Olivia Côte, dans Pédagogies de l'échec de Pierre Notte ( source) |
J'ai encore quelques pièces vues pendant ce festival à commenter ici mais je ne peux attendre pour vous parler d'un spectacle d'une grande qualité : Pédagogies de l’échec, pièce de Pierre Notte, mise en scène d’Alain Timar.
Comme nous l’annoncent les deux personnages, une femme, un homme, au début du spectacle : les immeubles de l’entreprise se sont effondrés, seuls subsistent au septième étage, au milieu du vide, les bureaux où ils travaillent… Une destruction totale? Une fin du Monde? Un tremblement de terre? un cataclysme mondial? Une guerre? Peu importe! Dans une pièce suspendue, cernée par le vide, deux survivants, cadre et employé, tentent de survivre en maintenant les apparences du travail et de la hiérarchie!
Ce texte brillant de Pierre Notte fait un petit tour du côté de Ionesco, un théâtre de l’absurde mais qui a à voir avec notre société actuelle. Les rapports de hiérarchie à l’intérieur d’une entreprise y sont épinglés, ainsi que les humiliations subies au quotidien par les subalternes, la pression qui s’exerce sur les cadres, les potins de couloir, les petites cruautés, les vengeances mesquines. L’attitude de ces personnages qui s’efforcent, au milieu du néant, de perpétuer les codes d’un monde détruit, souligne le conformisme, la vacuité de ces existences dévouées au paraître et où l’humain a tendance à disparaître.
La férocité du ton n’a d’égale que le rire provoquée par cette situation! Car l’on s’amuse beaucoup pendant cette représentation. Et le rire doit beaucoup au metteur en scène Alain Timar et aux excellents comédiens, Olivia Côte et Salim Kechiouche, qui servent le texte avec humour et dérision.
Sur un dispositif scénique qui ressemble beaucoup à un ring, du moins au début, les personnages s’affrontent et comptent les points. Peu à peu la scène se dresse comme un mur, obligeant les comédiens à jouer suspendus à ces planches qui en s’inclinant rendent leur position de plus en plus précaire et périlleuse. Cette paroi où il faut se retenir pour demeurer au plus haut symbolise la hiérarchie et la lutte féroce qui existent au sein de l’entreprise; c’est aussi la planche-savonnette de la vie, le combat contre la déchéance et la mort. On peut résister, on finira toujours par tomber.
Cette scénographie oblige les acteurs accrochés à la scène à jouer avec leur corps dans une tension exacerbée et dans des positions cocasses qui, tout à la fois, provoquent l’amusement du public et montrent le manque et la perte de sens. La mise en scène réglée comme une participation musicale utilise les contraintes physiques du jeu pour exprimer l’absurdité d’une société qui érige le travail et la productivité comme seules valeurs et où cadres et employés finissent par être tous les victimes de cette déshumanisation. Un excellent spectacle qui fait partie de mes coups de coeur!
Après avoir vu cette pièce, j'ai envie de découvrir l'oeuvre de Pierre Notte, né à Amiens en 1969, auteur de pièces de théâtre, de romans, de poésies, de chansons; il est aussi metteur en scène, acteur et chanteur, journaliste pour le théâtre. Il a été nommé à trois reprises aux Molières dans la catégorie auteur. Il est lauréat du prix Émile Augier décerné par l’Académie Française,
du prix « Nouveau Talent Théâtre SACD 2006 » et du Publikumspreis 2009
du Blickwechsel, regards croisés de Karlsruhe, Allemagne. Un brillant palmarès, non?
Il a signé récemment Pédagogies de l’échec (festival Nava, Limoux, été 2014, avec Catherine Hiegel et Brice Hillairet) ; Perdues dans Stockholm (Théâtre du Rond-Point, 2014) ; Sortir de sa mère et La Chair des tristes culs (Théâtre du Rond-Point, janvier 2013) ; Et l’enfant sur le loup se précipite ; Pour l’amour de Gérard Philipe ; Bidules trucs ; Deux petites dames vers le Nord ; Les Couteaux dans le dos ; J’existe (foutez-moi la paix) ; Journalistes – petits barbares mondains ; Moi aussi je suis Catherine Deneuve ; Clémence à mon bras. (source théâtre du Rond Point)
il m'aurait fallu rester une journée de plus pour le voir!
RépondreSupprimerOui, c'est ce que l'on se dit toujours! J'ai raté parce qu'il n'y avait plus de place ( il y avait une liste d'attente) "Fabrice Luchini et Moi" qui a été coup de coeur du OFF cette année!
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé cette pièce également. J'avais joué "Moi aussi je suis Catherine Deneuve", brillant et féroce.
RépondreSupprimerJ'aimerais bien en voir d'autres; C'est un auteur que je vais guetter!
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