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| Frederick Douglass |
Frederick Douglass, né Frederick Augustus Washington Bailey en 1817 ou 1818, et mort le 20 février 1895 à Washington, est un orateur, abolitionniste, écrivain et éditeur américain. Esclave depuis sa naissance, il réussit à s'instruire et s'enfuit dans le Nord à l'âge de 20 ans. Là, les abolitionnistes le prennent sous leur protection. Il refuse de porter le nom de son maître et prend un nom tiré de La Dame du lac de Walter Scott. Quand son livre est sur le point d’être publié en 1845, on l’envoie en Angleterre car sa liberté n’est pas acquise et il court le risque d’être repris et ramené en esclavage. Il y est reçu avec beaucoup d’égards et peut faire, grâce à ses prises de paroles, progresser la cause abolitionniste. Il reste deux ans là-bas; ses amis anglais le rachètent à son maître et lorsqu’il repart aux Etats-Unis, c’est en homme libre.
Sa naissance
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| L'esclavage noir |
Frederick Douglass est né dans le comté de Talbot dans le Maryland. Sa mère, Henriette Bailey, était esclave et son père blanc, vraisemblablement son propriétaire. Ce qui était assez courant, les maîtres, écrit Douglass, satisfaisant ainsi "leurs désirs immoraux" et y trouvant "à la fois un profit et un plaisir" en augmentant ainsi le nombre de leurs esclaves.
Frederick a été séparé de sa mère dès la naissance et ne l’a rencontrée que peu de fois, la nuit, quand elle pouvait s’échapper de la plantation voisine pour venir endormir son enfant mais elle devait repartir pour prendre son travail au champ au lever du soleil sous peine d’être fouettée. Frederik n’a pu aller la voir quand elle était malade ni assister à son enterrement.
« Il était fort commun dans la partie du Maryland d’où je me suis échappé d’enlever les enfants à leur mère à un âge très tendre. »
C’était une politique menée par les esclavagistes pour éviter que des liens trop forts puissent se tisser dans les familles noires. Il ne connaît pas sa date de naissance et pense qu’en 1835 il avait à peu près dix-sept ans.
"La grande majorité des esclaves connaissaient aussi peu leur âge que les chevaux» « Mon ignorance sur ce point fut pour moi un sujet de chagrin dès ma plus tendre enfance. Les petits blancs savaient leur âge. Je ne pouvais imaginer pourquoi je devais être privé d’un pareil privilège."
La maltraitance, la cruauté de l’esclavage
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| Cette photo a dénoncé la cruauté de l'esclavage, interdite par Trump |
Au cours de sa vie d’esclave Fredrick Douglass change de maîtres plusieurs fois. A la mort du capitaine Antoine, ses biens sont partagés entre sa fille Lucrèce et son fils André. Douglass est cédé à Lucrèce comme l’un des « objets de succession », une humiliation difficile à supporter pour le jeune homme. Douglass décrit avec horreur ces scènes où les esclaves sont séparés de leur famille, les mères de leurs enfants :
« Un seul mot prononcé par un blanc suffisait pour séparer à jamais, contrairement à tous nos désirs, à nos prières, à nos supplications, les amis les plus tendres, les parents les plus chers, pour briser les liens les plus forts… »
Au cours de ce partage, les esclaves sont traités comme du bétail, « mélangés pêle-mêle avec les chevaux, les brebis, les cochons, comme si tous eussent occupé le même rang sur l’échelle des êtres », examinés de manière dégradante, sans respect pour la pudeur et l’intimité des femmes et des jeunes filles. Ces humiliations sont le quotidien des esclaves qui doivent comprendre qu’il ne faut jamais dire la vérité aux maîtres et se plaindre, jamais essayé de se justifier même si l’on est innocent, jamais regarder le maître ou une femme blanche dans les yeux.
A ces souffrances morales s’ajoutent les sévices physiques, le fouet, le viol, le manque de nourriture. Tant que les enfants ne sont pas en âge de travailler, ils sont nus hiver comme été, les adultes ont deux tenues par an quelle que soit l’usure du vêtement. Ils dorment par terre, souffrent du froid. Certains blancs manifestent un sadisme évident, éprouvant du plaisir à fouetter un esclave, à le blesser, l’estropier ou le tuer. Il ne sera jamais poursuivi. Par exemple, chez son maître le capitaine Antoine, le surveillant Mr Plummer « était toujours armé d’un fouet fait de peau de vache et d’un gros et lourd bâton. Je l’ai vu couper et balafrer si horriblement le visage des femmes que mon maître même se mettait en colère à cause de sa cruauté. ». Pourtant, ajoute Douglass, son maître n’était pas « un propriétaire humain » et il semblait prendre lui aussi un réel plaisir à fouetter ses esclaves. L’enfant assiste, dès son plus jeune âge, au martyre de sa tante Esther accrochée par les mains à un crochet planté dans une solive, le dos ruisselant de sang, un spectacle qu’il ne pourra jamais oublier. Le maître reproche à la jeune fille d’avoir rejoint un jeune noir qui lui faisait la cour. On comprend que c’est parce qu’il convoite la jeune femme pour lui.
"Plus elle criait haut, plus il fouettait fort, et c’était à l’endroit où le sang coulait le plus abondamment qu’il fouettait le plus longtemps ».« S’il avait été de bonnes moeurs, on l’aurait cru intéresser à protéger l’innocence de ma tante, mais ceux qui le connaissaient ne le soupçonneront pas de posséder une pareille vertu."
Dans le domaine de la cruauté ceux qui, comme le révérend Daniel Weeden et le révérend Mr Hopkins qui étalent leur foi et leurs principes moraux et religieux, sont les pires.
De Mr Hopkins, il affirme : « Le trait principal qui caractérisait son gouvernement était de fouetter les esclaves avant qu’ils le méritassent. »
« Un regard, un mot, une mouvement, une méprise, un accident, un manque de force physique, toutes ces choses là peuvent en tout temps servir de prétexte pour infliger un châtiment. »
Douglass va très loin dans l’accusation puisqu’il affirme que « la religion du sud ne sert qu’à cacher les crimes les plus horribles, qu’à justifier les atrocités les plus affreuses, qu’à sanctifier les fraudes les plus détestables. ».
A la fin de son livre, il se sentira d’ailleurs obligé d’ajouter qu’il ne vise pas la vraie religion et les chrétiens sincères qui suivent la doctrine du Christ, mais l’hypocrisie religieuse de ceux qui se servent de la religion pour dominer, contraindre et justifier l'esclavage.
La lecture comme moyen d’émancipation
Quand Frederick est transféré à Baltimore, il a la chance d’avoir pour maître Mr Auld chez qui il est bien traité et bien nourri, et surtout sa femme, Mme Auld qui considère les esclaves comme des êtres humains. Elle apprend l’alphabet au petit garçon qui commence à épeler mais son mari lui explique qu’il est interdit et dangereux d’apprendre à lire aux esclaves :
« Plus on donne à un esclave, dit-il, plus il veut avoir.
Un nègre ne doit rien savoir, si ce n’est obéir à son maître, et faire ce qu’on lui commande.
Or si vous enseignez à lire à ce nègre (ajouta-t-il en parlant de moi) il n’y aurait plus moyen de le maîtriser. Il ne serait plus propre à être esclave. »
Dès lors l’enfant prend conscience de l’importance de l’instruction et puisque Sophia Auld refuse de continuer ses leçons, il se lie d’amitié avec des petits blancs pauvres qui lui apprennent à lire en échange de nourriture. Douglass comprend alors le mot abolition et décide qu’il ne veut pas rester esclave toute sa vie. En attendant, il acquiert de bonnes compétences au niveau de la lecture et apprend aussi à écrire. Il lit The Columbian Orator, un ouvrage anti-esclavagiste, et commence à comprendre que l’esclave doit jouer un rôle important dans la lutte pour la liberté. Douglass est marqué par un dialogue entre un esclave et son maître. Dans ce passage, le maître présente à l'esclave des justifications de l'esclavage, que ce dernier réfute, jusqu'à ce que le maître soit
convaincu du caractère immoral de cette servitude. Le dialogue
s'achève par la victoire de l'esclave et, et par
l'obtention de sa liberté. Douglass doit certainement ses talents d'orateur à ce livre.
« Plus je lisais, plus je ne sentais porté à haïr ceux qui me retenaient dans les fers. Je ne pouvais les regarder que comme une troupe de voleurs favorisés par la fortune, qui avaient quitté leur patrie pour aller en Afrique, nous avaient volés de force, entraînés loin des lieux de notre naissance et réduits en esclavage sur une terre étrangère. »
L’instruction agit pour lui comme une révélation, une fulgurance qui, malgré des moments de découragement où il cède au désespoir, ne le quittera pas. Il décide de s'enfuir vers le Nord dès qu’il le pourra.
« Je reconnus que pour rendre un esclave content, il faut l’empêcher de penser, obscurcir ses facultés morales et intellectuelles, et autant que possible anéantir en lui le pouvoir de raisonner.
Il faut l’amener à croire que l’esclavage est une chose juste; et on ne peut le réduire à cet état de dégradation que lorsqu’il a cessé d’être un homme. »
Douglass souligne aussi que si l’esclavage est nocif pour l’esclave et sape ses qualités morales, il ne l’est pas moins pour le maître. Ainsi Sophia Auld, pleine de bonté et de gaîté, sous l’influence de l’esclavage perd ses qualités humaines : « Hélas! Ce bon coeur ne devait pas rester longtemps ce qu’il était »
Après une tentative ratée d’évasion, Frederick Douglass va s’enfuir mais il ne racontera pas comment il a pu réussir car le récit, à l'époque, aurait pu nuire à ceux qui l’avaient aidé et compromettre les chances d’autres fugitifs.
Le récit de la vie de Frederick Douglass, un esclave américain, écrit par lui-même a
été publié le 1er mai 1845 et, dans les quatre mois suivant cette
publication, cinq mille exemplaires ont été vendus. En 1860, près de
30.000 exemplaires ont suivi. Il a été lu par Harriet Beecher-Stowe, abolitionniste qui écrit La Case de l'oncle Tom en 1852, roman qui a bien contribué à servir la cause antiesclavagiste même si, de nos jours, on lui reproche son paternalisme.



