une paumée.  Elle vient d'un pays, le comté d'Akron en Pensylvannie, qui ressemble  à l'enfer -  au sens propre-  avec ses fumerolles qui s'élèvent du sol, ses vapeurs, ses gaz toxiques, sa puanteur, avec les incendies de ses mines d'anthracite. Elle est issue d'une famille pauvre où le mot amour n'existe pas. Les hommes l'ont toujours traitée en objet sexuel, ils l'utilisent, ils la vendent, l'insultent et la seule chose qu'elle reçoit d'eux, ce sont des coups de pieds dans le ventre, ce dont ils ne se privent pas. Pourquoi accepte-t-elle? parce qu'elle n'a aucune estime pour elle-même, est persuadée que personne ne peut l'aimer, parce qu'elle pense le mériter!
Joshua Seigl est de famille juive. Ecrivain brillant et reconnu, il a écrit un livre, considéré comme un chef d'oeuvre, sur ses grands parents morts dans les camps de concentration. Lui aussi est fragile et prompt à se replier sur lui-même mais il est riche,  érudit, bel homme, habitué à recevoir l'admiration des femmes et les hommages des lettrés et des intellectuels qui l'entourent.  Cependant, quand, atteint d'une grave maladie, il est obligé de prendre un assistant, le voilà qui refuse tous les brillants étudiants qui se présentent chez lui pour prendre Alma Bush à son service! Voir la suite ici



samedi 2 juillet 2011

Joyce Carol Oates : La fille tatouée


 La fille tatouée de Joyce Carol Oates est un roman qui vous bouscule, que dis-je? qui vous malmène, vous rudoie, vous bouleverse, vous empoigne enfin. Tout, du récit au style, de l'intrigue générale aux détails, est dérangeant et je comprends pourquoi il a été si controversé à sa sortie! Une chose est sûre : s'il ne fait pas plaisir, si l'on n'en sort pas indemne, c'est parce que c'est un grand roman!

Deux personnages en opposition totale
Alma Bush est décidément une pauvre fille, une paumée.  Elle vient d'un pays, le comté d'Akron en Pensylvannie, qui ressemble  à l'enfer -  au sens propre-  avec ses fumerolles qui s'élèvent du sol, ses vapeurs, ses gaz toxiques, sa puanteur, avec les incendies de ses mines d'anthracite. Elle est issue d'une famille pauvre où le mot amour n'existe pas. Les hommes l'ont toujours traitée en objet sexuel, ils l'utilisent, ils la vendent, l'insultent et la seule chose qu'elle reçoit d'eux, ce sont des coups de pieds dans le ventre, ce dont ils ne se privent pas. Pourquoi accepte-t-elle? parce qu'elle n'a aucune estime pour elle-même, est persuadée que personne ne peut l'aimer, parce qu'elle pense le mériter!
Joshua Seigl est de famille juive. Ecrivain brillant et reconnu, il a écrit un livre, considéré comme un chef d'oeuvre, sur ses grands parents morts dans les camps de concentration. Lui aussi est fragile et prompt à se replier sur lui-même mais il est riche,  érudit, bel homme, habitué à recevoir l'admiration des femmes et les hommages des lettrés et des intellectuels qui l'entourent.  Cependant, quand, atteint d'une grave maladie, il est obligé de prendre un assistant, le voilà qui refuse tous les brillants étudiants qui se présentent chez lui pour prendre Alma Bush à son service!

L'intrigue psychologique et sociale
La réunion de Joshua et Alma sous le même toit, c'est la confontation explosive de deux extrêmes, de deux milieux sociaux que tout oppose, de deux Amériques qui d'habitude ne se connaissent pas et n'ont pas de rapport entre elles en dehors de l'exploitation de l'une par l'autre.
Pendant que les familles du comté d'Akron meurent les poumons rongés par l'emphysème et toutes sortes de maux au-dessus des mines incendiées, dans l'indifférence générale de ceux qui détiennent le pouvoir, pendant qu'Alma est ramassée mourante de faim dans le ruisseau, Joshua ne sait que faire de son argent. Il est si riche qu'il n'ouvre même pas les lettres qui contiennent des chèques de rémunération pour ses interventions dans des colloques ou ses publications. Si riche qu'il a le bon goût d'en avoir honte! Et si cultivé que chacun de ses mots blesse l'écorchée vive qu'est Alma!
Ce qui explique le sentiment qu'elle va paradoxalement éprouver pour son patron, la haine! Paradoxalement, car c'est le seul homme qui la respecte, le seul qui ne la touche pas, le seul qui se soucie de son bien être, de son avenir! Pourtant, il suffirait d'un mot, d'un geste, d'une attention pour qu'une étincelle s'allume dans le coeur d'Alma, pour parvenir à percer sa carapace, pour que la haine se transforme en amour.
Voilà pour la situation et comme vous devez savoir que Joyce Carol Oates n'est pas précisément une habituée de Cendrillon,  il est inutile de vous dire que le livre finit mal!

La condition de la femme
J'avoue que j'ai vraiment eu du mal à lire jusqu'au bout cette histoire si noire. Cela tient d'abord à la personnalité d'Alma. On ne peut ressentir de la sympathie, ni même de la pitié pour cette fille même si l'on sait qu'elle est victime. En fait, c'est parce que  l'écrivain nous invite à partager le point de vue des hommes, des brutes, sur elle, en particulier de Dmitri, ce garçon de café qui la prostitue. Et ce regard est tellement dégradant, tellement salace que, malgré la beauté de la jeune fille abimée par ses tatouages, l'on ne voit plus en elle qu'une "femelle" (sic) nécessaire à l'assouvissement de besoins sexuels et bonne à apporter de l'argent, une épave sans dignité, un objet dont on peut disposer à sa guise. On souhaiterait pouvoir s'intéresser au personnage mais le fait qu'elle se soumette, qu'elle paraisse n'avoir aucun orgueil, nous en empêche et  finalement, il est très incorfortable pour le lecteur d'éprouver pour elle indifférence ou mépris, bref! d'épouser le point de vue des salauds.  Et c'est là que réside la force de l'écrivain. Elle nous fait prendre conscience de l'exploitation sexuelle, financière et psychogique de la jeune femme issue d'un milieu modeste en nous amenant à être du côté de l'exploiteur non de de la victime. Et notre prise de conscience sera d'autant plus grande que nous serons amenés peu à peu à la voir sous un autre angle, celui de Josua, celui du narrateur ou encore le sien, de l'intérieur,  quand nous serons éclairés sur ses pensées et ses sentiments..
Ainsi le roman de Joyce Carol Oates est une dénonciation de la condition des femmes qui partent dans la vie avec un handicap social insurmontable et un capital d'amour égal à zéro..  Et cette dénonciation est d'une telle crudité, avec des mots si violents, que cela nous touche jusqu'au malaise.

Le thème de l'holocauste et l'antisémiste d'Alma
Un autre chose m'a gênée, c'est l'antisémiste d'Alma, un antisémiste qui ne lui est pas naturel, que lui appris son amant Dmitri à grand renfort de coups de  pied mais qu'elle fait sienne pour deux raisons : pour plaire à Dmitri  parce quelle veut être aimée par quelqu'un, fut-ce par la pire ordure, et parce qu'il faut bien aussi qu'elle  se raccroche à sa haine envers son employeur. C'est ce qui lui permet d'exister.  Là encore l'antisémistisme s'exprime d'une manière et dans des termes d'une telle violence que l'on a l'impression d'être traîné dans un bain de boue, de partager l'enfer de cette femme.
Quant à Josua, même s'il est très éloigné de la la religion, il reste hanté par l'holocauste  Il y a un moment très beau lorsque Josua  provoque une prise de conscience chez elle en cherchant à lui montrer la réalité de l'holocauste perpétrée non seulement contre les juifs mais contre toutes les autres victimes (merci à JC Oates de le rappeler) et le non fondé de sa haine pour les juifs. C'est comme s'il ouvrait une brèche  vers la conscience de la jeune femme. A partir du moment où Josua s'intéresse à elle comme être pensant, en se souciant de ses idées, il la fait naître en tant que personne. Et pour le lecteur, c'est une brève trouée de ciel bleu dans un univers sans espoir.

Prise de position politique
JC Oates n'hésite pas aussi à dénoncer les responsables de catastrophes écologiques, de pollution comme elle l'a fait à propos de la ville de Niagara dans "Chutes"... C'est un thème qui lui est cher. Même s'il est secondaire, il est  important parce qu'il éclaire la psychologie d'Alma et l'affrontement social entre les deux personnages :
On dit qu'on aurait pu éteindre les incendies dans ces  mines il y a des années mais que le comté d'Akron n'a rien fait. L'Etat de Pensylvannie n'a rien fait. Pourquoi?
C'est les politiciens. C'est les propriétaires-banquiers juifs avec leurs hypothèques sur Wind Ridge, Bobtown, McCraken, Cheet.  Que les mines brûlent, qu'elles déposent leur bilan. Personne n'a en rien 
à fiche des gens qui vivent ici, c'est comme ça que les banquiers juifs gagnent des millions de dollars, et le gouvernement américain approuve de la même façon qu'il soutient Israel.
Je pense  en lisant ces lignes aux accents de John Steinbeck dans Les raisins de la colère ou ceux d'Emile Zola dans Germinal.. car c'est le propre d'un grand écrivain de dénoncer l'inégalité sociale  à travers des personnages qui l'incarnent individuellement.

 Challenge de George