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dimanche 10 mars 2024

Ragnar Johnasson : A qui la faute ; Robert Galbraith : Blanc mortel; Lisa Gardner Le saut de l'ange, Juste derrière moi, n'avoue jamais et Retrouve-moi


 

Avec ma plongée dans la littérature latino américaine, j’avais envie de lectures plus faciles et j’ai avalé quelques polars. Certes, l’univers des polars n’est jamais très réjouissant mais il reste du domaine du « pas vrai», du style « je peux trembler de peur bien en sécurité sous mon plaid ». Ce n’est pas le même ressenti que lorsque l’on se projette en Argentine, au Chili, bref ! en Amérique latine… par temps de dictature. Des lectures qui secouent de tout autre manière !

Je parle, bien sûr, des polars distraction, aventure, et non de ceux qui nous donnent une vision approfondie, critique,  lucide et souvent noire de la société.

Ragnar Johnasson, écrivain islandais :  j’avais bien aimé avec Snjor  aussi c’est avec plaisir que je suis entrée dans ce livre A qui la faute.

Quatre amis d’enfance, Daniel, Helena, Armann, Gunnelaugur se donnent rendez-vous pour une excursion sur les hauts plateaux de l’Est de l’Islande. Mais une drôle d’ambiance s’installe entre eux et la partie de chasse tourne mal. Pris dans la tempête, ils se perdent et cherchent à se réfugier dans une cabane ou une vision effrayante (vraiment ?) les attend. 

Bien sûr, le huis clos dans la neige n’est pas forcément original mais l’on sait bien que tout dépend de la manière dont il est traité.  Et là,  je dois dire que j’ai été assez déçue.

La forme y est pour beaucoup. L’auteur a choisi de faire parler ces personnages les uns après les autres. C’est un procédé courant qui permet de faire des allers-retours du présent au passé. Mais ici ce n’est pas très réussi. Les passages de chacun d’entre eux sont parfois si rapides qu’il en résulte une impression de décousu. De plus, la  vision macabre annoncé paraît plus bizarre que macabre. D’autre part, pour ménager la surprise de la fin, l’écrivain ne peut nous expliquer certaines situations qui paraissent alors peu crédibles. Par exemple, on ne comprend pas, avant le dénouement, pourquoi Daniel et Helena repartent dans la nuit et la tempête après avoir trouvé enfin un refuge. Rien ne les y obligeait même pas ce qu’ils avaient découvert dans la cabane. 

Enfin tous les personnages sont antipathiques, donc, on ne parvient pas vraiment à s’attacher à l’un d’entre eux, d'autant plus qu'ils sont trop rapidement esquissés. Pour toutes ces raisons je n'ai pas vraiment accroché ! A qui la faute va certainement être porté à l'écran. Je pense que le suspense marchera mieux si l'adaptation est bien faite. Par l'image on peut traduire cette impression de malaise qui pèse sur le groupe sans avoir à l'expliquer.



Avec Blanc mortel, j’ai découvert cet écrivain Robert Galbraith, qui n’est autre, cachée sous un pseudonyme, que JK Rowling. Et oui, cette dernière n’est pas seulement l’auteur de Harry Potter mais aussi d’une série de polars qui mettent en scène un détective privé Cormoran Strike dont on sait qu’il a perdu une jambe dans un combat en Afghanistan. Il est accompagné dans ses enquêtes par une jeune femme Robin Ellacott, avisée et passionnée, mais qui, au début de ce roman, se marie avec Matthew, bellâtre qui voit d’un mauvais oeil le travail de son épouse.

Le roman se déroule pendant les jeux olympiques de Londres en 2012, ce qui nous permet de connaître (et l'écrivain le fait non sans humour !) les angoisses des Britanniques quant à la réussite des jeux qui ne sont pas sans rappeler les nôtres en 2024 !  On ne s’étonnera pas d’apprendre que les méchants de l’affaire (entre autres) sont les syndicalistes, les anarchistes, tous des fêtards ou des drogués, mais finalement pas des méchants très sérieux, ( JK Rowling enfile les lieux communs de bonne conservatrice sur ces milieux populaires), eux qui remettent en cause les jeux olympiques pour des raisons financières, les restrictions du budget de la santé qui en ont découlé, et soulèvent les problèmes écologiques. Mais les hauts milieux politiques aussi sont dans le collimateur.

Enfin Blanc Mortel est la quatrième volume des aventures de Cormoran Strike et de Robin et on sent qu’ils ont beaucoup vécu avant nous ! Mais cela n’empêche pas de comprendre l’action même si l'on ne commence pas par le premier.

Pendant près de 700 pages, on est tourneboulé par les aventures plus ou moins rocambolesques des deux enquêteurs, avec leurs hauts et leurs bas, leurs déboires professionnels et sentimentaux. Cela se lit bien, très vite, facilement et c’est distrayant. J’ai bien aimé.


Lisa Gardner

 

 

 Lisa Gardner est l’auteure de thrillers regroupés en trois séries : D. D. Warren, une commandant de la criminelle du Boston Policy department ; FBI Profiler où, parmi les personnages récurrents, on retrouve les profileurs Pierce Quincy et sa fille Kimberly Quincy, aidés par Rainie Conner, ancienne policière devenue enquêtrice privée ; et Tessa Leoni, ancienne subordonnée de D. D. Warren désormais détective privée.

 

 

 J'ai lu dans n'importe quel ordre les titres suivants : Le saut de l'ange, Juste derrière moi, n'avoue jamais et Retrouve-moi appartenant parfois à des séries différentes. Peu importe, chaque récit est construit indépendamment les uns des autres et l'on apprend vite ce qui est nécessaire pour comprendre les personnages. L'important, ici, c'est l'histoire, haletante, les rebondissements, les  aiguillages vers de fausses pistes. Le lecteur malin croit avoir tout compris et il est souvent trompé et le suspense fonctionne bien !



 

samedi 15 juillet 2023

Shakespeare / Sabine Anglade : La Tempête au Chêne noir

 

 J'ai vu La Tempête plusieurs fois et j'en ai déjà parlé dans ce ce blog ICI . Cette année la pièce est donnée au Chêne noir dans la mise en scène de Sabine Anglade.

Prospéro, duc de Milan, a été dépossédé de son royaume par son frère Antonio. Celui-ci, après avoir usurpé le trône, exile Prospéro et sa fille Miranda, les jetant dans une barque qui les conduit dans une île enchantée. La seule créature de forme humaine qu'ils y trouvent est Caliban, un monstre hideux, fils de sorcière, qu'ils traitent avec bonté. Mais la nature brutale de Caliban est rebelle à l'éducation et Prospero ne peut avoir prise sur lui que par la force.
Prospéro qui a pu conserver sa bibliothèque dans son exil apprend la magie dans un livre occulte et parvient à dominer les forces de la nature. Il se rend maître d'Ariel, Esprit de l'air et avec sa collaboration, sachant que le navire de son frère va passer auprès de l'île, il commande une tempête qui va jeter les naufragés sur  son île. Ferdinand, le fils d'Alonso, roi de Naples, isolé des autres, rencontre Miranda et les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre. Prospéro qui a pour dessein de les marier feint de vouloir les séparer pour mieux attiser leur amour.
Antonio, le duc usurpateur, Alonso, le roi de Naples et leurs compagnons sont rejetés sur une autre partie de l'île. Antonio  fomente un complot contre Alonso avec le frère de celui-ci, Sébastien, pour s'emparer de Naples. Pendant ce temps, Caliban persuade le Fou et le Capitaine du navire, eux aussi rescapés du naufrage, de s'allier à lui pour vaincre Prospero en leur promettant de devenir rois de l'île.  Shakespeare montre ici que l'attrait du pouvoir assorti à la violence, au meurtre et à la traîtrise, est le même chez les nobles et  les gens du peuple.
Tous vont être amenés à rencontrer Prospéro et être sous sa domination. Celui-ci pardonne à son frère, célèbre les fiançailles des enfants et, après avoir libéré Ariel, renonce à la magie en brûlant son livre. Tous ensemble, ils quittent l'île.

  Présentation de la pièce par la compagnie

Fabrique d’images et de sens, La Tempête est sans doute la pièce la plus opératique de tout le théâtre de Shakespeare, faisant la part belle au conte, à l’image, à la musique.Cette dimension ne pouvait qu’éveiller le désir de la metteuse en scène d’opéra et de théâtre qu’est Sabine Anglade, lui offrant la possibilité de mettre en commun ces deux approches.

Mon avis :

J'ai beaucoup aimé la scénographie de Mathias Baudry dans cette représentation de La Tempête mise en scène par Sabine Anglade. Elle nous plonge dès le début dans la fureur des éléments déchaînés :  le fracas du tonnerre, le rugissement du vent, les éclairs qui traversent la scène, les jeux de clairs-obscurs, et l'enchevêtrement des voiles du navire chahuté par les vagues de la mer déchaînée. Tout ceci forme un  très beau tableau. Belle et poétique aussi la représentation d'Ariel, interprété par une une jeune comédienne, à la silhouette longiligne, vêtue de noir, aux longues ailes flamboyantes, qui prend du relief dans cette représentation, un esprit qui aspire à la liberté et dont on sent la souffrance d'être retenu prisonnier. 
 
J'ai aimé l'interprétation du rôle de Prospéro, Miranda et Caliban. Par contre, j'ai été surprise par la conception du rôle de Ferdinand, (interprété par par  le comédien qui incarne Caliban). Avec son short, ses godillots et grosses chaussettes montantes, son air benêt, il faut dire qu'il est un jeune premier qui ne fait pas rêver ! Manifestement, la metteuse en scène n'a pas voulu jouer sur l'émerveillement un peu naïf, c'est vrai, un peu sot, mais seulement aux yeux des autres, de deux très jeunes gens qui découvrent l'amour. Il est vrai que l'on sent l'ironie de Shakespeare observant cette idylle naissante mais aussi beaucoup de tendresse et de légèreté. Sabine Anglade a préféré tiré les scènes où ils apparaissent vers la parodie et le comique un peu lourd ! Finalement,  même si je n'ai pas vraiment apprécié cette conception, le comédien est bon et m'a fait rire. Par contre j'ai trouvé que l'interprétation des autres personnages étaient plus faibles et ils m'ont parfois ennuyée.
 
Donc, mon avis est assez mitigé sur ce spectacle qui, certes, a de grandes qualités mais est inégal.


 La Tempête

Du 7 au 27 juillet 2023 à 10h
Relâche les 10, 17, 24, 28 et 29 juillet

Durée : 2h05

De William Shakespeare

Traduction/adaptation Clément Camar-Mercier

Mise en scène Sandrine Anglade

assistée de Marceau Deschamps-Segura

Avec 

Clément Barthelet, Héloïse Cholley, Damien Houssier, Alexandre Lachaux, Serge Nicolaï, Nina Petit, Sarah-Jane Sauvegrain, Benoît Segui, Quentin Vernede

Scénographie Mathias Baudry

Lumières Caty Olive

Costumes Cindy Lombardi assistée d’Océane Gerum

Chef de chant Nikola Takov

Création sonore/régie son Théo Cardoso

Régie Ugo Coppin et Rémi Remongin

Administration et production Alain Rauline et Héloïse Jouary

Production Compagnie Sandrine Anglade

Coréalisation Théâtre du Chêne Noir

A partir de 13 ans

 

samedi 10 juin 2023

Robert Louis Stevenson : Kidnapped ou les aventures de David Balfour et Catriona




La vie est une vraie comédie. On parle des anges qui pleurent; j’ai toujours pensé, au contraire, qu’ils se tiennent les côtes en voyant ce qui se passe sur notre globe; mais je m’étais promis de dire toute la vérité, quand j’ai entrepris cette histoire, et j’ai tenu ma promesse » Catriona

Les aventures de David Balfour

Dans le roman de Stevenson Kidnapped, traduit tout simplement par Enlevé, David Balfour a perdu sa mère dans son enfance. Il a seize ans à la mort de son père, modeste directeur d'école, et se retrouve seul et sans ressources. C'est alors que le pasteur lui remet une lettre de son père lui demandant de rejoindre son oncle, un certain Ebenezer Balfour, esquire de Shaws, dont le jeune garçon n'a jamais entendu parler. David apprend ainsi qu'il a de la famille et de plus qu'il est noble.

Hélas, la rencontre avec Ebenezer est plus qu'inquiétante. Le personnage avare, détesté dans la région, a un comportement bizarre envers son neveu qui lui fait craindre pour sa vie. David finit par comprendre que son oncle a usurpé le titre d'esquire et qu'en fait, c'est lui l'héritier du titre et du domaine. Sous prétexte d'une visite chez le notaire pour régulariser la situation, Ebenezer se débarrasse de son neveu en le vendant à un négrier qui le conduit en esclavage dans une île lointaine. C'est le début des aventures à bord du navire jusqu'au jour où le capitaine et ses seconds recueillent un naufragé, manifestement gentilhomme, portant une ceinture pleine d'écus qui provoque la convoitise de l'équipage. Il s'agit de Alan Brech Stewart et sa fortune, sacrée à ses yeux, est destinée aux chefs des clans qu'il s'apprêtait à rejoindre en France. David prend le parti de cet homme qui se révèle un combattant expérimenté, féroce et endurci. Ils tiennent en respect l'équipage qui finit par se rendre mais le bateau s'échoue sur des écueils de la côté écossaise. Tous deux se retrouvent en Ecosse traqué par les soldats du roi. Aventures périlleuses, souffrances du corps et de l'âme, le jeune homme n'est pas préparé à cette vie angoissante et rude de proscrit. Peu à peu va se nouer entre David et Alan une amitié indéfectible, traversée d'orages et de brouilles, au cours de laquelle chacun sera prêt à donner sa vie pour son ami.

 


 

Dans Catriona, l'histoire continue et David s'emploie, parfois au péril de sa vie, à sauver ses amis. Il lui faut permettre à Alan de quitter secrètement le pays pour gagner la France et témoigner en faveur de James Stewart, l'oncle d'Alan, injustement accusé d'un meurtre. De plus, il tombe amoureux d'une jeune fille nommée Catriona, fille d'un Highlander proscrit, et comme tous les deux ont du caractère, leur relation fait parfois des étincelles ! J'ai beaucoup aimé aussi la conclusion du roman.

Ces deux romans d'aventures sont enlevés, riches en rebondissements, en dangers de toutes sortes, en personnages principaux attachants et d'autres, secondaires, nombreux, haut en couleurs.

L'Histoire d'Ecosse


La bataille de Culloden (1746)

Pour suivre le roman de Stevenson Kinapped et sa suite Catriona il faut d’abord réviser un peu son histoire et dans ce cas particulier celle de l’Ecosse. Et c'est passionnant !

Nous sommes en 1751 peu après la bataille de Culloden au cours de laquelle, en 1746, la défaite sanglante des Highlanders écossais sonne le glas définitif des rebellions qui se sont succédé dans le pays pour rétablir le trône des Stuart. Une répression féroce s'abat sur les Highlanders.

Charles Edouard Stuart, appelé Bonnie prince Charlie, successeur de son père Jacques III dans la prétention au trône d'Angleterre et d'Ecosse, retourne en exil. Les chefs higlanders sont arrêtés et massacrés, certains parviennent à s'enfuir et se réfugient en France. Ceux qui restent sont soumis à des spoliations de la part de l'Angleterre, confiscation des terres, paiements de lourds impôts, interdiction de parler le gaélique, de porter le Kilt et le tartan, de jouer de la cornemuse. Tout est fait pour détruire la structure clanique. Il y a d'ailleurs dans le roman un scène pittoresque et amusante mais aussi très forte, un morceau de bravoure, où deux hommes s'affrontent dans un concours de cornemuse qui leur tient lieu de duel pour vider leur querelle.

Dans ce récit, Stevenson crée un personnage fictif David Balfour mêlé bien involontairement et à son corps défendant au destin et aux tourments des Higlanders. Et l'auteur campe à côté de David, un personnage historique bien connu, Alan Breck Stewart.

Cet Higlander qui  a d'abord servi dans les troupes anglaises du roi Georges II, a rejoint le soulèvement jacobite à la bataille de Culloden. Il est l'homme à abattre pour les anglais, un déserteur, un traître qui vit en France, désormais officier dans les troupes écossaises de l'armée française. Sa tête est mise à prix. Il revient clandestinement dans son pays pour lever les loyers des chefs de clan exilés en France.

 Alan Stewart a grandi sous la garde de son oncle James of the Glen d'Appin, chef du clan des Stewart d'Appin. Nous rencontrons ce personnage historique dans des circonstances tragiques qui appartiennent à l'Histoire de l'Ecosse et au récit de notre roman ! Il s'agit de l'affaire qui a secoué toute l'Ecosse et l'Angleterre à l'époque, le meurtre d'Appin. Le 14 Mai 1752, Collin Campbell de Glenure, surnommé le Renard rouge, venu percevoir les loyers des Stewart d'Arshiel, mesure très impopulaire, est abattu. Alan Beck est accusé du meurtre.

 Stevenson nous raconte dans Kidnapped et Catriona, comment, condamné à mort par contumace, Alan échappera aux soldats royaux et parviendra à gagner la France grâce à son ami Balfour. Par contre, James of the Glen d'Appin est arrêté. Bien que sa culpabilité ne soit pas établie, il est jugé par le clan ennemi Campbell, rallié aux anglais, qui prononce son arrêt de mort. Dans Catriona, Stevenson détaille pour nous les enjeux politiques et les dessous de ce jugement injuste qui, même de nos jours, est encore contesté, avec des demandes de réhabilitation toujours repoussées !

Un Hommage aux Highlanders

 

Les clans des Higlanders : tenue traditionnelle

David et Alan sont très différents l'un de l'autre. Alan est un homme de petite taille (ce qui le vexe), il n'a pas de titre, c'est pourquoi il se vante de porter le nom d'un roi (Stewart a donné le nom de Stuart). Il a la figure tavelée marquée par la variole (Berck est un surnom qui signifie, le Tacheté). Il est fanfaron, très content de lui-même et il n'est pas bon paraître se moquer de lui. Il est d'un courage et d'une endurance extrême, manie l'épée en grand maître, est ardent au combat dont il fait une sorte de jeu, peu enclin à s'effaroucher devant quelques cadavres de plus. En bon Highlander, la mort de ses ennemis lui paraît justifiée, le vol lui semble nécessaire à cause de la misère, défendre le voleur ou le criminel aussi puisqu'ils sont poursuivis par les anglais ! Il faut bien s'entraider, c'est un devoir. Il a pourtant un solide sens de l'honneur mais à la manière des Hautes-Terres ! Il se dévouera pour un ami ou pour son chef de clan jusqu'à la mort, il est fidèle à la parole donnée.

David est beaucoup plus jeune et plus sensible. Il n'a pas connu la guerre et est horrifié d'avoir tué des membres de l'équipage lors du combat. Le sang, les corps gisant sur le pont du navire le rendent malade. C'est un protestant et même un puritain.  Il ne boit pas d'alcool et refuse les jeux de carte, perdition de l'âme, et son ami lui conseille de se laisser un peu aller, parfois. C'est un lowlander, fidèle au roi Georges, un bon whig, tout le contraire d'Alan Beck. Pour lui, les Highlanders sont des espèces de brigands sans foi ni loi, voleurs de bétail, criminels, opposés au pouvoir légitime. Son sens de l'honneur est exigeant et même si, parfois, il souhaite se désolidariser d'Alan Beck pour sauver sa vie, il ne le fera pas et rougit d'avoir de telles pensées. Il est rancunier et pardonne difficilement les offenses.  Mais son courage pour affronter les épreuves forcent l'admiration de son camarade plus âgé. Finalement avec leur sale caractère, leurs défauts et leurs qualités, ce sont deux personnages bien sympathiques.

Il y a une certaine forme comique qui naît de l'incompréhension mutuelle des deux personnages que tout sépare. Lorsque Alan parle d'honneur, David le regarde avec effarement. Chacun accuse l'autre de ne pas avoir de morale :

J'ai remarqué plus d'une fois que vous autres, gens des Basses-Terres, vous n'aviez pas une idée claire de ce qui est juste ou injuste.

A ces mots j'éclatai de rire, et je fus fort surpris de voir Alan en faire autant, et rire aussi gaîment que moi.

Mais peu à peu la vision de David va changer et son opinion des Highlanders aussi. Le différend entre les deux hommes nous permet de mieux comprendre la mentalité des hommes des Hautes-Terres. Leur sens de l'honneur est très fort mais étroitement lié au système clanique qui fait passer la fidélité au chef et au clan avant toute loi. La détestation des « habits rouges », les soldats du roi, unit ces populations. La lutte pour survivre, pour maintenir leurs coutumes, leur langue est souterraine, oblige à la clandestinité, au secret. Le roman est un hommage aux Higlanders, à leur résistance glorieuse, à leur orgueilleuse sauvagerie, à la fierté avec laquelle ils vivent leur misère, à leur fidélité à la parole donnée, à leur courage non seulement dans la bataille mais dans les épreuves quotidiennes.

Quand Alan apprend que les fermiers highlanders paient la redevance au roi George mais qu'ils se privent pour payer une seconde redevance à leur seigneur exilé, David s'écrie :

Voilà ce que j'appelle de la noblesse ! Je suis un whig et je ne vaux guère mieux, mais j'appelle cela de la noblesse !

-Oui, dit Alan, vous êtes un whig mais vous êtes un gentleman, et c'est pourquoi vous parlez ainsi.

Il y a quelque chose que les Anglais n'ont pas pu tuer, c'est l'affection que les hommes du clan ont pour leur chef. Ces guinées en sont la preuve.

Et en fait, si Alan et David peuvent s'entendre, c'est finalement que leur conception de l'amitié et leur conception de la noblesse d'esprit se rejoignent.

Un voyage à travers l'Ecosse

 

David sur l'île de Earaid

Le récit nous conduit dans une longue traversée à pieds à travers les Highlands et permettent de belles descriptions des paysages aimés et bien connus de l'écrivain. Le naufrage a lieu sur l'île Mull, sur la côte Ouest de l'Ecosse où le jeune homme est d'abord prisonnier sur un l'îlot sauvage Earaid. Là, il souffre de froid, de faim et de solitude.

Toute l'île d'Earaid, mais encore le pays adjacent de Mull, qu'on nomme le Ross, n'est autre chose qu'une succession de blocs granitiques, entre lesquels pousse un peu de bruyère.

Il entame ensuite le voyage pour gagner Appin où il sait qu'il retrouvera Alan. Il traverse le Loch Linnhe en direction d'Appin sur un bateau de pêcheurs

Les montagnes des deux rives étaient hautes, rudes et nues, très noires et très sombres sous l'ombre des nuages, mais couvertes comme d'un réseau d'argent formé par de petits filets d'eau qui reflétaient le soleil.

Elle avait l'air d'une âpre contrée, cette contrée d'Appin, pour que les gens l'aimassent autant que le faisait Alan Breck

On peut suivre leur trajet sur une carte tant l'inéraire est précis et détaillée, bras de mer, lacs profonds, montagnes escarpées et ravinées... pour arriver à Carriden où vit le notaire qui doit faire reconnaître son titre, près d'Edimbourg où a lieu la suite du récit Catriona.

 

La carte des clans écossais

  On voit bien les Stewart d'Appin,  la puissance des Campbell, la frontière entre les Hautes et les Basses Terres.

C'est un bonheur pour moi d'avoir découvert ces deux romans passionnants. Et dire que je n'en connaissais même pas le titre avant de charger les oeuvres complètes de Stevenson dans ma liseuse. Et pourtant c'est un grand classique aussi bien en Ecosse qu'aux Etats-Unis. Je ne sais pas, par contre, si les anglais l'aiment beaucoup ! Il faut voir le nombre d'adaptations du livre au cinéma et à la télévision ! Même Michael Caine a voulu endosser le rôle d'Alan Beck, le héros national écossais ! 

 


Et si vous allez en Ecosse peut-être découvrirez-vous, non loin d'Edimbourg, sur Corstorphine Road,  la statue d'Alan Beck Stewart au côté de son ami David Balfour, la réalité historique et la fiction littéraire à égalité dans la mémoire collective écossaise ! 


Alan Beck et David Balfour


jeudi 5 janvier 2023

Je lis donc je suis !

 

 

Aifelle a lancé le jeu annuel et maintenant traditionnel du début d'année : Je pense donc je lis !

Voilà ce qu'écrit Aifelle : "Un titre en forme de déclaration aussi péremptoire me fait rire. Ceux qui ne lisent pas ne seraient donc pas ? allons donc .. mais quelque part, c'est un plus me semble-t-il. Toujours est-il que je me suis livrée au jeu rituel de fin d'année. Je rappelle la règle. Répondre aux questions en utilisant uniquement les titres de livres lus en 2022."  Je vous renvoie à son billet ICI  .

 

Pour souligner le "c'est un plus" d'Aifelle, voici les deux citations mises en exergue sur la page d'accueil de mon blog et toujours tellement vraies.

 


 

 

"Lire c'est boire et manger. L'esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas". Victor Hugo


Les livres "c'est la meilleure des munitions que j'aie trouvée en cet humain voyage". Montaigne






 

 J'ai répondu facilement aux questions et j'ai eu souvent à choisir entre plusieurs titres sauf pour le moyen de transport  dont la réponse est,  je l'avoue, un peu tirée par les cheveux. Mais pourquoi pas ? Marcher sur les ailes du vent... 

 Autrement, je crois que cela fonctionne ? Qu'en pensez-vous ?

Décris-toi ... 

Petite    Edward Carey : Petite

Comment te sens-tu ?

 Celle qui pleurait tous l’eau  Niko Tackian : Celle qui pleurait sous l'eau

Décris où tu vis actuellement ...

L’île sous la mer   Isabelle Allende : L’île sous La mer

Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ?    

Dans ce jardin qu’on aimait   Pascal Quignard : Dans ce jardin qu'on aimait

Ton moyen de transport préféré ?

 Qui sème le vent : Marieke Lucas Rijneveld : Qui sème le vent

Ton/ta meilleur(e) ami(e) est ...

La pupille de Thorpe-Combe  Frances Trollope : La pupille de Thorpe-Combe

Toi et tes amis vous êtes ...

A l’ombre des loups  Alvydas Slepikas : A l’ombre des loups 

ou dans la gueule de l'ours  : Jamie McLaughin : Dans la gueule de l’ours

Comment est le temps ?

Un pays de neige et de cendres  Petra Rautianen : Un pays de neige et de cendres

Quel est ton moment préféré de la journée ?

Le tournesol suit toujours la lumière du soleil  Martha Hall Killy : Le tournesol  suit toujours la lumière du soleil

Qu'est la vie pour toi ?

Je refuse  : Per Petterson : Je refuse   

Ta peur ?

L’invention du diable Hubert Haddad : L'invention du diable

Quel est le conseil que tu as à donner ?

Rompre le silence : Mechtild Borrmann : Rompre le silence

La pensée du jour ...

Gagner la guerre Jean-Philippe Jaworsky : Gagner la guerre

Comment aimerais-tu mourir ? 

Au nom du bien Jake Hinkson : Au nom du bien

Les conditions actuelles de ton âme ?

Apaiser les tempêtes   Jean Hagland : Apaiser nos tempêtes

Ton rêve ?

Le royaume de ce monde  Alejo Carpentier : Le royaume de ce monde

 

 

Et vous quelles citations proposez-vous pour décrire tout ce qu'apporte la lecture, "ce plus" dont parle Aifelle et qui nous fait vivre, nous, lecteurs !

Déposez vos citations dans les commentaires et je les noterai dans ce billet pour constituer un petit recueil.



mardi 11 octobre 2022

Roumanie : Les châteaux de Peles et de Bran en Transylvanie à partir de Bucarest (3)

Palais royal  de Peles Transylvanie
 

La visite "presque obligée" des touristes qui viennent à Bucarest est un voyage organisé vers les deux châteaux de Transylvanie les plus proches de Bucarest, le château royal de Peles et le château de Bran dit château de Dracula, situés à environ 160 km. Le voyage dure une journée entière d'autant plus que les embouteillages sont nombreux sur la seule route qui relie Bucarest à ces lieux. Comme c'est la sortie affectionnée des Bucarestois le dimanche, surtout évitez de choisir ce jour-là, comme je l'ai fait ! Nous sommes partis à sept heures le matin et revenus le soir vers 19H. Nous étions huit, des suédois, une roumaine et nous, les deux français, dans un Renault trafic, plus notre chauffeur. Vous trouverez sans peine les nombreuses offres touristiques sur internet.

Cette visite présente les côtés négatifs de ce genre de tourisme, course organisée en groupes dans les châteaux, repas dans la ville de Sinaia dont nous n'avons le temps de voir que la belle place centrale. Beaucoup de bruit, beaucoup de monde. C'est assez fatigant et l'on n'a pas vraiment le temps de faire des pauses pour apprécier pleinement. Le côté positif de la visite est évidemment qu'elle permet d'avoir un aperçu de la Transylvanie et de ces deux beaux châteaux, visite impossible sans véhicule, et qu'elle donne envie d'y retourner mais par ses propres moyens et plus calmement.


Castelul Peleș


Palais royal de Peles Façade néo-renaissance


Le prince Charles de Hohenzollern-Sigmaringen - qui deviendra le roi Carol Ier de Roumanie en 1881-  subjugué par les magnifiques paysages de Transylvanie lors d'une visite à Sinaia décida d'y faire construire un château. Celui-ci servit de résidence d'été à la famille royale jusqu’à l’abdication du roi Michel en 1947.

Le château de Peles appelé ainsi d'après une petite rivière qui coule près du site fut édifié entre 1875 et 1915 dans le style néo-renaissance en vogue à l'époque dans toute l'Europe. En 1948, il fut étatisé par les communistes puis, après la chute de Ceaucescu, converti en musée et ouvert au public en 1990. Il est riche de 2.000 tableaux. 

 C’est non seulement un château somptueux mais il bénéficie, de plus, d'un confort moderne étonnant pour l'époque. Peles fut le premier château en d’Europe à posséder l’électricité, il a sa propre centrale hydroélectrique, le chauffage central, un toit de verre mobile et un ascenseur. Il possède 160 pièces et 30 salles de bain.


Palais royal Peles ( détail architectural néo-renaissance)


Palais royal Peles  cour intérieure Transylvanie


Palais royal  de Peles cour intérieure étage supérieur Transylvanie


Palais royal de Peles loggia et fresque à l'italienne (détail)



Palais royal Peles fenêtre à vitraux Transylvanie


Palais royal Peles vitrail 

Palais royal de Peles salon



Palais royal de Peles : On dirait un Titien ??


Palais royal Peles : lustre de Murano


Palais royal Peles :le salon mauresque



Château de Peles : Le salon de musique



Château de Peles: la salle à manger



Le château de Bran ou château de Vlad  III Dracula dit l'Empaleur


Le château de Bran  ou de Vlad l'Empaleur dit de Dracula Transylvanie


Le château de Bran  est le premier château  construit (en bois)  par les chevaliers teutoniques au début du XIII siècle pour contrôler la route commerciale entre la Transylvanie et la Valachie. Il est associé dans la légende à Vlad III l'Empaleur qui a servi de modèle pour Dracula à Bram Stocker. Mais Vlad  n'y a probablement jamais mis les pieds. En 1377, il est reconstruit en pierre et permet, sur la frontière entre la Valachie et la Transylvanie, de collecter les droits de douane des marchands valaques.


Le château de Bran  ou de Vlad l'Empaleur dit de Dracula Transylvanie


Le château de Bran  dit de Dracula Transylvanie


Le château de Bran dit de Dracula : cour intérieure


Le château de Bran dit de Dracula


Le château de Bran dit de Dracula


Le château de Bran dit de Dracula

 
Extérieurement le château de Bran a une allure farouche, dressé sur son roc. Il correspond bien à l'atmosphère propre au mythe de Dracula. Intérieurement, il est plutôt avenant, tout blanc avec des colombages rouge foncé. De plus, la foule est telle que l'on finit par faire la queue pour passer d'une pièce à l'autre dans des couloirs étroits, ce qui crée une ambiance peu propice au fantastique et au mystère. La projection d'un extrait du film de Nosferatus sortant de sa tombe pour vous agresser,   l'apparition d'un fantôme qui traverse le mur, sont nécessaires pour évoquer la légende. Heureusement, la parfaite panoplie du chasseur de vampires, croix, pieux, miroir, vous attend, vous avez tout sous la main !


Le château de Bran dit de Dracula : oui, nous avons rencontré un fantôme !


Le château de Bran  dit de Dracula : malette anti-vampires


Le château de Bran ou de Vlad l'Empaleur: grimoire



Le château de Bran  ou de Vlad l'Empaleur dit de Dracula : le parc



Qui était Vlad l'Empaleur ?

Vlad III Dracula,  l'Empaleur

 

Bram Stoker s'est largement inspiré pour son Comte Dracula d'un personnage réel qui a vécu en Roumanie, Vlad III Basarad, Dracula, né vers 1431 en Valachie et mort en 1476 près de Bucarest. Vlad devient voïvode de Valachie, titre que l'on peut traduire par prince, en 1448. 

Le nom de Dracul qui signifie en roumain dragon ou diable était hérité de son père Vlad II Dracul qui fut décoré de l'ordre du Dragon par l'empereur Sigismond de Hongrie.

(Drac en Occitanie signifie dragon / En Provence,  existe aussi la légende du Drac, un monstre ailé qui  hante les eaux du Rhône, dévore les jeunes vierges et rançonne les habitants. Le seigneur du village promet sa fille au héros qui sera vainqueur du dragon. Un chevalier terrasse le monstre, épouse la princesse, devient à son tour le seigneur du village rebaptisé Mondragon. Frédéric Mistral évoque la légende du Drac dans son  très beau et étrange Poème du Rhône.)

Vlad III est un souverain sanguinaire. Il a le le goût des supplices violents et comme la Roumanie est alors en lutte contre l'empire ottoman il sème la terreur parmi ses ennemis en faisant empaler plus de 20 000 ottomans en une seule nuit. Mais quelle est la part de la vérité et de la légende ? ! Il y gagne son surnom de l'Empaleur, en roumain Tepes. Il mourra lui-même assassiné en 1476 à Bucarest. Il est décapité et sa tête envoyé au sultan qui l'expose sur un pieu pour preuve de sa mort... On comprend pourquoi il a nourri la légende et inspiré Bram Stocker pour la création de son vampire.

Je rappelle à propos de la vie et de la personnalité, de Bram Stocker, le beau roman de Joseph O'Connor : Le bal des ombres ICI


Roumanie : Bucarest (4) : Le musée Zambaccian et musée national de Roumanie