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mardi 21 août 2012

La Tempête au festival d'Avignon et une BD de Edouard Leskon


Caliban


J'aime de plus en plus La tempête de Shakespeare! La première lecture m'a surprise et décontenancée. Mais plus je lis la pièce, plus je suis sensible à la poésie, au charme de la langue (traduite, hélas, mais belle tout de même) et à la multiplicité des sens!

 Au festival d'Avignon, cette année, il y avait trois représentations de la pièce. j'ai choisi celle du Footsbarn Theater : La Tempête indienne, c'est le titre, car le texte de Shakespeare est transposé(?) en Inde. *

L'idée m'a plu. Je me suis demandée avant d'aller voir le spectacle, ce que ce déplacement dans un pays comme l'Inde apporterait à la pièce. Caliban méprisé par Prospéro, considéré comme inférieur par des hommes qui prennent le pouvoir dans son île et le réduisent en esclavage n'est-il pas une allégorie des peuples colonisés, asservis, comme l'a été l'Inde par les anglo-saxons et les peuples  du Nouveau Monde à l'époque de Shakespeare?
D'autre part, la troupe est composé d'acteurs de nationalités différentes et chacun parle sa propre langue. Le principe était séduisant pour montrer l'universalité du dramaturge.
Mais j'ai été déçue dans l'ensemble et je n'ai pas vu de lecture particulière par rapport à l'Inde si ce n'est que quelques acteurs sont indiens et Miranda porte un sari pour ses fiançailles. La pièce est traitée en farce et les personnages comiques sont assez lourds et ne font pas rire. Miranda est une jeune princesse capricieuse et puérile mais il n'y a pas d'évolution du personnage, d'émotion entre Ferdinand et elle quand ils découvrent la magie de l'amour. Ni Ariel, ni Caliban ne rendent  la poésie de la pièce, quant à la réflexion sur le pouvoir, le Bien et le Mal, la nature et la civilisation, elle m'a paru occultée car l'utilisation de plusieurs langues rend la pièce obscure (incompréhensible pour ceux qui ne la connaissent pas!)
Finalement ce qui m'a le plus plu dans ce spectacle, ce sont les êtres bizarres, mi-objet, mi-humain, mi-animal qui s'animent devant nous,  les décors de voile transparent derrière lequel le bateau glisse amenant les personnages au milieu de la Tempête et les remportant une fois la paix revenue et aussi…  la musique.


*J'ai déjà présenté La Tempête, l'intrigue et les thèmes ICI  

Une BD pour la Tempête

Une île pleine de bruits ou l'invention du territoire d'un magicien


Edouard Leskon 


J'ai découvert  ICI un article d'Edouard Leskon qui explique la naissance d'une adaptation de La Tempête en BD. Les dessins et l'imagination de l'auteur me paraissent au niveau du grand Shakespeare dont il rend la poésie et le mystère.

Caliban

Caliban dessiné par Edouard leskon

 Caliban, fils d'une sorcière, est un des personnages qui m'intriguent le plus. Il est présenté comme une sorte de monstre qui a cherché à abuser de Miranda, qui n'a jamais répondu à "la bonté" de Prospéro  et de sa fille. Pourtant quand on voit l'attitude de Prospéro envers lui, Caliban apparaît plutôt comme une victime :

** Miranda
Je n'aime pas regarder ce misérable

Prospéro
Mais tel qu'il est comment ferions-nous sans lui?
Il allume notre feu, rentre notre bois
Et vaque à d'utiles besonges. Caliban!
 Hola, esclave! Et bien, répondras-tu limon?
 (...)

Caliban
De par ma mère Sycorax, elle est à moi
Cette île que tu m’as prise. Pour commencer,
Quand tu es arrivé ici, tu me flattais
Et tu faisais grand cas de moi ; tu me donnais
De l’eau avec des baies dedans ; tu m’apprenais
 À nommer la grande lumière et la petite
Qui brûlent le jour et la nuit ; moi, je t’aimais
 Alors je te montrais les ressources de l’île,
Eaux douces, puits salés, lieux ingrats, lieux fertiles.
Maudit sois-je pour l’avoir fait ! Que tous les charmes
De Sycorax, chauve-souris, crapauds, cafards,
Pleuvent sur vous !
Je suis votre unique sujet, Moi qui étais mon propre roi (Acte I,  scène 2)


Un monstre, Caliban? De Prospéro qui utilise la force et la violence pour soumettre ceux qui lui résiste et de lui, quel est le plus monstrueux? De plus, cet être qui est mi humain, mi animal a été capable d'apprendre le langage, de s'en servir pour l'injure et la révolte face à ces maîtres mais aussi pour la poésie. Il y a en Caliban un être sensible à la nature et à la beauté et qui sait exprimer ses sentiments d'une manière délicate.

Laisse-moi te conduire aux pommiers sauvages,
Te déterrer des truffes grâce à mes longs ongles,
Te faire voir un nid de geai, te montrer comme
On le piège le vif marmouset, te mener là
Où l'aveline pend en grappe, et dans le creux
Du roc te dénicher de petites mouettes.
Viendras-tu avec moi? Acte II scène 2


Sois sans crainte ! L’île est pleine de bruits,
De sons et d’airs mélodieux, qui enchantent
Et qui ne font pas mal. C’est quelquefois
Comme mille instruments qui retentissent
Ou simplement bourdonnent à mes oreilles,
Et d’autres fois ce sont des voix qui, fussé-je alors
À m’éveiller après un long sommeil,
M’endorment à nouveau ; – et dans mon rêve
Je crois que le ciel s’ouvre ; que ses richesses
Vont se répandre sur moi… À mon réveil,
J’ai bien souvent pleuré, voulant rêver encore »
(Acte III, scène 2)

** Traduction de Pierre Leyris:

D'autres représentations de Caliban


Caliban par Odilon Redon


Caliban par Charles A. Buchel


Caliban par William Hoggarth


Caliban John Mortimer




Challenge de Maggie et Claudialucia