Voilà une LC avec Maggie sur le roman de Balzac : Le curé de Tours pour le 22 Mars. C'est pourquoi je présente à la fois mon billet sur le livre et la citation de Balzac sur ... les vieilles filles !
Le curé de Tours de Balzac est François Birotteau, frère de César, personnage récurrent de la comédie humaine. Il apparaît dans ce court roman comme un personnage malheureux conduit par ses ennemis à la dernière extrémité. Quoi de plus cruel que la tragédie vécue par ce pauvre homme, par ailleurs bon et naïf mais aussi peu intelligent et balourd ? Certes, le complot qui le terrasse n'est pas lié à quelque grande cause mais à des problèmes prosaïques qui peuvent sembler dérisoires à d’autres yeux que ceux de l’intéressé! Et pourtant quand la méchanceté humaine alimentée par la haine et le dépit s’exerce sur la victime, celle-ci peut-être touchée autant que s’il s’agissait d’un combat glorieux. Surtout quand on est un pauvre curé de campagne, dont la seule joie, faute de passion amoureuse ou intellectuelle, réside dans un fauteuil confortable au coin du feu, de bons petits plats mitonnés avec amour et des pantoufles à portée de main.
« Etre le pensionnaire de mademoiselle Gamard, et devenir chanoine, furent les deux grandes affaires de sa vie; et peut-être résument-elles exactement l’ambition d’un prêtre, qui, se considérant comme en voyage vers l’éternité, ne peut souhaiter en ce monde qu’un bon gîte, une bonne table, des vêtements propres, des souliers à agrafe d’argent, choses suffisantes pour les besoins de la bête, et un canonicat pour satisfaire l’amour propre…. »
Pauvre Birotteau, il ne savait pas qu’en offensant sa logeuse, Mademoiselle Gamard, une vieille fille aigrie, et en occupant le confortable logement loué par son ami, le chanoine Chapeloup, - qui lui a légué ses meubles en mourant - , il allait déchaîner contre lui non seulement l’ire de la vieille bigote mais aussi la haine de L’abbé Troubert. Ce dernier, jaloux de Chapeloup, voulait cet appartement pour lui. Birotteau sera donc dépouillé de tout ce à quoi il tenait et même abandonné par ses amis.
Le Curé de Tours, récit inséré dans Les scènes de la vie de province, a pour sous-titre : Les célibataires. Balzac, moraliste, y excelle à peindre les mesquineries, les ridicules, la méchanceté et l’égoïsme des provinciaux, sans épargner personne : nobles, bourgeois ou religieux. Nul échappe à son oeil acéré et son croc vindicatif ! Ici, comme le sous-titre l’indique, ce sont les célibataires qui sont visés.
Les célibataires
MIchel Bouquet : le perfide abbé Troubert |
Les célibataires sont les religieux, Chapeloup, Birotteau et Troubert et l’on ne peut dire qu’ils sortent grandis par la satire. Manquant de spiritualité et d’élévation, ils possèdent, « l’égoïsme naturel à toutes les créatures humaines, renforcé par l’égoïsme particulier du prêtre… », préoccupés surtout par les satisfactions de leurs appétits et de leurs ambitions, ils sont prêts à tout sacrifier pour parvenir à leur fin. Chapeloup y parvient par l’intelligence, une fine connaissance des autres; Birotteau, dans son égoïsme gentil et imbécile, est trop sot pour s’en sortir, et Troubert, le plus redoutable utilise les coups bas, l’intrigue, n’hésitant pas à spolier son voisin. A travers ce personnage, Balzac décrit la toute puissance des congrégations capables de faire et défaire les fortunes y compris celles des nobles.
Mais la pire des célibataires, croyez-le, c’est la femme, bien sûr ! dont l’exemple est ici l’antipathique Mademoiselle Gamard.
Mais la pire des célibataires, croyez-le, c’est la femme, bien sûr ! dont l’exemple est ici l’antipathique Mademoiselle Gamard.
Une vieille fille !
Suzanne Flon : mademoiselle Gamard |
"Les vieilles filles n’ayant pas fait plier leur caractère et leur vie à une autre vie ni d’autres caractères, comme l’exige la destinée de la femme, ont pour la plupart la manie de vouloir tout faire plier autour d’elle."
Et là vous pouvez compter sur Balzac le réactionnaire, le rétrograde, pour en rajouter !
Et là vous pouvez compter sur Balzac le réactionnaire, le rétrograde, pour en rajouter !
" Si
tout dans la société comme dans le monde, doit avoir une fin, il y a
certes ici bas quelques existences dont le but et l’inutilité sont
inexplicables. La morale et l’économie politique repoussent également
l’individu qui consomme sans produire (..) Il est rare que les vieilles
filles ne se rangent pas d’elles-mêmes dans la classe de ces êtres
improductifs"
Ne pensez pas, en effet, que Balzac critique cette manière de considérer "la vieille fille", au contraire , et, là, je m’énerve mais c’est aussi cela la littérature ! Vivre et réagir ! Et même si je m’efforce toujours de me replacer dans le siècle d’un écrivain pour pouvoir le juger, de ne jamais faire d’anachronisme dans ma façon d’aborder la littérature, je ne peux supporter les idées étroites de Balzac, méprisant les femmes, du moins celles qui n’entrent pas dans un moule, il a le don de me faire sortir de mes gonds ! Même à son époque, il y avait des hommes plus ouverts !
Mademoiselle Gamard détient donc la palme non du martyre mais du mépris, de l’exécration ! Pourquoi est-elle devenue aigrie et méchante ? parce qu’en restant célibataire, elle est un poids inutile dans la société
"En restant fille, une créature du sexe féminin n’est plus qu’un non-sens : égoïste et froide, elle fait horreur. Cet arrêt implacable est malheureusement trop juste pour que les vieilles filles en ignorent les motifs."
"Ces êtres ne pardonnent pas à la société leur position fausse, parce qu’ils ne se la pardonnent pas à eux-mêmes."
"Puis
elles deviennent âpres et chagrines, parce qu’un être qui a manqué à sa
vocation est malheureux ; il souffre , et la souffrance engendre la
méchanceté."
Bon, voilà, j’ai maintenant terminé ma petite colère littéraire et féministe, donc j’en reviens à l’ouvrage lui-même. Comme d’habitude Balzac exerce son talent à cette peinture acerbe de la société provinciale et il y réussit. Le personnage de César Birotteau me rappelle le colonel Chabert, non pour la similitude des personnages, bien au contraire, mais parce que tous deux sont victimes de la société qui les spolie et les rejette. On éprouve pour lui de la compassion et l’on referme le livre en se disant que l’on a assisté à une petite scène désolante de la cruauté habituelle à la comédie humaine.
Bon, voilà, j’ai maintenant terminé ma petite colère littéraire et féministe, donc j’en reviens à l’ouvrage lui-même. Comme d’habitude Balzac exerce son talent à cette peinture acerbe de la société provinciale et il y réussit. Le personnage de César Birotteau me rappelle le colonel Chabert, non pour la similitude des personnages, bien au contraire, mais parce que tous deux sont victimes de la société qui les spolie et les rejette. On éprouve pour lui de la compassion et l’on referme le livre en se disant que l’on a assisté à une petite scène désolante de la cruauté habituelle à la comédie humaine.
Lecture commune avec Maggie : Voir le Curé de Tours ici