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lundi 22 avril 2013

Victor Hugo, Les Châtiments : Caves de Lille ...

La poésie engagée aux XIX et XX ème siècles

Victor Hugo rédigeant Histoire d'une crime (caricature)



Pour Victor Hugo Le poète est le guide, le berger :

Peuples, écoutez le poète!
Ecoutez le rêveur sacré!
Dans votre nuit sans lui complète,
 Lui seul à le front éclairé

 Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs
Il est l'homme des Utopies
Les pieds ici, les yeux ailleurs.


   La fonction du poète Les Rayons et les Ombres

Après le coup d'état de Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851, Victor Hugo part en exil.  Il publie alors Les Châtiments en 1853, un recueil de poèmes qui lui sert d'arme dans sa lutte contre le tyran qu'il appelle Napoléon le Petit. Il accuse Napoléon III d'être parjure au serment de fidélité qu'il a prêté à la République,  d'être coupable de la terrible répression qui a suivi le coup d'état et responsable  des crimes qui ont été commis en son nom,  coupable aussi d'avoir assassiné la Liberté et de maintenir le peuple dans la misère et l'oppression. Dans une lettre à son l'éditeur  en Septembre 1852 où il annonce  la rédaction des Châtiments, Victor Hugo écrit : J'ai pensé qu'il m'était impossible de publier en ce moment un volume de poésie pure. Cela ferait l'effet d'un désarmement, et je suis plus armé et plus combattant que jamais. Il ne retournera en France qu'à la chute de l'Empire en 1870. Le poète est donc bien le mage qui guide le peuple et sa parole aura, en effet, un pouvoir incontestable.

Un jour je descendis dans les caves de Lille

Je vis ce morne enfer.

Des fantômes sont là sous terre dans des chambres,

Blêmes, courbés, ployés ; le rachis tord leurs membres

Dans son poignet de fer.

Sous ces voûtes on souffre, et l’air semble un toxique

L’aveugle en tâtonnant donne à boire au phtisique

L’eau coule à longs ruisseaux ;

Presque enfant à vingt ans, déjà vieillard à trente,

Le vivant chaque jour sent la mort pénétrante

S’infiltrer dans ses os.
Jamais de feu ; la pluie inonde la lucarne ;

L’œil en ces souterrains où le malheur s’acharne

Sur vous, ô travailleurs,

Près du rouet qui tourne et du fil qu’on dévide,

Voit des larves errer dans la lueur livide

Du soupirail en pleurs.
Là frissonnent, plus bas que les égouts des rues,

Familles de la vie et du jour disparues,

Des groupes grelottants ;

Là, quand j’entrai, farouche, aux méduses pareille,

Une petite fille à figure vieille

Me dit : J’ai dix-huit ans !

Là, n’ayant pas de lit, la mère malheureuse

Met ses petits enfants dans un trou qu’elle creuse,

Tremblants comme l’oiseau ;

Hélas ! ces innocents aux regards de colombe

Trouvent en arrivant sur la terre une tombe

En place d’un berceau !
(…)


Caves de Lille ! on meurt sous vos plafonds de pierre !

J’ai vu, vu de ces yeux pleurant sous ma paupière,

Râler l’aïeul flétri,

La fille aux yeux hagards de ses cheveux vêtue,

Et l’enfant spectre au sein de la mère statue !

Ô Dante Alighieri !


C’est de ces douleurs-là que sortent vos richesses,
Princes ! 
ces dénûments nourrissent vos largesses,

Ô vainqueurs ! conquérants !

Votre budget ruisselle et suinte à larges gouttes

Des murs de ces caveaux, des pierres de ces voûtes,

Du cœur de ces mourants.





dimanche 21 avril 2013

Claude Roy, Jamais je ne pourrai ...

 La poésie engagée aux XIX et XXème siècles  

 

La muse et le poète, le Douanier Rousseau

Le XXI siècle serait-il un siècle sans poésie? Certes, il y encore des poètes de notre temps mais ils sont peu lus et ils n'ont pas une voix prépondérante dans notre société comme ils l'avaient au XIXème et au XXème siècle... mais quelle est la conception du poète dans ces  époques où  ceux-ci avaient une grande influence sur leurs contemporains et dans la vie politique et sociale?
Pendant ces deux siècles se sont opposés deux conceptions de la poésie. Ceux qui refusent d'être dans leur temps et s'enferment dans leur tour d'ivoire selon l'expression de Sainte Beuve à propos d'Alfred de Vigny.
Ainsi Théophile Gautier, partisan de l'art pour l'art, pour qui "tout ce qui est utile est laid" et pour qui "l'art doit être indépendant de la morale et de la politique" (Préface de mademoiselle de Maupin)
ou Baudelaire  :
L'émeute tempêtant vainement à ma vitre
ne fera pas lever mon front de mon pupitre 
(Paysage)
 Mallarmé 
Ce n'est pas avec des idées que l'on fait un poème mais avec des mots

Mais c'est à ceux qui se disent "engagés " dans leur temps que je vais m'intéresser. J'ai réuni dans plusieurs billets qui paraîtront cette semaine quelques poésies ou des citations qui nous disent comment les poètes eux-mêmes concevaient leur rôle dans la société et comment la poésie s'élevait alors contre l'horreur, l'injustice, l'inégalité, la privation des libertés mais comment aussi elle réclamait le droit au rêve et à l'amour.


Aujourd'hui, c'est Claude Roy qui vous dit :


Jamais je ne pourrai...
Jamais jamais je ne pourrai dormir tranquille aussi longtemps
que d'autres n'auront pas le sommeil et l'abri
ni jamais vivre de bon cœur tant qu'il faudra que d'autres
meurent qui ne savent pas pourquoi
J'ai mal au cœur mal à la terre mal au présent
Le poète n'est pas celui qui dit Je n'y suis pour personne
Le poète dit J'y suis pour tout le monde
Ne frappez pas avant d'entrer
Vous êtes déjà là
Qui vous frappe me frappe
J'en vois de toutes les couleurs
J'y suis pour tout le monde
Pour ceux qui meurent parce que les juifs il faut les tuer
pour ceux qui meurent parce que les jaunes cette race-là c'estfait pour être exterminé
pour ceux qui saignent parce que ces gens-là ça ne comprend que la trique
pour ceux qui triment parce que les pauvres c'est fait pour travailler
pour ceux qui pleurent parce que s'ils ont des yeux eh bien c'est pour pleurer
pour ceux qui meurent parce que les rouges ne sont pas de bons Français
pour ceux qui paient les pots cassés du Profit et du mépris des hommes

Mon amour ma clarté ma mouette mon long cours
Depuis dix ans je t’aime et par toi recommence
Me change et me défais et me libère
Mon amour mon pensif et mon rieur ombrage
En t’aimant j’ouvre grand les portes de la vie
Et parce que je t’aime je dis 

Il ne s’agit plus de comprendre le monde
Il faut le transformer

 Je te tiens par la main
La main de tous les hommes.


Claude Roy, Les circonstances 1970