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samedi 11 juin 2011

George Sand : Pauline


Pauline est un court roman de George Sand qui décrit en peu de pages mais avec une plume énergique et forte les tourments intérieurs d'une jeune fille, héroïne éponyme du roman, et ses relations avec son amie Laurence.
Dans la première partie qui se passe en province, Laurence qui est devenue une actrice célèbre revient par hasard à Saint-Front, la ville qu'elle a quittée pour aller vivre à Paris. Elle décide de rendre visite à son amie Pauline dont elle n'a plus eu de nouvelles depuis son départ.
Laurence vit dans l'aisance, ce qui lui permet d'assurer le confort matériel de sa mère et de sa soeur. Pauline, elle, vit dans la solitude et l'austérité et soigne sa mère aveugle. Les deux jeunes filles, en se retrouvant, renouent immédiatement avec leur amitié mais il ne faut pas longtemps pour que Laurence s'aperçoive de la souffrance morale et matérielle de Pauline. Aussi lorsque la mère de cette dernière meurt, Laurence croit bien  faire en invitant Pauline à venir partager sa vie à Paris. La seconde partie se déroulera donc dans la capitale. Mais comment réagira Pauline face à la vie brillante de son amie admirée de tous; comment vivra-t-elle l'hospitalité pourtant désintéressée de Laurence et sa réussite?
La première partie rend compte de la vie grise, monotone, terne d'une petite bourgade provinciale dans laquelle on croit reconnaître La Châtre, ville que George Sand jugeait laide et sans ouverture.  L'écrivain peint avec brio et humour l'esprit de ces petits bourgeois étriqués et moralisateurs. Toujours prête à dénigrer la morale des comédiens, toute cette clique bien-pensante vient ensuite, pour tromper son ennui et en constatant la réussite de Laurence, lui  faire sa cour et se prévaloir d'être son amie! Les scènes provinciales décrites par George Sand tiennent de la meilleurs comédie de moeurs. Le lecteur ne peut s'empêcher de sourire quand, au cours du dîner où Pauline et sa mère ont convié le Maire pour lui faire rencontrer Laurence, on voir arriver Madame la mairesse qui passait par là, par hasard, puis une seconde, une troisième visite... jusqu'à ce que le salon soit bondé! Ce qui fait déclarer à la mère de Pauline :
Oui-da, mesdames, je me porte mieux que jamais puisque mes infirmités ne font plus peur à personne. Il y a deux ans que l'on n'est venu me tenir compagnie le soir et c'est un merveilleux hasard qui m'amène toute la ville à la fois.
George Sand dénonce donc les travers de la vie provinciale  et ceci  d'une dent acérée qui prouve qu'elle a eu à souffrir elle-même de cet état d'esprit  :
Quoi qu'on dise à cet égard, il n'est point de séjour où la bienveillance soit plus aisée à acquérir, de même qu'il n'en est pas où elle soit plus facile à perdre. Le temps est un grand maître; il faut dire en province que c'est l'ennui qui modifie, qui justifie tout.
A côté de cette dénonciation sociale, George Sand explore l'âme humaine avec une perspicacité et une clairvoyance qui font froid au dos. En adoptant le point de vue de Laurence, l'écrivain laisse deviner, en effet, la vérité sur les relations de Pauline, fille exemplaire, avec sa mère aveugle. Peu à peu sous les gestes de dévouement de son amie, Laurence voit percer l'impatience, la rancoeur de la jeune fille qui n'a plus de vie personnelle. Sous l'affection de la vieille dame pointe l'égoïsme de la malade qui sait qu'elle sacrifie sa fille et au final sa peur d'être abandonnée.
La seconde partie présente la vie parisienne et nous voyons évoluer plusieurs spécimens d'hommes que j'ai déjà rencontrés dans mes lectures sandiennes, celui de l'ami fidèle et désintéressé, ici le vieil acteur Lavallée. Et  celui du dandy superficiel et mondain, Montgenays, incapable d'aimer vraiment et pour qui les conquêtes féminines sont surtout un moyen de briller dans le monde. Ce Montgenays n'est pas sans rappeler le héros de Indiana, Raymon. L'attitude de Pauline envers lui ressemble aussi à celle d'Indiana et révèle un manque  de lucidité voire d'intelligence difficile à accepter. Les ressorts qui permettent à Montgenyas d'abuser Pauline tiennent plus, en effet, du  mélodrame que du roman de moeurs.
Ce que j'ai préféré dans cette seconde partie, c'est l'étude psychologique toujours aussi fine qui étudie les progrès de la jalousie dans l'âme de Pauline. C'est ici que Pauline devient vraiment l'héroïne du roman car ce sont ses sentiments qui font évoluer l'action et conduisent à ce naufrage d'une amitié que Laurence ne peut rien faire pour éviter.
La morale, écrit George Sand, s'il faut en trouver une, c'est que l'extrême gêne et l'extrême souffrance sont un terrible milieu pour la jeunesse et la beauté. Un peu de goût, un peu d'art, un peu de poésie, ne seraient point  incompatibles, même au fond des provinces, avec les vertus austères de la médiocrité.



Challenge initié par George Sand