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dimanche 10 octobre 2010

Pierre Reverdy, Plupart du temps 1915-1922

 Plupart du temps de Pierre Reverdy paru chez Poésie/ Gallimard est un recueil de poésies qui s'étend sur une longue période de 1915 à 1922.

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Pierre Reverdy peint par Modigliani

Poèmes en prose 1915

Fétiche
Petite poupée, marionnette porte-bonheur, elle se débat à la fenêtre, au gré du vent.  La pluie a mouillé sa robe, sa figure et ses mains qui déteignent. Elle a même perdu une jambe. Mais sa bague reste, et, avec elle, son pouvoir. L'hiver  elle frappe la vitre de son petit pied chaussé de bleu et danse, danse de joie, de froid pour  réchauffer son coeur, son coeur de bois porte-bonheur. La nuit, elle lève ses bras suppliants vers les étoiles.



La Lucarne ovale 1916
En ce temps là le charbon
était devenu aussi précieux
et rare que des pépites d'or
et j'écrivais dans un grenier
où la neige, en tombant  par
les fentes du toit, devenait
bleue.


Les ardoises du toit 1918

Sur chaque ardoise
qui glissait du toit
on
avait écrit
un poème

La gouttière est bordée de diamants
les oiseaux les boivent



Cravates de chanvre 1922

Naissance à l'orage
Toute la face ronde
Au coin sombre du ciel
L'épée
la mappemonde
sous les rideaux de l'air
    Des paupières plus longues
Dans la chambre à l'envers
Un nuage s'effrondre
La nuit sort de l'éclair


Les compagnons Troubadours de Celsmoon:
Edelwe, Mango, Abeille, Emmyne, Chrestomanci, Mariel, Laurence , Ankya, Herisson08, Anjelica , George, Uhbnji , Fleur, Esmeraldae, Armande, Satya, Zik, Lystig, Amos, Bookworm, Emma, Julien, Marie, Yueyin , Soie , Alex , Hambre , Katell , Mathilde, Schlabaya, Hilde, Saphoo, La plume et la page, Tinusia, Chrys, Roseau, MyrtilleD, Cagire, Caro[line], L’or des chambres, Violette, claudialucia, Séverine, Maggie, Sev, Azilis.

Poetry, un film coréen de Lee Chang Don

Mija dans Poetry de Lee Chang Dong (source)
Poetry, film coréen de Lee Chang Dong a obtenu le prix du scénario à Cannes 2010.
Mija est une vieille dame qui élève seule le fils de sa fille et elle a bien du mal! Le garçon s'est rendu coupable d'un viol collectif qui a poussé la victime au suicide. La seule préoccupation des pères des jeunes gens est que leur fils échappe à la justice en achetant le silence de la mère de la jeune fille.  Mija, atteinte de la maladie d'Alzheimer, toujours bien mise, éprise de  beauté (elle s'est inscrite à un cours de poésie) va devoir faire face à cette situation.
Au cours d'un échange épistolaire avec Miriam (voir son blog carnet de voyages  et sa critique ici )nous n'avons pas été d'accord sur notre façon de recevoir le film.
Miriam : J'aimerais bien que tu me dises ce que tu as trouvé décevant dans Poetry, moi j'ai bien aimé, j'ai trouvé l'actrice extraordinaire et puis cette recherche de beauté dans une existence aussi banale, dans un décor banlieusard m'a intéressée.

Claudia : Tu me demandes pourquoi je n'ai pas aimé Poetry ?
Certes, l'actrice est excellente mais j'ai trouvé que le film avait des longueurs dues à un scénario qui n'était pas dominé, qui n'était pas très clair (oui, je sais il a eu le prix du scénario à Cannes mais ce n'est pas un critère absolu)
Que veut démontrer le réalisateur?  Il dénonce une société horrible, ou la femme et les humbles - ceux qui n'ont ni l'argent, ni le pouvoir- ne peuvent bénéficier d'aucune justice, une société corrompue ou tout s'achète même la mort d'une enfant. La dénonciation, c'est le sens que paraît avoir le film, car, au final, je n'ai pas trop compris quel était son but; le scénario est tellement plein de contradictions et de faiblesses au niveau de la psychologie des personnages que je suis restée perplexe!
Face à l'horreur, il met une vieille femme, la grand mère d'un des violeurs. Celle-ci est d'un milieu pauvre, ce qui la place à l'opposé des familles riches et sans morale. Elle aime la poésie et par conséquent paraît représenter le point de vue moral ou tout au moins critique de cette société, sinon, à quoi servirait d'avoir fait de Poetry - la recherche du beau, de l'idéal-  le thème central du film?
Or, il n'en est rien. Ce personnage, de qui l'on attend beaucoup, a une manière de se comporter peu cohérente et au final elle agit comme les autres sans faire preuve de plus de sens moral. C'est une femme qui est dépassée par son petit-fils, qui ne sait ni l'éduquer, ni réagir. Ce que l'on peut comprendre ! Elle est âgée et le garçon est immonde!  Par contre, on pouvait espérer que sa réaction serait assez forte en apprenant ce qu'il a fait pour l'amener à se dresser contre tous ceux qui veulent étouffer l'affaire; or elle réagit à peine, continue à écrire ses poèmes. Si elle cherche a réveiller la conscience du garçon en lui présentant le portrait de la jeune fille, elle accepte par contre que, face au portrait, il se mette à regarder la télé comme si cela ne le concernait pas! Une grand mère peut être dépassée mais jusqu'à un certain point! Elle peut adorer le fils de sa fille, de là à ne pas réagir quand celui est un criminel!!
Au contraire  le scénario nous la montre agissant comme les riches, décidée à payer comme les autres. Elle va même jusqu'à satisfaire les besoins sexuels d'un handicapé afin de pouvoir le faire chanter pour obtenir de l'argent, ce qui est, on en conviendra, j'espère, est assez méprisable. On voit mal où est "la dignité" de cette vieille femme dont parle la critique du Monde !! Donc, ce personnage prétendument épris de beauté, que l'on veut nous montrer différente, sensible, n'est pas convaincante psychologiquement puisqu'elle fait le contraire de ce que ferait toute personne ayant le moindre sens moral. De plus ces agissements impliquent un machiavélisme et un esprit calculateur qui ne sont pas crédibles pour quelqu'un qui perd la mémoire, atteint de la maladie d'Alzheimer! Or je ne sais pas trop ce que cette maladie ajoute au propos sinon d'introduire un thème à la mode et de justifier qu'elle paraisse oublier la mort de la jeune victime pour se concentrer sur la poésie! Mais comme elle souffre d'Alzheimer seulement quand ça arrange le réalisateur et pas à d'autres moments, l'intrigue ne tient pas debout. La poésie du coup devient quelque chose de plaqué, de convenu (en plus les cours du poète, quelle horreur!), du pour faire "chic" qui ne me touche absolument pas.
De même le personnage de la mère de la jeune fille n'est pas traitée d'une manière cohérente. La mère apparaît comme une très belle personne quand la vieille dame la rencontre dans son champ, un paysanne qui a du mal à joindre les deux bouts, c'est vrai, mais courageuse et digne, très affectée par le viol et le suicide de sa fille. Puis d'un seul coup, on la voit accepter l'argent qu'on lui propose, marchander la mort de sa fille. Là aussi on ne sait où va le scénario, ce qu'il veut dire : c'est quelqu'un de bien d'abord puis d'infect après! Il faudrait choisir! Rien n'est valable au niveau de l'histoire (le commissaire qui joue au volant avec la grand-mère quand il vient arrêter son petit-fils, ridicule!!) et de la psychologie.
Décidément, ce  film m'a irritée, alors que j'adore d'autres films coréens, en particulier ceux de Kim Ki Duk!


Miriam
Je n'ai pas vu la grand mère comme une belle personne éprise de beauté face à des personnages repoussants. Je l'ai plutôt considérée borderline, sans autorité sur son petit fils caricatural adoré et pourtant horrible, essayant de maintenir une apparence digne alors qu'elle faisait un travail humiliant, personnage complexe dans un monde difficile, cherchant la beauté dans une banlieue banale au mieux.
la poésie n'est pas non plus idéalisée, les réunions "poétiques" sont parasitées par des grivoiseries navrantes, réunions de paumés!
Deuxième réflexion: la féministe en moi n'a pas tilté.
L'horreur du viol, les marchandages des parents, le silence des enseignants, la complicité de la grand mère... tout cela aurait dû me révolter. Un mauvais point pour moi!
Cette société infecte et repoussante (je te cite), Brillante Mendoza l'avait mieux exprimée dans un scénario plus univoque. Mais je ne sais  pourquoi, un scénario touffu qui part dans tous les sens n'est pas toujours pour me déplaire. La réalité elle-même est tellement complexe....

Guillermo Arriaga : Mexico quartier sud

 

Mexico quartier sud, le titre est explicite car c'est bien ce quartier qui est le sujet  de ce recueil de nouvelles de Guillermo Arriaga. Dans  la grande avenue Retorno au sud de Mexico vit une population mêlée. C'est là que Arriaga place ses personnages, le Viking, un enfant à qui la rue a appris la violence, Lilly une jeune fille handicapée, Séraphina, une femme de ménage enceinte, un vieux marin en proie à une insupportable douleur... Mais aussi des notables qui acceptent mal tout ce qui perturbe leur tranquillité ainsi le docteur Diaz qui est un personnage récurrent et sinistre sous ses dehors de respectabilité. Car si c'est la rue qui inspire Arriaga, il nous fait pourtant pénétrer dans les intérieurs des maisons et découvrir derrière les façades fermées la réalité des faits et des actes, une réalité très souvent violente.

La première de ces nouvelles, en effet, intitulée Lilly est d'une telle violence qu'on la reçoit comme un coup de poing. On se demande si l'on sera capable d'en supporter beaucoup plus. Heureusement et d'une manière surprenante, la suivante, La veuve Diaz, est une belle  et triste histoire d'amour contée avec beaucoup d'émotion, tout comme celle de La Nouvelle Orléans, poignante, décrivant la douleur intolérable de ce père dont la fille s'est noyée, ou encore ce petit garçon marqué à jamais par la mort de sa petite soeur, Laura, dont les parents inconsolables ont fait disparaître jusqu'au souvenir dans Le Visage effacé. A côté de ces thèmes de la Mort et l'Amour étroitement liés qui courent dans les nouvelles que j'ai le plus aimées, il y aussi l'image d'une société injuste, terrible et implacable qui apparaît dans d'autres récits : Dans La Nuit bleue le docteur Diaz qui a tué une jeune femme en pratiquant un avortement qu'il savait dangereux marchande avec la police pour acheter son silence. Dans Légitime Défense, le docteur Diaz aide son voisin à se  débarrasser du corps du jeune voleur que ce dernier a tué! Ainsi le meurtre semble bien aisé quand on est riche et considéré face à une police corrompue, et le cynisme des classes dominantes envers les victimes si elles sont humbles et sans appuis paraît sans bornes.
J'ai été frappée par la diversité des sujets et du style de Guillermo Arriaga qui change selon les récits dont j'ai apprécié la force même s'ils ne sont pas tous au même niveau..

 Merci à BOB et aux éditions Phébus