À 50 ans, l'Américaine Dona Tartt née à Greewood, Mississippi, étudiante à Bennington College en compagnie d'un certain Bret Easton Ellis, est entrée en littérature en 1992 avec Le Maître des illusions, premier roman et succès international suivi, dix ans plus tard, par Le Petit Copain. Il faudra encore attendre dix ans avant que cette jeune femme secrète publie Le Chardonneret. Cet impressionnant roman de plus de 800 pages rencontra l'an dernier un succès colossal partout dans le monde. Il a obtenu le prix Pullitzer. (Source Le figaro)
Le récit
Au cours d'une visite au Metropolitan museum de NY pour visiter une exposition sur les peintres nordiques de l'âge d'Or, en compagnie de sa mère, un jeune garçon de 13 ans,Théo, découvre un tableau de Carel Fabritius, élève de Rembrandt et maître de Vermeer. Cette image représente en trompe l'oeil, un chardonneret dont la patte est cerclée d'un petite chaîne qui le retient prisonnier. Cette image le fascine comme l'attire aussi la petite fille rousse qui passe à côté de lui avec son grand père; c'est alors qu'une bombe explose plongeant les visiteurs dans la terreur et le chaos. L'enfant parvient à sortir du musée en emportant le tableau du chardonneret qu'il veut sauver. Sa mère et le grand père de la petite fille y perdent la vie. Les deux enfants finiront par se retrouver, tous deux marqués, chacun à leur manière, par ces évènements traumatiques. Theo doit réapprendre à vivre, à accepter le deuil et à composer avec la peur qui ne le quitte plus. Il se raccroche alors à ce tableau qu'aimait tant sa mère et décide de le conserver ; celui-ci va le suivre partout jusqu'au jour où...
Je n'en dirai pas plus, consciente que l'on ne peut résumer ce livre non seulement parce qu'il est complexe, touffu et présente beaucoup de personnages, mais aussi parce qu'il prend des directions diverses et participent à des genres différents, roman d'initiation, roman social, et thriller.
On a comparé Joe, le personnage principal du roman de Dona Tartt à Oliver Twist : orphelin de mère, rejeté par ses grands parents, il est ensuite récupéré par un père alcoolique, joueur, brutal et intéressé. Depuis le XIX siècle la société a bien changé mais notre XXI siècle est à peine plus tendre qu'avant envers l'enfant qui n'a pas de parents aimants. Il peut être maltraité par les adultes et les services sociaux qui les protègent ne sont pas toujours efficaces et créent aussi une autre forme de violence, celui de la séparation d'avec la famille. Boris, le petit ukrainien, ami de Joe couvre son père qui le bat parce qu'il ne veut pas être séparé de lui. De plus la violence du terrorisme (même si l'écrivain ne donne pas d'explication à l'attentat), la drogue et l'alcool trop facilement à leur portée, rend notre époque tout aussi dangereuse pour eux qu'avant.
C'est l'aspect du roman qui m'a plus touchée et que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt car il raconte le chagrin du deuil, la difficulté de survivre à une mère bien aimée, les dégâts irréversibles que cause l'absence d'amour, il raconte le traumatisme de l'attentat et comment l'on n'en guérit jamais. Les évènements de l'enfance suivront Joe toute sa vie, à tel point qu'il passera à côté de la seule femme qu'il aime, Pip, cette petite fille rousse tout aussi traumatisée que lui qu'il avait remarquée avant l'attentat.
Le chardonneret, c'est aussi la ville de New York très présente dans le roman et la société américaine à la fois dans les milieux bourgeois (la famille de son ami Andy qui le recueille) et dans les milieux populaires ( le père de Joe et celui de Boris ).
Enfin le thème de l'art qui apporte le réconfort à l'enfant, et qui revêt une telle importance pour lui, est passionnant. Le tableau (1654) a survécu à l'explosion de la poudrerie qui a détruit une grande partie de la ville de Delft et a coûté la vie à Fabritius. Le chardonneret, à travers les siècles, semble être une métaphore du destin de l'enfant. Vivant mais dans l'impossibilité de vivre, il est retenu par une chaîne qui l'empêche de s'envoler, tout comme Joe, qui ne pourra jamais se libérer du passé.
j'ai beaucoup moins aimé, par contre, l'aspect "thriller" du roman, le vol du tableau, qui ne me paraît pas apporter un plus au roman bien assez riche pour s'en passer. Cette histoire rocambolesque pour le récupérer, les mésaventures de Joe et de son ami Boris à Amsterdam poursuivi par les malfrats puis la police m'ont paru de trop, en tout cas ne m'ont pas intéressée..
A noter la beauté de la couverture du livre paru chez Plon collection Feux croisés