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dimanche 18 décembre 2011

Un livre, un Jeu : réponse à l'énigme n° 15 Marie Shelley, Frankenstein


Les Karloff du jour sont : Aifelle, Keisha, Eeguab, Asphodèle, Maggie, Kathel, Dominique, , Pierrôt Baton, Sabbio, Marie José et 1/2 Karloff pour Lireaujardin et Lystig. Félicitations à tous!
Le livre : Frankenstein  ou le Prométhée moderne de Marie Shelley
Le film :  Frankenstein de James Whale avec Boris Karloff
Les circonstances dans  lesquelles Marie Shelley conçut son roman sont assez célèbres. C'est au bord du lac de Genève, dans la villa Diodati, que Byron, en exil, accueille Marie Godwin, la future Madame Shelley, et son amant, le poète Shelley. Pour tromper l'ennui d'une journée d'orage, Byron propose à chacun de raconter à son tour une histoire terrifiante se basant sur un phénomène surnaturel. Maris Shelley surpasse tous les autres. Elle invente l'histoire du savant fou qui engendre un monstre et le succès est tel que, bientôt, il dépasse son auteur, atteignant au mythe. Frankenstein (c'est le nom du créateur et non de la créature comme on le croit souvent) porte d'ailleurs un sous-titre qui en annonce la portée : Le Prométhée moderne.
Le roman n'est pas linéaire et présente plusieurs narrateurs. Il commence par une série de lettres que Robert Walton, jeune aventurier parti à la découverte d'un passage pour atteindre l'océan Pacifique dans les régions arctiques, écrit à sa soeur Margaret restée en Angleterre. Walton recueille, sur son navire pris dans les glaces, un étrange voyageur qui dérive sur la banquise et qui semble poursuivre quelqu'un. Ce dernier, le savant  Frankenstein, va raconter son histoire au jeune homme pour lui faire prendre conscience de la folie que représente le désir de vouloir atteindre le savoir à n'importe quel prix.  C'est un des thèmes clefs du roman.
Le roman épistolaire cède donc place à la narration de Frankeisten. Né à Genève dans une famille heureuse, amoureux depuis l'enfance d'Elizabeth, une orpheline recueillie par ses parents, Victor Frankenstein part étudier la physique à l'université d'Ingolstadt. C'est un étudiant brillant, zélé. Il va découvrir le principe de la vie. Poussé par l'enthousiasme, par l'ambition, les rêves de gloire aussi, il crée une créature qui se révèle un monstre et qu'il laissera s'enfuir. En réalisant cette expérience, Frankenstein a joué à l'apprenti sorcier. Il s'est pris pour Dieu alors qu'il n'a pas la force d'assumer ses responsabilités par rapport à sa créature. Il est coupable des conséquences de son acte insensé.
  La narration de Frankenstein est entrecoupé d'un récit qui est celui de la créature elle-même. Le "monstre" vient trouver son créateur pour lui demander de l'aide et  lui reproche de l'avoir abandonné. Il explique comment il a pu survivre en se cachant pendant des mois et comment il a été rejeté à cause de sa laideur, pourchassé par tous. Sa nature était pourtant bonne et  il avait soif d'amitié et d'amour mais la méchanceté des hommes l'a poussé vers le mal, a éveillé la haine et la vengeance. Le thème du Bien et du Mal est ici présenté par l'auteur mais aussi celui du rejet de l'autre à cause de la différence.

Le roman aborde des thèmes éminemment romantiques. Quand Marie Shelley rédige ce texte, elle est très imprégnée des paysages alpins. La nature tient donc un grand rôle dans le roman dans ce qu'elle a de sublime*. Ce sont les hauts pics enneigés, les abîmes vertigineux qui l'inspirent et qui arrachent un peu le personnage à son tourment.
Des glaciers énormes s'avançaient jusqu'à la route, j'entendis le grondement de l'avalanche et vis la fumée qui marquait son passage. Le Mont Blanc, se dressait au milieu des aiguilles, et son dôme démesuré surplombait la vallée.
Ces paysages sublimes et  magnifiques métaient une consolation sans égale. Ils m'élevaient au-dessus de toute mesquinerie et, bien que n'effaçant pas mon chagrin, ils l'atténuaient et l'apaisaient.


Le héros, devient par l'acte qu'il a accompli, un être poursuivi par le malheur, thème romantique du bonheur impossible. Il entraîne dans sa perte tous les êtres qu'il aime tendrement, son petit frère, sa femme, son père... La malédiction semble s'acharner sur lui et il sait qu'il n'y a plus d'espoir de rédemption pour lui. Il est en proie à une mélancolie profonde, l'angoisse l'étreint, il souhaite mourir et se sait condamné. On pense à Faust et à son pacte avec le diable ou mieux encore au docteur Coppelius donnant vie à sa création dans les contes d'Hoffman. Le "Monstre" (il ne porte pas de nom car il n'est pas considéré comme humain alors qu'il pense et souffre comme un humain) qui épouvante la population semble représenter l'incarnation du Mal. Il tue pour assouvir sa vengeance envers son créateur qui l'a abandonné à son triste sort et envers tous ceux qui le rejettent. C'est un être qui inspire l'effroi et qui ne peut trouver de repos ni de joie. Son physique repoussant en fait un réprouvé comme le Gwinplaine de L'homme qui rit de Hugo. Si la créature était vraiment surnaturelle, l'atmosphère du roman serait gothique. Mais l'on s'aperçoit bien vite que l'oeuvre de Marie Shelley n'a pas pour unique ambition de faire peur. Elle en est très consciente puisqu'elle écrit dans sa préface :

Le docteur Darwin et quelques physiologistes allemands ont donné à entendre que le fait sur laquelle se fonde cette fiction ne relève nullement de l'impossible. Qu'on n'aille pas s'imaginer que j'accorde une foi aveugle à une telle hypothèse; néanmoins, je n'ai pas eu le sentiment, en m'en inspirant pour mon récit, de tisser une toile de terreurs purement surnaturelles. L'événement qui se trouve à l'origine de mon histoire ne présente pas les inconvénients inhérents aux simples récits de fantômes et de merveilleux. Il s'est imposé à moi par la nouveauté des situations qu'il autorise, et bien que constituant une impossibilité sur le plan physique, il permet à l'imagination de cerner les passions humaines de manière plus complète et plus riche qu'un enchaînement de faits réels.

Marie Shelley propose, en effet, une réflexion sur les dangers que la science fait courir à l'humanité si elle n'est pas guidée par le bon sens et la morale. Nous en revenons toujours à la fameuse maxime de Rabelais : "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" . La responsabilité des savants est engagé. Il est dangereux de se croire l'égal de Dieu, le jeune savant Frankenstein va l'apprendre à ses dépens tout comme Prométhée enchaîné à son rocher. On comprend combien le problème soulevé par ce roman est  toujours d'actualité et ceci avec d'autant plus d'acuité que "l'impossibilité physique" dont parle l'écrivaine est levée. Juste avant d'écrire ces mots, j'ai vu un reportage sur le clonage d'un mammouth grâce à l'ADN récupérée sur un corps conservé dans les glaces. Passe encore pour l'animal mais il est devenu possible aussi, nous dit-on, et certains scientifiques l'envisagent sérieusement, de cloner un homme du Néenderthal. Les êtres humains ne sont pas devenus plus sages au XXIème siècle, les savants fous existent encore! Ecoutez plutôt la plainte de la créature et ses accusations contre ceux qui, sans conscience, amène à la ruine de l'âme :

La créature s'adresse à Robert Walton : Vous, qui appelez Frankenstein votre ami, paraissez avoir connaissance de mes crimes et de mes malheurs. Mais aussi détaillé que fut son récit, il n'a pu évoquer les heures et les mois de misère que j'ai endurés, consumés de passion impuissante. Car, tandis que je détruisais ses espoirs, je ne satisfaisais pas mes désirs propres. Ils ne cessèrent à aucun moment de me torturer, j'aspirais toujours à  connaître l'amour ou l'amitié, et on ne m'opposait que le mépris. N'y avait-il pas là quelque injustice? Dois-je être considéré comme le seul criminel quand toute l'humanité a péché contre moi?


*Les Romantiques avec  le philosophe Emmanuel Kant -  Les observations sur le sentiment du beau et du sublime- distinguent le beau du sublime.  Le sublime enchante et séduit mais éveille aussi l'horreur, double réaction qui constitue l'essence du sublime : Des chênes qui s'élèvent et des ombres solitaires dans un bois sacré sont sublimes", "la nuit est sublime, le jour est beau", "le sublime touche, le beau charme" écrit Kant.