Dans sa biographie consacrée à George Sand, Joseph Berry montre ce que Les Hauts de Hurle-Vent doit au Mauprat de George Sand. J'ai trouvé cette comparaison qui ne m'avait pas frappée à priori, très judicieuse.
Mauprat, "une fois publié annonçait de frappante les Hauts de Hurle-Vent qu'il devançait de dix ans. Peut-être Emily Brontë le lut-elle comme l'avait fait très certainement, en tout cas, son aînée Charlotte, fidèle lectrice de La Revue de deux Mondes. Aucune femme aspirant à une carrière d'écrivain ne pouvait se permettre de manquer ce que publiait George Sand. Les deux romans présentent des points communs remarquables; et des différences qui le sont tout autant. Ils sont construits autour d'un même thème central, celui de la transformation d'un homme par une femme, nouvel avatar de celui légendaire de La Belle et la Bête. Comme le Heathcliff de Brontë, mais avant lui, le héros de Sand, Mauprat est dépeint par des métaphores animales : "loup blessé", "l'ours", "faucon sauvage", "lion somnolent transformé par la fée". Les termes sont plus doux que ceux qui carctérisent "l'homme féroce, impitoyable, vorace" décrit par Emily Brontë, ce chien déchaîné en quête de proie, cette "bête maudite". Les différences se situent sur le plan personnel et social. George Sand avait aimé, affectivement et sensuellement, un Aurélien de Sèze, un Alfred de Musset, et été aimée d'eux. Pas Emily Brontë. Dans le roman de Sand, la fée qui a "transformé" Mauprat est sa cousine Edmée; ils se marient et vivent ensemble un longue vie de bonheur. Les Hauts de Hurle-Vent est une tragédie, pour l'homme comme pour la femme.
Joseph Barry George Sand ou le scandale de la liberté" (Seuil)