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mercredi 29 juillet 2015

Caché dans son buisson de lavande Cyrano sentait bon la lessive compagnie basque Hecho en casa

Caché dans son buisson de lavande Cyrano sentait bon la lessive. photo Guy Labadens

Voici  un article avec lequel je terminerai mon festival 2015 qui fut un bon cru aussi bien dans le In que dans le Off, dans les spectacles pour les adultes comme pour les enfants. Je n’ai pas pu écrire sur tous mais je vais juste dire une petit mot sur Caché dans son buisson de lavande Cyrano sentait bon la lessive.



Vous connaissez peut-être le merveilleux album de Taï-Marc Le Thanh illustré par Rébecca Dautremer : Cyrano. Il s’agit d’un Cyrano qui n’est plus de Bergerac. Il est transposé au japon et adapté aux enfants. Les illustrations sont splendides avec les décors la ville, les costumes, les masques. Le récit y est conté simplement et en prose. Il s’agit d’une belle histoire d’amour qui montre aux enfants qu’il ne faut pas s’arrêter à l’apparence extérieure mais chercher, au-delà, la beauté intérieure. Ou plus simplement pour les tout-petits qu’il ne faut pas se moquer des autres car ils en souffrent beaucoup et qu’il faut savoir accepter la différence.


Cyrano illustré par Rébecca Dautremer

Le metteur en scène, Hervé Estebeteguy, de la compagnie basque Hecho en casa, adapte cet album au théâtre sous le titre qui est un extrait du texte : Caché dans son buissons de lavande Cyrano sentait bon la lessive. 
 
Caché dans son buissons de lavande Cyrano sentait bon la lessive.  photo Guy Labadens

Il s’agit d’un spectacle d'un grande beauté qui compte parmi mes préférés et que Léonie, ma petite fille, (5 ans) a bien aimé. Le titre, d'ailleurs, l'a beaucoup amusée et nous avons lu l'album ensemble avant d'assister à la représentation. 
 Les costumes, de splendides kimonos, les masques, la chorégraphie épurée et stylisée nous transportent dans le Japon ancien.  C'est un régal pour les yeux. De jolies inventions de mise en scène, pleines de poésie, montrent les conteuses, jardinières qui font pousser des plantes et des histoires avant de devenir les personnages de la pièce. Peut-être peut-on reprocher une certaine froideur dans l’expression des sentiments car tout est en retenue. Pour ma part, j’aurais aimé ressentir un peu plus d’émotion au dénouement.  Un beau spectacle à voir  absolument malgré cette remarque.

Récapitulation spectacle enfants

NINI (5 ans) dans l’ordre de ses préférences (14 spectacles, 15 représentations)

  Son top 3   
                                                                    
1 Molière dans tous ses éclats
2 Qanta                                                         
3 La sorcière la Trouille

Parmi ses préférés
 
4 Ninika (vu deux fois)
5 Le chat botté
6 Cyrano
7 Un bon petit diable

 
Ceux qu'elle a bien aimés

8 Mozart (vu dans de mauvaises conditions)
9 Momart
10 Vagabundo 
: Nini a trouvé l'histoire trop triste; un beau spectacle pourtant!
11 Augustin pirate

Ceux qu'elle n'a pas aimés
 
12 Peau d’âne (le texte de Perraut est difficile et le prologue en vers trop long et pas assez mis en action pour un enfant de cet âge) Mais le spectacle a des qualités.
13 voyage au centre la terre : à partir de 7 ans, pas de son âge et puis on ne voyait pas assez les dinosaures (elle y était allée pour eux!)


14  Index  un spectacle Hip hop qui l'a beaucoup déconcertée, elle qui n'a vu que des classiques et un peu de contemporain. Mais je ne désespère pas de lui faire aimer ce style de danse qui était interprétée  par la compagnie Pyramid au théâtre Golovine d'une manière éblouissante et avec beaucoup d'humour. Il fait partie pour ma part de mon top 3 avec tout de suite après Molière dans tous ses éclats et Cyrano.

 


Sa grand mère 13 représentations

Mon top 3 :

1 Ninika (billet ici)
2 Vagabundo (billet ici)
3 Index (voir ci-dessus)

Parmi mes préférés
 
4  Molière dans tous ses éclats (billet ici)
5 Cyrano (billet)

Ceux que j'ai bien aimés

6 Mozart vu dans de mauvaises conditions (billet)
7 la sorcière La Trouille ( billet)


8 Peau d’âne En hommage au film de Demy les comédiens chantent des chansons issues du film.
Une très belle idée pour les trois robes, du jour, de la lune et du soleil :   un tissu blanc sur lequel sont projetées des vidéos du temps, de la nuit, du soleil, des lumières changeantes ...






Ceux pour lesquels je n'ai pas tout aimé


9 Qanta  ou la terrible histoire de Lulu Schödringer : de beaux décors; je n'aime pas les chansons.
 









10 Voyage au centre de la terre : de bons moments mais des passages parfois ennuyeux pas assez théâtralisés.
11 Un bon petit diable

Ceux que je n'ai pas aimé

12 Le chat botté : une mise en scène tirée vers la farce qui plaît beaucoup aux enfants mais ne présente aucune poésie, aucun éclairage du sens. Le conte traditionnel est un récit d'initiation :  quand le metteur en scène conçoit les personnages comme des imbéciles qui n'évoluent pas, du début à la fin,  il perd le sens du conte et manque de finesse et de discernement. Certes, la pièce fait rire le jeune public mais ne lui apporte rien.
 
13 Momart : une histoire de l'art très mauvaise, un niveau amateur.
 



Fugue de Samuel Achache festival In d'Avignon

Fugue de Samuel Achache : le cloître des Célestins sous la "neige".

Ce jour-là il fait jusqu’à 45°dans les rues d’Avignon et quand j'arrive au cloître des Célestins pour assister au spectacle de Samuel Achache : Fugue, la température avoisine encore le 40° même à 22H. Enfin installée dans ce lieu qui est l'un des plus beaux du festival In, je relis les notes du metteur en scène :
   
 À partir d'une forme musicale existante et ancienne, la fugue, le spectacle du même nom en dissèque les principes pour en révéler le squelette. L'histoire évidemment musicale, peut être même opératique, s'appuie sur la question de l'accord et du tempérament de Pythagore. Son paradoxe : le cycle de quintes qui le fonde est impossible à clore. Un comma manque à la dernière. Le rapport mathématique est parfait et pourtant, dans son application, le cycle se décale en spirale. Pour incarner cette question, s'en amuser et peut-être en résoudre l'impossible harmonie, les musiciens comédiens chanteurs réunis par Samuel Achache mêlent leurs voix, comme les sujets et les contre-sujets d'une fugue, et se penchent sur les notions d'accord et de malentendu.

Accablée par la chaleur, le découragement me gagne : mais qu’ai-je fait? Pourquoi avoir choisi ce spectacle s’il faut sortir de polytechnique pour le comprendre!

Fugue de Samuel Achache : en plein pôle sud
 Entrent les comédiens : gros pull, anorak, bonnet, gants, écharpe, fourrure.. Et là, je comprends que la surface blanche de la scène n’est pas faite de graviers comme je le croyais mais de glace et de neige. Le froid s’intensifie. Nous sommes au pôle sud, les hommes creusent la calotte glaciaire pour découvrir un lac située à des profondeurs insoupçonnées. La vie s’organise à l’intérieur de la petite base rudimentaire où travaillent les scientifiques. Les situations les plus farfelues se déroulent sur scène. Les explorateurs affrontent le blizzard, se perdent dans les grandes étendues arctiques, se disputent, noient leur doute dans l’alcool, rencontrent des pingouins, disparaissent dans des trous. Nous sommes en pleine farce et les comédiens sont d’un comique inénarrable. Le burlesque à la Keaton est irrésistible de drôlerie surtout dans la scène de la baignoire qui est un véritable moment d’anthologie théâtrale, l’apothéose!

Fugue Samuel Achache : la fameuse scène de la baignoire (source)
Et la musique dans tout cela? On y vient, on y vient, les comédiens sont musiciens et chanteurs, ils interprètent de la musique baroque entre les péripéties mouvementées de leur vie trépidante. Et s’il y a manque d’accord et dissonance c’est surtout dans les rapports humains : le chef traite le stagiaire avec hauteur, toujours sur le mode comique, la scientifique ne lui adresse pas la parole et ratiocine et pontifie même dans ses rapports amoureux..
Quelques petites remarques critiques, cependant. Il m’a semblé que le rythme, après cette fameuse scène de la baignoire ralentissait et parfois piétinait un peu (au moment où ils boivent ensemble par exemple), des idées sont abandonnées en cours de route  et c’est dommage (l’amoureux mort dont la scientifique ne peut se débarrasser) et j’aurais apprécié que les rapports humains soient peut-être un peu plus méchamment accentués sans abandonner le mode de la farce, bien sûr.
Mais ne boudons pas notre plaisir! J’ai aimé cet humour iconoclaste qui vient secouer le discours parfois un peu trop sérieux du In. J’ai aimé que le metteur en scène et ses comédiens soient en plein délire et provoquent ainsi l’hilarité des spectateurs. Ce spectacle musical est très inventif et très drôle.

Mise en scène Samuel Achache

Collaboration Sarah Le Picard

Direction musicale Florent Hubert

Scénographie Lisa Navarro, François Gauthier-Lafaye

Lumière Viara Stefanova, Maël Fabre

Costumes Pauline Kieffer avec l'aide de Dominique Fournier

Arrangements musicaux collectifs
De et avec Vladislav Galard, Anne-Lise Heimburger, Florent Hubert, Léo-Antonin Lutinier, Thibault Perriard et Samuel Achache


   

mardi 28 juillet 2015

L’oubli des anges Géraldine Lonfat/ André Pignat Compagnie Interface


L'oubli des Anges compagnie Interface

La compagnie Interface avait donné l’année dernière un spectacle, Téruel, qui avait obtenu le prix du public en 2014 et que je n’avais pu aller voir. Aussi je n’ai pas voulu manquer celui-ci intitulé L’oubli des anges qui est d’un grande beauté.
Cette pièce, opéra, ballet et théâtre à la fois, unit le chant lyrique, la danse et la voix et commente pour nous le douloureux passage de la vie à la mort, le refus de la séparation, le déni qui est celui de l’amoureux refusant de laisser partir celle qu’il aime, la révolte de la jeune morte qui s’accroche à la vie. Un ange représenté par une femme enceinte vient les aider à franchir le pas. Son ventre plein symbolise la renaissance, la suprématie de la vie qui succède toujours à la mort.

La chorégraphie d’une grande pureté, transmet une émotion qui dépasse le seul aspect esthétique : La danseuse, Géraldine Lonfat, qui incarne magnifiquement la jeune fille, exprime la douleur et la violence; elle se tord, s’arc-boute, s’élance pour toujours retomber, pour prendre un envol qui ne peut avoir lieu. C’est la jeunesse qui repousse la mort, c’est le désespoir d’un corps qui refuse l’anéantissement. La voix de l'amoureux, dont les pieds sont lourdement enchaînés, retenus à terre parmi les vivants, accompagne la jeune morte dans un requiem douloureux, des chants liturgiques en latin rythment les spasmes d’un corps qui ne veut pas céder. La voix des récitants, l’ange et les parents de la morte, incantatoires, s’élèvent pour l’accompagner, pour dire la douleur mais aussi les bienfaits de l’acceptation.
 Une très belle scénographie contribue à l’émotion provoquée par le spectacle. Les costumes sombres des personnages contrastent avec le blanc du linceul dont est parée la danseuse. Le bel éclairage en clair-obscur, entre vie et mort, symbolise le drame qui se joue devant nous. Le faisceau de lumière vertical qui encercle la danseuse paraît être d’inspiration divine et semble la retenir prisonnière; le jeune homme, lui, se situe à la limite du cercle parfois à l'intérieur, parfois à l'extérieur au fur et à mesure que le processus d'apaisement se fait jusqu’au moment où le cercle disparaît, la lumière s’étend, le corps s’apaise et la jeune fille lâche prise et accepte.
Un spectacle vibrant d'émotion. Un coup de coeur!

L'oubli des Anges : Géraldine Lonfat (source)

Interprète(s) : Géraldine Lonfat, David Faggionato, Thomas Laubacher, Paul Patin, Virgine Quigneaux, Carmen Cruz
Chorégraphe : Géraldine Lonfat
Compositeur : André Pignat
Auteur : Stéphane Albelda
Régisseur : Jérôme Hugon

Pédagogies de l’échec de Pierre Notte, mise en scène d’Alain Timar.

Olivia Côte, dans Pédagogies de l'échec de Pierre Notte ( source)

J'ai encore quelques pièces vues pendant ce festival à commenter ici mais je ne peux attendre pour vous parler d'un spectacle d'une grande qualité :  Pédagogies de l’échec, pièce de Pierre Notte, mise en scène d’Alain Timar.

Comme nous l’annoncent les deux personnages, une femme, un homme, au début du spectacle : les immeubles de l’entreprise se sont effondrés, seuls subsistent au septième étage, au milieu du vide, les bureaux où ils travaillent…  Une destruction totale? Une fin du Monde? Un tremblement de terre? un cataclysme mondial? Une guerre? Peu importe! Dans une pièce suspendue, cernée par le vide, deux survivants, cadre et employé, tentent de survivre en maintenant les apparences du travail et de la hiérarchie!

Ce texte brillant de Pierre Notte fait un petit tour du côté de Ionesco, un théâtre de l’absurde mais qui a à voir avec notre société actuelle. Les rapports de hiérarchie à l’intérieur d’une entreprise y sont épinglés, ainsi que les humiliations subies au quotidien par les subalternes, la pression qui s’exerce sur les cadres, les potins de couloir, les petites cruautés, les vengeances mesquines. L’attitude de ces personnages qui s’efforcent, au milieu du néant, de  perpétuer les codes d’un monde détruit, souligne le conformisme, la vacuité de ces existences dévouées au paraître et où l’humain a tendance à disparaître.
La férocité du ton n’a d’égale que le rire provoquée par cette situation! Car l’on s’amuse beaucoup pendant cette représentation. Et le rire doit beaucoup au metteur en scène Alain Timar et aux excellents comédiens, Olivia Côte et Salim Kechiouche, qui servent le texte avec humour et  dérision.
Sur un dispositif scénique qui ressemble beaucoup à un ring, du moins au début, les personnages s’affrontent et comptent les points. Peu à peu la scène se dresse comme un mur, obligeant les comédiens à jouer suspendus à ces planches qui en s’inclinant rendent leur position de plus en plus précaire et périlleuse. Cette paroi où il faut se retenir pour demeurer au plus haut symbolise la hiérarchie et la lutte féroce qui existent au sein de l’entreprise; c’est aussi la planche-savonnette de la vie, le combat contre la déchéance et la mort. On peut résister, on finira toujours par tomber.
Cette scénographie oblige les acteurs accrochés à la scène à jouer avec leur corps dans une tension exacerbée et dans des positions cocasses qui, tout à la fois, provoquent l’amusement du public et montrent le manque et la perte de sens. La mise en scène réglée comme une participation musicale utilise les contraintes physiques du jeu pour exprimer l’absurdité d’une société qui érige le travail et la productivité comme seules valeurs et où cadres et employés finissent par être tous les victimes de cette déshumanisation. Un excellent spectacle qui fait partie de mes coups de coeur!


Après avoir vu cette pièce, j'ai envie de découvrir l'oeuvre de Pierre Notte, né à Amiens en 1969, auteur de pièces de théâtre, de romans, de poésies, de chansons; il est aussi metteur en scène, acteur et chanteur, journaliste pour le théâtre. Il a été nommé à trois reprises aux Molières dans la catégorie auteur. Il est lauréat du prix Émile Augier décerné par l’Académie Française, du prix « Nouveau Talent Théâtre SACD 2006 » et du Publikumspreis 2009 du Blickwechsel, regards croisés de Karlsruhe, Allemagne. Un brillant palmarès, non?
Il a signé récemment Pédagogies de l’échec (festival Nava, Limoux, été 2014, avec Catherine Hiegel et Brice Hillairet) ; Perdues dans Stockholm (Théâtre du Rond-Point, 2014) ; Sortir de sa mère et La Chair des tristes culs (Théâtre du Rond-Point, janvier 2013) ; Et l’enfant sur le loup se précipite ; Pour l’amour de Gérard Philipe ; Bidules trucs ; Deux petites dames vers le Nord ; Les Couteaux dans le dos ; J’existe (foutez-moi la paix) ; Journalistes – petits barbares mondains ; Moi aussi je suis Catherine Deneuve ; Clémence à mon bras. (source théâtre du Rond Point)

lundi 27 juillet 2015

Les pieds tanqués de Philippe Chuyen



Les pieds tanqués de Philippe Chuyen a été joué une première fois, en extérieur, dans le OFF 2012,  sur un boulodrome de l'île Piot. Il avait obtenu le prix Tournesol pour le Centenaire de Jean Vilar. Il est repris cette année dans une autre mise en scène à la Présence Pasteur.
Jamais, à priori, je ne serais allée voir un spectacle portant un tel titre et parlant de pétanque! J’aurais eu trop peur d’assister à une pagnolade dans le mauvais sens du terme! Mais le bouche à oreille a fonctionné et comme il se doit, quand il est élogieux, j’ai eu envie de me rendre compte par moi-même. Et j’ai bien fait!
La pièce fait référence, à n’en pas douter, à Marcel Pagnol. A la partie de cartes se substitue un partie de pétanque et s’il n’y a pas le lyonnais Mr Brun, il existe bien un Mr Blanc.
Effectivement, on y joue aux boules (d’ailleurs fort bien!) car la scène se passe en Provence, sur un boulodrome, entre quatre personnages que l’on peut définir ainsi : Le provençal, le pied noir, l’arabe né en France et l’immigré du nord … de la France, le nord commençant après Valence!
Le sujet de conversation est épineux et douloureux : la guerre d’Algérie. Ils sont les enfants de ceux qui ont vécu la guerre. Chacun d’une manière ou d’une autre a été marqué par ce conflit, chacun porte en lui-même une blessure indélébile et l’on, s’aperçoit, au bout du compte, que chacun a été floué dans ses idéaux, trahi, personne n’en est sorti indemne.
Le passé et le présent se répondent puisque nous apprenons que nous sommes en 1995, le 27 Juillet, le jour du terrible attentat dans le métro parisien, ce qui nous renvoie, bien sûr,  tragiquement à notre actualité.
Le texte peut paraître un peu démonstratif car chaque personnage est représentatif d’un type et parle en son nom mais il est porté avec émotion par de bons comédiens, d’origine provençale, qui n’ont pas besoin de forcer leur accent (ouf!). Le rire fuse :   mais pas de galéjade provençale, sous la farce, le tragique et la souffrance. On s’amuse beaucoup mais on se sent touché, concerné.
La mise en scène est enlevée, pleine d’inventivité et l’on finit par se passionner … même pour la partie de pétanque qui s’intègre au spectacle, ponctuant les sentiments de chacun, soulignant les différences et les conflits mais aussi montrant que le vivre ensemble est possible.


samedi 25 juillet 2015

Festival IN Avignon 2015 : Cassandre/ Le bal du cercle/The last supper



Voir des spectacles et rédiger les billets en même temps me devient de plus en plus difficile alors voici en vrac quelques petites annotations  rapides sur mes derniers spectacles du IN.

Cassandre

Fanny Ardant : Cassandre
"Avec ce récit, je descends dans la mort. » Cassandre-la-Troyenne est lucide. Vaincue par son destin, il ne lui reste qu'une heure à vivre. Elle sait que la malédiction d'Apollon l'empêche d'être entendue. Elle a appris que les mots meurent eux aussi. Qu'importe, elle continuera à parler. Mais elle n'essayera plus de convaincre les hommes de la détresse qui les attend. Le temps des prédictions est terminé. Alors elle se raconte avec une absolue liberté, sans rien masquer de ses douleurs d'enfance, d'aimante, de prisonnière, de femme. Elle ne veut pas devenir une héroïne."

Cassandre d'après Christa Wolf, est une réussite : un très beau texte porté par une artiste exceptionnelle Fanny Ardant dont la présence et la voix emplissent la vaste salle de l'opéra d'Avignon. A l'heure de sa mort, Cassandre est à la fois fragile et forte, une femme vaincue qui refuse de fuir Troie en flammes, qui refuse l'héroïsme et se révèle dans son humanité. L'orchestre placé en hauteur sur la scène avec la musique de Michael Jarell est un personnage à part entière tandis qu'un rideau rouge figure les flammes de la cité incendiée. Un beau spectacle!

Le bal du cercle de Fatou Cissé

Le bal du cercle de Fatou Cissé
"Un ring, un podium, une agora, une scène : le cercle décrit par Fatou Cissé est tout cela. En son sein, chaque geste, chaque regard fait sens. Ce cercle est le lieu du Tanebeer, une pratique ancestrale réservée aux femmes dans la société sénégalaise. Autrefois organisé à l'occasion des mariages ou en l'honneur de personnalités importantes, ce bal a lieu dans la rue et dans les arrière-cours des quartiers populaires. Les femmes y rivalisent d'excentricité, se livrant à des danses à forte charge sexuelle entraînées par une formation de percussionnistes – le sabar –, arborant parures, maquillage et vêtements d'exception. Le Tanebeer est un espace de réalisation où les femmes s'affranchissent de leurs obligations et de la tradition pour devenir qui elles souhaitent. Mais il est aussi un moment de régulation sociale, de règlement de comptes où rivalité et solidarité se confondent."

Le sujet me plaisait beaucoup mais le résultat m'a fort déçue. A part quelques minutes très enlevées de danse qui montrent ce dont sont capables les danseuses et le danseur sénégalais et burkinabés de Fatou Cissé le reste du spectacle est une parodie d'un défilé de mode et se révèle bien vite d'un intérêt limité. Certes, les costumes chamarrés et les chapeaux aux formes amusantes sont un plaisir des yeux mais l'on se demande bien ce que Fatou Cissé a voulu dire avec ce spectacle. Tout ceci m'a paru superficiel. Et puis, c'est mal venu de n'occuper, quand on a un espace aussi grand, que la partie Jardin de la scène pendant au moins un tiers du spectacle si bien que les spectateurs côté Cour voient peu et n'entendent rien (car le spectacle est très bavard).

The last Supper

The last supper
"The Last Supper aime jouer de ses fausses ressemblances avec le dernier repas du Christ. Comme dans la plupart des peintures figurant la Cène, on y découvre les convives côte à côte, attablés sans naturel voire avec affectation. Car s'ils partagent un dîner et font oeuvre d'être réunis, les personnages de la pièce d'Ahmed El Attar se donnent aussi volontiers en représentation. Ils forment une famille emblématique, jusqu'à la caricature, de la haute bourgeoisie cairote. Au moment où l'Égypte post-révolutionnaire fait face à des défis politiques, économiques et sociaux majeurs, leurs conversations manifestent insouciance, frivolité et mépris pour le peuple. Le metteur en scène ausculte une classe sociale dominante, obsédée par le paraître et l'argent, dont il aime reprendre le langage et les postures pour en relever la vacuité."

 Le propos, la critique de la bourgeoisie cairote est intéressante, mais le résultat est décevant. Le texte est une satire sans nuance, et tous les personnages représentant l'armée et le capitalisme, en passant par les femmes stupides et les enfants mal éduqués sont de lourdes caricatures. Tous manquent d'intelligence alors que , dans la réalité, ils détiennent le privilège du savoir et des études dans les grandes universités étrangères. Ils ont tous d'une imbécilité si grande que  l'on se demande pourquoi cette classe sociale peut exercer un si grand pouvoir. Le texte est répétitif, la mise en scène statique. On ne fait pas du bon théâtre avec des bons sentiments!

jeudi 23 juillet 2015

Le mariage de Figaro de Beaumarchais mise en scène de Agnès Régolo au théâtre des Halles

Le mariage de Figaro : Kristof Lorion le comte/ Guillaume Clausse Figaro

Le mariage de Figaro mise en scène par Agnès Régolo au théâtre des Halles est un spectacle dont on sort heureux.
D’abord parce que la mise en scène est au service de la pièce pour éclairer ses différentes facettes. En effet, sans oublier l’aspect de la comédie et tout en nous faisant rire de ce jeu de dupes qui se déroule devant nous, Agnès Régolo éclaire le sens politique, révolutionnaire et féministe de la pièce. Le jeu des acteurs, tous très bons, y compris dans les rôles secondaires, met en valeur un texte qui n’a pas vieilli et qui est toujours tellement actuel, la puissance et le pouvoir d’oppression ayant juste changé de mains et de forme!
Ah! qu’il est bon d’écouter et de savourer les paroles de Figaro, homme du peuple, qui porte la parole révolutionnaire et dont le comédien Guillaume Clausse  fait entendre les accents de la révolte, de la colère contenue mais prête à éclater : « ah! monsieur le comte parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie » « Vous vous êtes donnés la peine de naître et rien de plus ».  Quant au comte, Kritof Lorion, il est, le noble, tout puissant, avec ses accès de colère, ses brusques démonstrations d’autorité devant qui tout le monde plie : un grand seigneur méchant homme, sous un aspect qui se veut débonnaire! On peut rire de lui quand il se fait berner mais on le redoute!

La mise en scène met aussi en relief le statut des femmes quelle que soit leur classe sociale, chacune soumise, souvent maltraitée, abandonnée, trompée, la servante plus encore que la grande dame, la pauvre encore plus que la riche mais toutes dépendantes du pouvoir de l’homme. Elisa Voisin et Sophie Lahayville font merveille dans le rôle respectif de Suzanne et de Rosine mais si elles sont solidaires lorsqu’il s’agit de s’opposer aux hommes, la classe sociale de l’une et de l’autre n’est jamais oubliée. Quant à Catherine Monin elle attire l’attention dans le rôle de Marceline  à qui la mise en scène donne une importance particulière; c’est la première fois que je perçois avec autant d’acuité la force de son discours qui va très loin dans la dénonciation du sort réservé à la femme..

J’ai cependant éprouvé un peu de surprise dans le choix du comédien, Nicolas Gény, qui interprète Chérubin car Agnès Regolo rompt avec la tradition qui veut que ce très jeune homme soit souvent joué par une femme ou bien par un presque adolescent s’éveillant à l’amour. Ici, le comédien qui l’incarne est plus âgé que le rôle; cela choque un peu au début jusqu’au moment où l’on s’aperçoit de l’effet comique que cela produit quand la comtesse dit  « un enfant », le comte répond « pas tant que ça »! D’autre part ce choix accentue aussi l’ambiguité du trouble de la comtesse vis à vis de son « filleul »!

 Si l’on ajoute à ce plaisir de la mise en scène et du jeu d’acteurs une jolie scénographie, un rythme enlevé, une musique contemporaine et le vaudeville du dénouement amusant et sérieux à la fois, vous comprendrez que ce spectacle est un régal.



De l’attitude des adultes dans les spectacles pour enfants


Je fais partie de ces avignonnais, heureux et chanceux, qui sont en vacances pendant le festival et j’adore aller de pièces en pièces, éprouver émotions et rires, partager la fête perpétuelle du plus grand théâtre du monde, selon l’expression consacrée et vraisemblablement vraie! Je ne vais donc pas faire la liste de ce qui ne va pas dans le festival mais je voudrais tout de même signaler les problèmes qui se posent quand on amène les enfants voir des spectacles qui leur sont dédiés. Voilà ce qui m’est arrivé avec ma petite fille pour voir Mozart l’Enchanteur et Le Chat botté.

Quand je vais au théâtre avec ma petite fille j’arrive toujours avec beaucoup d’avance pour qu’elle ait une place devant et qu’elle puisse profiter du spectacle. Mais à La Luna, salle 2, on paie à l’intérieur (la caisse est dans le hall) et on attend dehors sous le soleil… Or il fait plus de 30° (et cette année la température est montée jusqu’à 45°) dans les rues d’Avignon, vous imaginez le plaisir! Mais passe encore, c’est le lot des spectateurs dans la plupart des théâtres, ce n’est pas là que le bât blesse le plus, c’est dans la suite! Quand on vient vous chercher, vous êtes bien rissolés, cuits à point, sauf que les gens qui arrivent au dernier moment à la caisse, souvent des professionnels, sont proches de la porte d’entrée de la salle de spectacle et.. entrent avant vous! Et quand vous parvenez à pénétrer dans la salle tous les premiers rangs sont occupés par des adultes sans enfants (des programmateurs? ou autres?) qui s’installent aux premiers rangs -sans état d’âme! Que les enfants soient placés derrière eux et n’y voient rien ne les gênent absolument pas! 
Deux questions se posent. Pourquoi les programmateurs font-ils tous trois mètres de haut? Pourquoi oublient-ils que les enfants, dans un spectacle pour la jeunesse, devraient être les rois et ceci d'autant plus que c'est avec eux qu'ils travaillent!?
Pour être honnête, ce genre de choses arrive certainement ailleurs qu’à La luna mais je ne peux rien dire des salles où je ne suis pas allée! Au moins, au collège de La Salle, les enfants passent avant les adultes et il faut bien reconnaître que c’est justice puisque les pièces s’adressent à eux!



mercredi 22 juillet 2015

Les Noces de Sang de Federico Garcia Lorc


Les Noces de sang de Lorca
 Dans Les Noces de sang écrit en 1931-1932, Federico Garcia Lorca s’inspire d’un fait divers. Un mariage va être célébré entre le fiancé, un fermier aisé, et la fiancée, héritière d’une grande propriété. Mais la jeune fille a  déjà été promise dans le passé à Leonardo, un membre de la famille qui a tué le frère et le père du fiancé. La mère accepte cette union pour le bonheur de son fils mais non sans appréhension. Le mariage a lieu mais Leonardo et la fiancée n’ont jamais cessé de s’aimer et  ils s’enfuient ensemble à cheval pendant la fête. Le mari les poursuit et les noces s’achèvent dans un bain de sang.

Dans Les  noces de sang, pièce mise en scène par William Mesguih au Chêne noir,  les  acteurs principaux  ne m’ont pas convaincue dans leur interprétation de la passion amoureuse qu’ils éprouvent. Le drame qui se joue entre la fiancée et les deux hommes  qui l'aiment ne m’ont pas touchée. Heureusement, la comédienne, Michèle Simonnet, donne à son personnage de la mère une sobriété et une retenue austère qui m’ont enchaînée au récit. Et j’ai aimé l’aspect fantastique de la mise en scène dans la forêt nocturne où se cachent les deux fugitifs, scène surréaliste avec l'apparition de figures allégoriques comme la Lune et la Mort, et les voix mystérieuses déroulant le beau texte poétique de Garcia Lorca qui est vraiment un régal!





Le paquebot Tenacity de Charles Vildrac




Je sors de la représentation de Le paquebot Tenacity de Charles Vildrac, mise en scène de Pierre Boucard, et je suis encore imprégnée par ce texte qui m’a fait penser à Quai des brumes (Carné), à La belle équipe (Duvivier); En arrivant chez moi, après une recherche, je m’aperçois, que cette pièce écrite en 1920 a a été, en effet, adaptée au cinéma par Jacques Duvivier en 1934.

Le texte porte encore tous les stigmates de 14-18 : deux jeunes gens traumatisés par la guerre veulent fuir la société française qui laisse peu d’espoir à la jeunesse pour s’installer et travailler au Canada. Ils vont s'embarquer dans le paquebot Tenacity. Retenus au port par une avarie du bateau, ils tombent tous les deux amoureux de la même jeune fille et l’un d’eux seulement partira.

La pièce se déroule dans le bar d’un port marin, un décor simple, réaliste, avec un comptoir, quelques tables et chaises. Il est fréquenté par des marins, des ouvriers, des hommes du peuple. Un des personnages  principaux, pilier de bar à la Prévert, poète, philosophe et sage, qui devient l’ami des jeunes soldats rescapés de la grande boucherie, présente les pensées de l’auteur, plutôt anar, sur la liberté, les hommes politiques et le gouvernement, sur l’amour et le bonheur. Le texte est beau, très proche du« réalisme poétique » et l’on peut comprendre pourquoi Duvivier s’en est emparé! Les comédiens l’interprètent avec conviction et sensibilité.
Un bon spectacle.
Le théâtre refuse du monde. Pour les derniers jours du festival, Il vaut mieux réserver.

Le paquebot Tenacity
Mise en scène Pierre Boucard
du 4 au 26 Juillet
Théâtre Essaïon 12H45

Nous n’irons pas ce soir au paradis : Dante Alighieri/ Serge Maggiani


Dante Alighieri de Giotto

Nous n’irons pas ce soir au paradis parce qu’il est beaucoup trop loin et aussi parce que le spectacle est beaucoup trop court pour nous permettre d’y parvenir. En revanche nous irons en Enfer avec Dante et Serge Maggiani et quel voyage!

Le début commence comme une conférence et nous écoutons l’orateur disserter sur le poète italien puis peu à peu la magie du théâtre opère et nous nous laissons embarquer dans ce grand voyage aride et douloureux. Nous aussi nous perdons « la voie droite » et nous nous retrouvons « par une forêt obscure », sachant que peu nombreux sont ceux qui en reviennent.
Serge Maggiani distille le texte mêlant italien et français avec bonheur; on a l’impression d’être convié à goûter les mots, les faits comme une gourmandise. Il nous explique la Commedia, nous parle des personnages que l’on y rencontre, de l’époque du grand poète, nous permet de rencontrer Dante et cela avec passion et humour, sans jamais ennuyer ou être pédant.  Et comme il le dit lui-même pas besoin de décor, il faudrait toute la Toscane mais aussi toutes les flammes de l’Enfer pour cela, pas besoin de personnages sur scène, il faudrait convoquer toute la ville de Florence au début du XIV siècle, mais Dante Alhigieri, le Grand, la beauté de la langue italienne mêlée à la française et un comédien qui transmet son amour pour cette oeuvre exceptionnelle.
Si vous aimez le texte de Dante il faut y courir et si vous ne le connaissez pas, ce spectacle est une belle initiation poétique.

Nous n’irons pas ce soir au paradis
Théâtre des Halles (Chapiteau)
17H
durée 1H05
Interprète Serge Magianni


mardi 21 juillet 2015

Le prince travesti de Marivaux mise en scène Daniel Mesguish au Chêne Noir



Dans Le prince travesti  de Marivaux, le prince de Léon décide sous le nom d’emprunt de Lélio, simple gentilhomme, de visiter le monde. La princesse de Barcelone s’éprend de lui et charge Hortense, sa parente, de  parler pour elle et de lui servir de messagère. Mais Hortense reconnaît en Lélio celui qui l’a sauvée jadis et qu’elle n’a pu oublier. Il en est de même pour le jeune homme. Tous deux s’aiment même si Hortense lutte contre cet amour pour ne pas trahir sa maîtresse, souveraine assez ombrageuse dont elle a peur. Quant à Arlequin, valet de Lelio, il est acheté par un ministre de la princesse et prêt à trahir son maître.

Dans cette pièce, chacun porte un masque et n’est pas ce qu’il paraît être. Le prince de Léon a pour réplique le roi de Castille qui lui aussi a pris un déguisement pour observer la princesse dont il a demandé la main. Chacun avance masqué; chacun épie l’autre voire le trahit. 
Sur scène, des miroirs qui reflètent les personnages et les multiplient, témoignent de ces faux-semblants. Revêtus de somptueux costumes, les acteurs interprètent cette comédie des apparences.
Mais j’ai été déçue par la mise en scène de Daniel Mesguish que j’ai trouvée trop lourde : et d’abord  avec cet accompagnement musical qui ponctue les scènes comme des coups de tonnerre avec une insistance irritante comme si le spectateur n’était pas capable de comprendre l’importance de ce qui est dit ; ensuite, avec le jeu trop précieux, trop appuyé voire mélodramatique de certains acteurs comme celui de la suivante Hortense ou encore avec le comique franchement trop répétitif du domestique Arlequin qui ne cesse de s’aplatir sur la scène pour mieux nous faire comprendre sa servilité. Cela pourrait être un peu plus subtil. Je n’ai pas retrouvé la retenue, la nuance, la finesse (et la profondeur) de la langue et de l’analyse psychologique de Marivaux et j’ai préféré le jeu plus sobre de Lelio et de la princesse ( même si je n’ai pas compris le revirement de cette dernière présentée comme cruelle et redoutable et qui d’un seul coup fait preuve de clémence au dénouement..).
En un mot, le spectacle ne m'a pas convaincue.






C't'à ton tour, Laura Cadieux de Michel Tremblay

festival avignon 2015  théâtre des Corps Saints C't'à ton tour, Laura Cadieux de Michel Tremblay
C't'à ton tour, Laura Cadieux de Michel Tremblay

"Montréal. Laura Cadieux, mère de famille à la langue bien pendue, se rend chez son "génie-coloye" : elle suit depuis 10 ans un traitement pour maigrir, prétexte pour retrouver ses copines dans la salle d'attente. Tout y passe : le métro, les hommes, le clergé, l’obésité, le sexe, le corps... Laura Cadieux, aux rondeurs décomplexées, nous livre une incroyable galerie de personnages à la fois désopilants et touchants. Tiré d'un récit du dramaturge québécois à succès Michel Tremblay."

J’avais envie d’aller voir ce texte de Michel Tremblay parce que j’avais vu et aimé : A toi pour toujours ta Marie Lou en 2012, pièce qui revient cette année au collège de La Salle.
Dans C't'à ton tour, Laura Cadieux, Cécile Magnet est seule sur scène et interprète fort bien tous les personnages qui se trouvent dans la salle d’attente. Le livre a été écrit par l’écrivain dans les années 1970 au moment où la société québécoise se défaisait de la domination étouffante de l’église catholique d’où un fort sentiment anticlérical. Michel Tremblay lui-même issu d’un milieu populaire présente une galerie de portraits de femmes du peuple, truculentes et qui n’ont pas la langue dans la poche! On passe un bon moment. Cependant, je n’ai pas trouvé la pièce entièrement convaincante peut-être parce que ces personnages me paraissent anecdotiques et trop datés, peut-être aussi parce qu’il s’agit de l’adaptation d’un roman non d’une pièce écrite pour le théâtre? Je vous conseille donc si vous hésitez, d’aller plutôt voir A toi pour toujours ta Marie Lou. L’action se déroule à la même époque mais présente une critique sociale et un drame humain qui en font une pièce forte, servie pas de bons comédiens et où vous retrouverez d’ailleurs Cécile Magnet. Voir mon billet ICI

C't'à ton tour, Laura Cadieux
Michel Tremblay
 Théâtre des Corps Saints
du 4 au 26 juillet
18h15
durée : 1h15


Retour à Berratham : Angelin Preljocaj/ Laurent Mauvignier

Retour à Berratham : Angelin Preljocaj source  L'express

Au moment où je cherche à rassembler mes idées pour parler du beau ballet-théâtre Retour a Berratham d'Angelin  Prejlocaj dans la cour d’Honneur d’après le texte  de Laurent Mauvignier, je lis le titre d’un journal : Le fiasco du Retour à Berratham ... Certes, il y a eu des sifflets et des mécontents comme d’habitude mais les applaudissements et les bravos étaient bien assez suffisants pour dominer et saluer comme il se doit ce spectacle à la fois émouvant et d’une grande recherche esthétique.

J’ai  entendu aussi une spectatrice parler de la « banalité affligeante »  du texte et, certes, c’est banal la guerre! Banale cette histoire qui peut se passer n’importe où, à n’importe quelle époque y compris la nôtre (témoin les évènements de janvier), banal la haine des hommes, leur intolérance, les hécatombes, les femmes violées, assassinées, les maisons détruites, la faim, la violence, les amoureux séparés et d’une banalité affligeante - et en tout cas qui m’afflige-  car c’est un sentiment de tristesse qui domine à la fin du spectacle au-delà de la beauté de la danse et des corps des danseurs et des danseuses, de la beauté des voix des narrateurs.  Et ces voix nous content le retour à Berratham de cet homme, qui revient d’exil après une guerre qui a ravagé son pays, pour retrouver Katja, la jeune fille qu’il a aimée jadis.
Il est vrai que j’ai eu un peu de mal, au début, à entrer dans la pièce car la part laissée à la danse ne me paraissait pas suffisante - j’étais venue voir un ballet- mais peu à peu les mots m’ont prise et je me suis laissée emporter par ce récit et par cette danse d’une grande beauté et qui colle aux mots, à la musique. Il y a des moment sublimes dans la chorégraphie comme celui où les femmes tuées par les soldats dansent ensemble comme si elles ne formaient plus qu’un seul corps, celui où Katja morte assassinée et violée est sortie de l’épave de la voiture par son amoureux et ne semble évoluer que par la volonté de son partenaire… Et c’est là que la cour d’Honneur rend toute sa magie, avec cette ouverture sur le ciel nocturne et cette grande étoile illuminée sur le mur de fond du palais. Le décor, ces grandes structures d’acier qui témoignent de l’après-guerre et de la misère, peut à la fois figurer des cages où les danseurs sont de grands oiseaux retenus prisonniers et les escaliers des maisons à moitié détruites par les bombes. Elles délimitent aussi une sorte de terrain vague jonché de voitures abandonnées où se réunissent les laissés pour compte, les héritiers haineux de la guerre engendrés par la violence et la destruction.
La troupe de danseurs d'Angelin Preljocaj est excellente et la qualité de leur danse n’est égale qu’à celle des voix et des sentiments qu’ils expriment. Un très beau spectacle!

Un obus dans le coeur de Wajdi Mouawad/ Catherine Cohen




"Wahab est réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone lui apprenant que sa mère, malade d’un cancer, agonise. En s’acheminant vers l’hôpital, Wahab se prépare à dompter la mort, à nouveau, la dernière fois il avait 7 ans. Tout le mène à ce face à face avec la mort, avec sa peur d’enfant, qu’il doit terrasser pour enfin se libérer. Le chemin de Wahab est un chemin douloureux, où se côtoient l’innocence, la colère, l’incompréhension, la tendresse et aussi l’humour."

Wajdi Mouawad, dramaturge libano-canadien, est né au Liban qu’il a fui avec ses parents quand il était jeune pour trouver refuge au Québec. Dans cette pièce, Un obus dans le coeur, mise en scène par Catherine Cohen, son personnage, Wahab, porte en lui les peurs d’un enfant qui a connu la guerre, qui a vu des évènements si terribles qu’il n’a jamais pu les oublier. C’est à l’occasion d’un autre évènement, la mort annoncée de sa mère à l’hôpital que Wahab va se trouver face à face avec « cette femme aux bras de bois », personnification de la Mort, qu’il vu apparaître pour la premier fois lors d’un attentat au Liban et qu’il va affronter à nouveau au chevet de sa mère.
Wajdi Mouawad est un écrivain grandiose, qui possède un langage à la fois puissant, poétique, évocateur. Quand il décrit une horde de loups surgissant dans une salle d’hôpital, quand il montre un enfant mourant dans un bus incendié, vous le voyez! J’adore lire ses pièces mais c’est la première fois que j’en vois une sur scène bien qu’il soit venu dans le In il y a quelques années. 
Le comédien, Grégori Baquet, porte ce texte si beau et si douloureux avec intensité. Il a une force d’intériorisation remarquable. Il n’a pas besoin de grande démonstration pour nous communiquer les sentiments qu’il éprouve face à la mort de sa mère, aux débordements de sa famille, ses colères, ses frustrations, son chagrin et surtout la peur de l’enfance, celle qui ne peut être vaincue que par un autre peur d’enfance encore plus grande. La mise en scène et la scénographie jouent aussi sur la sobriété, un rideau de fond qui sert d’écran, des chaises soudées entre elles qui deviennent personnages.
Un théâtre où l’on se sent concerné, où l’on éprouve une grande émotion et d’où l’on sort le coeur serré. Un théâtre comme je l’aime.

MOLIÈRE 2014 – Révélation masculine Grégori Baquet

Un obus dans le coeur de Wajdi Mouawad
Mise en scène : Catherine Cohen
Interprète : Grégori Baquet
Théâtre Le Balcon 12H15
durée 1H10





dimanche 19 juillet 2015

Molière dans tous ses éclats et La Sorcière La Trouille au collège de la Salle


Molière dans tous ses éclats

Molière dans tous ses éclats est le Top 1 de Nini et de sa petite amie Jeannette, cinq ans toutes les deux! C’est le spectacle idéal pour les enfants mais aussi pour les adultes car il est vraiment réussi, intelligent, amusant et pour tous les âges et puis il donne envie de voir et revoir notre bon vieux Molière!
Deux personnages Miette et Ouane (Stéphanie Marino et Nicolas Devort ) assurent avec beaucoup de bonne humeur et une vivacité communicative, la liaison entre les trois scènes de Molière qu’ils ont choisies  : 
Le bourgeois gentilhomme , la leçon avec le philosophe (et je vous prie de croire qu’après cette scène, Nini et Jeannette se sont bien amusées à prononcer des O et des A retentissants et à faire la moue pour dire le U)
Le malade imaginaire : la scène du poumon, comique à souhait, que les comédiens tirent vers la farce, ce qui a ravi les deux petites spectatrices
et Les Fourberies de Scapin : la scène de la galère, très réussie aussi.

Les deux comédiens donnent en même temps une leçon de théâtre : à quelle époque Molière vivait-il? Pourquoi dit-on « merde » à un acteur avant la représentation? Qu’est-ce que les didascalies, le côté cour et le côté jardin? mais toujours sans pesanteur ou pédanterie, avec beaucoup d’humour et de nombreuses trouvailles de mises en scène.

Un spectacle à recommander à tous! TTT Télérama

Molière dans tous ses éclats
Collège de La Salle
du 4 au 26 juillet
15H45
durée 1H
à partir de 5 ans
Compagnie Qui Va Piano

 La sorcière La Trouille




La sorcière La Trouille, toujours au collège la Salle, est elle aussi bien placée dans le Top de nos deux jeunes spectatrices. Léonie a même vu la pièce deux fois.
Il s’agit d’une sorcière sympathique (et oui, cela existe), qui a peur de tout et que sa mère, odieuse, oblige à aller au bal pour montrer son savoir et sa méchanceté. Or la sorcière la Trouille ne sait rien faire et elle voudrait tant être gentille!
Alors il y a eu, là, de la part de Léonie, une identification complète avec le personnage : quelqu’un qui a peur de tout comme elle! Pas question de monter sur scène pour préparer la potion magique comme le font d’autres petits enfants courageux. Nini est terrifiée quand apparaît la mère-sorcière (une vidéo impressionnante à ses yeux!) et cela tombe bien car elle adore avoir peur… au théâtre! Jeanne, elle, voudrait bien monter sur scène mais elle n’a pas été choisie.
La jeune comédienne, Frédérique Bassez, mène cette histoire avec tendresse et beaucoup de grâce et, que les âmes sensibles se rassurent, la sorcière La Trouille va rencontrer l’amour en la personne de Toto la Frousse! Ouf!
…………………
Léonie et Jeanne ont rencontré la sorcière deux fois, une première fois en costume de scène et elle n’avait pas l’air rassuré, cette La Trouille, de se promener toute seule dans les rues d’Avignon! Une seconde fois, sans déguisement, et avec un jeune homme que les fillettes ont jugé être son amoureux : « C’est Toto La Frousse! Mais alors, il existe vraiment?! »

La sorcière La Trouille
Collège de La Salle
du 4 au 26 juillet
15H30
durée 55'
A partir de 4 ans
Compagnie apremon Musithéa

samedi 18 juillet 2015

Antoine et Cléopâtre de Tagio Rodrigues


Antonio et Cleopatra ; photo Christophe Raynaud de Lage source

Antonio et Cléopatra est un grand poème écrit par Tiago Rodrigues, auteur et metteur en scène portugais, d’après la pièce de Shakespeare et La vie des hommes célèbres de Plutarque.
En lisant l’interview de Tiago Rodrigues sur sa pièce, j’avoue que le discours philosophique du metteur en scène sur la dimension cosmogonique de sa création, sur son refus de jouer sur les grands sentiments… m’a fait peur! Peur, oui, de me retrouver  face à un spectacle où ne passerait aucune émotion et où la réflexion intellectuelle assècherait le ressenti. Disons le tout de suite, il n’en est rien!

Dans les première instants de la représentation, Antoine parle de Cléopâtre et Cléopâtre d’Antoine mais ils ne sont pas présents, pas ensemble! Côte à côte sur la scène, oui, mais non dans leur histoire. Ils existent pourtant grâce aux gestes des comédiens, Sofia Dias et Vitor Roriz, qui sont aussi des danseurs et dont les bras levés, les mains appuyées sur le vide, semblent dessiner les formes de l’autre. Séparés, ils racontent et les mots du poème, commencent : « Antoine respire, Cléopâtre respire. ». J’ai alors pensé que ces répétitions risquaient de devenir bien vite ennuyeuses mais les phrases se déroulent, incantatoires, et happent, et fascinent. On se sent emporté par cette litanie, peut-être d’autant plus forte qu’elle se déroule en portugais (le spectacle est surtitré) et que les sonorités étrangères résonnent, un peu ésotériques, une musique qui s’insinue en nous.
Et l’histoire d’Antoine et de Cléopâtre nous est racontée, une belle histoire d’amour entre deux êtres que leur grandeur et leur pouvoir vont séparer. Antoine représente Rome, il sera accusé de trahison, de lâcheté, il se pliera un instant au jeu politique en acceptant d’épouser Octavie, la soeur de César- Octave mais il reviendra vers Cléopâtre. La Reine d’Egypte défend son pays mais elle ne peut se défaire de son amour pour le général romain. Dès lors, ils se retrouvent face à face, ensemble sous le regard des autres, dans un espace qui se réduit jusqu’à ne plus pouvoir respirer, ils sont condamnés; d’où l’importance des mots : « Antoine respire, Cléopâtre respire. » jusqu’à l’agonie finale, difficile, longue, la mort qui est la seule issue, le moment suprême où la respiration cesse.
Beaucoup d’émotion passe dans ces jeux de scènes, dans ces mots qui reviennent et qui chantent et qui pleurent. Ce qui est étonnant, c’est cette manière subtile de nous faire sentir le sable du désert, l’eau tiède du Nil ; de nous faire voir la bataille navale, ces vaisseaux romains et égyptiens qui s’affrontent; de faire vivre des personnages qui n’apparaîtront jamais sur scène mais qui par l’intermédiaire des comédiens existent à nos yeux : Enobarbus, le fidèle d’Antoine et qui pourtant le trahira, l’eunuque de Cléopâtre fasciné par la beauté de sa maîtresse, le messager, personnage d’une force extraordinaire, qui vient annoncer le mariage d’Antoine et sait qu’il en mourra mais ne peut mentir à sa reine.
La scénographie sobre, aux lignes pures, contribue à la beauté du spectacle et donne un sens profond à cette tragédie individuelle :  une grande toile, le ciel, où se reflètent les lumières du lever de soleil, du jour et de la nuit, un mobile avec de grands disques colorés et changeants qui tournent dans l’espace représentant le mouvement des planètes, l’inexorable passage du temps, la petitesse de l’homme face à l’univers.
Un spectacle d’une grande beauté, un spectacle envoûtant!

PS
Et si je n’ai pas aimé la mise en scène du Roi Lear par Olivier Py, je peux dire que j’aime sa programmation en tant que directeur du festival d’Avignon.


Comment Va le Monde? SOL/ Michel Bruzat au théâtre des Carmes

Marie Thomas dans le rôle de Sol

Marc Favreau humoriste québécois est plus connu sous le nom de Sol, un personnage de clown clochard. Le metteur en scène Michel Bruzat (compagnie Le théâtre de la Passerelle) reprend certains textes de Sol dans Comment va le monde?, au théâtre des Carmes, et les confie à sa comédienne fétiche, Marie Thomas, que nous voyons depuis longtemps au festival d’Avignon. Je me souviens du très beau et très cruel Un riche trois pauvres de Calaferte. Et comme d’habitude c’est un feu d’artifice, une union entre le texte brillant, fou, délirant et la comédienne inspirée.
Ce spectacle, à la fois émouvant et comique, est un véritable hommage à la langue française, un jeu sur les mots incessant. Sol  a des difficultés avec le langage et c’est de cette façon qu’il devient d’une efficacité redoutable quand il fait le bilan de l’état de notre planète, de l’injustice sociale, du rejet de l’autre, de l’exclusion et quand il nous raconte son enfance de mal-aimé. Il déforme les mots, les tord, en forme des nouveaux, c’est d’une irrésistible drôlerie, c'est douloureux aussi. La comédienne joue sur cette ambiguïté avec brio. Une heure et plus à jongler avec les mots comme avec des balles, à les lancer à la tête du public pour mieux les rattraper, à les rendre redoutables, corrosifs. Un excellent travail de mise en scène et d’interprétation, un texte qui est à la fois celui d’un clown et d’un poète.

Sol Marc Favreau

Quelques extraits des textes de Sol glanés sur le Net. Ces livres sont épuisés.

Si tous les poètes voulaient se donner la main, ils toucheraient enfin des doigts d'auteur!

Je persifle et je singe.

 Les photographes font tout un plat de leurs lentilles, et ensuite ils courent travailler au noir. Ça n'impressionne personne! »


Être un patron ça me déplairait pas…
Il est bien le patron.
D’abord il n’a pas besoin d’aller à l’école
il a sa classe à lui tout seul
c’est la classe digérante…
Oui passque le patron il mange
il mange très énormément tous les jours
dans une grande assiette fiscale…


Quand j’étais petit mon perplexe me disait toujours :
« La santé ça passe avant tout! »
Et c’est vrai qu’elle passe la santé.
Même que des fois elle nous dépasse, et on court
on court pour la rattraper, et pluss on court,
pluss on est fatigué…
et moins on la rattrape…
et quand on l’a perdue de vue la santé,
quand on l’a perdue pour de bon…
quand on se retrouve dans un fauteuil croulant,
c’est là qu’on comprend que dans la vie
c’est la santé qu’a le pluss d’impotence…



Comment Va le monde?
SOL/Bruzat
Théâtre des Carmes à 13H30 
durée 1H10
relâche 23 Juillet.