Dans Le manteau de Proust, Lorenza Foschini, journaliste italienne, raconte qu'à l'occasion d'une enquête effectuée pour Luchino Visconti sur La Recherche du temps perdu, elle découvre l'existence du vieux manteau de l'écrivain archivé dans une caisse du musée Carnavalet. C'est une vieille pelisse noire, usagée, dans lequel on voit Marcel Proust enveloppé sur une photographie de 1905, à Evian, un manteau qui lui sert de couverture quand il écrit son oeuvre, au fond de son lit, luttant contre la maladie et la mort. Elle s'intéresse alors à celui qui en a fait don au musée, Jacques Guérin, un grand parfumeur parisien, collectionneur fortuné, bibliophile et amoureux de l'oeuvre de Proust.
L'enquête menée par Lorenza Foschini sur ce personnage lui permet, bien évidemment, d'entrer dans le monde de Proust et de sa famille. Car Jacques Guérin, en effet, rencontre le "petit frère" de Marcel, Robert, qui lui montre les manuscrits de l'écrivain et les meubles de celui-ci. A la mort de Robert, le collectionneur n'aura de cesse d'acquérir toutes ces reliques. Il y parviendra, mais seulement en partie, car l'épouse de Robert, Marthe, jette au feu tout ce qui lui paraît compromettant sur son beau-frère (dédicaces, lettres, manuscrits..). Nous découvrons peu à peu les secrets de famille, les non-dits qui pèsent et font plus de mal que ce qui est exprimé clairement, notamment en ce qui concerne l'homosexualité de Proust dont sa famille homophobe avait honte. Jacques Guérin, investi dès lors d'une mission de "sauveur", parvient à réunir le manteau mais aussi le lit, le bureau, des lettres et des objets de l'écrivain.
Jean Genet qualifiait le collectionneur-bibliophile de "fétichiste". Je le suis un peu quand il s'agit d'un écrivain et la découverte d'un lieu où il a vécu, d'un objet lui ayant appartenu, parle toujours à mon imagination. C'est pourquoi je me suis emparée de ce petit livre avec impatience. Aucune émotion! Le style est journaliste, il s'agit d'une enquête bien menée, efficace. Les objets y sont décrits comme dans un rapport administratif avec méthode et rigueur et accompagnés de photographies qui font un peu redondance :
C'est un manteau croisé, fermé par une double rangée de trois boutons. Quelqu'un de plus maigre a déplacé le boutonnage pour le resserrer, et les traces des précédentes attaches, des noeuds de fil noir et épais, subsistent à l'endroit de la couture. Un trou signale l'absence d'un bouton qui devait fermer le col, une étiquette blanche au bout d'un fil rouge pend du revers de la fourrure noire.
Lorenza Foschini fait allusion à des passages de l'oeuvre, elle cite des fragments de lettres, elle parle de la maladie de Proust, de ses rapports complexes avec son frère Robert malgré l'affection qui les lie, elle analyse des photographies qui les rassemblent. Le tout n'est pas inintéressant mais m'a laissée sur ma faim. Il faut dire que j'avais un à priori à propos de ce livre. Je pensais y rencontrer l'auteur de "Du côté de chez Swann", c'est Jacques Guérin qui en est le personnage principal!
Merci à la librairie Dialogues